1.
Hey mes Madeleines au chocolat ❤️,
PEACE AND LOVE-
-JFL
***
Billie Fernandez
Je n'aurais jamais imaginé que le père Patrick ait une voiture.
Oui, parce qu'il avait un prénom et que ce prénom était Patrick.
J'admets clairement d'être dans l'abus, mais c'est ce qui me caractérise.
Pour en revenir à cette découverte des plus surprenantes, elle était surprenante. Pas que j'ai des préjugés sur les religieux et leur vision de la vie ... Bon, d'accord, j'en ai.
Et, je pense que cela va s'arrêter car nous ne vivions plus au Moyen-âge. Vraiment.
Il en avait été offusqué lorsque j'avais laissé échapper le commentaire, et ça a dû lui provoquer une montée d'adrénaline car il a démarré comme un fou, et il a conduit comme un fou tout en priant le Seigneur de lui pardonner.
Je lui avais assuré que Dieu le pardonnerait car il m'aidait à sauver Edna.
C'est ainsi que nous arrivons dans l'avenue en question et bien sûr, elle est bloquée.
Ni une, ni deux, nous quittons sa voiture et je me mets à détaler comme une gazelle pour arriver au bon moment. Cette phrase sonne étrangement mais, je suis encore plus choquée lorsque je constate que Père Patrick est encore très physique et qu'il m'ordonne de me dépêcher.
Je le rattrape donc, bien moins épuisée par la course que d'habitude (je ne remercierais pas les personnes qui nous ont enfermés dans ce cube) et évidemment, les passants sont figés par la scène qui se produit.
Je me faufile entre les passants en jouant des coudes et me retrouve devant le passage piéton en question.
Mon souffle se coupe immédiatement. La voiture fonce à vive allure en direction d'Edna qui est comme paralysée et moi, je suis liquéfiée sur place. Tout ce qui m'échappe, c'est son prénom.
Elle ferme les yeux et instinctivement, je veux m'élancer pour la protéger car, personne d'autre n'entreprend de le faire mais, Père Patrick m'attrape le bras, professe des prières que je ne comprends pas.
J'ai soudainement l'impression d'être dans un autre univers.
Tout le monde est figé et/ou accroché à son téléphone pour filmer la scène.
Après des centaines de nano secondes qui me semblent interminables, Edna se décide de rouvrir les yeux alors que la voiture n'est qu'à quelques mètres d'elle et je ne sais par quelle force, elle prend de l'élan en s'abaissant légèrement puis elle bondit sur le capot de la voiture.
Bien entendue avec la vitesse, elle roule sur le toit et finit violemment projetée sur le sol tandis que la voiture freine fortement.
Mon coeur s'arrête tout simplement avant de reprendre à une vitesse d'autant plus folle.
Elle ne bouge pas au sol et je veux à nouveau faire un pas vers elle pour voir si tout va bien même si je sais que c'est le cas, au fond de moi.
En tout cas, je prie que pour ça le soit.
Et mes prières ont été entendues car elle se relève comme si de rien était, court vers la voiture après avoir sorti son arme et avec la crosse de celle-ci, elle brise la vitre teintée de la voiture, déverrouille la voiture et en sort violemment le type qui a tenté de la tuer.
Je ne la reconnais pas...
Aussitôt, la même douleur apparait et j'apprends que ce type est un tueur à gage excellent dans son domaine. Les crimes qu'il a commis son atroce et j'ai un haut le coeur face à ces visions plus vraies que nature. Je vois certains de ses crimes rapidement et c'est le Père Patrick qui me tire de ma vision.
Nous échangeons un regard qui veut en dire long lorsque des sirènes de police retentissent.
Les passants se mettent à applaudir tandis qu'Edna couche l'homme au sol et le menotte en professant des phrases qu'on ne parvient pas à entendre.
Son patron et ses coéquipiers interviennent rapidement, ainsi que le FBI qui demande aux passants de supprimer immédiatement la vidéo de leur téléphone aux risques de se faire poursuivre, bien évidemment, certains ne sont pas contents.
Au loin, je reconnais la sublime rousse, Jessica Shawn qui s'approche d'Edna et lui intime de la suivre.
Elle lâche l'homme qui a tenté de la tuer. Des hommes du FBI viennent le récupérer tandis qu'Edna se fait menotter à son tour par la femme. Les passants commencent à protester face à son arrestation et tout le monde s'interroge sur celle-ci. Edna et madame Shawn se font escorter.
J'hurle son prénom mais, elle ne voit pas d'où le son provient quand ils la forcent à entrer dans la voiture.
— Mon Père, nous devons les suivre. Je veux savoir si elle va bien.
Il me regarde d'une façon dont je ne peux traduire. Il acquiesce et lâche :
— Regagnons ma voiture avant de ...
— Mademoiselle Fernandez ?
Je me retourne vers la voix. C'est un agent du FBI avec ses lunettes de soleil qui datent des années 80 et qui lui font une grosse tête. Je le dévisage tout comme il nous regarde tour à tour, mon Père et moi.
— Oui, c'est moi.
— Pouvez-vous me suivre ?
— Non.
Je n'avais rien fait et tout ce qui comptait pour moi, c'est de savoir si tout allait bien avec Edna.
— Vous allez devoir le faire quand même, dit-il durement.
— Hé ! Tu me parles sur un autre ton ! Pourquoi vous avez embarqué Edna ?! Elle n'a rien fait ! C'est l'autre type qui a tenté de la tuer ! Tout le monde l'a vu !
— Ne rendez pas les choses difficiles et suivez-moi, réplique-t-il froidement. Sinon, je vais devoir vous arrêter.
— Ahhh, ricanai-je, parce que vous me menacez ! Excellent !
Il soupire puis il sort les menottes et m'agrippe par le bras.
— Billie Fernandez, vous êtes en état d'arrestation pour outrage à un agent ...
— Relâche-moi du con ! Je vais porter plainte contre toi, connard !
— Billie ! Calmez-vous, m'intime le Père. Monsieur, relâchez-là, je vous en prie. C'est un malentendu. Elle est bouleversée par la scène qu'elle a vu. C'est sa meilleure amie et ...
— Vous devriez aller vous occuper de vos fidèles mon Père. Je n'aimerais pas vous arrêter. On y va !
Je suis littéralement choquée pendant qu'il m'emmène à la voiture. Beaucoup de regard curieux se portent sur nous ce qui me met mal à l'aise.
C'est la seconde fois de ma vie que je me fais arrêter.
Et ce n'est pas un plaisir.
Il ne me ménage pas en me forçant à rentrer dans la voiture. Je me cogne carrément et le type s'en fiche complètement. Après avoir refermé la porte derrière moi, il se dirige vers l'avant et son co-équipier le rejoint. Il démarre quelques instants plus tard sans se préoccuper de mes insultes à son encontre.
Je grogne de rage avant de m'affaler sur le siège.
***
Edna Fall
Ce qui vient de se passer me laisse sans voix.
J'aurais dû mourir. Vraiment. Dans tous les sens du terme. Ou être au moins dans le coma.
Peut-être que j'exagérai mais, ce genre de choses ne se produisait que dans les grosses productions Hollywoodiennes. L'acteur en ressortait sans égratignure ou blessures quelconques.
C'est pourquoi, une évidence m'apparut : Billie et moi étions les acteurs de leur plan. De leur programme.
Ce que nous allions subir, ils s'en fichaient complètement que ça soit au niveau mental ou physique.
D'ailleurs physiquement, ça n'allait pas trop après le choc que je m'étais pris. J'avais mal partout et surtout à la tête. Subitement, je sens un liquide chaud s'échapper de mon nez et une goutte tombe. Du sang.
Jessica Shawn s'installe à côté de moi, voit mon état et me détache avant de me filer un mouchoir pour faire cesser l'écoulement.
Pendant que je fais ça, j'analyse ce qu'il m'était arrivé. Ce type aurait dû réussir sa mission. Pas que je désirai mourir mais, c'était un homme d'expérience dans ce domaine.
Il fallait que je lui arrange la face à ce fils de chien.
Je renifle bêtement ce qui m'arrache un cri de douleurs. Je souffre de l'intérieur pourtant il n'y a aucune blessure extérieur, mis à part quelques égratignures ...
— Ça va ?
Je porte brièvement mon regard à cette femme aux cheveux de couleur de feu avant de regarder devant moi.
Je n'ai aucunement l'envie de lui répondre. Elle m'a arrêtée comme si j'étais la criminelle. Elle n'a même pas cherché à vérifier mon état et le Chef Taylor doit être totalement fou de rage.
D'ailleurs, je vois une escorte de voiture derrière la nôtre.
— Je comprends votre silence, Edna. Tout s'enchaine sans que vous n'ayez le temps de digérer.
J'ai juste envie de lui foutre mon poing dans la gueule. Ses propos m'énervent plus qu'autre chose, à croire que j'ai le temps de jouer aux devinettes.
Le mouchoir que j'ai, est plein de sang, elle m'en passe un autre que je prends avec agressivité sans la remercier.
— Vous vous ferez examiner dans nos locaux.
— Je veux juste qu'on me relâche, dis-je avec froideur. Je dois interroger l'homme qui a tenté de me tuer.
— Et bien, je vous annonce que nous allons l'interroger ensemble.
Je pivote ma tête vers elle et la dévisage avec colère.
— Sérieusement ? Qu'est-ce qui ne va pas chez vous ? Allez dire à ces gens que je ne veux pas travailler pour eux ! Vous avez vu ce qu'il m'est arrivé ? Vous avez vu comment je ... je perds mon calme ! Vous avez vu ce qu'il m'arrive Jessica ?! m'exclamé-je avec virulence. Je ne suis plus moi. Je ne me reconnais pas et c'est affreux !
Je suis essoufflée par mon bref discours et heureusement qu'il y a une vitre qui nous sépare du conducteur car, je l'aurais probablement attrapé par le cou pour lui faire perdre le contrôle de la voiture afin de pouvoir m'échapper de toute cette mise en scène grotesque.
D'ailleurs, je tape contre celle-ci plusieurs fois avec rage.
Toute cette situation me dépasse et cette perte de contrôle m'effraie plus qu'autre chose.
Je finis le reste du trajet, appuyée contre la vitre de la voiture.
***
Arrivée devant les bureaux du FBI, non loin de Manhattan, c'est à dire à une trentaine de minutes de New-York, on se fait accueillir par d'autres agents. Jessica ordonne je ne sais quoi, alors que je constate les voitures de mon poste arriver et une voiture du FBI d'où sort Billie.
J'avais donc bien entendu sa voix.
Nos regards se croisent et je n'ai pas le temps de lui demander ce qu'elle faisait là, qu'on m'embarque. Nous passons les portes vitrées et la sécurité assez rapidement. J'entends derrière moi les protestations du Chef Taylor.
— Vous allez la relâcher ! Elle n'a rien fait !
— Agent Taylor, calmez-vous ...
C'est toujours cette sorcière qui parle.
Décidément, je ne peux plus me la voir et elle n'est définitivement plus mon modèle.
On m'emmène vers les ascenseurs que nous prenons pour aller dans les étages inférieurs du bâtiment hautement sécurisé.
Les hommes finissent par me faire sortir puis, m'emmènent vers l'infirmerie où on me prend rapidement en charge.
Ce n'est qu'après une trentaine de minutes que le médecin juge que tout va bien mais, il me donne des cachets contre les maux de tête que je prends sur le champ et on revient me chercher pour m'emmener dans une salle d'interrogatoire.
On m'y installe puis je me retrouve seule dans cette pièce froide et bien trop métallisé à mon goût.
Je tente de tirer sur les menottes, dans l'espoir que l'agent l'est mal fermé mais rien n'y fait.
Quelle journée de merde !
Lorsque j'entends la porte se déverrouillait après vingt bonnes minutes, je me redresse sur mon séant et c'est Billie qui apparait avec Jessica.
Un soupir de soulagement m'échappe tandis que je me lève pour l'enlacer.
Je me rappelle que je suis retenue à une table, ce qui ne l'empêche pas de m'encercler de ses bras tandis que la table est légèrement soulevée.
Étrangement, cette folle de Billie m'a manqué et de savoir que tout allait bien pour elle me fait un bien fou.
Elle me relâche avant de mitrailler de questions auxquelles je ne peux répondre.
— Calme-toi Billie ! Je ne comprends rien à ce que tu me dis.
Elle reprend son souffle, me fixe et ses beaux yeux verts s'inondent de larmes.
— J'ai eu peur pour toi.
— Oh Billie !
Je lui assure que tout va bien pour moi.
Du moins, en apparence.
Mais, je savais que dans le fond, ça n'irait pas pour moi.
— Mais qu'est-ce que tu fais là ?
— Ils m'ont arrêté ces stupides gens ! dit-elle bien fort. J'ai failli boxer un agent du FBI. Il était drôlement impoli. N'importe quoi ...
Jessica se racle la gorge pour nous signaler sa présence, puis elle s'avance vers moi pour me détacher.
Je ne la remercie toujours pas, ne voulant pas faire preuve de courtoisie avec elle.
D'un signe de main, elle nous invite à nous asseoir et c'est ce que nous faisons.
— Bien, je vais aller droit au but : on m'a prévenu que vous alliez subir une tentative de meurtre, dit-elle en s'adressant à moi, c'est la raison de la présence du FBI. Il fallait que tout soit contrôle. D'ailleurs, une équipe d'agents spéciaux sont en train d'effacer toutes traces de cet incident.
— Merci de me le dire maintenant, rétorqué-je sarcastique. Ça aurait pu me servir si vous aviez été un tantinet plus rapide.
Je la dévisage avec mépris et Billie lâche :
— Je l'ai vu dans une vision, dit-elle. J'étais à l'église et j'ai vu un type avec un montre de luxe au poignet, en train d'ordonner ta mise à mort ...
Je tourne ma tête dans sa direction, étonnée par ce qu'elle vient de dire et surtout curieuse d'en savoir plus.
— Tu as vu le visage de ce type dans ta vision ?
— Non, répond-t-elle. Il était entouré d'une garde. Il a l'air haut placé, Edna. Et très très riche.
— Vous pourriez nous en dire plus sur ses hommes ? l'interroge Jessica.
Elle répond par le négatif et je décide de l'interroger sur la montre, car cela me rappelle les propos de Tammy. L'un des hommes, qui participé aux meurtres de ces jeunes femmes, portait une montre de fortune.
Elle me dit qu'elle n'a pas vraiment eu le temps de se concentrer sur la vision qui l'avait happé.
— Tu es sûre de ne pas avoir reconnu la marque ? insisté-je.
— La vision m'a prise d'un coup Ed ! se justifie-t-elle.
Je pivote ma tête vers Jessica et lui demande si elle a un téléphone sur elle afin d'aller sur Internet. Bien sûr, elle arbore une mine sceptique, imaginant déjà tout un tas de choses.
— Je veux lui montrer quelque chose. Je ne compte pas m'évader.
Elle sort son téléphone dernier cri, d'une marque qui m'est inconnue et me le tend.
Je vais directement sur la page internet et tape la marque Jaeger-LeCoultre. Leur site s'affiche et je poste l'écran de téléphone devant les yeux de Billie.
— Est-ce que ça ressemble à ce que cette marque propose ?
Elle plisse les yeux et fait défiler les pages tout en étant concentrée sur la tâche.
— Mh ... elle y ressemble, mais ... j'ai l'impression que c'est une Rolex qu'il a finalement. En fait, je suis presque sur que c'est une Rolex.
Je lui prends le téléphone des mains et le fait glisser en direction de Jessica avant de me lever pour me diriger vers le mur, juste dans le but d'y poser mon front dessus.
La fraicheur du métal me fait du bien et me permet de remettre les derniers événements en place ou du moins, les compartimenter dans mon cerveau.
Ainsi, plusieurs idées s'offrent à moi : ce type sait clairement qui nous sommes et prévoit bien évidemment de nous faire disparaitre.
Je suis obligée de souligner qu'il a lamentablement échoué aujourd'hui. Et, j'étais certaine qu'il allait tenté encore une fois jusqu'à réussir.
Aaron a-t-il été réellement présent ou étais-ce le fruit de mon imagination ? Je n'étais plus certaine de sa présence.
Et ce mystérieux gars ... avait-il décidé de changer de montre comme de chemise ou savait-il pour nos possibles « dons » ?
Ce qui rendrait sa recherche d'autant plus difficile ...
— Edna ...
J'éloigne mon front du mur, regarde ma meilleure amie et Jessica qui me lancent un regard plein de sens et de sous-entendus. Alors, je me mets à sourire et reviens à ma place.
— Écoutez Jessica, est-ce que nous pourrions retourner chez nous, après avoir interrogé mon meurtrier, pas meurtrier ?! Si vous êtes réellement en contact avec ce groupe révolutionnaire, dans le but de promouvoir la force des femmes, vous devez savoir que nous avons été enfermées, contre notre gré dans un monde virtuel afin d'y subir des tests et à l'instant où je vous parle, nos familles n'attendent que de nous voir.
Billie acquiesce à mes côtés et adjuge mes propos.
— Je suis d'accord avec elle. On a besoin de repos. D'ailleurs, j'ai travaillé moi. Oh Edna ! Je dois te raconter en plus ! C'était top ! Billie a cartonné comme jamais ! fait-elle en faisant des petits mouvements de danse avec ses bras et ses mains.
Je rigole doucement avant de reporter mon regard à notre tortionnaire du jour.
Elle semble réfléchir puis laisse échapper un soupir.
— Bien. Allons interroger ce type et je vous laisse rentrer chez vous. Mais, je veux vous voir dès demain à la première heure, j'ai des choses à vous confier.
Elle se lève, n'attendant aucunement un retour de notre part. Billie secoue la tête et me confie qu'elle n'apprécie pas réellement cette femme et sa froideur.
— Et en plus, elle est jolie, ajoute-t-elle. Tu penses qu'elle a un mec ?
— Je ...
— Je suis célibataire Mlle Fernandez, répond-t-elle sans se retourner. Je n'ai pas trop le temps de batifoler avec le boulot que j'ai et je n'en ai pas besoin. Il faut connaitre ses priorités dans ce monde.
— Eh bien, Jessica, je me permets de vous appeler Jessica hein, aimer, c'est une chose importante sinon on devient une personne froide, assoiffée d'intérêt, se moquant totalement des émotions et sentiments des autres. On devient un frustré de la vie et ça se voit chez certaines personnes, sous-entend-t-elle.
Jessica se fige avant de reprendre sa marche, certainement piquée par les propos de Billie qui jubile de ses mots.
— Sinon, si on ne se ramène pas demain matin à la première heure, vous nous faites envoyer un escadron d'agents du FBI, en bas de chez nous ?
Je lève les yeux et Billie pouffe comme une gamine. La situation a clairement l'air de l'amuser.
— Exactement Billie. Et vous vous feriez arrêter encore une fois.
Jessica se tourne vers nous puis nous toise avant d'ouvrir la porte.
Nous entrons dans la pièce où nous pouvons voir l'homme expert de la mort au travers du miroir sans teint.
Un frisson me parcourt et tout ce que j'ai subi à partir du moment où le Chef Taylor m'avait parlé d'Aaron, à ma miraculeuse action due à un instinct de survie me revient en pleine face.
Et la sensation de ne pas avoir le contrôle sur son corps ou du moins son esprit est déplaisante.
Je m'entoure de mes bras et Billie me réconforte d'un léger sourire, devinant ce que je ressens.
— Il ne va plus rien te faire. Super Billie est là ! Puis, finalement, ce n'est pas si mal de pouvoir anticiper certains événements. Je crois que je me sens prête à relever le défi qu'ils nous ont donné par la force, appuie-t-elle.
J'esquisse un bref sourire, car je sais bien qu'elle veut agacer Jessica et ça a l'air de marcher puisqu'elle ouvre la porte de la salle d'interrogatoire.
J'entre donc la première et l'homme au trait dur, lève immédiatement la tête dans ma direction. Un sourire lui échappe et il se donne même le plaisir d'applaudir.
— Quelle créature ! Vous avez échappé à l'un des adeptes de l'Ange de la Mort. C'est un plaisir de vous parler.
Une réplique cinglante traverse mon esprit, mais je ne parviens pas à l'énoncer. Je suis comme liquéfiée par la scène qui se reproduit sans cesse dans ma tête.
— Et moi, je suis une adepte de l'Ange de la Torture, connard ! Vous vous prenez pour qui sérieux ? crache Billie en s'approchant de lui. Vous êtes fier de votre palmarès de crimes ?
Découvrir une Billie, pleine d'assurance face à un criminel me surprend et me surprendra toujours. Elle ose même s'asseoir près de lui et de le mépriser du regard.
— Sincèrement mon pote, tu as de la chance qu'elle soit en vie, parce que je te jure que sur la tête du géniteur qui veut réapparaître de ma vie, que tu aurais réellement rencontrer l'Ange de la Mort en personne.
Sa voix est froide et son attitude me déconcerte, mais je n'en fais rien. Jessica décide d'intervenir et se place de l'autre côté de l'homme.
— Je suis entièrement d'accord avec elle Monsieur ...
— Comme vous le voudrez ma jolie. Je suis qui vous voulez.
Il la reluque sans gêne ce qui fait sourire Jessica et sans qu'on s'y attende, elle lui envoie son poing dans la face avec une telle force que la chaise tangue et que le type est clairement sonné.
Elle l'attrape ensuite par le col de sa veste et approche son visage du sien.
— Qui t'a donné l'ordre de la tuer ?
L'homme ricane, la bouche pleine de sang.
— J'ai toujours su que les méthodes des protecteurs de la population civile n'étaient jamais courtoises.
— Pour qui tu travailles ? poursuit-elle.
— Pour l'Ordre Suprême et comme j'ai échoué à ma mission, ce qui ne m'était jamais arrivé en 35 ans de carrière, je préfère mourir mesdames avant qu'il n'ordonne ma mise à exécution.
C'est alors qu'il tire sa langue et montre une gélule qu'il avale en vitesse. Jessica tente de la lui retirer de la bouche mais, il rigole à gorge déployé.
— Vous mourrez mesdemoiselles Edna et Billie. L'Ordre Suprême n'échoue jamais et son plan marchera. À très vite.
Il lance un clin d'oeil tandis que Jessica hurle je ne sais quoi dans sa montre mais, le visage de l'homme prend déjà une autre teinte et de la mousse s'échappe de sa bouche.
Billie me retourne pour échapper à cette vision d'horreur et la seule chose qui me traverse à l'esprit, c'est l'envie de retrouver mes proches et ma vie d'avant.
***
Billie Fernandez
Ils n'ont pas pu sauver ce pauvre type.
Oui, ce pauvre type. Je n'avais et je n'aurais aucun respect pour sa dépouille de meurtrier. Il n'avait même pas les couilles de rester en vie.
Pathétique.
Je repousse mes cheveux à l'arrière avec un soupir de lassitude. J'avais fait une déposition et Edna était en train de faire la sienne. Je l'attendais bien sagement dans le couloir.
Et dire que toutes ces choses que je pensais choquante, ne me faisaient aucun effet. Je n'avais plus si peur que ça. C'était si étrange cette sensation de confiance.
Suis-je toujours la même ?
Je touche à l'endroit de l'implant qui se trouve dans mes bras. Et si je tentais de la retirer ?
L'idée me paraissait tentante aux premiers abords sauf que j'aimais cette nouvelle facette de ma personnalité qui se dévoilait de jour en jour. J'avais la sensation d'être plus forte et davantage prête à supporter des chocs qu'avant.
J'avais l'impression que c'était à mon tour de protéger Edna, qui démontrait une certaine fragilité, qu'elle n'avait montré que quelques fois depuis qu'on se connaissait.
Il fallait que je sois davantage sérieuse et beaucoup plus impliquée, car ce n'était définitivement pas une histoire de quelque jours.
C'était une réelle mission.
Je relève ma tête quand elle sort de la salle. Elle masque ses émotions par un sourire et Jessica apparait.
— Votre patron est toujours là, s'adresse-t-elle à Edna. Je vous raccompagne.
On ne se fait pas prier.
On finit par le retrouver et dès qu'il nous voit, il se lève et d'un geste protecteur, il prend Edna dans ses bras puis en fait de même avec moi, ce qui me surprend d'ailleurs, avant de reporter son attention à Jessica qui ne décontracte pas son visage une seule seconde.
— Elles vont bien, dit-elle.
— Encore heureux. Sinon, vous auriez entendu de mes nouvelles.
Elle ne préfère pas répondre et s'adresse à nous.
— Rentrez chez vous, vous reposer. N'oubliez pas pour demain matin et vous êtes sous secret. Bien sûr, vous êtes sur surveillance, évitons qu'une autre tentative de meurtre se produise. Agent Taylor.
Elle nous lance un dernier regard avant de s'en aller.
Lorsqu'elle disparait de notre champ de vision, Edna demande où sont ses collègues et Anthony lui dit qu'ils les a renvoyé au poste pour continuer à travailler.
— Alors, dites-moi, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
J'échange un bref regard avec Edna qui lui confie que nous ne pouvons rien dire, comme l'a bien stipulé Jessica, ce qui l'agace mais, il ne dit rien.
— Je vous dépose chez vous.
— Ça ira, Anthony. Nous allons prendre un taxi. J'ai déjà gâché ta journée de travail et excuse-moi pour mon comportement, je ...
— Ça va, Edna. J'ai conscience que tu n'étais pas entièrement toi-même. Et, j'insiste pour vous raccompagner chez vos parents.
— Ça, c'est une excellente idée, dis-je.
***
Comme promis, nous arrivons devant la maison d'Edna.
Nos parents sont déjà devant la porte à nous attendre. Mama et tata Eva sortent déjà leurs larmes, comme si nous avions été kidnappées (ce qui est le cas sauf que ça, elles ne le savent pas), Monsieur Idriss Fall reste en retrait et j'ai déjà la haine de voir mon géniteur se tenir auprès de lui.
Qu'est-ce qu'il faisait ici, celui-là ?
Mon bras commence légèrement à me lancer, mais c'est supportable.
Ma mère me bondit dessus ce qui ne me fait plus penser à ma douleur.
— Oh ma chérie ! Qu'est-ce que tu m'as manqué ! Ça va ? Tu vas bien ?
Ma mère enchaîne des mots en espagnol tout en m'examinant de haut en bas.
— Je vais bien. Aie tu me fais mal !
— Ma Billie !
C'est au tour d'Eva de m'enlacer.
Edna et moi, on échange un regard qui signifie qu'elles jouent trop la comédie, puis c'est Zack qui se permet de nous frapper à l'arrière de la tête pour nous dire qu'il allait nous régler notre compte à cause de notre disparition soudaine.
J'étais obligée de lui rappeler notre âge pour le plaisir.
— Le chat n'est pas là, les souris dansent, dit-il malgré tout. Je vais vous faire suivre, vous n'allez rien comprendre, menace-t-il.
Fatima nous sourit et nous échangeons une brève accolade avec elle, après l'avoir vu ce matin.
— Mais bien sûr ! réplique Edna. Salut papa !
Elle se dirige vers son père après avoir salué Hanna tout comme moi.
Évidemment, grand acteur qu'il est, il prend une mine hautaine et nous dévisage avant de nous pointer du doigt.
— Y'a pas de salut avec moi. Vous étiez où, seu-le-ment ? La fugue ce n'est pas de votre âge hein !
Je rigole en même temps qu'Edna et nous l'enlaçons.
— Je suis un peu content que vous soyez revenues, entières. Je dis bien un peu, parce que vos mères là, elles étaient épuisantes ! J'ai bien dit que vous étiez vivantes ! J'en suis sûr que vous avez mangées comme des folles, gourmandes que vous êtes !
Tout le monde explose de rire et j'occulte même le fait que Russell McCarthy se tient immobile et inutile.
— C'est exactement ça monsieur Fall, sourit Edna. On s'est fait un petit road trip ...
— Vous allez nous raconter ça à table, la coupe sa mère. Allez Anthony ! Dinez avec nous ce soir. Les filles ont tant de choses à nous raconter.
— Eh bien je vais vous laisser, lance Russell avec une mine de chien battu.
C'est bien qu'il prenne cette initiative, mais c'est sans compter Idriss qui répète plusieurs fois « Non » qui change la donne.
— Quoi ? Tu restes mon ami. Je sais pourquoi tu fais cette tête là ! Si Billie est insolente, je vais la régler, ne t'inquiète même pas.
— Mais ..., lâché-je.
— Shhhht Billie, fait-il. On va bien fêter votre retour et même si cet homme n'a pas été présent dans ta vie, il faut savoir pardonner et respecter celui dont tu as hérité certaines choses.
Je cherche de l'aide auprès de ma mère, mais bien sûr, elle sourit, heureuse d'avoir le soutien des parents à Edna.
— Papa, tu n'as pas à t'en mêler, me défend Edna. C'est entre elle et cet homme. Enfin ...
— Hé Dieu ! Vous, les enfants d'aujourd'hui, vos bouches là, me dérangent beau-coup. Je vais vous virer de chez moi, vous n'allez rien comprendre. Enfants impolis ! Rentrez vous asseoir au lieu de jacasser là !
Edna me lance un regard contrit tandis qu'Idriss fait entrer ce salopard de géniteur qui doit jubiler de sa mise en scène.
Il m'énerve déjà et mon bras palpite de douleurs comme la colère qui s'insinue en moi.
— Si tu te sens mal à cause de l'implant, dis-le moi et je le vire ! Tant pis pour mon père et sa gentillesse mal placée, me confie-t-elle doucement.
— Je vais essayer de gérer, lui dis-je.
— Billie ? Ton père a été vraiment inquiet pour toi, nous déclare Hanna avant que nous entrions dans la maison. Il n'a pas l'air méchant et il a vraiment l'air de regretter. Et puis, s'il te fait chier, on se concentre sur ce que nos mamans ont préparés. La nourriture résout tous nos maux.
Edna embrasse sa soeur sur le front et elle me communique son soutien avant que nous entrons dans la maison.
Et moi, je prie pour ... peut-être la seconde fois de ma vie que tout se passe bien.
***
— Vous l'avez échappé belle, dit Jessica en pénétrant dans la salle de décision.
La personne, était la dernière personne dans leur QG secret. Elle avait renvoyé tout le monde pour un peu plus travailler sur ses « résolutions de problèmes ».
Elle avait fait quelques contrôles de routine sauf qu'elle avait découvert une chose qu'elle n'aurait pas aimé découvrir.
Alors l'apparition de Jessica Shawn, qu'elle a engagé car son Curriculum Vitae était exemplaire et surtout parce qu'Edna l'avait pour modèle professionnel, ne lui faisait aucun effet.
Sauf, se sentir davantage accablée.
La personne ne relève même pas sa tête face à ses propos.
L'heure est grave.
Ses espoirs sont lentement en train de s'effondrer.
Malgré les améliorations apportées sur les implants, l'une des porteuse n'a pas les meilleurs signes vitaux et malheureusement, la personne est la seule à le savoir.
L'une de ses élues mourra comme les précédentes candidates tandis que l'autre était parfaitement saine et développait même des nouvelles capacités très prometteuses et intéressantes à étudier.
La mutation se produisait chez les deux, mais pas de la meilleure façon chez l'une d'entre elles et c'était horrible.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? Le plan se déroule comme prévu non ? s'inquiète Jessica.
La personne soupire et la regarde. Elle ne sait pas comment aborder le sujet, mais se sent obligée d'en parler avec quelqu'un. Comme si ça allait nuancer les choses.
Jessica insiste, vraiment incertaine de ce qu'elle allait apprendre.
— Dites-moi ...
— L'implant prend beaucoup trop le pouvoir sur l'une d'entre elles. Et les symptômes sont similaires, comme lors du premier essai sur les candidates concernant le programme « Girl Power ».
— Pardon ?
Jessica était sans voix. Pour avoir lu attentivement ce programme et ses risques, l'entente de cette nouvelle la bouleversait, car elle y croyait très fort à ses super-héroïnes.
La personne décide de poursuivre sur les révélations.
— Je viens de contrôler leurs signes vitaux, les signes internes, particulièrement ceux de leur cerveau est ... Ouais ! Il y a une qui mourra pendant le programme ou à la fin, si elle est un peu plus chanceuse.
Jessica laisse échapper un hoquet de surprise et s'assit pour avaler la nouvelle qui ne passe définitivement pas.
Même si elle paraissait froide et calculatrice, elle s'était prise d'affection pour ses deux jeunes femmes très prometteuses à la singularité intéressante et surtout à l'amitié mystérieuse.
Elles faisaient clairement bien la paire et elles étaient un appui pour l'autre.
Alors, savoir que l'une d'entre elles, allait vivre sans l'autre la chagriner sans qu'elle ne comprenne réellement pourquoi.
— Il n'y a pas de solutions ? Il y a forcément une solution ! Elles sont notre espoir. Mais ensemble. Pas l'une sans l'autre. C'est pour cette raison que nous les avons choisies. Elles sont complémentaires !
— Je sais ! Je sais tout ça, Jessica ! s'exclame la personne en colère. Je les ai étudié depuis des années alors je sais tout ça. Elles étaient la paire parfaite. Je ne comprends pas ...
Elle tente de calmer la colère qui l'envahit, mais ce n'était pas facile.
Ainsi, un silence s'impose de lui-même dans cette grande pièce, où elle avait travaillé de nombreuses fois avec les autres membres de ce mouvement de rébellion secrète, face à une société majoritairement machiste sur bien des niveaux.
Une question la taraude et elle finit par la poser :
— Et ... qui va mourir ?
Jessica et la personne échangent un regard qui signifie tout.
Jessica a la réponse.
— Il y a forcément une solution, se dit-elle.
— Je ne peux pas le dire aux autres. Surtout à ...
La personne envoie valser la chaise et repousse sa chevelure à l'arrière.
Ce n'était pas le moment de perdre les pédales. Elle trouverait une solution avant l'heure.
Son plan marcherait quoiqu'il arrive. Elle allait réévaluer tous ses calculs, toutes ses recherches jusqu'à trouver une solution. Elle aurait cette putain de solution !
Elle finit par se maitriser et lâche :
— Jessica, j'aimerais que ça reste entre nous. Mais vous allez m'aider. Vous êtes mes yeux extérieurs.
— Bien sûr que cela va rester entre nous. Faisons comme si de rien était et menons le plus loin possible cette guerre invisible.
— Exactement.
***
« Souvent, je me demande combien je serai prête à payer pour atteindre mon but. Parfois, j'ai presque envie de me déshumaniser pour ne penser qu'à moi et ne pas penser aux autres, juste pour atteindre ce foutu but que je me suis donnée. Parfois, et après mûre réflexion, je me demande comment font ces personnes qui ne lâchent pas l'affaire, tant qu'ils n'ont pas atteint ce qu'ils désirent et j'ai trouvé la réponse : la seule solution pour ne plus penser à cet objectif, à ce désir, il suffit de l'assouvir. C'est dur à admettre, certains utilisent des méthodes qui laissent à désirer, mais ils finissent probablement par dormir sur leur deux oreilles, le sourire aux lèvres, car ils ont réussi là où les gens comme moi, avons échoués, car nous ne voulions pas payer le prix. Alors, je finis par me demander : qui est le plus fort ? Ces gens qui ne lâchent pas l'affaire ou ces gens qui lâchent l'affaire aux moindres obstacles, car leur part d'humanité est beaucoup trop forte ? » JFL.
***
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