Chapitre premier
Alors que les premiers faibles rayons solaires traversent la fenêtre de la chambre de Zoki, celle-ci n'est déjà plus dans son lit. L'étudiante ratée se débat férocement avec sa crinière dans la petite salle de bain attenante.
Dvalin passe sa tête dans l'entrebâillement de la porte en entendant les cris rageurs de son étrange invitée. Mais tout va bien. Le petit-déjeuner servi est avalé en deux bouchées et les deux compagnons s'en vont à l'intérieur des terres de cette île de glace. Et c'est justement le Vatnajökull qu'ils longent sur une distance bien trop longue au goût de Zoki. C'est vrai quoi, elle a hérité d'une partie des dons exceptionnels d'une sorcière exceptionnelle et la voilà obligée de se soumettre aux technologies humaines et à leurs moyens de transport pour le moins chaotique et lent.
Malheureusement pour elle, si une quelconque magie coule bien dans ses veines, elle ne se manifeste qu'à travers d'étranges rêves et quelques idées lumineuses – ou non – qui lui traversent parfois l'esprit.
Dans un dernier effort, la guimbarde de Dvalin rend l'âme. Le trajet jusqu'à la cabane isolée du vieux fou... pardon, de l'extralucide, devra se terminer à pied. Zoki Merlynne n'a pas dit son dernier mot. Sautant à terre prestement, elle emboîte le pas du jeune géant qui lui sert de guide. Entre le sol glissant et le chemin encombré, la route n'a bientôt plus l'air d'une route, ni même d'un sentier. Les deux jeunes gens traversent une terre désolée et probablement infertile, encore que, avec un peu de magie de la Nature Ancestrale, sait-on jamais.
Après un temps de marche qui lui a paru une éternité, l'ex-étudiante atteint enfin la porte de la demeure du vieux Máni. Épuisée par ses efforts, elle laisse le soin à Dvalin de frapper à la porte et entre à sa suite.
[Afin de faciliter la lecture et la compréhension des marmonnages de Máni, l'auteur a pris soin de faire une traduction la plus exacte possible en retranscrivant la conversation qui eut lieu dans ce triste endroit.]
— Bonjour Máni. Je ne pensais pas te voir ici aussi, Snorri. Enfin, je vous présente Zoki, l'étudiante qui loge à la maison.
— Ravie de vous rencontrer monsieur Máni, j'ai beaucoup entendu parler de vous et je suis sûre que vous pouvez m'aider !
— Máni voit les choses. Máni entend les vents qui appellent. Et ceux qui soufflent. Máni a entendu Zoki dans les arbres et dans les glaciers. Et Zoki est venue. Máni sait.
— Vous savez comment je peux me connecter à la Nature Ancestrale ?! C'est formidable, dites-moi tout !!
— Máni sait. Máni est connecté. Máni connaît le secret. Máni entend tout. Zoki a un long voyage à faire. Là, par après les montagnes sanglantes. Zoki arrivera dans des terres nouvelles et trouvera le secret. Máni sait que Zoki reconnectera les gens. Máni sait que Zoki déconnectera le monde. Les racines des arbres pousseront vers le ciel et la lune s'éteindra pour laisser voir l'Univers. L'Univers nous regardera. L'Univers saura. Zoki saura. Car Máni sait.
— Excusez-moi, monsieur Máni, mais les "montagnes sanglantes", c'est par où exactement ?
La jeune femme note scrupuleusement les paroles du vieux fou... sage, pardon. Bien que leur sens échappe aux plus sains des mortels, il semble pourtant d'une évidence à Zoki. Ah ! Alfonsa del Romaö aurait été fière de sa descendante, si elle a bien existé. Snorri, qui est resté en retrait jusqu'alors, sort de la commode en kit un grand rouleau qu'il déroule sur la table au milieu de tous. Une carte du monde se dévoile sous leurs yeux. Ou plutôt, une antiquité approximative qui indique la présence d'îles englouties depuis des siècles et le nom de royaume aujourd'hui disparu. Notamment celui de la Yougoslavie qui, semble-t-il, est le point central de toute cette affaire.
Eh bien soit, si Zoki Merlynne devait aller dans un pays qui n'existe plus afin de découvrir le secret de la Nature Ancestrale, elle irait. Elle jauge la distance indiquée sur la carte quand Snorri l'arrête.
— Le monde a bougé. Mais je sais te rapprocher de ton but. Je devais justement rejoindre le continent, c'est l'occasion.
— Mais tu n'avais pas un texte à terminer d'écrire ?
— Si, justement... C'est de l'autre côté de l'océan que je trouverais la fin de mon récit, Máni me l'a dit.
— C'est pas vrai... Toi aussi tu écoutes ce qu'il raconte ?, intervient Dvalin.
— Hé, accompagne-nous sur le continent, tu verras bien qui avait raison. Et puis, c'est le moment idéal pour toi pour partir, tu crois pas ? Monsieur Snorri, quand partons-nous ?
— At... Attends... Je veux bien venir avec toi mais tu comptes déjà partir ?!
— Oh, calmez-vous les jeunes. Le prochain départ est prévu à la fin de la semaine. D'ici là, préparez tranquillement vos affaires. Nous nous rejoindrons sur le quai en temps voulu.
Mince alors ! L'écervelée... je veux dire, Zoki, se faisait une joie de rejoindre le continent. Elle aurait sans doute signalé qu'elle aurait même fait le trajet à la nage pour ne pas avoir à attendre davantage, mais ça aurait été un peu exagéré.
Snorri dépanne les deux jeunes qui retournent sans encombre au village de Dvalin. La jeune femme, n'ayant que peu d'affaires, referme rapidement sa petite valise. Mais le temps est long et les jours semblent s'étirer. Cette attente est insupportable.
Encore une petite nuit et enfin... Le départ !
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