Chapitre septième
Sous la lune rougeoyante, les deux aventuriers marchent péniblement. La nuit est définitivement tombée mais ils n'ont trouvé nul endroit où s'installer. Ils décident tout de même de s'arrêter sur le bord de la route, espérant un peu de repos. Au bout de plusieurs minutes, Zoki rompt le silence.
— Tu dors ?
— Non... Je suis inquiet...
— Parce qu'on est au milieu de nulle part ?
— Non, à cause des histoires que j'ai entendues sur ces montagnes...
Zoki se redresse sur un coude, les sens en alerte.
— Tu as entendu ce bruit ?
— Quoi ?
— J'ai cru entendre... Ce devait être un oiseau.
Un craquement, plus proche que ce que Zoki vient d'entendre, fait se relever le géant d'un bond. Un groupe d'étranger les encercle. Ils commencent d'abord à leur parler dans leur langue avant de voir que le duo ne comprend pas un mot.
— Vous... Levez-vous. Venir, suivre. Allez.
Celui qui s'adresse à eux semble avoir un niveau assez restreint de leur langue mais les autres savent très bien se faire comprendre et les invitent un peu brutalement à les accompagner. Au début, ils continuent leur trajet sur le sentier routier mais très vite, ils rejoignent le couvert des arbres et commencent à crapahuter sur un sol inégal et dangereux. D'autant plus dangereux quand on ne voit pas ses pieds. Zoki fait un léger coup de coude à Dvalin.
— Dis, tu les trouves pas un peu bizarres ?
— Tu dis ça à cause de leur accent ?
— Non, c'est juste que... Ils ont l'air de savoir parfaitement où ils vont alors qu'on y voit rien !
— ... C'est vrai... C'est sûrement...
Dvalin déglutit. Il se refuse à terminer sa phrase, laissant Zoki dans l'incompréhension la plus totale. Bien qu'elle le regarde avec insistance, il ne prononce plus un mot jusqu'à ce que le petit groupe arrive dans une clairière aménagée de quelques maisonnettes.
— Comme c'est charmant ! J'ignorais qu'il y avait des montagnards qui vivaient dans ce coin. C'est vraiment incroyable ! Dvalin, finalement, on peut s'estimer chanceux, non ?
— Je n'crois pas, non.
Un type immense au visage émacié vient d'apparaître devant l'écervelée. Son teint incroyablement pâle fait ressortir ses yeux sombres et son sourire dévoile des dents blanches parfaitement pointues.
— Vous avez fait une chirurgie, pour vos dents ?
— Zoki ! Tais-toi, je t'en prie !
— Qu'est-ce que j'ai dit ?
L'homme à l'air maladif se penche sur la jeune femme et souffle.
— Ton ami sait, petite. Nous sommes des vampires. Et nous adorons... ce qui est sanglant. Mais pour l'heure, vous serez nos invités.
Le vampire a pris un air plus joyeux, presque amical, pour énoncer cette invitation. Il ouvre la marche et les mène jusqu'à une petite cabane isolée où il les installe le plus confortablement possible. Une femme leur dépose un plateau repas sans un mot et l'autre reste face à ses deux invités.
— Alors, alors... Dites-moi, vous devez avoir faim ? Mangez, je vous en prie !
— Heu... Merci ?
— C'est tout naturel, voyons ! Mes amis et moi-même nous demandions ce qui vous amenez par ici, loin de tout, dans ce territoire si... hostile aux humains.
— Ah ! C'est une drôle d'histoire ! En fait, j'ai...
Dvalin interrompt son amie en lui faisant signe de se taire.
— Eh bien... Vous êtes donc cachotier, mon bon monsieur ?
— N-non, c'est juste que...
— Qu'est-ce que ça peut changer, vous croyez que nous allons vous laisser partir ?
Les deux compagnons se regardent en silence. Zoki s'exclame alors.
— Ah ça ne va pas du tout ! Vous devez absolument nous laisser partir, vous savez, monsieur le vampire ? On a fait un long trajet jusqu'ici et j'ai une quête à accomplir, moi ! C'est la grande Alfonsa del Romaö qui m'envoie, vous savez ? Non, vraiment, on ne peut pas rester ici ! Le monde part en sucette, vous savez ?
Le débit très rapide de Zoki fait taire le vampire pendant plusieurs minutes avant qu'elle ne s'arrête enfin, à bout de souffle. L'homme élancé ne sachant comment réagir, songe qu'il est préférable de les laisser tranquille tous les deux. Du moins, pour le moment.
Enfermé dans la minuscule pièce, les deux invités forcés finissent par s'endormir et ne se réveillent que le jour suivant, alors que le soleil est haut dans le ciel. Bien sûr, il n'y a personne aux alentours et la porte est fermée à clé. Zoki, de par sa petite taille, espère pouvoir sortir par la fenêtre mais même avec l'aide de son ami géant qui la porte à la bonne hauteur, elle n'y parvient pas.
— C'est pas vrai ! Ça craint complètement ! Imagine, on reste enfermé ici pour toujours ?
— Heu... Zoki... Tu te souviens que le monde est en train de mourir ?
— Aahh... Oui, c'est vrai... Au moins notre emprisonnement ne durera pas si longtemps dans ce cas...
— Mais... Tu voulais l'empêcher... Je peux peut-être essayer de défoncer la porte ?
— Ah, non, surtout pas !
— Quoi ? Il faut bien sortir ! En plus, comme il fait jour, ils dorment !
— Je sais bien mais... Avec l'accident d'hier... J'ai pas envie que tu te blesses davantage, tu comprends ?
— Je t'assure que je vais bien.
— Je suis pas sûre que ce soit une si bonne idée. Admettons, on sort d'ici et après ? Comment on retrouve la route ? On a aucun point de repère, ils auront vite fait de nous rattraper une fois la nuit tombée !
— ... C'est pas faux... Alors on attend la nuit et on négocie ?
— On pourrait essayer... Attends un peu... Il a dit qu'ils adoraient...
— Le sang. Normal pour des vampires. Tu veux quoi ? On leur donne un peu de sang et tu crois qu'ils vont nous laisser partir ?
— Je...
La tête de Zoki lui tourne, comme si elle n'avait pas suffisamment mangé. Au fond d'elle, elle sait que ce n'est pas ça le problème. Il y a autre chose, elle l'a sur le bout de la langue. Elle s'assoit au milieu de la pièce et ferme les yeux, devant un Dvalin déconcerté. Presque mécaniquement, elle se met à psalmodier des mots incompréhensibles.
— Kopara, Bëna, Kopara, Bëna... Kopara... Nita...
D'un coup, elle ouvre les yeux. Ceux-ci brillent d'une lueur étrange, comme s'ils reflétaient une galaxie lointaine. Zoki pousse un hurlement, de ceux que l'on pousse quand on tombe dans le vide. Paniqué, le blond se précipite sur elle, essayant en vain de la réveiller. N'obtenant aucune réponse, il cherche son poul, qu'il finit par trouver. Son cœur bat extrêmement lentement, comme lors d'un sommeil profond. Il comprend alors qu'il ne parviendra pas à l'éveiller et décide d'attendre calmement auprès d'elle.
La journée lui paraît interminable. Enfin, à la nuit venue, Zoki ouvre à nouveau les yeux alors que leur hôte pénètre la pièce.
— Les pêches !
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