21| City Hall

Mabel ressentait un profond agacement envers la créature ignoble qui se trouvait en face d'elle.

Elle ne doutait pas que le sentiment était réciproque.

Cela faisait vingt minutes qu'elle interrogeait le gobelin du nom de Gnarlak et il avait fallu que Piotr, qui la secondait, menace la créature de la peine de mort pour que celle-ci ne se mette enfin à collaborer avec eux.

Cinq petites minutes plus tard, Gnarlak leur avait enfin fourni une information digne de ce nom : avant l'arrivée des Aurors dans le bar, il avait aiguillé Scamander en direction du centre commercial sur la 5ème avenue, où une créature invisible semblait avoir élu repaire.

Piotr s'était éclipsé aussitôt pour prévenir des Aurors de la présence possible du sorcier recherché dans le bâtiment. Cependant, Mabel doutait qu'ils l'y trouvent. Deux heures s'étaient écoulées depuis leur descente dans le bar ; Scamander et Goldstein avaient donc sûrement eu le temps de récupérer la créature qui s'y trouvait et de repartir.

L'interrogatoire des vingt-quatre sorciers et sorcières qu'ils avaient arrêtés leur avait fait perdre une autre piste.

Mabel ramena son attention sur le gobelin. Celui-ci avait observé l'Auror brun sortir de la pièce avec calme. Une fois la porte refermée, il ajouta :

— Scamander a mentionné le nom d'un Dougal, vous faites de cela ce que vous voulez.

Il haussa les épaules, comme si cette situation commençait à le lasser, et Mabel se retint de lui faire entendre le fond de sa pensée.

Elle s'abstint. Elle prit, à la place, plusieurs secondes pour réfléchir à son information. Cela ne leur était pas d'une très grande aide et elle pensait fortement que ce prénom était celui de la créature que Scamander recherchait. Elle préféra donc ne pas s'attarder là-dessus.

— Vous avez d'autres informations à nous soumettre ? demanda-t-elle finalement le plus civilement possible tout en souhaitant mettre un terme à cette perte de temps.

Le gobelin observa ses mains avec détachement.

— Il m'a aussi demandé des informations sur votre patron, M. Graves.

Mabel releva son regard dégoûté des doigts tordus du gobelin. Ceux-ci, qui reposaient sur le dos de ses mains d'une manière extrêmement déplaisante, mettaient la sorcière mal à l'aise. Elle oublia toutefois aussitôt cette particularité physique de la créature quand il mentionna Percival.

— Que voulait-il savoir ? questionna Mabel dont la curiosité soudaine était évidente.

— Je n'en ai aucune idée. C'est à ce moment-là que vous êtes arrivés, répondit Gnarlak avec un sourire dédaigneux.

Il plissa ses petits yeux noirs pour fixer un regard mauvais sur Mabel, dont la mâchoire se serra. Elle le dévisagea avec colère pendant quelques secondes avant de faire finalement signe aux deux gardes qui étaient postés près de la porte de ramener le gobelin dans sa cellule, où il aurait la joie de passer la nuit avec une dizaine de ses clients. Elle ne doutait pas qu'ils lui réserveraient le meilleur des accueils. Elle en eut la confirmation quand, en observant le gobelin être escorté jusqu'à sa cellule, elle vit deux sorciers au regard mauvais, se lever. Ils agrippèrent les barreaux de la cellule et dévisagèrent la créature. Un regard de prédateur sur le visage.

Mabel se sentit satisfaite. Elle passa le seuil de la salle d'interrogatoire et s'engouffra dans le labyrinthe de piliers qu'elle avait ratissé le matin même. À peine eut-elle rejoint l'ascenseur que Piotr apparut à ses côtés.

— Il t'a fourni plus d'informations ? demanda-t-il en se grattant la nuque.

— Aucune. Tu as prévenu les autres de la localisation possible de Scamander ?

— Oui, ils sont déjà partis.

— Bien, se contenta de répondre Mabel dont sa douleur à l'abdomen, qui avait disparu lors de l'interrogatoire, revenait désormais au galop.

Elle posa sa main droite sous ses côtes, se courbant légèrement pour essayer d'atténuer l'inconfort dont elle souffrait.

— Tout va bien ? s'inquiéta son collègue alors qu'ils entraient tous deux dans la cabine.

— Juste une petite douleur depuis tout à l'heure. Je me suis pris une table pendant la descente du bar mais ça va passer, ajouta-t-elle aussitôt, ne souhaitant pas être mise sur le banc de touche à cause d'une blessure superficielle.

— À ta place, mon gaillard, je l'écouterais, rétorqua l'elfe de maison qui se trouvait aux commandes de l'ascenseur. Cette sorcière, c'est pas du gâteau. Évite de la contredire.

— Contente de te revoir aussi, Brad, répondit Mabel avec un sourire.

Elle se pencha pour ébouriffer la petite touffe de cheveux qui se trouvait sur la tête de l'elfe mais ce dernier frappa sa main avant qu'elle n'ait pu s'approcher de trop près de son crâne et mit aussitôt en marche l'ascenseur, toujours avec la même moue colérique qu'il arborait constamment.

Mabel ne put retenir une grimace en sentant son corps être secouer de toutes parts mais remarqua aussi que Brad avait délibérément ralenti la vitesse de la cabine.

Elle lui sourit chaleureusement mais il fit signe de ne pas le voir.

— Quoi de nouveau ? lui demanda-t-elle en essuyant la moiteur de ses mains sur son pantalon.

— Que veux-tu que je te dise ? Je passe mes journées dans cet ascenseur, grommela-t-il.

Mabel ne sut quoi répondre. Elle se sentit idiote d'avoir posé la question. Elle ne s'était jamais vraiment préoccupée de la vie des elfes de maison et se rendait compte qu'elle ne savait strictement rien de leurs conditions de travail.

— Excuse-moi, c'était maladroit. Je ne t'ai pas vu depuis longtemps, je n'ai pas réfléchi.

Brad marmonna une réponse dans sa barbe et Mabel n'insista pas. Piotr, pendant ce temps-là, la dévisageait avec un semblant d'inquiétude. Elle fut donc soulagée quand la porte en fer forgé s'ouvrit sur leur étage mais elle n'eut pas le temps de la franchir. Six Aurors, dont Curtis et Netanya, lui firent signe de rester dans la cabine alors qu'ils y entraient à leur tour.

— Au service des Affaires Majeures, commanda Thomas, un Auror d'une cinquantaine d'années, à Brad.

— Picquery nous a convoqué, informa Netanya d'un ton urgent à Mabel.

La sorcière se tendit. Cela n'indiquait rien de bon.

Quand cette fois-ci, elle put sortir de l'ascenseur, elle n'en éprouvait aucun soulagement. Par-dessus le meuble en bois haut qui entourait la table de réunion du service des Affaires Majeures, Mabel aperçut la présidente, le dos tourné à eux. Elle semblait observer quelque chose et c'est seulement en s'approchant que Mabel put découvrir ce que c'était.

Les huit Aurors se placèrent en arc de cercle derrière la présidente, leur regard se rivant sur la carte de New York en relief qui captivait l'attention de Picquery. Sur celle-ci se dessinait, très distinctement, un trait de lumière rosée qui avançait, de manière rapide, à travers un dédale de rues représenté sur la carte.

Mabel n'avait encore jamais vu cela avant mais elle savait ce que cela signifiait. Cela faisait apparaître avec précision les endroits de la ville où se déroulaient des actes de magie puissants. Un simple transplanage n'apparaissait pas, non, il fallait avoir affaire à une libération immense de magie pour former un tracé aussi épais et laisser une telle marque rose sur son passage, comme si de nombreux dégâts étaient en train d'être fait à l'instant même, et cela dans tout le sud de Manhattan.

La voix de la présidente s'éleva dans la pièce silencieuse, chaque mot transperçant les Aurors présents d'un sentiment d'urgence.

— Réglez-ça. Ou nous serons découvert et ce sera la guerre.

Les Aurors ne se firent pas prier et tous transplanèrent en direction du dernier point éclairé sur la carte : à l'intersection de la 6ème avenue et de la 42ème rue.

Le service des Affaires Majeures était la seule pièce de tout le Congrès où le transplanage était possible et cela leur fut d'un grand recours car ils purent apparaître directement sur le passage du sorcier qui provoquait une telle débauche de magie.

Sous le ciel noir sans étoiles, le jeune Obscurial qui terrorisait la ville depuis plusieurs mois semblait plus immense et dangereux que la dernière fois que Mabel l'avait vu.

Il passa à vive allure devant l'immeuble sur lequel Mabel était posté et elle dut transplaner sur le toit du prochain pour avoir le temps de sortir sa baguette et la pointer sur lui. Plusieurs jets de lumière blanche, provenant de différents côtés de la rue, percutèrent l'Oscurial pendant ce temps.

La réaction de l'entité magique fut instantanée. Elle se tordit de douleur et un cri horrible s'échappa de sa forme ombreuse et sableuse. Les sorts continuèrent à la percuter de toutes parts et Mabel se sentit affreuse de devoir participer à cette attaque.

Elle transplanait tout de même de toit en toit, essayant de suivre l'avancée sulfureuse de l'Obscurial, dont sa forme mouvante se déformait constamment, provoquant des explosions magiques en son sein et détruisant tout sur son passage.

Les briques des murs volaient, les cheminées explosaient, les voitures étaient projetées dans tous les sens et les moldus au sol criaient et couraient pour leur vie. C'était une panique sans nom.

Un peu plus loin devant elle, Mabel vit Curtis éviter de justesse une brique rouge qui avait été projeté dans sa direction à toute allure. Le mouvement brusque qu'il dut faire le fit trébucher et Mabel transplana dans sa direction pour l'aider à se relever avant de continuer son avancée, jetant un autre sort au passage à l'Obscurial qui fit un virage serré dans une rue adjacente pour semer ses poursuivants.

Mabel jura quand elle vit qu'au bout de cette rue se tenait une barricade de policiers moldus. Le cri déchirant de l'Obscurial sembla les faire paniquer et alors que les sorts des Aurors affaiblissaient l'entité magique et la faisait se rapprocher de plus en plus du sol, celle-ci chargea la barricade, qui l'accueillit par des dizaines de coups de feu.

Le courage des policiers s'effrita rapidement. Et alors que Mabel transplanait à leur hauteur, elle les vit fuir au pas de course. Et ce fut pour le mieux car quand l'Obscurial atteint la barricade de voitures de police, seulement quelques secondes plus tard, il les envoya valser. Mabel dut se détourner de sa cible pour empêcher l'une des machines en métal d'écraser deux policiers qui s'échappaient.

Quand elle se focalisa de nouveau sur son problème, le cri de l'Obscurial résonnant toujours dans l'air froid, elle vit un visage déformer la forme de l'entité. Un visage hurlant et déchirant qui paralysa la sorcière sur place. L'ampleur de la situation la frappa en plein visage et ce fut comme si l'adrénaline qui s'était emparée de son corps lors de son arrivée sur place venait de quitter ses veines. La prise de conscience qu'elle avait affaire à un enfant la percuta de plein fouet mais elle ne sut pas si ce fut cela qui la fit tomber à genoux en criant de douleur.

Sa respiration erratique, elle s'agrippa au bord du toit pour ne pas tomber alors qu'une douleur déchirante s'emparait de son abdomen. Elle assista, démunie, à la montée rapide, haut dans le ciel, de l'Obscurial, puis à sa retombée vers le sol. Comme une pierre étant lâchée du haut d'une tour. Sa collision avec le sol provoqua une onde de choc qui fit trembler les fondations de l'immeuble sur lequel se trouvait la sorcière. Elle s'agrippa avec plus de force au rebord et aperçu, à travers la poussière qui envahissait la place tout en bas, l'ombre de l'Obscurial se refermer sur lui-même lentement pour ne laisser apparaître qu'une fine silhouette humaine qui s'engouffra dans une bouche de métro.

Le silence presque hypnotisant qui remplaça le hurlement de l'entité fut déstabilisant. Mabel aperçut les autres Aurors transplaner sur la place à leur tour et elle se releva avec difficulté. Elle entrouvrit son manteau et releva sa chemise, s'attendant à apercevoir un signe de blessure récent mais seul l'hématome reçu quelques heures auparavant apparut.

Sa surprise s'afficha par un froncement de sourcils. Elle pointa sa baguette sur sa peau brune tachetée de violet.

— Episkey.

Le sort lui fit l'effet d'un coup de poing en plein foie et elle se plia en deux de douleur. Celle-ci ne fut que de courte durée. Quand Mabel ne ressentit plus qu'une simple gêne dans l'abdomen, elle se releva.

Ça sera suffisant jusqu'à ce que cette affaire soit réglée, pensa-t-elle en rajustant sa chemise et en transplanant vers la place alors que les sept Aurors qui étaient partis avec elle du Congrès et une dizaine d'autres, qui venaient d'arriver, faisaient apparaître un bouclier de protection autour de l'entrée de la station de métro City Hall.

Mabel souffla un grand coup, retira sa main de son abdomen toujours légèrement sensible, pointa sa baguette devant elle et se mit à réciter plusieurs fois :

— Protego maxima fianto duri repello inimicum.

Le bouclier était déjà à moitié levé quand la voix de Percival résonna dans le dos de la sorcière.

— Barrez le secteur ! Personne d'autre ne doit descendre.

La concentration de Mabel s'écroula et elle se retourna pour apercevoir son compagnon. Percival se dirigeait d'un pas assuré vers l'entrée de métro et, comme pour l'Obscurial peu de temps avant, Mabel le vit disparaître à l'intérieur.

L'inquiétude lui rongea l'estomac alors qu'elle se retournait et recommençait à enchanter le bouclier, sa baguette glissant de sa main moite.

À travers l'éclat blanc du bouclier autour de la place, Mabel aperçu des dizaines de moldus commencer à s'agglutiner autour d'eux. Leur nombre augmentait sans cesse et créait une marée humaine engloutie par les ténèbres. Une marée humaine bruyante et inquiète.

Une fois son travail fini, Mabel se mit à marcher en long et en large devant le bouclier, jetant sans cesse des regards à l'entrée de la station, se demandant ce qui se passait à l'intérieur et si elle pouvait se permettre d'y entrer. Elle savait que ce serait désobéir à un ordre direct de Graves et elle se demandait donc si les autres Aurors l'arrêteraient. Ou s'ils la laisseraient faire.

Elle observa ceux qui étaient les plus près d'elle. Leur attention était focalisée sur les moldus. Leur tension était palpable. Puis, elle vit Netanya, un peu plus loin, en retrait. Elle semblait paniquée, ce qui était bien loin de son calme habituel.

Mabel se dirigea vers elle sans réfléchir. Alors qu'elle l'atteignit, elle vit son amie poser sa main sur son ventre d'un geste protecteur et renforcer son emprise sur sa baguette.

— Je ne devrais pas être ici, chuchota-t-elle à Mabel.

Son regard volait de part et d'autre de la place, comme si elle s'attendait à tout moment à une attaque. Elle piétinait sur place. Mabel prit sa main libre dans la sienne pour la rassurer. Même si, elle-même, n'était pas un symbole de calme et de confiance.

— Il ne t'arrivera rien, Netanya. Ni à toi, ni à ton bébé. Je vais m'en assurer.

Mabel serra légèrement sa main et lui sourit. Elle comprenait l'inquiétude de Netanya. Celle-ci était enceinte de 3 mois et avait prévu de démissionner à la fin du mois. Elle était si près du but et elle avait peur qu'un accident ne survienne avant qu'elle n'ait mis son bébé à l'abri.

Mabel n'était peut-être pas mère mais elle comprenait son inquiétude. Cette volonté de mettre les êtres qui leurs sont chers à l'abri du danger. Elle jeta un regard à l'entrée du métro. Malgré le comportement étrange de Percival au cours des derniers jours, il n'en restait pas moins l'homme qu'elle aimait et elle craignait qu'il lui arrive malheur.

Ce fut au tour de Netanya de serrer sa main dans la sienne quand elle surprit son regard inquiet. Au même moment, Mabel aperçut la présidente Picquery apparaître sur la place.

Dans son long manteau bleu, la présidente jaugeait la situation. Son regard volait par-dessus le regroupement de moldus, sa démarche rigide démontrant son inquiétude.

Mabel savait bien ce que se disait la présidente : cette situation était un désastre. Des flashs d'appareils photo crépitaient dans tous les sens, enregistrant à jamais les évènements de la soirée et risquant de révéler le secret de leur communauté au monde entier. Jamais les oublietteurs ne pourraient effacer autant de pellicules ainsi qu'autant de mémoires moldues.

Et quand un homme moldu, d'une soixantaine d'années, se mit à fendre la foule en criant, attirant l'attention des Aurors présents. Mabel sut que certaines choses n'étaient pas aisément oubliées.

— Cette chose a tué mon fils ! hurla-t-il en poussant sans ménagement une femme qui l'empêchait d'avancer. Puis, pointant du doigt sur l'Auror le plus proche de lui, il ajouta : Je révélerais qui vous êtes et ce que vous avez fait !

L'Auror en question se tourna vers la présidente, attendant des ordres. Elle fit un simple hochement négatif de la tête et laissa le moldu continuer à les menacer.

Ce qui n'arrangea guère leur situation.

La présidente ne prononçant aucun mot, le silence devint pesant du côté sorcier du bouclier. Ce qui rendit le combat commençant sous leurs pieds que plus bruyant.

Des éclairs blancs de magie sortirent des bouches de métro les encerclant et provoqua l'étonnement chez les moldus spectateurs. Les murmures se firent plus forts et Mabel se détacha de Netanya pour s'approcher d'une bouche d'aération. Elle tendit l'oreille, espérant entendre des paroles pouvant lui indiquer qui était l'attaquant et qui était la victime. Mais elle n'entendit que le bruit des éclairs sortant d'une baguette et ne vit que sa lumière blanche projetée.

Son cœur accéléra au même rythme que le déchainement des photographes qui les aveuglaient avec leur flash. Les Aurors se raidirent, certains resserrèrent leur emprise sur leur baguette, d'autres se mirent à se lancer des regards tendus.

Puis, le combat souterrain prit une toute autre intensité et Mabel sut que le jeune Obscurial venait de reprendre sa forme ténébreuse.

Une telle puissance, contenue dans un espace aussi restreint... Mabel s'agita.

Des détonations se firent entendre, si fortes que le sol trembla sous leurs pieds. Des cris de stupeur échappèrent aux moldus. Et Mabel vit la raison de ce tremblement. L'Obscurial venait de s'élever dans les airs, laissant derrière lui un trou béant sur le sol pavé.

Deux Aurors furent projetés dans les airs à cause de la sortie de l'entité et plusieurs reçurent gravats et poussières à la figure.

L'Obscurial continua son ascension dans les airs. Vingt mètres, trente mètres, quarante mètres. Il s'arrêta à hauteur de l'immeuble le plus haut du quartier puis... explosa.

Les derniers étages de l'immeuble furent réduits à néant et des briques et des tiges de fer vinrent se fracasser sur le bouclier et au sol, manquant de justesse certains des moldus les plus proches du carnage, ce qui provoqua la terreur des centaines d'autres moldus présents près du bouclier.

Le couvercle noir gigantesque que l'entité avait créé au-dessus de leur tête assombrit le ciel pendant une courte seconde avant de reprendre forme et de retomber au sol comme une masse inerte attirée par la gravité et agrandissant au passage le trou qu'elle avait provoqué à sa sortie.

Le fracas et la poussière envahirent les environs et les moldus, déjà paniqués, se dispersèrent en courant et en criant.

Leur vacarme n'était rien face au hurlement de l'Obscurial et Mabel ne put sans empêcher. Elle se dirigea en courant vers l'entrée de la station de métro. Son cœur battant à toute allure dans sa poitrine.

En atteignant l'escalier de pierre, elle fut devancée par plusieurs autres Aurors. Tous avaient eu la même pensée : ils ne pouvaient pas rester les bras croisés alors que cette entité devenait hors de contrôle.

Ils se laissèrent guider dans le souterrain par le son de deux voix : une féminine et une autre, masculine. Plus grave.

Mabel sentit le soulagement la pousser en avant. Percival allait bien.

Elle en eut la confirmation quand elle mit les pieds sur le quai du métro. Elle le vit, avec son long manteau noir, se tenir sur les rails jonchés de briques. Scamander était à ses côtés et Tina, derrière lui. Et... Et l'Obscurial se tenait devant eux. Immense, imposant et semblant presque calme.

Il ondoyait dans l'air, prenant toute la hauteur de la station. Tournoyant sur lui-même au milieu des dégâts qu'il avait causés. Il semblait, aussi étonnant que cela puisse paraître, à l'écoute des trois sorciers.

Mais l'arrivée de la vingtaine d'Aurors par le quai et les rails, prêts à l'attaque, sembla briser cet interlude paisible. L'Obscurial commença à s'agiter dans la lumière de début de matinée qui franchissait le trou au-dessus de lui.

— Arrêtez ! Vous allez lui faire peur ! s'exclama Tina, apeurée mais aussi soucieuse.

Mabel se refusa à baisser sa baguette. Le calme de l'entité avait disparu désormais et il commençait à s'élargir, faisant tomber plus de briques encore des murs autour de lui.

Cependant, quand Percival prit la parole, Mabel eut un moment d'hésitation.

— Si vous lui faites du mal, vous aurez affaire à moi, cracha-t-il avec colère en dévisageant les Aurors se tenant au premier rang.

La sorcière frissonna. Son visage était déformé par la fureur. Elle ne l'avait encore jamais vu s'emporter comme cela.

Le bras tenant sa baguette s'abaissa légèrement et Mabel remarqua pour la première fois la présence de Curtis et Netanya à ses côtés. Curtis, tendu et aux aguets, dont le regard passait de Graves à l'Obscurial et Netanya, dont la baguette reposait à son côté.

— Croyance, appelèrent Tina et Percival en même temps.

L'une avait parlé avec calme, de la manière dont on s'adresserait à un enfant et l'autre avait parlé avec urgence.

Ils souhaitaient tous les deux, à leur manière, apaiser l'Obscurial, mais ils n'en eurent pas l'occasion. Mabel ne sut quel Auror avait ouvert le feu en premier mais elle s'en moquait. Elle assista avec horreur à la dizaine de sorts être envoyé avec précision sur l'entité.

Les sorts étaient aussi rapides que les balles moldues qui avaient été tirées sur l'Obscurial plus tôt dans la soirée mais ceux-ci étaient plus mortels encore. L'adolescent possédé par l'Obscurus se mit à crier de douleur à l'intérieur de son cocon de noirceur alors que la lumière blanche des sorts provoquait un trou en son sein.

Mabel entendit Netanya sangloter. Une main sur son ventre et une autre sur sa bouche, elle avait le teint livide quand Curtis la prit dans ses bras et la détourna de l'attaque. Mabel recula avec eux, derrière le regroupement d'Aurors. Son regard était cependant toujours fixé sur le noyau de lumière qui faisait disparaître progressivement le noir de l'Obscurus, et avec lui, son hôte.

Son cri était transperçant et quand il ne fut plus, le silence sembla aussi déchirant que le hurlement.

Il disparut dans un éclat de blanc, laissant derrière lui une explosion de filaments noirs, tombant avec douceur vers le sol, comme des plumes.

Bientôt, tous les filaments sombres, dernier vestige du jeune sorcier, s'évaporèrent dans les airs et il ne resta plus que les Aurors, baguette à la main, contemplant leur œuvre.

Mabel ne savait quoi penser. Elle se demandait si elle aurait dû être dévastée, comme l'était Netanya, à l'idée d'avoir assisté à la mort d'une jeune âme innocente, ou si elle aurait dû être soulagée, comme le semblait être un certain nombre de ses collègues, à l'idée qu'un Obscurial aussi puissant soit mis hors d'état de nuire.

La sorcière se sentit horrible quand elle réalisa que ce qu'elle ressentait était du soulagement.

Cet Obscurial était un adolescent, elle l'avait bien vu à sa silhouette chétive mais grande. Il possédait aussi une trop grande puissance, dont les ravages les avaient tous mit en danger. Il était dangereux. Trop dangereux pour rester en vie.

Cependant, la scène traumatisante à laquelle elle venait d'assister continuait à tourner en boucle dans sa tête, à lui briser le cœur, encore et encore, et ce malgré sa conviction que tout cela était pour le mieux. Elle se demandait ce qui n'allait pas chez elle quand la voix de Percival s'éleva dans l'air :

— Pauvres fous..., commença-t-il alors qu'il avait le dos tourné aux Aurors.

Debout sur le quai, il se tenait à l'endroit où, quelques secondes auparavant, l'Obscurial, ce dénommé Croyance, s'était éteint.

— Vous rendez vous compte de ce que vous avez fait ? demanda-t-il d'un ton menaçant alors qu'il se retournait vers eux.

Mabel sentit son ventre se serrer, un mauvais pressentiment pesant sur ses épaules.

— L'Obscurial a été tué sur mes ordres Monsieur Graves, répondit la présidente, dont sa présence sur les rails, entourée des autres Aurors, avait échappé à Mabel jusqu'à présent.

La voix, calme et ferme, de Picquery démontrait sa maîtrise parfaite de ses émotions. Une maîtrise que Percival avait maîtrisée autrefois mais dont il semblait avoir tout oublié, debout sur ce quai.

— Oui et l'histoire ne manquera pas de nous le rappeler, Madame la Présidente.

Son dédain pour sa supérieure jeta un froid sur l'assemblée de sorciers. Tous semblèrent alors prendre conscience de la menace qui émanait du puissant Percival Graves.

Cachée derrière deux rangées d'Aurors, Mabel observait son amant avec de grands yeux perdus. Jamais elle ne l'aurait imaginé tenir tête à la présidente face à d'autres employés du Congrès, lui qui lui avait si souvent répété que montrer un front uni avait été le premier accord qu'il avait passé avec Picquery. S'il y avait des désaccords entre eux, alors ils les réglaient toujours en privée. Quoi que ce soit.

Cet accord semblait prendre fin sur ce quai.

— Ce qui s'est passé ce soir était une erreur.

— Il était responsable de la mort d'un non-maj. Il a mis notre communauté en péril. L'une de nos lois les plus sacrées a été enfreinte, contesta la présidente.

Les Aurors qui se trouvaient derrière elle se rapprochèrent tandis que Percival commençait à avancer vers elle. La menace de l'Obscurial repoussée, l'attention des Aurors aurait dû se tourner vers Goldstein et Scamander, les deux évadés qui se trouvaient sur les rails, mais pourtant toute l'attention était tournée vers Percival.

— Une loi qui nous contraint à nous terrer comme des rats. Une loi qui nous ordonne de cacher notre vraie nature. Une loi qui exige que ceux qui lui obéissent rasent les murs de crainte qu'ils ne soient découverts.

Mabel écarquilla les yeux à l'écoute de cette réponse sombre. Elle avait déjà entendu ce discours. Comme nombreux autres Aurors. Curtis apparut à côté de Mabel, comme s'il sentait, comme elle-même le sentait, la tournure obscure que prenait les évènements.

Percival, qui s'était arrêté au milieu du quai, à une dizaine de mètres de la présidente, ne cessa pas de la fixer un seul instant. Ses propos acides toujours dans l'air, comme s'il la mettait au défi de lui couper la parole.

— Alors, je vous le demande, Madame la Présidente, je vous le demande à tous, qui cette loi protège-t-elle ? Nous ? demanda-t-il en pointant un doigt sur son torse. Ou eux ?

Il pointa son doigt vers le haut, désignant de ce seul geste la communauté de moldus habitant au-dessus de leur tête.

Mabel sentit la crainte l'envahir. Ce discours ne ressemblait pas à Percival. Ce discours ne correspondait qu'à une seule personne.

— Je ne veux plus me plier aux ordres, finit-il en se retournant et en se dirigeant vers le trou béant dans le toit du quai.

La sorcière eut un hoquet de surprise. Que voulait-il dire par là ? Comptait-il partir ?

— Aurors, confisquez sa baguette magique à Monsieur Graves et escortez-le jusqu'au bureau.

L'ordre de Picquery remit les Aurors en action et le bouclier protecteur réapparut, fermant la voie de sortie que Percival comptait emprunter.

Mabel, qui sentait son cœur se serrer à l'idée de perdre Percival, fit un pas en avant. Elle espérait que s'il la voyait, alors peut-être qu'il reprendrait ses esprits et arrêterait cette histoire insensée. Cependant, Curtis l'empêcha d'avancer plus. Avec force, il agrippa son poignet et la retint en arrière. Elle lui jeta un regard incrédule. Curtis se contenta de lui faire non de la tête.

Elle entendit les pas de Percival s'arrêter et reporta son attention vers lui. Il se retourna vers eux et dévisagea la présidente. Tout dans son attitude présageait le pire.

Et c'est exactement ce qui se passa.

Il avait à peine fait deux pas dans leur direction avant de les attaquer. L'attaque fit lever sa baguette à Mabel, dans le réflexe de se défendre. L'attaquant la fit s'arrêter aussi net. Elle ne pouvait pas, ne voulait pas s'en prendre à Percival.

Les autres Aurors n'avaient pas ses états d'âmes et les sorts volaient mais rien ne semblait arrêter la progression de Percival vers la présidente. Curtis, qui s'était avancé à hauteur de Mabel, y allait lui aussi de ses propres sorts et Mabel voulait lui dire d'arrêter. À lui et à tous les autres. Mais elle ne le fit pas car, les yeux rivés sur Percival, elle se rendait bien compte qu'il n'était pas dans son état normal.

Deux Aurors devant la présidente tombèrent à terre, touchés par les sorts du sorcier, et des larmes envahirent les yeux de Mabel. Il n'y aurait plus de retour en arrière maintenant.

Percival avançait avec détermination. Rien ne semblait pouvoir l'arrêter et pourtant ce fut le cas.

Mabel entendit simplement Curtis marmonner quelque chose sur un oiseau avant de voir Percival tomber à genoux, les mains semblant se retrouver attachées dans son dos.

Elle essuya ses paupières d'un revers de sa main gelée et vit Newt Scamander tirer sur un long fil visqueux qui semblait commencer dans le dos de Percival.

Sa baguette lui fut arrachée des mains par Goldstein. La respiration de Mabel devenait hors de contrôle. Elle se sentait si impuissante. Et si perdue.

Elle observa Scamander et Goldstein monter sur le quai et s'avancer vers Percival et se demanda pourquoi personne ne bougeait pour les arrêter. Quand Scamander pointa sa baguette sur l'homme qu'elle aimait, Mabel leva la sienne en réponse. Netanya fut plus rapide qu'elle et lui arracha sa baguette des mains alors que Scamander lançait son sort.

— Revelio !

Le dos de Curtis vint faire barrage entre Mabel et la scène et elle le poussa avec plus de force qu'elle ne l'avait anticipé. Comme dans un état second, elle s'avança. Percival réapparu dans son champ de vision mais quelque chose clochait. Ses cheveux bruns devenaient blonds, presque blancs. Son visage semblait se flouter.

La présidente et sa suite d'Aurors se rapprochèrent du sorcier et gâchèrent la vue de Mabel. Elle se décala au moment où Curtis rattrapa son poignet et la fit s'arrêter, murmurant au passage son prénom avec une intensité urgente.

Cela n'importait plus. Mabel avait une vue parfaite sur Percival, à genoux par terre.

Sauf que ce n'était plus lui qui s'y tenait mais Grindelwald.

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