1| MACUSA
Juin 1926. New York, Etats-Unis.
Vingt-cinq degrés.
C'était la température qui s'était affichée sur le petit thermomètre en métal que Mabel Cole avait trouvé dans un placard vide de son nouvel appartement le matin-même mais pourtant, alors que la sorcière mettait à peine un pied dehors, elle aurait pu jurer qu'il faisait au moins dix degrés de plus.
Elle grimaça quand elle descendit les marches de son immeuble, le soleil déjà haut dans le ciel l'éblouissant, et elle s'étonna de la moiteur insupportable qui régnait déjà sur la ville alors même que la matinée ne faisait que commencer.
Mabel accéléra le pas et traversa plusieurs quartiers, faisant de son mieux pour marcher à l'ombre des imposants immeubles qui bordaient le trottoir et espérant, de cette manière, se rafraîchir un peu. Elle se rendit vite compte que cela était inutile. Pas un seul courant d'air frais ne se faisait sentir et la britannique commençait à en devenir légèrement folle.
Pour rajouter à cette chaleur étouffante, une forte odeur de pourriture régnait dans l'air, faisant grimacer tous les passants qu'elles croisaient. Elle n'avait jamais pensé que ce serait le cas mais à ce moment-là, elle regretta Londres et ses températures ne dépassant que très rarement les vingt degrés.
Alors que Mabel traversait une énième route bétonnée, elle eut le sentiment d'avoir été doublement sanctionnée pour ses erreurs. Comme si avoir été transféré n'était déjà pas suffisamment humiliant en soi, Hector Fawley, le ministre de la Magie, avait décidé de l'envoyer aux Etats-Unis. Soit ce qu'elle considérait comme un pays de bien-pensants égocentriques qui se permettait de donner des leçons de morale aux autres alors même qu'ils avaient encore des lois plus qu'arriérées.
Maussade, la sorcière s'arrêta à un passage piéton et attendit avec impatience que les automobiles noires passent devant elle. Mabel pouvait sentir de la sueur couler le long de son dos à cause de la chaleur et du soleil qui tapaient durement au-dessus de sa tête. Sa chemise blanche commençait à lui coller à la peau et la sorcière retira sa veste avant d'agiter sa main devant son visage pour se rafraîchir.
Autour d'elle, plusieurs hommes d'affaires, en veste noir et chapeau, faisaient de même avec des exemplaires de journaux. Dès que la dernière voiture passa devant eux, le petit groupe se précipita aussitôt de l'autre côté de la rue, où l'ombre du Woolworth Building les abriterait.
Mabel, sa veste sur le bras, observa avec curiosité le grand bâtiment qui se tenait devant elle. Le repère du MACUSA, appelé aussi le Congrès Magique des Etats-Unis. Elle n'avait pas eu d'attentes particulières quant au bâtiment dans lequel elle travaillerait durant les prochains mois, voire années, mais maintenant qu'elle essuyait cette horrible moiteur, tout ce qu'elle espérait, c'était qu'ils aient un système de climatisation performant.
— Regarde où tu vas, idiote !
Mabel, la tête levée pour apercevoir jusqu'où s'élevait le bâtiment se fit bousculer violemment par un homme en costume noir. Celui-ci, un journal à la main, continua son chemin en jurant et la femme en resta bouche bée. En plus de devoir vivre dans une ville qui sentait aussi bon qu'un pot de chambre, elle allait devoir se coltiner des new-yorkais qui se comportaient comme des hippogriffes mal léchés.
Mabel pesta avant de s'avancer jusque devant les marches du siège du Congrès Magique. Des dizaines de moldus entraient et sortaient du bâtiment et la sorcière reconnut l'ingéniosité de mêler un bâtiment magique à la population non magique. Cela éveillait moins les soupçons vu le nombre d'allées et venues dans le bâtiment. Cela montrait aussi la prétention du Congrès américain : alors que le ministère de la Magie anglais préférait se terrer sous terre pour plus de sécurité, le MACUSA montrait ici sa présence à tous ceux qui voulait bien la voir en s'installant dans le plus grand gratte-ciel du monde.
Quoi qu'il en soit : prétentieux ou idiot, Mabel devrait faire avec.
Elle avait besoin de ce travail. Elle n'avait plus fait d'avancées dans sa recherche du mage noir depuis maintenant deux ans, depuis qu'il avait décimé toute son équipe. Et elle savait pertinemment que sans les ressources précieuses que sa position d'employée au Ministère de la Magie lui conférait, elle n'irait pas bien loin. C'était ce qui lui avait fait accepter son transfert. Cela l'aidait à oublier le fait qu'elle allait devoir côtoyer de nouveaux collègues et bien évidemment obéir aux ordres d'un supérieur. Elle grimaça à cette pensée. Elle n'avait plus reçu d'ordres depuis bien longtemps, ayant été elle-même directrice de la sécurité magique au ministère de la magie. Et maintenant, elle était renvoyée au simple statut d'Auror, comme quand elle avait vingt ans. C'était un coup dur. Des années de travail et de fidèle service pour se retrouver de nouveau à la case départ.
Mabel savait qu'elle avait des torts ; elle avait été imprudente et avait mis en danger beaucoup de ses collègues mais de là à se retrouver dans cette situation, cela la mettait en colère. La sorcière prit une grande inspiration et s'efforça de ne pas tourner les talons et de tout laisser tomber. À la place, elle gravit les marches du Woolworth Building deux par deux, pressée de pouvoir quitter cette chaleur omniprésente et s'approcha des portes à tambours dorées utilisées par les moldus.
Voilà une chose qu'elle trouvait bien plus agréable : ne pas avoir à utiliser la poudre de cheminette pour pénétrer dans le ministère mais une simple porte. Elle s'approcha de l'entrée réservée aux sorciers et aperçut une chouette en pierre sculptée au-dessus ; un symbole plus que discret de la présence du siège du MACUSA dans ce bâtiment.
Elle sourit face au besoin irrépressible des américains de devoir absolument laisser leur trace quelque part et se dirigea vers le portier. Elle lui donna son nom et celui-ci lui ouvrit la porte sans poser plus de questions. Un courant d'air vint frapper Mabel au visage et la sorcière ne perdit pas de temps pour pénétrer dans le hall d'entrée du bâtiment.
Une volée de marches se tenait devant elle, faiblement éclairée par la lumière extérieure provenant de la porte. Mabel, légèrement curieuse de découvrir les locaux du MACUSA, les gravit avec énergie. Une exclamation de surprise traversa alors ses lèvres alors qu'elle atteint le haut de l'escalier. Légèrement impressionnée, Mabel fit un tour sur elle-même, observant son nouvel environnement.
Durant des années, elle avait entendu nombre de rumeurs sur le repère du Congrès magique des Etats-Unis et elle dut se rendre à l'évidence qu'aucune ne lui faisait justice. L'intérieur du bâtiment était de loin l'endroit le plus majestueux et impressionnant qu'elle n'ait jamais vu de sa vie.
La première chose qui retint son attention fut le plafond. À plus d'une centaine de mètres de hauteur, il projetait une lumière artificielle blanche qui éclairait, à l'aide d'une rangée infinie de fenêtres de tous les côtés, le hall d'entrée. Cela donnait à la pièce, immense qui plus est, une luminosité presque naturelle. Ajouté à cela l'air frais qui courait dans le hall, permettant d'avoir une température plus qu'agréable, la sorcière se sentait déjà comme chez elle. Pour une fois, elle ne regrettait pas d'être parti du ministère de la Magie et surtout, elle ne regrettait pas le moins du monde l'atmosphère sombre et lugubre qui y régnait.
L'Auror d'une trentaine d'années s'avança, ses bottes frappant contre le sol en marbre à ses pieds. La tête levée, elle observait avec curiosité la grande horloge qui pendait au-dessus du hall. Trois aiguilles tournaient dont l'une sans jamais s'arrêter. Elle aperçut ce qui ressemblait à plusieurs niveaux, indiqués grâce à un code couleur allant du vert au rouge. Elle fut étonnée de voir que la grande aiguille se trouvait sur le vert, signifiant qu'aucun danger n'était à signaler, alors même qu'un certain mage noir courait toujours dans la nature.
Mabel secoua la tête, chassant ces pensées, avant de s'approcher d'une rambarde dorée au milieu du hall. Une énorme fosse noire se trouvait à ses pieds et jusqu'à perte de vue, une série d'étages se distinguaient, visible seulement grâce aux quelques lumières qui éclairaient leurs propres rambardes dorées. Mabel fut quelque peu étonnée de voir que le Congrès avait choisi d'installer ses bureaux sous terre alors même qu'ils avaient choisi comme repère le plus grand immeuble du monde. Même si cela lui faisait mal de l'admettre, elle dut avouer qu'ils n'étaient pas aussi idiots qu'elle le pensait : la sécurité passait avant leur volonté d'en mettre plein la vue.
Elle hocha la tête avant de se redresser et d'observer les immenses phénix qui se tenaient au bout du hall et s'élevaient sur une trentaine de mètres. Recouverts de feuilles d'or, ils brillaient majestueusement. Elle avait peut-être parlé trop vite.
L'Auror eut tout de même une moue appréciatrice avant de se diriger vers l'ascenseur sur sa gauche. Elle passa à côté d'employés, assis sur des bancs, qui tendaient leur baguette à un elfe de maison pour qu'il la nettoie, ainsi qu'à côté d'une grande sculpture en bronze représentant ce qu'elle reconnut comme étant un mémorial dédié aux sorcières de Salem ; un événement qu'elle savait important pour la communauté magique du pays.
Alors qu'elle s'approchait de la cage en métal industrielle d'où partait les ascenseurs, une chouette frôla sa tête. Plusieurs autres hiboux volaient autour du hall et descendaient avec rapidité vers les étages inférieurs pour livrer leurs messages. Des balais s'occupaient aussi de garder le sol noir et doré bien entretenu, ce qui ne devait pas être une tâche facile avec tous ces oiseaux volant un peu partout dans le bâtiment.
Mabel atteignit finalement l'ascenseur et maintenant qu'elle pouvait enfin profiter d'une fraîcheur dûment appréciée, elle en profita pour se rafraîchir avec sa baguette. En quelques secondes, les tâches de transpiration disparurent de sa chemise, son visage arrêta de briller et ses cheveux noirs reprirent du volume.
Elle se sentait bien mieux comme cela et même si elle n'était pas ravie de ce nouveau travail, elle se devait au moins de faire une première bonne impression ; qui sait combien de temps elle resterait ici.
Pas indéfiniment, elle l'espérait.
Elle rangea sa baguette dans un étui en cuir à sa taille et attendit que l'ascenseur descende. Dans un silence étonnant pour un vieil ascenseur en métal, les portes de celui-ci s'ouvrirent et la sorcière pénétra dans la cabine en fer forgé noir et doré. Un elfe de maison, légèrement grincheux, l'accueillit. Il portait un costume sombre ainsi d'une casquette de portier sur la tête. Mabel se mit à côté de lui.
— Le quartier général des Aurors.
L'elfe, qui l'avait suivi du regard tout du long, se mit à la dévisager et Mabel en fit de même.
— Un problème ?
— Je ne vous ai jamais vu avant, vous n'êtes pas un peu âgée pour être une nouvelle recrue ?
L'elfe de maison attendit sa réponse, laissant les portes de l'ascenseur grandes ouvertes. Mabel haussa un sourcil avant de sourire. En voilà un qui n'avait pas peur de dire ce qu'il pensait. Elle savait d'avance qu'elle s'entendrait bien avec lui.
— Transfert.
L'elfe hocha la tête avec suspicion avant d'actionner l'ascenseur. Mabel se doutait de ce à quoi il pensait. Si jamais elle mentait et qu'elle était une intruse, il n'y avait pas vraiment de risque à l'envoyer à l'étage qu'elle demandait. Les dizaines d'Aurors qui s'y trouvaient sauraient, sans problème, se débarrasser d'elle.
Un sourire sur les lèvres, Mabel observa les étages défiler à mesure que l'ascenseur descendait de plus en plus profondément dans l'immeuble, une obscurité venant envelopper les différents secteurs du MACUSA.
Quand l'ascenseur s'arrêta, plusieurs vingtaines de mètres sous la surface du sol, et que les portes s'ouvrirent, elle inspira un grand coup. Elle avait besoin de ce travail. Elle devait faire bonne impression.
— Souhaite-moi bonne chance, taquina-t-elle l'elfe.
— Je n'ai pas toute la journée devant moi. Oust !
Mabel rit avant de sortir de l'ascenseur. Oh oui, elle l'appréciait énormément.
L'ascenseur remonta derrière elle et la nervosité la gagna. Un couloir sombre se tenait devant elle, et au bout, elle pouvait apercevoir une grande salle où plusieurs bureaux cohabitaient ensemble.
Elle ne savait pas exactement ce que les autres Aurors savaient à son sujet ; s'ils avaient été mis au courant de la raison de son transfert ou si l'on n'avait pas jugé nécessaire de les en informer. Dans les deux cas, elle savait qu'elle serait au centre de l'attention pendant quelques jours ; les transferts d'Aurors entre pays étaient extrêmement rares. De plus, elle se demandait bien quelles missions lui seraient confiées. Probablement rien de bien excitant, à ce qu'elle avait compris, le directeur de la sécurité magique du Congrès américain qu'elle devait rencontrer était tout sauf accommodant.
Elle se redressa, remit sa veste sur elle et la lissa avec ses mains. Elle avait simplement besoin de se tenir à carreau pendant quelques mois. Après tout, elle n'avait pas besoin de missions mais de leurs données.
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