Chapitre deuxième
Ce dernier soir, Zoki se poste sur la falaise et observe l'horizon et ses lumières éternelles. Elle soupire et s'interroge. Jusqu'où devra-t-elle aller pour accomplir sa destinée ? La Yougoslavie, c'est vaste... Comment traversera-t-elle le chemin qui lui apportera les réponses ? Comment trouvera-t-elle la force et le courage d'avancer dans l'adversité ? Et si elle échouait dans sa quê...
— Zoki ?
Le géant s'assoit auprès de la jeune femme et la regarde. Il sent qu'il vient d'interrompre quelque chose, mais quoi ? Zoki relève la tête vers lui. Ses yeux brillent d'une lueur étrange.
— Dvalin ! J'ai tellement hâte de partir d'ici ! Non pas que l'endroit ne soit pas charmant, hein... Je sais que tu y as vécu toute ta vie alors, le prends pas mal mais je sens que l'ailleurs m'appelle. Pas toi ?
— Je crois que j'ai attendu ce départ toute ma vie... Il ne reste que quelques heures avant de partir et peut-être jamais revenir.
Un éclat soudain dans le ciel interrompt le calme de leur conversation. Les yeux rivés vers les étoiles, enfin les satellites, Zoki voit l'explosion des cieux comme un nouveau signe avant-coureur d'une prochaine fin du monde. Et c'est à elle de le sauver. Une fumée blanchâtre, loin à l'horizon s'étend, se tord et devient l'espace d'un instant un symbole. Zoki Merlynne le reconnaît. C'est l'emblème qui apparaissait sans cesse dans ses recherches sur Alfonsa. C'est l'emblème qu'elle voit chaque nuit dans ses rêves depuis ses six ans. C'est comme ça d'ailleurs qu'elle a su qu'Alfonsa del Romaö était son ancêtre.
Agitée et excitée, elle tire la manche de son ami en pointant l'affreux nuage qui se dissipe peu à peu.
— Tu as vu ça ?! C'était la marque del Romaö ! Le monde n'attend que nous pour le sauver !
— Heu... Désolé Zoki mais j'ai rien vu, c'est juste la fumée d'une explosion... Ils doivent faire des essais sur l'île artificielle... Enfin, c'est dangereux quand même...
— Mais si ! Je t'assure ! C'était juste là !
La jeune femme se relève et s'apprête à crier et à appeler l'Univers pour lui dire qu'elle est là et qu'elle arrive quand une main velue se pose sur son épaule.
— Zoki est ton nom ?
Elle sursaute et acquiesce, intriguée par l'homme minuscule qui lui fait face. C'est étrange, les gens d'ici sont réputés pour leur grande taille. Celui-là a clairement eu un problème de croissance.
— Je suis Skírnir. J'ai un message de la Lune.
— Vous venez de la lune ?
— Non. Máni te met en garde, Zoki. Il dit que les montagnes sanglantes absorbent ceux qui les traversent. Et tu dois les traverser pour trouver le chemin. Máni dit que du nord tu iras au sud et, ainsi, ton destin s'accomplira. La route est dangereuse là-bas, il m'a confié ce bocal de pêches pour toi.
— Je dois les manger ?
— Tu sauras quoi en faire le moment venu. Garde-les précieusement. Faites bon voyage demain. Bonsoir Zoki, Dvalin.
Skírnir les salue brièvement avant de disparaître dans les ombres de la nuit. Perplexe, Zoki regarde son bocal.
— Elles sont bizarres, ces pêches.
— C'est de la conserve, ça rend toujours les aliments bizarres. Bon, je suis épuisé, tu devrais aller dormir aussi. Bonne nuit Zoki.
— Bonne nuit... Quand même, des pêches...
Allongée dans son lit, les yeux grands ouverts, Zoki attend le sommeil qui ne vient pas. Elle se tourne, ferme les yeux, se retourne. Elle essaie même de se concentrer sur sa respiration mais il n'y a rien à faire : l'excitation du voyage la maintient éveillée. Elle regarde le bocal de pêches posé sur la table de nuit. C'est quand même étrange, comme cadeau de départ. Elle se redresse, allume la lampe de chevet et prend le bocal entre ses mains.
Alfonsa del Romaö aurait sûrement compris ce que c'était. Une énigme, Máni lui pose une énigme. Ou bien c'était seulement un bocal de fruits. Zoki quitte ses draps et range précieusement l'objet dans sa valise, il ne faudrait pas qu'elle l'oublie demain...
Se rallongeant dans le noir, la jeune fille espère que le sommeil ne tardera plus...
C'est d'un sommeil sans rêve qu'elle se réveille, secouée par un Dvalin inquiet.
— Bon sang Zoki, ça fait dix minutes que j'essaie de te réveiller ! Tu m'as fait une de ces peurs !
— Je... Désolée, j'ai eu tellement de mal à m'endormir... C'était bizarre...
La jeune femme se frotte les yeux et se lève. Pendant le trajet jusqu'au quai, elle reste pensive. Pour la première fois de son existence, elle venait de passer une nuit sans rêve. Sans message caché. Et même si pour toute autre personne ça n'aurait rien eu d'inquiétant, pour Zoki Merlynne, c'est une catastrophe. Quelque chose d'énorme arrive et le fait de n'en avoir aucune vision est déjà une vision en soi. Elle le sent au fond de ses entrailles et ça lui donne mal au cœur.
— Salut les jeunes ! Prêts à partir à l'aventure ? Ah ah !
— Snorri, tu sais, j'ai pas mal réfléchi de mon côté et j'ai essayé de superposer la vieille carte à une plus actuelle et...
— Holà, ne t'emballe pas, on a un long trajet à faire ensemble... Je t'expliquerais ce que je sais de la carte de Máni et de votre itinéraire... Dis-moi plutôt, elle a l'air un peu patraque, ton amie.
— ... Elle a mal dormi...
L'étrange trio monte à bord du Hafið-088. C'est un vieux navire du siècle dernier mais il est très résistant. Et finalement, personne n'a réussi à faire de meilleur modèle dans les dernières décennies... À croire que l'avancée technologique est à un point stagnant. La lente traversée commence alors que Zoki s'enferme dans sa cabine pour essayer de dormir et, qui sait, de rêver.
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