22| Grindelwald

Le choc qui s'empara de Mabel fut si fort que ce fut comme si son cerveau et son corps avaient décidé, d'un commun accord, de cesser de fonctionner.

Ses yeux, cependant, continuaient d'enregistrer la situation.

Elle vit Grindelwald agenouillé à terre, dont la peau pâle se fondait sous ses cheveux couleur de neige, dévisager la présidente d'une expression hautaine et dangereuse.

Puis Curtis, dont la peau foncée contrastait avec celle de l'autre sorcier, venir se placer devant elle.

Mabel se sentit reculer sans savoir comment ses pieds pouvaient bouger alors même qu'elle ne leur en donnait pas l'ordre. Deux rangées d'Aurors reprirent leur place entre elle et le mage noir et ce fut comme si son cerveau reprenait vie.

Elle le sentit se mettre en marche doucement puis accélérer, brûlant tout ce qui lui passait sous la main comme une locomotive dévorant du charbon. Il réécrivait l'histoire, lui donnait du sens. Cependant, quand Curtis réussit à récupérer l'attention de Mabel, cette dernière était toujours aussi perdue. Son regard vide et désorienté, tout comme son être, sembla faire paniquer son ami qui posa ses deux mains sur les joues de la sorcière.

— Reste avec moi, Mabel.

— Où... où est-il ? articula cette dernière difficilement, sa voix presque inaudible sous les murmures des Aurors à quelques mètres d'eux qui étaient captivés par la scène qui se déroulait de l'autre côté du quai.

— Où est qui ? demanda Netanya avec douceur en s'approchant de la sorcière.

Elle remit une mèche de cheveux noire derrière l'oreille de Mabel tout en lui souriant chaleureusement.

— Percival, où est-il ? répéta la sorcière, perdue.

Le regard de Mabel était plongé dans celui de Curtis mais c'était comme si elle ne le voyait pas. Elle força son corps à reprendre vie.

Elle devait le retrouver.

Elle l'avait aperçue, seulement quelques minutes auparavant, mais il avait disparu. Elle s'inquiétait. Elle ne comprenait pas. Un brouillard régnait dans son esprit et des souvenirs incohérents lui soufflaient une histoire qu'elle refusait de croire.

Elle s'agita. Curtis retira ses mains du visage de la sorcière pour les faire glisser sur ses cheveux rasés courts. La bouche ouverte, il semblait pris de panique, et Mabel interpréta faussement son expression.

— Qu'y-a-t-il ? Curtis ? Parle-moi !

La britannique agrippa le bras de son ami, toute son inquiétude se reflétant dans sa poigne dure.

Il y avait un problème. On lui cachait quelque chose. Cela concernait Percival, elle le sentait. Le visage de Grindelwald apparut devant ses yeux, comme si cela était la réponse à sa question, mais elle chassa aussitôt cela de ses pensées. Cela n'avait aucun sens et puis, de toute façon, elle ne pouvait pas se fier à son esprit, il lui avait trop souvent joué des tours.

— Mabel, Grav- Percival n'est pas là, répondit Netanya doucement, en semblant buter sur le prénom du sorcier.

Mabel fronça les sourcils. Elle jeta un regard inquisiteur à Curtis, qui semblait sans voix et dont le désespoir était évident, avant de ramener son attention sur Netanya.

— Ce n'est pas possible. Il était là, je l'ai vu.

— Ce n'était pas lui.

Mabel dévisagea son amie, ne comprenant pas pourquoi celle-ci s'entêtait à lui mentir et aussi pourquoi Curtis restait aussi silencieux. Pourquoi n'arrivait-elle pas à comprendre la situation ? Pourquoi son cerveau refusait-il de lui révéler la vérité ?

Elle se souvenait parfaitement de la présence de Percival sur ce quai. Puis, il avait disparu. Cela n'avait aucun sens. Une personne ne disparaissait pas comme cela.

Elle se frotta les tempes, sentant que quelque chose lui échappait, avant qu'une résolution ne prenne forme dans son esprit. Une résolution si forte qu'elle en éclipsa toutes autres pensées.

— Il ne doit pas être loin. Je vais le retrouver.

Mabel posa son regard sur les escaliers derrière Curtis. La sortie. Elle allait sortir par-là, puis... Puis, elle... Une petite voix l'interrompit, lui soufflant qu'elle ne le trouverait pas. Ni ici, dans cette station de métro, ni ailleurs, car il n'avait jamais été présent. Elle secoua la tête, le regard perdu dans le vide, quand Curtis la prit dans ses bras. Il la serra si fort contre son torse que Mabel en perdit le fil de ses pensées incohérentes.

— Mabel, écoute-moi, finit-il par dire en plantant son regard dans le sien tout en la gardant prisonnière dans ses bras, Percival, il n'a jamais été là. Tu dois le comprendre. Ce n'était pas lui sur le quai, c'était-

Il ne finit pas sa phrase. À la place, il lança un regard interrogateur à Netanya et Mabel se rendit compte que son cœur battait avec affolement dans sa poitrine, comme s'il savait déjà ce que Curtis allait lui dire mais redoutait de l'entendre. Mabel posa sa main au-dessus de son sternum, s'attendant au pire.

— C'était Grindelwald, finit Curtis.

Ses yeux marrons foncés vrillèrent ceux de la sorcière. Mabel enregistra le nom du mage noir. Une série de scènes défilant en même temps devant ses yeux : Grindelwald dans cette clairière de Minsk, entouré de brouillard ; Grindelwald de dos dans cette petite ruelle de New York ; Grindelwald à genoux sur le quai du métro.

Le premier souvenir était réel, le deuxième ne l'était pas. Qu'est-ce qui lui prouvait que le dernier l'était ? Elle n'avait aucune raison d'y croire. Cela pouvait être une illusion de plus de son cerveau. Grindelwald n'était pas là, tout comme il ne s'était pas trouvé dans cette ruelle de New York au début de l'été. Elle hallucinait. Bien sûr, qu'elle hallucinait. Rien de tout cela n'était vrai. Il fallait qu'elle retrouve Percival, il saurait la faire reprendre pied.

— Je dois retrouver Percival, marmotta-t-elle pour toute réponse.

Elle tenta de se dégager de l'emprise de Curtis. Sa respiration était irrégulière. Elle sentait les murs se resserrer autour d'elle. La panique la rongeait de l'intérieur. Comme pour se rassurer, elle marmonna :

— Ce n'est qu'une hallucination, Grindelwald n'est pas vraiment là. J'ai simplement dû m'emmêler les pinceaux. Je vais rentrer chez moi et Percival sera là. Je le sais... Il le faut.

Tremblante comme une feuille et en proie à la panique, elle repoussa Curtis. Il recula sous l'effet de la surprise avant de revenir à ses côtés.

— Il faut la sortir de là, souffla Netanya à Curtis, sentant les regards des autres Aurors commencer à s'intéresser à leur trio.

Curtis passa un bras autour des épaules de Mabel et la dirigea vers l'escalier de brique beige conduisant à la sortie qu'elle convoitait tant. Mais au lieu de continuer son ascension lorsqu'il atteint le premier niveau, il prit un couloir sur sa droite et marcha sur une dizaine de mètres avant de s'arrêter, entraînant Mabel avec lui. Cette dernière protesta faiblement, désorientée, mais toujours perdue dans ses pensées, elle semblait utiliser toute son énergie pour essayer de se convaincre elle-même de ses propos :

— C'est mon esprit, il me joue des tours. C'est tout. Ce n'est pas réel. Rien de tout cela n'est réel. Ça ne peut pas l'être, n'est-ce pas ?

Elle plongea son regard dans celui de Curtis et le sorcier sentit son cœur se briser. Il vit dans ses yeux tant de désespoir et de souffrance qu'il ne put répondre.

Son silence provoqua une réaction alarmante chez Mabel. Un souffle d'anxiété traversa tout son corps. Puis, un deuxième. Chaque passage renforçant ce sentiment et les yeux de la sorcière furent bientôt envahis de larmes car elle prit conscience que, dans un cas comme dans l'autre, sa vie venait de prendre une tournure dramatique.

Soit elle avait halluciné toute la scène, du discours de Percival à l'apparition de Grindelwald, et cela voulait dire que sa folie venait de prendre un tournant décisif. Comment pourrait-elle se faire confiance pour quoi que ce soit après ça ? Comment pourrait-elle continuer à vivre si ses propres sens lui mentaient ? S'ils lui faisaient voir et entendre des choses qui n'existaient pas ? Ses hallucinations étaient peut-être irréelles mais ses réactions ne l'étaient pas et qui pouvait savoir ce qu'elle pourrait bien faire alors qu'elle était en proie à ses démons.

Ce cas, aussi horrible soit-il, lui sembla sur l'instant le meilleur. Car si c'était l'autre cas qui s'appliquait, celui qui disait que tout ce qui s'était passé était vrai, alors... Alors les implications de cet événement étaient bien trop horribles pour que Mabel ne puissent les accepter.

Elle tenta de se convaincre que tout était faux, comme quelques minutes auparavant, que Percival l'attendait probablement chez lui et que Grindelwald n'était pas ici, dans cette station de métro, à quelques mètres d'elle, mais son cerveau semblait retrouver sa part de rationalité et rendait son déni de plus en plus difficile à s'installer.

— Curtis, Netanya, appela-t-elle à travers sa respiration hachée. (Ses deux amis interrompirent la discussion qu'ils entretenaient à voix basse. Ils étaient inquiets mais aussi sur leur garde.) Dites-moi que Grind... que Grindelw... (Mabel grogna, frustrée de ne pas réussir à prononcer son nom). Dites-moi qu'il n'est pas vraiment ici.

L'espoir qui brillait dans ses yeux mit les deux Aurors mal à l'aise. Ils se rendaient compte que la sorcière était prête à les écouter, qu'elle avait repris contrôle d'elle-même, et que donc, leur réponse, avait le pouvoir de la détruire.

— Je suis désolée, Mabel, je ne peux pas te dire ça, répondit Netanya avec une expression emplie de pitié et de tristesse qui déchira le cœur de Mabel en deux.

Toute force la quitta et elle s'effondra à terre. Elle fut rattrapée de justesse par Curtis qui s'agenouilla à côté d'elle tout en la serrant fort contre lui mais Mabel ne s'en rendit pas compte. Son esprit n'était qu'une mosaïque de sentiments dévastateurs et de souvenirs pêle-mêle.

Secouée de sanglots, elle se sentait tractée de tout côté. D'un côté, le choc et la panique au souvenir du souffle chaud de celui qu'elle pensait être Percival contre sa peau. D'un autre côté, une souffrance aussi aiguisée qu'un poignard qui s'enfonçait dans son cœur à l'idée d'avoir été ainsi berné par cet horrible mage noir. De la peur aussi, enflammant chaque cellule de son corps à l'idée que Percival, le vrai Percival, puisse être mort. Tué par cet infâme être qui refusait de la laisser seule. Puis enfin, le sentiment de trahison, qui s'était fait discret jusque-là, se mit à enfler dans sa poitrine jusqu'à devenir une bulle de rage, prête à exploser.

Repliée sur elle-même sur le sol crasseux du métro, Mabel sentit sa furie dévastatrice ramasser chaque parcelle de son être à la petite cuillère et reconstruire la sorcière.

Grindelwald pensait-il qu'il pouvait jouer avec sa vie comme bon lui semblait ? N'avait-elle pas mérité d'être heureuse ? De pouvoir jouir d'une vie banale ? Et de quel droit s'en était-il pris à celui qu'elle aimait ? Percival n'avait rien eu à faire dans cette histoire. C'était Mabel qui avait retrouvé le mage noir la première fois. C'était elle qui l'avait traqué sans arrêt durant deux années entières. Elle, qui avait rêvé de le mettre derrière les barreaux. Elle, qui aurait dû subir son courroux.

La culpabilité fut la dernière émotion à apparaître. Comme une pièce de puzzle s'insérant parfaitement dans le paysage prédéfini de ses sentiments.

Tout était de sa faute.

La colère de Mabel s'éteignit, ses larmes se tarirent mais le sentiment d'avoir trahi celui qu'elle aimait s'attarda.

Elle renifla et se redressa, sous le regard surpris de Curtis et Netanya.

— Comment ai-je fais pour ne pas le voir avant ? demanda-t-elle, autant à elle-même qu'à ses deux compagnons de travail.

Elle se rendait bien compte, maintenant que sa lucidité avait chassé le brouillard oppressant de son esprit, que les derniers jours avaient été annonciateurs de cette nouvelle. Que de nombreux indices lui avaient été soufflés à l'oreille. Qu'elle aurait pu démasquer la supercherie si elle avait été plus... Plus quoi ? Attentive ? Réfléchie ?

Mabel se frotta les tempes avec force. Elle ne pensait pas que cela aurait fait une différence car elle avait bien remarqué le comportement étrange de Percival. Elle avait simplement détourné les yeux, refusant de voir ce qui se trouvait devant elle, encore et encore, et préférant penser que tout allait bien dans le meilleur des mondes. Pourquoi avait-elle fait cela était une tout autre question à laquelle elle n'avait pas la force de chercher une réponse.

— Tu ne dois pas te blâmer pour cela, répondit Netanya en l'approchant.

Elle déposa une main dans le dos de Mabel pour la réconforter. La britannique se tendit comme un arc à ce geste. Il réveillait des souvenirs en elle qu'elle ne souhaitait pas revivre mais sa mémoire ne lui obéissait plus depuis longtemps et lui repassa la scène de manière aussi évocatrice qu'elle le pouvait.

La sensation de mains descendant le long de son dos nu, de souffles entremêlés, de caresses partagées et de passions répétées.

Un haut-le-cœur la prit et elle recula précipitamment de Netanya.

La main sur la bouche, elle ferma les yeux pour se calmer. Pour oublier. Pour enterrer cette culpabilité et haine de soi dévorante qui menaçait de lui faire de nouveau perdre la tête. Elle devait penser à autre chose. Autre chose, autre chose, autre chose.

Mais rien n'y faisait, le visage de Percival revenait sans cesse devant ses yeux, comme s'il la hantait. Ou cherchait à lui faire comprendre quelque chose.

Son attention se porta sur le souvenir flou et étrange de son visage barbouillé de sang. Mabel se concentra sur cette vision. Sur la noirceur qui semblait entourer le sorcier, la fatigue qui semblait s'emparer de lui. Puis, il ouvrit les yeux. Et Mabel se souvint.

Elle se souvint s'être réveillée en panique et en pleurs dans la chambre de son appartement. S'être calmée dans les bras de celui qu'elle pensait être Percival. Lui avoir tout raconté de ce cauchemar mettant en scène Percival, blessé dans une chambre d'enfant. Puis, de l'avoir entendu murmurer une formule à voix basse alors qu'elle s'endormait. Le lendemain matin, elle avait tout oublié.

Elle serra les poings. Grindelwald lui avait effacé la mémoire.

Sa colère était forte mais une lueur d'espoir la traversa tout de même.

— Il est vivant, chuchota-t-elle en ouvrant les yeux.

Elle en était convaincue. Grindelwald ne lui aurait pas effacé la mémoire si elle n'avait pas touché du doigt quelque chose d'important. Mais elle avait besoin de bien plus que de cette faible vision pour le retrouver. Elle savait ce qu'elle devait faire.

Jetant un regard vers le couloir menant au quai, elle déglutit. Ses mains commençaient déjà à trembler.

Mais elle savait qu'elle devait le faire. Elle devait lui faire face. Le faire parler.

— Mabel, tout va bien ? s'inquiéta Curtis en la voyant revenir vers eux, un air décidé sur le visage qui contrastait avec son état de seulement quelques minutes auparavant.

— Il faut que je lui parle, dit-elle pour toute réponse.

— Hors de question, s'interposa Netanya.

— Il est le seul à savoir où est retenu Percival !

— Mabel, rien ne dit que... Percival est encore en vie, protesta Netanya avec un air désolé.

Et Mabel comprenait. Grindelwald n'était pas connu pour laisser des témoins mais cependant, elle avait confiance en ce rêve.

— Il l'est, je le sais.

— Comment ? intervint Curtis.

— Je l'ai vu dans un rêve, concéda Mabel de mauvaise grâce après quelques secondes d'hésitation. Mais je ne suis pas folle.

Elle vit le regard que Netanya et Curtis échangèrent. Ils n'étaient pas convaincus et Mabel ne pouvait pas leur en vouloir, surtout après la performance qu'elle avait montrée en apercevant Grindelwald pour la première fois.

— Il est vivant. Que vous me croyiez ou non importe peu. Je le retrouverais, avec ou sans vous.

Sa conviction l'a surpris mais la rassura aussi. Mabel avait une mission et de nouveau toute sa tête. Elle pouvait s'en sortir. Elle s'apprêtait à quitter ses deux amis quand Curtis répondit :

— Je t'aiderais.

Mabel voulut sourire pour le remercier mais elle en était incapable. Elle espérait simplement que son regard soit suffisamment parlant.

— Très bien, je t'aiderais mais laisse-moi l'interroger, finit par intervenir Netanya.

— Non. C'est à moi de le faire.

Les deux sorcières se jaugèrent du regard. Mabel essayait de montrer une façade calme et contrôlée, bien loin de la terreur qui commençait à agripper ses organes et ravivait sa douleur à l'abdomen.

— Il ne parlera qu'à moi, tu le sais, ajouta-t-elle.

Elle sut qu'elle avait gagné aussitôt que le regard de Netanya se troubla d'inquiétude.

— D'accord mais je conserve ta baguette avec moi.

Mabel accepta. Cela était pour le mieux. Elle avait trop souvent rêvé de mettre fin au règne de terreur du mage noir pour être persuadée que, maintenant que l'occasion se présentait à elle, elle ne l'attaquerait pas dès qu'elle le verrait. Mais elle devait s'en empêcher. Du moins, tant qu'il n'aurait pas parlé.

— Où est-il ?

— Tu en es sûre ?

Curtis était à bout de nerfs. Son visage était déformé par sa frayeur.

— Il le faut. Je ne peux plus perdre de temps. Percival est blessé.

En prononçant le prénom de Percival, Mabel se rendit alors compte de ce qu'elle faisait. De ce qu'elle avait fait depuis le tout début de sa crise.

Révéler ouvertement sa relation avec son supérieur à ses amis.

La sorcière ne sut quoi en penser et décida qu'elle réglerait ce problème une fois qu'elle aurait retrouvé Percival. Une fois qu'il serait sain et sauf. Et une fois que Grindelwald serait derrière les barreaux. Ou mieux, six pieds sous terre.

Curtis hocha la tête avant de se détourner. Il retourna dans le couloir principal, suivit des deux sorcières. S'arrêta. Puis, fit un signe de tête à Mabel. La sorcière sentit son cœur s'emballer alors que son regard parcourait le couloir de briques beiges pour se poser sur un groupe de quatre personnes arrêté au milieu de l'escalier.

Même de loin, elle reconnut parfaitement le visage de Grindelwald.

Qui n'était donc pas une hallucination mais bien réel. Et qui était ici, à New York, à seulement quelques mètres d'elle. Et qui s'était fait passer pour Percival... pendant un temps qu'il lui faudrait déterminer.

Ses yeux rougis se plissèrent sous la colère. Il portait encore les vêtements de Percival. Son long manteau noir. Sa fine écharpe bleue.

Le cœur battant à toute allure, Mabel l'observa. Grindelwald souffla quelque chose à Scamander avant de reprendre sa route, guidé par deux Aurors. Le mage noir ne semblait pas être le moins du monde inquiet.

Baissant les yeux sur le sol le temps de ravaler sa fureur, Mabel sentit le regard de son ennemi tomber sur elle avant de le voir. Son souffle se coinça dans sa gorge, ses ongles s'enfoncèrent dans sa peau, et quand elle releva la tête et vit l'horrible sourire qu'il arborait sur ses lèvres, elle faillit craquer de nouveau.

Il osait lui sourire.

Sa rage fut alors plus forte que sa faiblesse et sa raison réunie et Mabel se précipita sur lui, ignorant l'appel de Netanya dans son dos. Même sans baguette, elle n'était pas inoffensive et elle plaqua le mage noir avec force contre le mur du métro. Son abdomen se tordit sous l'impact mais elle ignora la douleur, tout comme elle ignora les protestations derrière elle et la conversation agitée qui prit place entre ses deux amis et ses deux collègues chargés d'escorter le sorcier au Congrès.

Ses yeux scannèrent le visage du mage noir. Elle le haïssait de tout son être.

— Surprise de me voir ?

Ce fut les premiers mots de Grindelwald à son égard et Mabel regretta de ne pas avoir sa baguette entre ses mains. Jamais n'avait-elle eu autant envie d'utiliser le sort Doloris qu'actuellement.

— Où est-il ?

— Où est qui ? demanda Grindelwald d'un air sérieux qui donna envie à Mabel de lui faire avaler son affreuse moustache blonde.

— Où est-il ?! reprit-elle avec plus de force.

Sa voix parcourut le couloir et Mabel se rendit compte du silence qui y régnait.

— Je pensais que tu serais plus heureuse de me retrouver. Après tout, tu m'as tant cherché, répondit-il avec un sourire amusé, ses yeux dépareillés s'enfonçant dans ceux de la sorcière.

— Les gens changent, se contenta-t-elle de répondre.

— Tu as bien raison.

Mabel grimaça. Il jouait avec elle. Elle le plaqua un peu plus contre le mur tout en essayant de garder de la distance entre leurs deux corps.

— Je ne suis pas ici pour discuter, dis-moi où il est !

Sans qu'elle ne puisse le contrôler, sa voix craqua, laissant transparaître son inquiétude. Cela provoqua un changement chez le mage noir. La malice disparut de ses yeux pour être remplacé par un sentiment plus amer, ressemblant presque à de la jalousie. Il la fixa silencieusement du regard pendant ce qui parut être une éternité. Mabel sentait le dégoût l'envahir et ses mains se remettre à trembler. Elle avait peur de craquer avant qu'il ne parle mais il reprit finalement la parole :

— Là où la tristesse a obscurci la joie. Là où la mort a remplacé la vie. Là où il est devenu celui qu'il est aujourd'hui.

Mabel secoua la tête. Une énigme ? Venait-il vraiment de lui fournir une énigme ?

— C'est là que tu le trouveras, finit-il avec solennité.

Elle resserra son poing autour du col du manteau.

— Je n'ai pas le temps pour les énigmes !

— Mabel, coupa Netanya en s'interposant entre elle et Grindelwald, la présidente arrive.

Mabel lâcha le sorcier à contrecœur puis recula sans le quitter des yeux. Les deux Aurors, qu'elle reconnut comme étant Thomas et Karen, revinrent l'entourer et alors qu'ils reprenaient leur ascension vers la sortie et que la présidente apparaissait au bout du couloir, prête à partir elle aussi, Grindelwald lui adressa ces derniers mots :

— Je chérirai à jamais notre nuit ensemble, Mabel.

Ce fut comme un ultime coup de poignard dans ses entrailles. Mabel sentit les regards se poser sur elle mais elle n'y prêta pas attention. Sa culpabilité était revenue au galop et lui rappela bien trop amèrement son erreur ainsi que les conséquences qu'elle entraînerait.

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