— T'as pris quoi en option facultative ? me demande Emma, en mangeant sa salade de pâtes.

Emma et moi avons fini par nous réconcilier dans la soirée. Elle ne m'en a pas voulu d'avoir réagi comme une idiote. Elle était simplement déçue que je laisse mon stress et mon passé prendre le pas sur la personne que je suis vraiment. Mais je lui ai promis de travailler sur moi-même. Je n'ai pas envie de laisser mes émotions gâcher mon année.

— J'ai pris option Art et Visuel, je réponds en mélangeant la vinaigrette dans ma salade.

— Tu vas recommencer à prendre des clichés ? s'exclame Emma en levant sa tête de sa salade.

C'est vrai que depuis que je suis en prépa j'ai arrêté de poster sur ma page de photos, mais je lui ai déjà montré des clichés que j'ai pris quand j'étais au lycée. Je pense profiter de ma nouvelle vie pour poursuivre ce que j'ai toujours aimé faire, surtout dans les mauvais moments.

— J'espère ne pas avoir perdu mes capacités, je souffle avec un léger sourire. Et toi ? 

— Promets de ne pas rire, Charline.

J'arque un sourcil et plonge mon regard dans celui de ma meilleure amie.

— J'ai pris option "Design littéraire", finit-elle.

— L'option avec les cours d'écriture ? je réponds très surprise du choix de ma colocataire.

— Je savais pas quoi prendre et le prof d'écriture est venu discuter avec quelques élèves. Je sais pas pourquoi mais je l'ai trouvé mignon alors je me suis inscrite, m'explique Emma honteuse.

Je me mets à pouffer de rire. C'est la première fois qu'Emma a honte de quelque chose et qu'elle assume aussi peu. En temps normal, elle est la première à se lancer, sans avoir peur du ridicule.

— Tu as un rire très communicatif.

C'est un garçon qui vient de parler. Je me retourne et fais face à un garçon assez grand, dont les cheveux bruns et bouclés se battent sur son crâne.

— Tu es ? je demande en jetant un coup d'œil à Emma et en me concentrant sur ce garçon.

— Nathan, répond-il en me tendant sa main pour que je la serre.

— Charline, je réponds en prenant sa main.

************************

Nous sommes rentrées il y a une heure. Emma est en train de préparer nos boites de nourriture pour demain midi tandis que je remplis un formulaire à rendre à l'administration.

Mon téléphone vibre à côté de moi.

alec_stgrmn : Tu pourrais répondre, chaton. 😘

Je frissonne devant le surnom qu'il vient d'employer. Il m'appelait toujours comme ça, avant. Et je ne peux m'empêcher de sourire même si je suis profondément blessée. Le truc c'est que ce garçon m'a tout de même apporté des moments de bonheur.

charline_blze : Tu veux quoi ? On s'est pas parlés depuis deux ans et tu débarques comme ça ?

alec_stgrmn : Je viens vivre sur Albi alors je me disais qu'on pourrait se voir. 😉

Ce mec a du culot ! Il m'a zappé pendant longtemps et maintenant, il décide comme ça que c'est le moment pour qu'on se voit. C'est hors de question. Je me connais et il va me refaire tomber dans ses filets, ce que je refuse. Il peut aller se faire voir.

charline_blze : Toi, moi, plus jamais. ❌

Vous avez bloqué @alec_stgrmn

Je suis soulagée. Il va me foutre la paix maintenant.

Soudainement, je repense à Oli. Merde. Je lui ai jamais répondu hier soir. Il va penser que j'ai vraiment pas envie de lui parler. Mais j'ai été tellement stressée entre le début des cours, et Alec qui est arrivé comme une fleur.

charline_blze : Désolée...j'ai oublié de te répondre hier soir.

Je ne m'attends pas à une réponse immédiate de sa part. Il doit être assez occupé et peut-être un peu blasé que je lui réponde quand ça m'arrange. A sa place, j'arrêterais de me parler, mais c'est plus fort que moi. J'aime bien lui parler, j'aime bien me dire qu'il me parle à moi et pas à une autre fan. Même si je sais que tout ceci est éphémère. Ca ne me mènera nul part.

— Charline ? Je peux te parler deux secondes ? me lance ma meilleure amie depuis la cuisine.

Je laisse mon formulaire de côté et sors de ma chambre. Emma est assise au bar de la cuisine, des boites Tupperware devant elle et son téléphone dans sa main droite. Elle me le tend et je ne comprends pas ce qui se passe. Jusqu'à ce que je vois qu'elle a reçu un message.

nathan_mtnez:  Salut. T'as pris quelle option de cours ?

emma-ol : Design littéraire. Et toi ?

nathan_mtnez : J'ai pas encore choisi, mais je pense prendre pareil.

Je lance un grand sourire à ma meilleure amie, qui elle semble paniquée par la réponse de Nathan. Je ne la comprends pas. Visiblement, il a l'air intéressé par elle, et je n'arrive pas à savoir si ça lui fait plaisir ou pas.

— C'est quoi cette gueule d'enterrement ?

— Je sais pas, ma Chachou. On le connaît depuis ce midi et il est déjà collant, grommelle-t-elle en rappant une carotte.

— C'est vraiment ça qui te dérange ? Mais il est beaucoup trop mignon, Emma.

— Bah je te le laisse volontiers...répond ma colocataire en levant les yeux au ciel.

Je ne réponds même pas devant sa remarque. Je déteste quand elle parle des garçons comme ça. Elle a tellement de succès avec eux qu'elle en parle comme s'ils étaient des objets. Je souffle, énervée.

— J'oubliais. Toi, t'es intéressée par Olivio...

— Dis pas n'importe quoi. On se parle presque pas, et c'est très conventionnel, je râle en faisant les gros yeux.

Je ne laisse pas le temps à Emma de me répondre. Je l'entends juste crier depuis la cuisine alors que je retourne dans ma chambre, sans comprendre ce qu'elle me dit.

Je me laisse tomber sur mon matelas et fixe la fissure dans mon plafond. Je réfléchis, je pense et je stresse à nouveau. Toute cette journée a été étrange. Je m'étais imaginée des tas de scénarios pour ma nouvelle vie, mais certainement pas celui-là. J'étais tellement convaincue de pouvoir prendre un nouveau départ, d'oublier toutes ces choses qui se sont passées à Metz. Mais comme ma vie ne se passe jamais comme prévue, il a fallu qu'il débarque pile au début de mon renouveau. J'ai les nerfs, j'ai envie de crier. J'ai envie d'être énervée contre Emma. Elle ne réalise pas à quel point elle est chanceuse, et elle parvient à se plaindre parce qu'un garçon est intéressé par elle.

La fissure dans mon plafond s'étire, comme la blessure dans mon coeur qui avait commencé à se refermer. Merci Alec, merci de m'empêcher de fermer les yeux. Parce que quand je les ferme, je ne vois plus que son visage. J'enfouis ma tête sous mon oreiller, et pousse un léger cri, à peine audible. La fissure dans mon plafond tremble et se comble légèrement de ciment. Je sors la tête de sous mon coussin et prends mon téléphone, que j'avais laissé sur mon bureau, avant de quitter ma chambre.

Un nouveau message d'Oli. Un sourire se trace sur mes lèvres.

oli_real : Aurais-tu un emploi du temps de ministre ? 🙃

charline_blze : Pas exactement. J'ai un emploi du temps de reine. 👑

oli_real : Ca va les chevilles ?

charline_blze : Un tantinet gonflées, mais elles se portent bien.

oli_real : Tu veux que je t'amène de la glace ?

charline_blze : J'ai ce qu'il faut chez moi, mais merci.

oli_real : Ah...

charline_blze : Quoi ? J'ai dit quelque chose de mal ?

oli_real : Tu dis paniquer avec les gens, mais t'es douée pour briser les délires.

charline_blze : Je suis pas sûre de suivre ce que tu veux dire.

oli_real : Laisse tomber.

charline_blze : Non, vas-y. Dis.

oli_real : J'ai dit laisse tomber.

Je verrouille mon téléphone et le jette sur mon matelas. Pourquoi faut-il toujours que tout tourne au drame avec moi ? On parlait tranquillement, on rigolait même un peu et d'un seul coup tout devient froid. Je suis peut-être un véritable bloc de glace sur pattes, mais cette fois je n'y suis pour rien. Je suis juste incapable de lire entre les lignes de sa vie.

******************

Emma s'est endormie sur le canapé. Elle a passé la soirée à jongler entre son roman et son téléphone. Pour une fille qui ne voulait pas parler à un garçon trop collant, c'est elle qui a été collante. Mais je suis contente pour elle. Peut-être que si moi aussi je recommençais à lire des romans d'amour, avec des Happy-Ending, ma vie irait mieux. Après tout, le dernier roman que j'ai lu était "Les Hauts de Hurlevent". En gros, rien d'heureux pour Heathcliff et Catherine.

Je regarde Elite sur Netflix. Initialement, je n'aimais pas cette série. Aujourd'hui, j'apprécie mais voir ces riches sombrer dans l'alcool, la drogue et le sexe me dégoûte toujours. Mais peut-être qu'au fond c'est simplement un ressenti par jalousie. Parfois j'aimerais avoir leur vie et oublier mes problèmes pour avoir les leurs.

L'épisode se termine. Je coupe la télévision et me lève pour aller à la salle de bain, mon téléphone dans la poche arrière de mon bas de survêtement qui me sert de pyjama. J'allume la lumière et observe mon reflet dans le miroir. J'ai mauvaise mine, mais je souris à la fille que je vois, car elle est plus heureuse qu'elle ne l'était à Metz. Me l'avouer me fait tout drôle.

Mon téléphone m'indique une notification. Je déverrouille mon téléphone.

oli_real : Vous a envoyé un message vocal.

J'avale ma salive. On vient de passer un cap. Du moins, j'en ai l'impression. C'est juste un message vocal, mais je trouve qu'ils rendent les discussions plus personnelles. Sûrement parce qu'on laisse une partie de nous se dévoiler. Entre autre, notre voix. Celle qui nous définit, qui nous trahit quand on prétend que tout va bien.

J'ouvre le vocal, en mettant le son au minimum. J'ai peur qu'Emma entende ce qu'il me dit.

— Je suis désolé pour ce que j'ai dit. J'ai été froid, et con. Ca me rappelle une certaine personne d'ailleurs. Mais le coup des glaçons c'était une excuse pour qu'on se voit. Prends pas peur, hein. Mais t'as l'air gentille sous ta carapace de stress. On pourrait être potes. T'en penses quoi ?

Je souris encore plus après avoir écouté le message. Il veut qu'on se voit ? J'ai envie de sauter dans ma salle de bain, mais j'ai pas envie de réveiller ma colocataire. Je me contente donc de répondre à son vocal.

— Qu'on se voit ? Pourquoi pas. Mais n'oublie pas les glaçons pour mes chevilles.

Je verrouille mon téléphone et affiche une mine fatiguée mais heureuse devant ma glace. Pour la première fois depuis mon arrivée ici, je suis vraiment contente et j'arrive, le temps d'un instant à oublier mes problèmes. Je n'envie plus les snobs d'Elite. Ce serait à eux d'envier ma vie.

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Voilà voilà ! J'espère que le chapitre vous plaît. En tout cas, je suis vraiment contente d'écrire cette fiction. J'ai des tas d'idées pour la suite.

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