9. « Qui est le sauveur qui est venu me sortir de cette merde ? »
— Tu n'as toujours pas envie de me dire ce qui se passe ? T'as cet air triste depuis qu'on est rentrées. Je t'en veux pas si c'est ce qui te met dans cet état, me souffle Emma en posant sa tête sur une de mes épaules.
Une larme perle le long d'une de mes joues. Ca me tue de l'intérieur de ne pas parvenir à parler comme je le voudrais. Même quand il n'est pas là, Alec réussit à faire ce qu'il veut de moi.
— Parle-moi, s'il te plaît. Te refermer sur toi ne te réussit pas, poursuit la petite tête brune qui est dans mon cou.
Je laisse échapper un léger sourire qui rassure ma meilleure amie. Nous avons toujours été là l'une pour l'autre et ça me brise le coeur de ne rien lui dire. Mais j'ai si peur de lui parler de ce qui provoque le blocage chez moi. Elle est persuadée qu'Alec m'a juste trompé, mais il y a tellement plus que ça. Mais j'ai quand même envie de lui montrer ce qui m'a fait un choc tout à l'heure.
Je lui tends mon téléphone ouvert sur ma conversation avec Oli. Je veux qu'elle lise le dernier message.
— Charline...si j'avais su, commence-t-elle tout doucement.
J'ai pas envie d'entendre la suite de sa phrase. C'est pas la peine de me consoler, car au fond il a raison. Personne n'a envie d'être ami avec la fille qui ne parle jamais. Je n'ai même pas envie d'être amie avec moi-même.
En réponse je pousse un souffle très léger et pose mon casque sur ma tête, puis lance ma Playlist des mauvais jours. Emma a compris que je veux être seule, alors elle se lève et quitte ma chambre, un sourire gêné sur les lèvres. Cette situation est pesante autant pour elle que pour moi.
Après quelques morceaux, l'évidence me saute aux yeux. Ma difficulté à parler est plus un handicap qu'autre chose, alors je dois la chasser de ma vie. Je dois prendre le taureau par les cornes et le dégager de l'arène. Je m'empresse d'aller sur Instagram, dans la liste des personnes bloquées. Je prends une grande inspiration et appuie sur le pseudo de la dernière personne bloquée. Alec. Je le débloque et me rends dans ma messagerie pour lui écrire. Si j'arrive à passer à autre chose avec lui, peut-être que je parviendrais à parler aux gens sans me braquer.
charline_blze : C'est d'accord. On peut se voir, mais juste pour discuter. Rien d'autre.
Il ne met pas longtemps à me répondre, à croire qu'il attendait derrière son écran que je lui écrive. Il n'a vraiment pas de vie.
alec_stgrmn : Tu m'as bloqué et tu me débloques en disant que tu veux me revoir. C'est juste pour parler, hein...😘
Mais quel con ! Il n'a pas vraiment changé depuis la dernière qu'on s'est vu. Il n'était pas comme ça au tout début de notre histoire. C'est moi qui aie créé ce monstre ?
Je prends une grande inspiration et me décide à lui répondre pour remettre les choses en place. Il faut qu'il comprenne que je fais ça pour moi et pas pour nous.
charline_blze : A force de vivre dans ton rêve, tu vas finir par t'étouffer. Et crois moi, je ne serais pas là à ton enterrement.
alec_stgrmn : Admets que c'est curieux que tu veuilles me voir après toutes les vacheries que tu m'as balancé la dernière fois qu'on s'est vu...
charline_blze : On sait tous les deux que mes «vacheries » étaient justifiées. Et je veux juste te voir, histoire de vérifier que t'es toujours un connard fini.
alec_stgrmn : Ça peut pas être que ça. Je te connais trop princesse et là c'est un gros mensonge. 😘
J'ai envie de l'étriper. Il ne comprend vraiment rien à rien. Je me vois pas lui dire qu'il continue de gâcher ma vie, c'est hors de question. Mais je le connais également et je sais comment il fonctionne. Un petit coup de pression et le tour est joué.
charline_blze : Je vais changer d'avis. Ça me prendra deux secondes de te bloquer à nouveau.
alec_stgrmn : OK. On se calme. T'es dispo quand ? 😉
J'avais raison. Il n'a pas changé et je suis satisfaite de pouvoir faire ce que je veux de lui, à mon tour.
charline_blze : Demain soir, 20h, au Donjon, à Toulouse. C'est pas loin de la place du Capitole.
alec_stgrmn : Ca me va. A demain, princesse. 😘
Je verrouille mon téléphone, un sourire de satisfaction aux lèvres. Je vais enfin pouvoir régler mes problèmes avec Alec et j'espère faire disparaître mon blocage. Je suis juste inquiète parce que je le connais. J'ai mis du temps avant de me défaire de son emprise et j'ai peur que tout ça recommence. Que tout ce cauchemar recommence.
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— Mais qu'est-ce qui t'es passé par la tête ? Tu te rappelles ce que ce mec a fait ? Et toi, t'acceptes de le revoir, comme ça ! me crie Emma le lendemain midi, en plein milieu du réfectoire.
Je suis affreusement gênée et je cache mon visage derrière ma gourde, afin de dissimuler mes joues rouges aux trois quart des étudiants qui se sont retournés. C'était une mauvaise idée de parler de ça à Emma ce midi. J'aurais dû attendre ce soir.
— T'as une explication à ton comportement, je suppose ? poursuit-elle plus doucement, tandis que tout le monde retourne à sa discussion ou à son repas.
Je lui explique rapidement ce que j'ai en tête, en omettant les messages macho d'Alec.
— T'as vraiment perdu la tête, ma vieille. On parle d'Alec, pas d'un enfant de chœur.
Je lève les yeux au ciel. Elle ne comprend vraiment pas mes motivations et je peux le comprendre, mais le plus blessant dans tout ça c'est qu'elle est persuadée que je ne suis pas assez forte pour lui résister. J'en doute aussi mais c'est pire de l'entendre de la bouche de sa meilleure amie.
Le reste du repas se fait en silence. Emma me jette quelques coups d'œil, mais je fais semblant de ne pas la voir. Mon ego a pris un sacré coup.
— Tu sais ce que tu vas porter ce soir ? finit par dire ma colocataire, alors que je range mes affaires dans mon sac.
J'arque un sourcil, comme surprise parce qu'elle vient de dire. Qu'est-ce qu'elle a en tête ? Je connais Emma et je trouve curieux qu'elle me pose cette question. Elle pense forcément à quelque chose et c'est assez inquiétant.
— Jean, t-shirt, baskets, je réponds très rapidement en portant mon sac à dos.
— Tu seras jamais crédible comme ça.
— Emma, je veux juste qu'on discute. Je veux pas qu'il pense que je veux remettre ça avec lui, je grommelle tout en essayant de comprendre ce qui lui passe par la tête.
— Il faut qu'il le pense au départ...
— Quoi ? Mais qu'est-ce que...? Tu m'expliques ?!
— Si il pense que tu viens pour lui, il sera très attentif à tout ce que tu dis et là...BIM. Tu enfonces le couteau en plein coeur en lui balaçant ce que t'as sur le coeur. Tu lui renvoies en pleine gueule ce qu'il t'a fait, lance Emma surexcitée.
Je me mets à rire, puis je prends la tête d'Emma entre mes mains pour l'embrasser sur le front. Elle a toujours des plans de dingue, mais qui, quand on y réfléchit, sont géniaux. On quitte le réfectoire en discutant de mon futur "rendez-vous" et en riant.
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Je me regarde dans le grand miroir de la chambre de ma meilleure amie. Elle m'a prêté une jolie robe bleue et m'a bouclé les cheveux pour renforcer mes ondulations. Je me trouve belle, mais je culpabilise de l'être trop, en pensant ce que je vais faire à Alec. Je sais, je ne devrais pas, mais je ne peux pas oublier que j'ai aimé ce garçon de tout mon coeur. Il a été toute ma vie, et nous avions tant de projets avant qu'il change subitement.
— C'est pas un peu trop ? je demande, pendant qu'Emma finit de me maquiller les yeux.
— Pas du tout. Tu es une nouvelle version de Charline, répond ma colocataire en souriant.
Elle est visiblement fière de son travail. La petite Charline qui ne se maquille presque jamais est devenue une femme qui assume ses courbes.
— Au fait, tu me prêtes ton téléphone ? Je voudrais prendre une photo de toi, avec.
— Tu préfères pas faire une photo avec le Polaroid ?
Je la vois réfléchir une demi-seconde. Qu'est-ce qui se passe encore ?
— On peut faire les deux. Mais je ne pourrais pas mettre la photo Polaroid sur ton compte Insta, dit-elle en prenant mon téléphone que j'avais rangé dans le petit sac à main qu'elle m'a prêté.
Deux clichés plus tard, Emma a posté une photo de moi sur ma page Instagram et tient dans sa main la photo qu'elle a prise. Elle m'a promis de la coller pendant que je ne suis pas là.
— Bon. J'y vais, je souffle.
— Fais attention à toi, Charline. Ne te fais pas Alecciser, dit-elle sur le pas de la porte de l'appartement.
— Un nouveau mot ? je la questionne, un grand sourire sur les lèvres.
— Un simple mot pour dire que tu ne dois pas retomber dans ses filets.
Cette fois, mon sourire est plus léger. Moi aussi j'ai peur que ça arrive. Mais cette fois, c'est Alec qui va tomber la tête la première dans mon piège.
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J'aperçois la devanture du Donjon face à moi. Mon pas se fait plus lent, et mes pieds se figent quand je le vois, juste devant, son téléphone en main et qui cherche dans la foule. Il me cherche.
J'avale ma salive et continue de marcher. Je me plante devant lui, mon corps entier tremblant. Mais ce qui me rassure c'est qu'il paraît aussi stressé que moi. Je dois me reprendre. Je le regarde droit dans les yeux. J'ai confiance en moi.
— Bonsoir Alec.
— J'arrive pas à croire que t'es devant moi. Je pensais ne jamais te revoir, dit-il le souffle court.
Emma avait raison. Cette tenue lui coupe le souffle, et je décide d'en rajouter un peu. Il est bord de la falaise, près à tomber. Je dépose un baiser sur sa joue, puis entre dans la salle. Je vois du coin de l'œil qu'il est surpris par mon geste. Tout marche à merveille.
Il finit par me rejoindre à la table à laquelle je me suis installée. Il a l'esprit ailleurs, et paraît songer à la situation. Ca y est. Ses pieds glissent sur les pierres de la falaise.
— Je croyais que tu voulais juste qu'on parle. Tu me fais quoi, Charline ? demande-t-il en approchant une de ses mains de mon bras droit.
— J'y ai beaucoup réfléchi, Alec. Tu me manques, je réponds beaucoup trop vite à mon goût.
Merde. Je suis en train de perdre le contrôle. Je ne peux pas me permettre de croire ce que je dis. Non, c'est faux. Je ne pense pas qu'il m'ait manqué. Le stress commence à monter et je n'ai qu'une envie. Que cette soirée s'achève le plus rapidement possible.
— J'avais peur que ce ne soit pas réciproque. J'ai pas arrêté de penser à toi depuis que t'es partie.
Je le vois sourire. Il me refait ce sourire qu'il m'a toujours fait. Je ne dois pas craquer, pas maintenant. Je serre mes poings et décide de lâcher une première bombe.
— T'es sûr de ça ? Il me semble que tu fricotais encore avec cette fille, quand je suis partie.
Son sourire s'efface, et l'incompréhension s'affiche sur son visage. Je viens de marquer un point, et tout doucement je me détends. Pourtant, je n'arrive pas à tirer entière satisfaction de ce que je viens de lui dire. Je suis même un peu blessée pour lui, et ma gorge se noue. Merde, Charline. Reprends-toi, bordel.
— Cette fille c'était une erreur, princesse. On se disputait tout le temps et j'ai cru que j'irais mieux en faisant ça. Mais c'était pire. J'ai réalisé que j'ai déconné avec toi, que j'avais perdu la fille dont j'étais fou amoureux. Dont je suis fou amoureux, princesse.
Bordel, ce surnom. Les frissons sont encore présents, mais je refuse de craquer après quelques minutes. Je dois repenser à toutes les crasses qu'il m'a faites, à cette fois où je l'ai vu avec cette conne et que j'ai vu leur visage se décomposer.
— Mens pas. On aurait pu continuer longtemps comme ça, si tu ne t'étais pas fait chopper, je lâche énervée.
— Qu'est-ce qui t'arrives ? Je pensais que tu voulais tout recommencer, et t'es énervée. Tu m'en veux encore ?
— Bien-sûr que je t'en veux. J'ai peur que tu recommences, c'est tout.
Je vois une lueur dans ses yeux, et je sais parfaitement ce que ça veut dire. Je sais merveilleusement bien ce qu'il va faire. J'ai envie de m'enfuir en courant, mais je suis figée sur ma chaise. Je ferme les yeux, totalement crispée. Je sens la chaleur de son corps qui approche, je sens ses lèvres beaucoup trop proches des miennes. Je suis tétanisée.
Puis soudain, des cris se font entendre juste derrière nous. Alec s'arrête dans son geste. Qui sont les sauveuses qui viennent de me sortir de cette merde ? Je me retourne, et mes yeux s'écarquillent. J'aurais plutôt dû dire : "Qui est le sauveur qui est venu me sortir de cette merde ?"
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J'ai tellement aimé écrire ce chapitre. J'espère tellement qu'il va vous plaire autant qu'à moi.
Mais le plus dingue c'est que je viens de voir qu'on a passé la barre des 300 vues et des 100 vues sur le premier chapitre. Je me doute que c'est peu pour un grand nombre d'entre vous, mais c'est beaucoup pour moi. Ca m'encourage tellement à continuer. Merci à tous. Ceux qui laissent des commentaires, qui votent et même ceux qui lisent de temps en temps. Je vous aime tous. Bisous, bisous. 😘
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