POMPÉI : Le dernier jour d'une condamnée.
Chers lecteurs,
Avant de vous laisser lire cette courte narration je tiens tout particulièrement à vous expliquer pourquoi je l'ai écrite. C'était un projet à rendre en cours de latin. Nous devions, à la suite d'un voyage en Italie, choisir un aspect qui nous a marqué et en faire une œuvre d'art, une vidéo, un poème ... (bref, support au choix). J'ai donc choisi l'écriture d'invention.
L'aspect du voyage qui m'a le plus marqué était la visite des ruines de Pompéi et Herculanum (ville tristement célèbre pour les mêmes raisons que Pompéi). Ce n'est pas tant la visite des ruines de ces mythiques cités qui m'a attiré, bien que cela en valût la peine. C'est la vue de ces corps figés dans le temps. C'est pourquoi, j'ai décidé de reconstituer les derniers instants de trois personnes ayant été surprises par l'éruption du Vésuve et ensevelis sous 7 mètres de cendres.
En voici le résultat.
(Je ne tenais aucunement à bafouer leur mémoire, seulement à leur rendre hommage.)
Je vous souhaite une bonne lecture.
AnanaB8
« 8h – Pompéi : La journée du 24 Août de l'an 79 avait commencé comme n'importe quel jour à Pompéi. Ce matin-là, je piochais quelques fruits secs dans une coupe de bronze, lorsqu'une légère secousse venue des tréfonds de la terre- royaume de Pluton- fit tomber la coupe sur mes genoux. Cette dernière renversa son contenu sur le sol. Ce genre de séismes était courant dans notre région, mais jamais de grande importance. Le bruit avait réveillé mon petit Lucius, alors âgé de 8 ans. Je lui souris et le pris dans mes bras pour le rassurer. Je lui racontais une légende locale : ces tremblements si fréquents seraient dus aux querelles entre Pluton, le roi des Enfers, qui vit sous la terre et Vulcain qui protège notre ville par son imposante montagne. « Il n'y a rien à craindre » lui expliquai-je « puisque notre grandiose cité est bénie par les dieux ».
13h – Pompéi : Aujourd'hui, un spectacle de gladiateurs était donné au grand amphithéâtre, au sud-est de la cité. En début d'après-midi, nous nous y rendîmes donc en famille ; moi, Antonia Major, fille aînée d'Antonius, avait pour mari le sénateur Publius Lucius. Je lui avais donné deux fils : le premier s'appelait Publius mais était mort en bas âge, le second s'appelait Lucius et représentait l'espoir de notre famille.
L'imposant amphithéâtre se dressait maintenant devant nous, au milieu d'une vaste zone libre délimitée par des platanes. Devant l'entrée, des vendeurs nous proposaient un éventail de marchandises en tout genre comme des fruits frais prêts à être consommés pendant le spectacle ou encore des éventails aux couleurs vives. Pour accéder à nos places assises, nous montâmes un escalier monumental à double rampe, soutenus par six arcs. Une fois installée entre mon mari et mon fils, je pus apercevoir l'arène, aménagée au-dessus du niveau du sol. Le velum surplombant les gradins nous protégeait du soleil et de la chaleur caniculaire. À l'horizon, le Vésuve... cette montagne seule et isolée. Il me sembla voir un nuage gris vagabonder au-dessus. C'est à ce moment-là qu'une dizaine de gladiateurs entrèrent en scène, boucliers et épées en mains. Ils devaient affronter une cinquantaine de soldats romains à cheval et à l'armure étincelante. Il s'agissait des meilleurs gladiateurs, sélectionnés depuis des mois, dans le seul et unique but de nous divertir, nous offrir un spectacle épique et sanglant. Ceux qui en ressortiraient vivants seraient libérés. Les gladiateurs saluèrent le magistrat qui avait offert et organisé les jeux et reçurent l'ovation du public.
Les combats, qui tournaient à l'avantage des gladiateurs, avaient commencé depuis quelques minutes déjà quand une immense secousse stoppa net le massacre. Je levai instinctivement la tête vers l'origine du bruit et je ne pus retenir un hoquet de surprise. Un nuage plus foncé que les précédents s'élevait de la montagne, annonciateur d'un mauvais présage. Les tremblements ne cessaient de croître en puissance. La foule autour de moi commença à crier et à se lever en chancelant.
- Antonia, lève-toi ! ordonna mon mari. Lucius suis-nous et surtout ne nous perds pas de vue !
Je l'entendis ajouter dans un murmure :
- Et que Vulcain ai pitié de nous.
Alors que nous traversions petit à petit la foule dense et agitée, une deuxième secousse plus puissante que la première me fit chuter. Un gradin en-dessous se fissura et fit basculer en arrière une jeune femme plus jeune que moi. Un « crac » sinistre me fit comprendre qu'elle n'avait sans doute pas survécu à sa chute. Je me relevai et tentai tant bien que mal de rattraper mon mari et mon fils qui ne m'avait pas vu tomber. L'amphithéâtre se fissurait de partout, les gradins, les murs et même le sol de l'arène. Les gladiateurs avaient déjà fuient, profitant du mouvement de panique. Les escaliers au Sud et au Nord de l'arène s'étant effondrés, il ne restait plus que deux escaliers monumentaux placés au nord-ouest et à l'ouest de l'arène.
Grâce à ma mince silhouette et ma vivacité, je réussis à rattraper ma famille. Je saisi la main de Lucius et la serra le plus fort possible. Nous réussîmes à sortir indemne de cette arène en passant par l'entrée nord-ouest. Un grand bruit me fit m'arrêter et me retourner ; les escaliers s'étaient effondrés sur eux-mêmes, abandonnant des milliers de personnes à leur triste sort (l'amphithéâtre ayant une capacité de 20 000 personnes). Je repris ma course effrénée, tentant d'oublier les cris des personnes encore piégée dans l'arène.
- Publius, où allons-nous maintenant ? demandai-je, paniquée.
- Vers le port, nous paierons notre passage avec nos bijoux. Nous devons trouver un bateau sinon la montagne va tous nous tuer !
Je hochai la tête, montrant mon approbation au plan et suivi mon mari en direction du port, tenant toujours Lucius fermement par la main. Les rues étaient sans dessus dessous, les tuiles des toits étaient tombées et rendaient le chemin dangereux. Les séismes constants ne favorisaient pas nos chances d'atteindre le port sain et sauf. Ce n'était pas le moment de se casser une jambe...
Le soleil était désormais caché par un grand nuage noir et des cendres tombaient du ciel. Les murs se fissuraient, les gens tombaient, criaient, pleuraient, priaient les dieux, appelaient des proches perdus dans la foule... Des incendies se déclaraient, dû aux torches ou aux flambeaux tombés à cause des secousses.
Le volcan crachait toujours plus de cendres et des roches enflammées commencèrent à tomber du ciel, détruisant des bâtiments déjà bien endommagés. Certains débris bloquaient le passage, les incendies changeaient des personnes en torches humaines et les cendres nous rendaient presque aveugle.
Alors que le port était enfin à portée de vue, Lucius tomba à genou, toussant à cause de l'épaisse fumée.
- Aller Lucius, nous sommes presque arrivés, l'encouragea Publius en le prenant dans ses bras pour le porter jusqu'au port.
- Papa regardes, dit faiblement Lucius en pointant le port du doigt.
En effet, une marée humaine bouchait l'accès au port et les derniers bateaux étaient déjà partis, nous laissant seuls avec notre désespoir. Des boules de feu atteignaient quelques bateaux malchanceux qui se faisaient engloutir par la mer noire de cendres. Je plissais les yeux pour mieux voir et cru m'évanouir en apercevant une immense vague qui s'approchait vers la côte.
- Demi-tour ! hurlai-je.
Je n'étais pas la seule à l'avoir vu et c'est dans un mouvement de panique que nous fîmes marche arrière. Lucius, dans les bras de son père, pleurait silencieusement pendant que nous courrions pour notre survie. Je vis une petite fille tomber, sa mère tenta de s'arrêter pour l'aider à se relever mais, emportée par le mouvement de la foule, je ne pus que l'entendre crier et sangloter « Relève-toi ! Relève-toi ! » pendant que la petite fille était engloutie par la masse.
La vague géante, envoyée par Neptune pour nous punir de je ne sais quel péché, atteignit le port et détruisit tous les bâtiments aux alentours. Nous continuâmes à courir, longtemps.
C'est alors qu'une pluie de cailloux, certains de la taille d'une tête humaine, commencèrent à pleuvoir sur nous. Lucius était descendu des bras protecteurs de son père pour courir avec nous. Ma respiration était saccadée. Je commençais à ralentir le rythme quand soudain un rocher de la taille de mon poing s'abattit sur la tête de Publius qui tomba à terre, évanoui et la tête en sang.
Je criai son nom inconsciemment. Regardant autour de moi, je vis une maison encore debout. J'ordonnai à Lucius de rentrer dedans et traînai laborieusement le corps de mon mari à l'intérieur. Je fermai la porte derrière moi et m'agenouillai aux côtés de mon époux qui perdait petit à petit tout son sang. Lucius se tenait dans un coin de la pièce, prostré, la tête dans ses mains, se balançant doucement au rythme de ses sanglots. Je m'allongeai contre le torse de mon mari et attendis, toussant à cause de la fumée. Est-ce que c'était la fin du monde ? Pourquoi les dieux permettaient-ils une chose pareille ? La fumée m'étouffant de plus en plus, je m'évanouis... pour ne plus jamais me réveiller.
Voici les statues sur lesquelles j'ai basé mon histoire:
Vous avez dû reconnaître Antonia avec son époux...
Et leur fils Lucius...
* Pour expliquer pourquoi j'ai appelé mon personnage « Antonia Major » :
Les femmes romaines étaient habituellement désignées par leur nom de gens ou gentilice (le nomen de leur père) féminisé : la fille de M. Tullius Cicero se nommait Tullia. À leur mariage, elles ne changeaient pas de gentilice. En cas de confusion possible, on ajoutait une sorte de surnom, parfois simplement Major ou Minor, pour distinguer entre l'aînée et la cadette. Mon personnage étant la fille aînée d'Antonius, elle s'appellait donc « Antonia Major ».
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