8. « Jolie pose. »
— Je ferai le plein juste pour toi.
Je souris en écoutant sa réponse. Je me sens unique et à la fois normale. Mais j'ai également peur chaque fois que je lui réponds. Et ce qui m'effraie le plus, c'est le moment où il me proposera une date, une heure, et que je serais obligée de me confronter à ce qui me fait peur.
— Tu vas en avoir besoin avec moi. Au cas où tu dois me réveiller suite à un malaise, je lui réponds en riant.
— T'es si effrayée que ça ?
Une boule au ventre me foudroie. Je ne peux pas lui répondre par vocal. Mes cordes vocales semblent avoir disparues. Même mes doigts me trahissent et m'empêchent de répondre. Je suis figée devant l'écran de mon téléphone, la gorge serrée. Pourquoi les gens sont-ils aussi intéressés par les choses délicates ?
— J'arrête, j'arrête. J'aurais pas dû poser la question. Encore.
— T'es pas le seul, tu sais. Moi aussi je me la pose.
— T'es vraiment un mystère, tu le sais ça ?
— Et personne n'a encore réussi à me décoder.
Je souris, mon regard perdu sur mon plafond. Tout semble simple entre nous deux. On ne se connait pas, mais j'ai l'impression de pouvoir lui dire plus que je ne le fais avec un grand nombre de personnes.
— Moi je vais le faire, répondit-il rapidement.
J'ai envie d'éclater de rire en entendant sa réponse. Il est tellement sûr de lui, c'est dingue. Lui qui paraît toujours timide dans tout ce qu'il laisse voir.
— Tu vas vite être déçu quand tu verras que tu n'y arrives pas. Comme tout le monde.
— Je ne suis pas tout le monde, Charline.
Cette fois-ci je n'ai absolument pas le temps de me retenir. Je me mets à pouffer de rire et seuls les grognements d'Emma qui semble se réveiller me ramènent au calme le plus complet.
— Et c'est moi qui ait les chevilles gonflées ? je lui demande totalement détendue.
— Nan, pas dans ce sens-là...
— Ouais c'est ça. Bref, bonne nuit Olivio.
Je ne prends pas le temps de voir s'il a répondu à mon message vocal. Je coupe mon téléphone et me dirige vers ma chambre, la tête pleine de rêves et une sensation étrange dans le ventre. Mais cette fois, ce n'est plus une boule au ventre à cause de mon stress permanent. C'est quelque chose de plus agréable. Probablement un sentiment fort de joie. Je n'ai pas été heureuse comme je le suis à cet instant depuis très longtemps.
*****************
— Alors, avec notre ami Nathan ? je questionne Emma tandis que nous quittons notre dernier cours du matin.
Emma me regarde en fronçant les sourcils. Elle semble croire que je ne sais pas qu'ils se sont parlés toute la soirée dernière.
— Mens pas, Emma.
— Attends. T'as fouillé dans mon téléphone ou quoi ? grommelle-t-elle en me lançant un regard noir.
— T'as passé la soirée à sourire, alors simple déduction.
— Tu peux sourire même en parlant à ta mère, Charline. Pas besoin d'un garçon pour rendre une fille heureuse. T'en sais quelque chose, non ? me lance-t-elle en plein coeur.
Ses mots me semblent très lourds. Ils foudroient mon coeur en reconstruction. Ma meilleure amie semble s'en rendre compte parce qu'elle pose une main sur mon épaule et cherche les mots justes pour s'excuser. Mais je n'ai pas besoin d'excuses, pas besoin qu'on me rappelle qu'un garçon peut vous emmener dans une terrible chute qui laisse des séquelles.
Je ne parle plus de tout le chemin pour aller au réfectoire, où la plupart des étudiants apportent leur repas et mangent ensemble. La salle est bondée, emplie de voix qui se mélangent mais qui renvoient une vague de joie. C'est tellement différent des couloirs de la prépa, où tout semble froid, où le stress se lit sur chaque visage et où les esprits sont marqués par les phrases blessantes de certains khôlleurs.
Emma et moi nous asseyons à une petite table dans le fond de la salle. Nous sortons nos boîtes du déjeuner de nos sacs et nous commençons à manger en silence. Un silence trop pesant à mon goût et aussi à celui d'Emma qui finit par le rompre.
— Tu lui as reparlé ?
— A qui ? Oli ? Un peu, mais rien de fou, je mens.
Je veux garder ça pour moi. Emma est trop bavarde et je sens que ça risque de s'ébruiter dans toute l'école. Si ça avait été un autre garçon, bien-sûr que je lui aurais dit, mais là tout est différent. Je ne peux pas faire de tord à Oli et me prendre en pleine face une vague de groupies hystériques qui s'imaginent mariées à lui.
— Ah...commence-t-elle tandis que le silence débute une nouvelle arrivée. Et pour Nathan, t'avais raison. Il est vraiment adorable.
— C'est toujours lui le pot de colle, pour le coup ? je poursuis en insinuant qu'elle est devenue aussi collante que lui.
En réponse, je reçois un morceau de carotte en plein front. J'éclate de rire et Emma me rejoint rapidement.
*******************
Emma et moi marchons dans les rues de Toulouse. Nos cours se sont terminés il y a une heure, et pendant le cours de physique, nous avons décidé de faire un tour avant de rentrer. Emma, parce qu'elle espère croiser Oli pour me forcer à aller lui parler, et moi pour empêcher Emma de le croiser.
— T'as toujours ton appareil sur toi ? me demande Emma en posant devant une petite boulangerie.
— T'es consciente que je réalise un cahier de souvenirs et pas un répertoire de tes plus belles poses ? je ris en sortant le Polaroid de mon sac.
En guise de réponse, Emma change simplement de pose. Et voilà, encore une autre photo d'Emma.
Après plusieurs autres clichés de ma meilleure amie, je lui tends l'appareil. Finalement, j'ai aussi envie d'être sur quelques photos. Je me poste devant une boutique de souvenirs, et réalise une pose à la Marilyn Monroe, dans ma petite robe blanche d'été. Emma est morte de rire en me rendant l'appareil et en regardant l'image apparaître sur le papier. Elle est plutôt réussie. C'est bien une des premières fois que j'apprécie une photo de moi. En général, je ne me focalise que sur mes kilos en trop et j'en oublie tout ce qu'il y a autour.
— T'aurais dû choisir l'option "Art et Visuel". T'y aurais clairement ta place, je souffle à ma meilleure amie en passant le Polaroid autour de mon cou.
Mon téléphone vibre dans la poche de ma veste en jean. Je le sors et le déverrouille. C'est Oli.
Un sourire débile s'affiche sur mon visage, mais ce dernier s'envole quelques secondes après avoir lu le message.
oli_real : Jolie pose. 😎
Non, non, non. Merde. Il doit être dans les parages. Je range rapidement mon téléphone dans ma poche et prends Emma par le bras pour l'emmener loin d'ici. Elle ne doit pas le voir ou elle va poser trop de questions. Ou
peut-être est-ce une excuse que je me trouve parce que je suis encore paniquée à l'idée de devoir aligner deux mots en face à face.
— Mais qu'est-ce qui t'arrive ma Chachou ? On devait se poser et là t'es pressée.
— Rien. Une envie pressante d'aller aux toilettes, je réponds sèchement en essayant de déloger ma meilleure amie.
— Ca va devoir attendre, me glisse-t-elle tout doucement.
— T'es sérieusement en train de me demander de dire non à ma vessie ? Tu sais pourtant à quel point je suis incapable de me retenir, je râle en fixant Emma.
— Vas dire ça à ton mec.
Mon mec ? Comment ça ? Alec n'est quand même pas dans le coin. Je panique sévèrement et regarde tout autour de moi, mais je ne le vois pas. C'est simplement Olivio et son frère qui s'approchent de nous. Merde, non. Tout mais pas ça. J'ai soudainement envie de tomber dans les pommes.
— Salut Charline, me lance Oli en s'arrêtant pile devant moi.
Je déglutis. Est-ce que c'est vraiment en train de m'arriver ? Est-ce que je vais encore être incapable de passer outre mon stress et lui balancer une phrase horrible en plein visage ?
— Ouais...hum...yo, je balbutie en suppliant Emma du regard.
Est-ce que je viens vraiment de lui dire "yo" ? J'ai envie de me frapper la tête contre un mur.
— Désolée, Charline a mal à la gorge depuis hier, intervient Emma en fixant Florian qui est au bord de la crise de rire.
Je regarde mes pieds mais je vois du coin de l'œil qu'Oli se gratte l'arrière de la tête. Il est clairement plus que dubitatif face à l'excuse de ma meilleure amie et je le comprends. Même moi je n'arrive pas à me convaincre que ce qu'elle dit est vrai.
— Pourtant, en message vocal, t'avais l'air d'aller bien hier, lâche Oli comme une boule de bowling qui m'atterrirait en plein sur les orteils.
Emma me donne un coup de coude comme pour réclamer des explications.
Donc, si je récapitule dans ma tête. J'ai l'air d'une andouille qui est incapable de parler, dont l'amie produit les mensonges les plus claqués au sol de la Terre et qui en plus, doit des explications à sa meilleure amie parce qu'elle lui a clairement fait comprendre qu'elle ne parlait presque pas au garçon qui est juste devant elles. Je suis dans une sacrée merde.
— Ouais, mais quand je disais hier, je voulais dire dans la nuit. Quintes de toux sur quintes de toux. J'ai beaucoup trop mal dormi à cause d'elle, tente à nouveau Emma pour m'aider.
— Donc quand tu dors mal, t'as un teint aussi frais et aucune cerne ? lâche Florian qui était resté muet depuis le début.
— Tu connais le maquillage, mon coco ? réplique Emma fière d'elle.
Cette fois, Emma a gagné la bataille dans sa quête aux mensonges. Et malgré qu'elle soit sûrement furieuse contre moi parce que je lui ai encore caché la vérité, elle sait aussi comment je suis devant n'importe quel garçon pour qui j'ai un minimum d'intérêt. Et je ne peux que la remercier pour ce qu'elle fait pour moi.
— Bon. Bah on va pas vous déranger plus longtemps, finit par dire Oli en voyant que des fans s'approchent de lui et son frère.
— Ouais...au revoir, je réponds, les yeux tournés vers le sol et en tirant Emma loin d'eux.
A peine nous nous sommes éloignées qu'Emma commence déjà à me réprimander et à réclamer des explications. J'étais prête à tout lui expliquer. Jusqu'à ce que je vois ce message s'afficher sur l'écran de mon téléphone.
oli_real : Encore paniquée à cause de moi ? Ca devient lassant. A quoi bon vouloir être ami avec quelqu'un qui est incapable de te parler normalement ? On dirait une fan qui nous idolâtre et sous le choc de nous voir. C'est vraiment chiant, Charline. 😔
Là, j'ai plus envie de me frapper la tête contre un mur. J'ai envie de devenir le mur. Sans sentiment ni douleur. Juste des pierres collées les unes aux autres.
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Salut à tous ! Je suis beaucoup trop contente de vous publier ce nouveau chapitre. J'espère qu'il vous plaira autant que j'ai aimé l'écrire.
En tout cas, désolée pour ceux qui attendent une avancée rapide avec Charline. C'est pas pour tout de suite. Je fais partie des gens qui pensent que le meilleur moment d'une relation est la période où les deux personnes se cherchent. Et j'aime pas que ça aille trop vite.
Sur ce, bisous à tous !
On se retrouve au prochain chapitre. 😘
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