Chapitre huitième
— Comment ça, les pêches ?
— Mais si, tu sais ! Le présent du mammouth... du manitou !
— Attends, tu as allégé nos bagages et tu as gardé ces trucs ?
— Bien sûr ! Ça avait l'air important...
Dvalin soupire. Zoki est décidément une bien étrange personne. Comment un vieux bocal de fruits tout moches pouvait être important ? Le vampire les observe, circonspect.
— Hem. Je suis là, vous savez. Vous êtes vraiment de drôles d'humains.
— C'est pour vous, monsieur le vampire !
— De quoi ?
La jeune femme sort le bocal de pêches de son sac et le tend vers lui.
— Ce ne sont pas des pêches, ce sont des oranges ! C'est pour ça qu'elles ne ressemblaient pas à des pêches.
— Serait-ce... Ooooh. Quelle merveille !
Le vampire s'exclame avec animation tout en prenant l'objet si précieux à ses yeux. Sans adresser un mot aux prisonniers, il sort et appelle les autres.
— Regardez, mes amis ! Nous avons des oranges ! Des oranges sanguines !
Exclamation générale. Le duo sort de la cabane et assiste à un spectacle des plus fascinants. Les vampires s'extasient chacun leur tour de la présence miraculeuse de ces oranges. Finalement, le plus vieux du village, à la peau toute frippée, s'avance vers les voyageurs égarés.
— Je te reconnais... Je reconnais tes yeux... Tu as les mêmes... C'est elle qui t'envoie, n'est-ce pas ?
— Vous... Vous connaissez Alfonsa del Romaö ?! Incroyable ! Vous devez vraiment être très très vieux !
— Je sais où vous allez... Alfonsa... Il y avait bien longtemps que je n'avais plus entendu son nom... C'était la première que je rencontrais...
— La première femme ? Vous vivez tellement reclus que vous n'en n'aviez jamais vu ?
— Non, la première... neksa... Peu importe, si vous êtes ici c'est pour... ANNA, n'est-ce pas ?
— Je n'ai jamais entendu parler d'une Anna, qui est-ce ? Oh ! Est-ce que ce serait... Ma cousine ? Ou...
— Non ce n'est pas... Aaah... Vous parlez tellement... Suivez-moi, je vais vous montrer.
Excitée comme jamais, Zoki le suit en sautillant, Dvalin derrière elle, mitigé sur le comportement à adopter. Ils entrent dans une maison creusée à même le tronc d'un arbre. Le vieux vampire allume une minuscule lampe à huile afin que ses invités puissent voir où ils posent leur pied. Il les conduit jusqu'à une toile peinte accrochée au mur du fond.
La peinture représente une femme semblable à une dryade, ses bras s'étirent et se séparent en une multitude de branches plus fines. Elle a les yeux fermés, comme si elle dormait. Ce qui frappe Zoki, comme une évidence, ce sont les dessins que forment les plus petites branches. C'est un labyrinthe complexe et pourtant, parfaitement bien rangé. Elle sait qu'elle a déjà vu des choses similaires dans sa vie. Dvalin le remarque également.
— Hé, on dirait...
— Oui, je sais.
La jeune femme répond d'un ton froid à son ami. Ce n'est pas bon signe du tout. Le géant blond essaie de jauger de son humeur, sans y parvenir. Finalement, il pose la question.
— Qu'est-ce que ça veut dire ?
— Que c'est définitivement la fin du monde.
— Mais... On ne peut vraiment rien faire ?
Le vieillard les interrompt avec l'arrivée d'un autre vampire, beaucoup plus jeune. Il a l'air d'un adolescent.
— Je vous présente Vlad. Il vous guidera jusqu'à l'entrée. N'abandonnez pas votre quête.
— L'entrée ? L'entrée de quoi ?
— Triglav, la montagne à trois têtes.
— ... Les trois triangles de mon rêve... C'était donc ça...
Zoki commence à assembler les pièces du puzzle. Elle avait cherché une carte à travers ses rêves mais ça n'avait pas été clair. Maintenant, tout est beaucoup plus clair et beaucoup plus évident ! Elle prend un air décidé et sort d'un pas vif de la maison-arbre.
Le jeune Vlad passe devant elle rapidement afin de la guider à travers la forêt, et à travers les carpates. Leur route risque d'être longue alors ils n'ont pas de temps à perdre. Au bout de plusieurs heures de marche, les trio insolites s'arrêtent dans une minuscule grotte, peu avant le lever du soleil.
— Je suis vraiment désolé que vous deviez attendre ici mais sans moi, vous risqueriez de vous perdre, ou pire encore. En attendant, reposez-vous. Nous repartirons dès que le ciel sera rouge, sous le couvert des arbres, ça ne me fera rien.
— Dites... Monsieur Vlad ? Vous avez l'air vraiment jeune, vous savez ce que vous faites ?
— J'ai cent-six ans. Je connais les carpates comme ma poche. Et puis, l'ancien m'a appris le chemin jusqu'au Triglav. Il m'a dit qu'un jour, ça me serait utile.
— Comment c'est possible, il est voyant ? Comme Máni ?
— Non, pas du tout ! C'est juste qu'il a rencontré Alfonsa, il y a longtemps. Elle l'a prévenu que quelqu'un de sa descendance viendrait un jour.
— Je le savais, c'était une voyante !
— Je... Je n'en sais rien... Je crois que c'est une histoire de sang...
— Les histoires de sang, c'est pas pour les vampires ?
— Quoi ? Non ! Ce n'est pas ce que je voulais dire ! J'ai cru comprendre que son peuple, ton peuple, avait un lien très particulier avec leurs ancêtres. Quelque chose qui circule dans le sang. Une sorte de mémoire génétique ?
— Ooooh. Alors c'est pour ça que j'ai toujours ressenti ce lien si fort avec ma famille et avec elle ? C'est pour ça que mes rêves ressemblent plus à des souvenirs qu'à des rêves ?
— Je suppose, oui. Ce doit être des souvenirs. Peut-être bien des souvenirs d'Alfonsa elle-même.
— C'est à la fois terrifiant et excitant !
Zoki s'assoie contre la paroi de leur abri de fortune, persuadée qu'elle ne parviendra pas à se reposer d'ici le soir même. Ce n'est qu'au bout de quelques heures qu'elle sombre finalement, la tête tombant contre un Dvalin parfaitement éveillé. Ce dernier se méfie en effet de leur guide. Il ne connaît que de mauvaises histoires impliquant des vampires. Mais quand il voit celui-ci s'endormir à son tour, il se détend et rejoint le pays des rêves.
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