Chapitre dixième

Au bout de plusieurs minutes de marche, Zoki arrive à un cul-de-sac. Enfin, pas tout à fait. Devant elle se trouve un immense verrou de coffre-fort. Les lumières bleues qu'elle avait suivies jusqu'ici semblent provenir de cet endroit. Incertaine de la démarche à suivre, la jeune femme empoigne la roue et commence à la tourner, lentement. Étrangement, elle parvient à l'ouvrir sans effort, comme si, une fois lancé, le mécanisme avait agi tout seul.

Derrière l'épaisse porte, une pièce aux allures modernes apparaît. Tout semble immaculé et intact. Il n'y a pas un grain de poussière au sol et les rares meubles ne présentent aucune rayure. La porte se referme derrière Zoki sans un grincement. Peu inquiète de ce qui peut désormais lui arriver, elle jette un œil curieux à cette salle irréelle. Un peu plus loin, dans un renfoncement, une sorte de tableau de bord aux ampoules clignotantes encadre un cercueil en verre.

En s'approchant, la descendante neksä constate qu'une femme aux cheveux châtains clairs repose ici. Elle essaie de comprendre ce que sa présence signifie et finit par poser sa main sur la vitre. Ce geste active un système en sommeil depuis des lustres. Quand elle voit les lumières s'affoler devant elle, Zoki retire aussitôt sa main et recule de plusieurs pas. Un écran au-dessus de la personne endormie s'allume et une série de symboles apparaît, complètement désordonnée. Du moins, pour un œil étranger. Et l'œil brillant de Zoki Merlynne n'est pas tout à fait étranger. Au premier abord, tout lui semble fouillis mais en fixant davantage les signes, elle parvient à déchiffrer une partie du code.

— Éveil de... ANcestrale... NAture... Analyse...

La jeune femme regarde le visage de l'endormie, stupéfaite.

— Alors c'est ça, la Nature Ancestrale ?! Depuis tout ce temps, le rêve que je poursuivais, c'était...

Soudain, le couvercle s'ouvre et la femme se relève, clignant rapidement des yeux. Elle fixe Zoki durant un court laps de temps avant de s'adressait à elle, d'une voix légèrement métallique. Peu à peu, l'impression mécanique disparaît, comme si ses rouages s'étaient adaptés à ce nouveau langage.

— Je suis ANNA. Bonjour, Zoki Merlynne, fille d'Agnès Kapoues et de Peter Merlynne. Descendante d'Alfonsa del Romaö, dernière neksä à avoir été envoyée sur Humbra.

— Qu'est-ce que ça signifie ? Le monde est perdu, c'est ça ? Il n'y a rien qui puisse nous sauver ? Dvalin est mort... Pour rien ?

— Le monde touche à sa fin. J'ai été créé pour le jour où cela arriverait. Je ne peux remonter le temps mais je peux corriger les paramètres initiaux.

— Alors vous êtes vraiment un robot ?

— Pour être plus exact, je suis une intelligence artificielle développée par le peuple des neksän. Ils étaient les êtres intelligents les plus avancés depuis des siècles quand leur monde fut détruit.

— S'ils étaient si doués, pourquoi ils n'ont pas survécu ?

— Je n'ai pas de réponse à votre question, je suis désolée. Ils ont cherché une nouvelle planète habitable et c'est pour cela que je suis ici. Ils sont arrivés bien avant que les hommes ne marchent sur leurs jambes. J'ai été installée ici, au cœur même de la montagne du dieu forgeron afin de... réinitialiser le monde.

— Attendez... le seul moyen de sauver le monde, c'est de le détruire et de tout recommencer ?

— En bref, oui. Même si ce n'est pas exactement ça. Je suis programmée afin que le nouveau monde se développe d'une manière différente, dans le but de durer plus longtemps que sa version précédente. Depuis le lancement du programme, j'ai accumulé de nombreuses données qui ont été soigneusement analysées pendant mon sommeil. Aujourd'hui sera la fin du monde et le début d'autre chose.

— Attendez ! J'ai d'autres questions !

— Je vous écoute.

— Pourquoi Alfonsa était la dernière à être venue ici ? C'était il y a près de 2000 ans, n'est-ce pas ?

— En effet. Alfonsa del Romaö était une scientifique envoyée afin de vérifier la viabilité de Humbra. Malheureusement, l'accueil ne fut pas celui attendu et le dernier message qu'elle adressa à la planète mère fut le suivant : Oubliez Humbra.

— Oubliez Humbra ? C'est tout ?

— En effet. Elle ne donna plus de signes de vie après cela. La décision fut alors prise de supprimer Humbra des terres d'accueil. D'autres questions ?

— Si la planète est détruite, je fais quoi, moi ? Les gens ne savent même pas qu'ils vont mourir dans d'atroces souffrances, je devrais leur dire ? Ou alors les laisser dans l'ignorance ?

— Les habitants ne souffriront pas. Ce sera rapide, quasi immédiat. Ils n'auront même pas le temps de penser qu'ils sont morts, ils seront déjà morts. Quant à toi, Zoki Merlynne, ta quête n'est pas encore terminée.

— Pourtant je suis arrivée jusqu'à vous, la Nature Ancestrale... Que pourrais-je faire de plus ?

— Apprendre. Apprendre aux autres les conséquences de leurs choix et de leurs erreurs. Donner une nouvelle chance, un nouvel espoir à des gens perdus, persuadés d'être sans lendemain.

— Et comment je peux faire ça ?

— Tu trouveras. En attendant, la dernière navette neksä t'attend. Tu n'as pas besoin de la piloter, elle est programmée pour rejoindre une colonie viable, peuplée de toutes sortes de créatures, des réfugiés des mondes, dit-on.

Au centre de la pièce, un cercle de lumière jaillit du plafond et le sol s'ouvre, laissant passer un drôle d'appareil en forme d'œuf. Une porte glisse sur le côté et un siège confortable se présente à Zoki. Son regard passe du l'engin à ANNA à plusieurs reprises. ANNA lui fait signe d'entrer dans la capsule et la jeune femme s'exécute tandis que la voûte au-dessus d'elle laisse place à un ciel de brume ardente. Le monde est en flammes, elle le sait, elle le sent et surtout, elle le voit.

Mais c'est fini. Elle part.

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