24| Hôpital
Une agréable ignorance envahit la sorcière à son réveil.
Reposant sur un matelas aussi confortable que le sol et réchauffée par deux draps légers, Mabel bailla bruyamment avant d'ouvrir les yeux. Elle fut éblouie par la lumière vive du soleil qui filtrait par deux grandes fenêtres à carreaux sur sa gauche. Des rideaux bleu foncé les encadraient et la sorcière fronça les sourcils. Un sentiment déplaisant de malaise s'infiltra dans ses veines.
Elle ne reconnaissait pas la chambre dans laquelle elle se trouvait. Elle reconnaissait seulement les immeubles en briques qu'elle voyait par les fenêtres et qui constituaient la majeure partie du paysage auquel elle avait droit. Au moins, elle était toujours à New York, en déduisit-elle alors qu'elle observait le reste de son environnement.
Les murs de la petite chambre étaient d'un blanc uni, tout comme le sol dallé. Un fauteuil rouge se trouvait sur sa droite, près d'une porte fermée et une autre porte se trouvait en face d'elle. Enfin, une petite commode surmontée d'une plante verte complétait l'ensemble.
Tout était sobre et propre. Comme dans un hôpital.
Mabel s'agita. Une légère douleur se fit ressentir dans son abdomen et alors qu'elle posait sa main sur sa peau recouverte d'une épaisse robe de chambre rose pâle, elle se souvint.
Elle se souvint du combat contre l'Obscurus qui avait tout précipité. Cet évènement lui paraissait si lointain et pourtant, il ne remontait qu'à moins d'un jour. Et dans ce minuscule intervalle de temps avait eu lieu l'horrible révélation de la présence de Grindelwald à New York, se faisant passer pour Percival. Mabel se souvint de son face à face avec le mage noir, puis de sa recherche effrénée de Percival. Son dernier souvenir était celui du sorcier tant convoité, inconscient dans sa chambre d'enfance.
L'image de Percival blessé s'incrusta contre ses rétines. Mabel eut alors l'impression que son matelas se transformait en sable mouvant. Elle aurait voulu bondir hors de ce lit et se précipiter à la recherche du sorcier pour prendre de ses nouvelles, sachant pertinemment que si elle était dans un hôpital alors il y était aussi, mais elle en était incapable. Elle était comme clouée au lit par un sort invisible. Ou plutôt, ce qu'elle comprit un peu plus tard comme étant sa propre culpabilité.
Sentant les remords l'entourer de toute part et refusant d'imaginer l'état dans lequel se trouvait actuellement Percival, si celui-ci avait même survécu depuis que Mabel s'était visiblement évanouie, elle en vint à se questionner sur le moment de sa disparition.
Se concentrant sur les nombreuses tâches noires qui constellaient le plafond, Mabel rejoua dans sa tête les derniers jours et plus principalement, toutes ses interactions avec Percival. Ou devrait-elle dire Grindelwald.
Elle pouvait facilement placer la présence du mage noir jusqu'à la nuit qu'ils avaient passé ensemble chez elle, il avait lui-même avoué sa présence à ce moment-là. Elle se doutait donc qu'il se faisait déjà passer pour Percival lors de la mission qu'ils avaient partagé le matin-même, celle qui les avait fait se retrouver de nouveau face à l'Obscurus. En tenant compte de ces deux certitudes, l'hypothèse de Mabel plaça le kidnapping de Percival à la soirée précédent la mission, soit quatre jours auparavant.
Elle se souvenait parfaitement bien avoir rejoint le sorcier américain dans son bureau pour le retrouver, comme souvent, plongé dans son travail. Elle avait tenté de le convaincre de rentrer avec elle. De passer une soirée loin du travail, pour une fois, mais il avait refusé. Mabel reconnaissait bien, dans ce comportement, le professionnalisme à toute épreuve du sorcier et était ainsi convaincue que l'attaque ne pouvait s'être passée que peu de temps après leur entretien.
Comme si elle ne s'était pas sentie suffisamment coupable et inutile, cette révélation eut l'effet d'amplifier ces sentiments dévastateurs. Elle sentit son corps se crisper à l'idée qu'elle aurait pu éviter tout cela. Que si elle avait insisté un peu plus, Percival aurait pu repartir avec elle et ainsi éviter tout ce qui avait suivi.
De la même manière, elle redoutait que cet échange dépité, soit leur dernier. Ce soir-là, elle ne lui avait même pas dit qu'elle l'aimait et cela la dévorait de l'intérieur. Elle était si éperdument amoureuse de lui que tout son corps se contractait de douleur à l'idée de le perdre. Néanmoins, elle restait immobile dans son lit, à contempler le plafond d'un air absent. Ce fut ainsi que Netanya la trouva.
Le visage de son amie s'illumina aussitôt, détournant l'attention de ses cernes marquées.
— Tu es réveillée, souffla-t-elle.
Le soulagement se lisait sur ses traits. Elle vint se poster près du lit de Mabel et serra tendrement sa main.
— Curtis sera tellement soulagé, il était si inquiet en te quittant hier soir, indiqua Netanya d'un ton distrait.
— Hier soir ?
Mabel sentit ses cordes vocales lui résister et sa voix sortit rauque et cassée. Netanya lui tendit un verre d'eau que Mabel engloutit.
— Oui, tu es restée inconsciente toute une journée.
— Je ne comprends pas...
— Tu étais gravement blessée, Mabel, réprimanda Netanya gentiment. La médicomage n'est pas encore venu te voir ?
Mabel posa sa main sur son abdomen. La douleur était faible mais la britannique se rappelait très distinctement la douleur qui l'avait suivi tout au long de sa recherche de Percival ainsi que les coups de poignard qu'elle avait ressenti avant de s'évanouir. Mais rester inconsciente toute une journée... Elle n'avait pas imaginé que cela était si grave.
— Dis-moi tout.
Netanya se passa une main sur le visage. Elle recula pour s'asseoir sur le fauteuil en tissu rouge et déboutonna son gilet épais pour déposer sa main sur son ventre légèrement rebondi.
— Tu te souviens du moment où tu as retrouvé le directeur Graves ? demanda-t-elle. (Mabel fit oui de la tête.) C'était hier matin. Peu de temps après que tu sois entrée dans la maison, le MACUSA a répondu à mon appel. Alors que je les aidais à embarquer les sbires de Grindelwald, j'ai entendu Curtis appeler à l'aide. Je me suis précipitée à l'intérieur de la maison et c'est là que je t'ai trouvé, totalement inconsciente et semblant dans un très mauvais état. Curtis était paniqué, il ne savait pas ce qu'il t'était arrivé. On t'a transporté immédiatement à l'hôpital pour sorciers le plus proche. Les médicomages se sont aussitôt occupés de toi. Ils t'ont préparé plusieurs concoctions pour te soigner mais tu étais dans un état lamentable. Ton foie... (Netanya s'arrêta pour secouer la tête.) C'était grave. Tu avais une longue déchirure qui provoquait une hémorragie interne. Tu aurais pu en mourir, Mabel. Ce n'est pas pour rien que tu es restée inconsciente aussi longtemps...
Une hémorragie interne ? Mabel baissa les yeux sur son abdomen. Avait-elle délibérément laissé son état s'aggraver à cause de sa culpabilité ?
— Je suis désolée.
La sorcière ne put rien dire d'autre. Elle voyait bien l'état dans lequel était son amie. Elle n'osait imaginer la panique qu'elle avait dû ressentir à attendre que les médicomages la soigne et qu'elle se réveille.
— Pourquoi n'as-tu rien dit ? lui demanda cette dernière. Tu devais pourtant savoir que ça n'allait pas. Tu devais le sentir.
— C'était supportable.
Netanya baissa les yeux sur ses mains.
— Ne refais plus jamais ça, d'accord ? Tu nous as fait vraiment peur.
— Ce n'est pas ce que je voulais, s'excusa pitoyablement Mabel qui fit un geste dans la direction de son amie.
La douleur s'amplifia et fit retomber l'Auror sur son lit dans un grognement.
— Ne bouge pas, tu n'es pas entièrement guérie. Tu dois encore recevoir une autre concoction dans l'après-midi.
— Combien dois-je en recevoir encore ?
— Seulement une. D'ici demain matin, tu seras guérie. Si tu ne forces pas, bien sûr.
Le cerveau de Mabel fit aussitôt le calcul : elle devait donc passer encore une journée alitée. Le soulagement qu'elle ressenti à cette nouvelle la fit se détester plus qu'elle ne le faisait déjà. Cela voulait-il dire qu'elle préférait être coincée dans ce lit d'hôpital plutôt que de retrouver celui qu'elle aimait ? La réponse était oui.
Qu'est-ce que cela peut bien dire sur moi ? se demanda-t-elle aussitôt avant d'être frappée par la réponse. Que je mérite de souffrir.
La sorcière se renfrogna sur elle-même. Peut-être aurait-elle dû succomber à sa blessure.
— Tu te souviens de la façon dont tu t'es blessée ? l'interrompit Netanya.
— Lors de notre descente dans le bar de Gnarlak, répondit Mabel sans hésiter.
Elle se souvenait de la violence du coup qui l'avait plié en deux et l'avait empêché d'appréhender Goldstein.
Netanya sembla attristée. Probablement à l'idée que Mabel avait décidé de rester deux jours entiers sans soin et s'était donc ainsi mise en danger consciemment.
Les deux sorcières se terrèrent dans le silence. Mabel retourna à sa contemplation du plafond taché, son ciel étoilé bas de gamme, tandis que Netanya ne la quittait pas du regard.
— Qu'y a-t-il ? finit par demander Mabel en ne détournant pas le regard.
— Tu ne vas vraiment pas me le demander ? Après tout ce que tu as fait pour lui ? s'insurgea son amie dont l'incompréhension s'écoulait de sa bouche.
Mabel ferma les yeux.
Elle essaya de se convaincre qu'elle ne voulait pas de nouvelles du sorcier mais quand Netanya reprit la parole, son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine.
— Il est toujours en vie.
Mabel rouvrit les yeux.
Le soulagement s'empara d'elle et sembla l'extraire des sables mouvants de son lit.
— Est-ce qu'il... va bien ?
Mabel hésita à demander s'il avait cherché à la voir mais se reprit à temps. Pour ce sujet, elle savait qu'elle ne souhaitait pas avoir de réponse.
— Il est toujours inconscient. Il semble subir les effets d'une potion de sommeil extrêmement puissante. Personne ne sait vraiment quand il finira par se réveiller.
Une potion de sommeil ? Mabel en fut la première étonnée. Elle se demanda ce qui avait poussé Grindelwald à endormir Percival. Était-ce pour le rendre plus docile à son réveil ou simplement pour l'empêcher d'utiliser sa magie ? Car elle se demandait de plus en plus si le rêve qu'elle avait eu n'avait pas simplement été une manière pour Percival de communiquer avec elle, de la prévenir du danger. Et dans ce cas-là, en révélant la nature de son rêve à Grindelwald, Mabel avait directement provoqué la situation dans laquelle se trouvait Percival actuellement.
— Et ses blessures ? demanda-t-elle aussitôt pour ne pas rajouter une ligne de plus à sa longue liste de raisons pour lesquelles elle se détestait déjà.
— Elles ont été soignées. Il ne devrait pas avoir de séquelles.
Mabel se fit un rappel mental de remercier le médicomage qui s'était occupé de Percival car elle se souvenait des blessures profondes de ce dernier, que ce soit à l'arrière de son crâne ou à sa cuisse, ainsi que de la quantité importante de sang qu'il avait perdu. Cela n'avait pas dû être facile de le soigner. Surtout après qu'il soit resté si longtemps dans une chambre poussiéreuse et sale. Une chambre qui, en plus de cela, avait dû réveiller de douloureux souvenirs en lui.
Elle expira fortement par la bouche.
— Je te remercie, fit Mabel en direction de son amie.
— J'ai encore quelque chose à te dire.
Mabel se tourna vers son amie. La trentenaire semblait apaisée.
— J'ai démissionné ce matin.
Sans s'en rendre compte, Mabel sourit. Elle savait à quel point cela devait faire du bien à Netanya d'avoir enfin quitté le rang des Aurors, surtout après les évènements récents.
— Je suis contente pour toi.
Netanya la remercia d'un signe de tête.
— Isaac et moi déménageons dans quelques semaines.
— Où comptez-vous aller ?
— Près de Winnipeg, au Canada. Je t'enverrais l'adresse quand nous serons installés. J'espère que tu pourras nous rendre visite. (Netanya joua distraitement avec ses doigts avant d'ajouter.) Tu pourras venir accompagner de Graves si tu le souhaites.
La consternation de Mabel avait dû se refléter sur son visage car son amie ajouta :
— Je ne me fais pas de soucis pour la « situation », expliqua-t-elle en montrant son ventre du doigt. Il ne pourra rien faire une fois que nous serons au Canada et puis, je ne pense même pas qu'il le tenterait.
Mabel acquiesça, honteuse de ne pas y avoir pensé quand son amie avait mentionné cette opportunité. Elle était bien trop focalisée sur ses problèmes pour penser à ceux de Netanya. Après tout, elle pensait fortement que, d'ici quelques semaines, elle n'aurait probablement plus aucun contact avec le sorcier qui avait partagé sa vie.
Sentant les larmes picoter ses yeux à cette pensée, elle hésita à dévoiler ses sentiments à son amie. Elle tourna l'idée plusieurs fois dans sa tête avant de se décider à le faire. Après tout, Netanya avait été très compatissante lorsqu'elle avait appris les problèmes de Mabel. Elle espérait donc qu'elle saurait l'être tout autant ici et si possible lui fournir de bon conseil car la britannique ne savait plus où elle en était et la peur qui lui rongeait l'estomac l'empêchait de penser correctement. Elle fit donc rapidement de l'ordre dans ses idées et alors qu'elle venait de trouver la bonne manière d'introduire ses émotions contraires à son amie, la porte de sa chambre s'ouvrit doucement.
Le visage fatigué de Curtis apparut.
— Hey, fit-il d'un ton peu assuré.
Sa main fit un rapide salut alors qu'il restait figé dans l'entrebâillement de la porte.
— Ne reste pas planté là, rentre, proposa Mabel d'une voix qui s'était voulu légère mais masquait difficilement la culpabilité qu'elle ressentait.
Curtis s'exécuta d'un pas hésitant et referma la porte derrière lui. Les bras ballants, son regard passa entre Netanya et Mabel et les sorcières y lurent une profonde tristesse.
Mabel eut aussitôt un fort réflexe maternel et, avec un sourire invitant, ouvrit les bras. Le jeune homme ne se fit pas prier et vint s'y réfugier.
— Je suis désolé, Curt'. Je n'ai pas réfléchi, entama-t-elle aussitôt en lui caressant le dos.
Le jeune sorcier l'enlaça plus fort et Mabel ignora la douleur qui perçait ses organes. Elle sentait bien que son ami avait besoin d'être rassuré. En seulement une petite journée, il avait failli la perdre, elle, et avait aussi dû dire adieu à Netanya, qui venait d'avancer son départ du Congrès d'un mois. Pour lui, orphelin, sa famille était son équipe et il venait de perdre deux de ses membres.
Quand il se détacha finalement d'elle, il s'excusa :
— J'espère que je ne t'ai pas fait mal, ta médicomage m'a pourtant dit que tu n'étais pas encore entièrement remise.
— Tout va bien, mentit Mabel en se rallongeant tandis que Curtis allait prendre place sur le bras du fauteuil de Netanya. Cette dernière déposa sa main sur l'avant-bras du sorcier.
Toujours légèrement tremblant, il confessa :
— J'aurais probablement fait la même chose que toi, tu sais. Si l'une de vous deux avait été en danger, j'aurais tout fait pour vous retrouver. Quitte à me mettre en danger.
Il renifla sous le regard attendri des deux sorcières et se sentant vulnérable, il détourna le sujet, regagnant par la même occasion un léger sourire :
— J'ai refusé très longtemps d'y croire, tu sais... À ta relation... Netanya n'avait aucun doute mais personnellement je ne pensais pas que c'était possible.
— Comment ça ? demanda Mabel avec prudence alors que ses deux amis échangeaient un regard complice.
— Vous n'étiez pas aussi discrets que vous le pensiez. Enfin si mais pas aux yeux des personnes proches de vous. Comme moi et Netanya, expliqua-t-il. J'avais encore quelques doutes mais ils ont vite disparu quand je t'ai vu paniquer dans le métro...
Mabel écarquilla les yeux et Netanya en profita pour approfondir :
— Ce n'était pas aussi évident que le laisse sous-entendre Curtis. Il fallait bien vous observer. Personnellement, j'ai commencé à avoir des soupçons à la fin du mois de novembre. Tu restais au Congrès de plus en plus tard et un soir, craignant que tu te sois remise à la recherche de Grindelwald, je t'ai espionné, avoua la sorcière avec honte. (Elle se frotta la nuque nerveusement.) Ce soir-là, je t'ai vu pénétrer dans le bureau de Graves. Il était tard et il ne restait pratiquement plus personne dans le bâtiment. Quelques minutes après, vous êtes sortis ensemble. Je ne saurais pas l'expliquer mais vos rapports étaient différents. Il n'y avait rien d'évident. Vous parliez de magie, vous étiez suffisamment éloignés l'un de l'autre pour qu'il n'y ait aucun malentendu mais j'ai quand même senti quelque chose passer entre vous. Une complicité qui n'était pas là auparavant. Après ça, je vous ai observé plus attentivement. Tu étais de bien meilleure humeur en général, comme si tu étais sur un petit nuage, ton attention devenait volatile aussitôt que tu te trouvais dans la même pièce que lui mais surtout, à chaque fois que vous étiez proche physiquement, vous aviez cette façon de pencher l'un vers l'autre. Comme deux magnets. C'est ce qui m'a convaincu.
Mabel était sans voix. Même avec tous leurs efforts, ils avaient été découverts. Bien sûr, les indices de Netanya étaient faibles mais cela n'empêchait pas qu'elle avait tout compris.
— Tu es très bonne détective, admit Mabel. Est-ce que d'autre personnes étaient au courant ?
— Avant, non mais désormais...
Curtis fit une moue désolée.
— Hier midi, une équipe a été envoyé chez Graves pour essayer de trouver des informations que Grindelwald aurait pu laisser derrière lui. Dans leur recherche, ils ont trouvé de nombreux indices témoignant d'une présence féminine dans son appartement. Donc forcément, quand ils sont tombés sur des parchemins à ton nom parmi de vieux courriers, cela a été plutôt facile de faire le lien. Surtout après ce que Grindelwald avait dit dans le métro.
Curtis détourna aussitôt le regard, gêné.
Mabel déglutit. Donc, leur relation était dorénavant connue de tous. Mabel avait souvent pensé que cela serait plus facile pour eux, de ne plus avoir à se cacher mais maintenant qu'elle se trouvait dans cette situation, elle redoutait de croiser un autre employé du Congrès. Qui sait quels commentaires désobligeants avaient été prononcés sur elle et sur sa relation avec son supérieur.
— Ils se lasseront vite. Tu sais comment les ragots marchent. Tout le monde en parle pendant quelques jours puis ça se tasse. Essaie de ne pas trop y penser, encouragea Netanya.
Malgré ce bon conseil, Mabel eut du mal à ne pas le faire. Elle imaginait sans cesse quelles seraient les conséquences pour cette relation inédite et non réglementaire. L'emprisonnement ? Le renvoi ? Les deux ?
Le reste de la journée se déroula donc en trame de fond de ces pensées lugubres entrecoupées certaines fois par quelques discussions légères avec ses deux amis qui refusaient de la quitter. Ils discutèrent principalement des préparatifs de Netanya pour son départ mais aussi de la situation au Congrès relatée par Curtis. Quand Isaac vint récupérer Netanya, Mabel leur demanda :
— Est-ce que vous pourriez récupérer Oscar chez moi ? Il doit être totalement paniqué.
Son petit boursouflet avait dû passer les deux dernières journées tout seul et même si Mabel savait qu'il ne manquait pas de nourriture, elle s'inquiétait tout de même de l'effet de la solitude sur ce petit être.
— Je te l'amènerai demain matin, offrit Netanya.
Mabel acquiesça et son amie disparut dans les couloirs de l'hôpital avec son mari. La médicomage en charge de Mabel donna enfin signe de vie une heure après son départ.
Le soleil commençait à descendre dans le ciel quand elle entra dans sa petite chambre d'hôpital. Curtis sursauta et se levant d'un bond, la salua avant de sortir de la chambre pour leur laisser de l'intimité. Mabel s'étonna de son comportement mais se concentra sur la jeune femme.
— Mabel Cole, lésion hépatique, fut ses premiers mots alors qu'elle coinçait une mèche de ses cheveux courts noirs derrière son oreille pour lire le parchemin qui flottait devant elle. Je m'appelle Nevaeh Atkins, je m'occupe de vous. Comment vous sentez-vous ?
Elle s'approcha du lit avec un sourire chaleureux qui détendit quelque peu Mabel.
— Mieux. La douleur n'est plus aussi forte qu'avant.
— Mmh, c'est bon signe. (Elle fit claquer sa langue et une petite fiole apparut dans un nuage de fumée orange foncé au creux de sa main. Elle retira le petit bouchon qui fermait le flacon et le tendit à Mabel.) Tenez, buvez-ça. Le dosage est fort donc il n'est pas étonnant que vous tombiez de sommeil dans peu de temps mais l'avantage c'est que vous vous réveillerez demain en pleine forme.
— Dans ce cas, est-ce que vous pourriez dire à mon ami de rentrer chez lui ? Il a passé la journée avec moi, il a besoin de se reposer lui aussi.
La médicomage d'une vingtaine d'années hocha la tête.
— Je ferai passer le mot.
Mabel jeta un dernier regard à la porte de sa chambre avant d'engloutir la potion. Un goût prononcé de pissenlit lui fit plisser le nez.
— Je sais, le goût n'est pas agréable, s'excusa la médicomage en reprenant la fiole. Reposez-vous maintenant.
L'effet ne se fit pas attendre et Mabel sentit ses paupières tomber sur ses yeux dans les secondes qui suivirent. Son corps devint lourd et elle se laissa emporter dans un sommeil réparateur en sachant pertinemment que la journée du lendemain mettrait tout son être à rude épreuve.
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