52. « Fuir quelqu'un »
Papillons de Nuit, à Saint-Laurent de Cuves. Notre tout premier festival ce soir.
Autour de nous l'agitation est à son comble. Les artistes du jour s'enchainent les uns après les autres sur scène, pour les réglages son, la mise en place des éclairages. Olivio et Florian sont les suivants et on les équipe de leurs micros, tandis que Panda Dub termine sa prestation sur la scène.
Depuis les coulisses, j'écoute avec attention le beatmaker lyonnais. Je suis impressionnée par ce talent. Réussir à produire des sons mélodieux juste avec ses cordes vocales.
Alessa est juste à côté de moi et ne sait plus vraiment où donner de la tête. Son regard se balade de droite à gauche, interpellé par tout ce mouvement, ces équipes qui travaillent d'arrache pieds dans le but d'offrir le meilleur concert possible au public impatient.
Je n'ai jamais vraiment mis les pieds dans un festival, mais en général les gens y restent plusieurs jours et campent entre amis dans des tentes. Ils finissent même par se lier d'amitié avec les tentes voisines et partagent des bières et autres boissons alcoolisées.
Mon petit-ami et son frère sont remontés à bloc, prêts à tout donner pour cette première date de l'été, bien que la nervosité soit toujours présente. En effet, ici, il n'y a pas que des Visionnaires et le pire serait que le public ne connaisse pas les chansons ou que l'ambiance soit plate. Avec Alessa, nous leur avons promis d'hurler leurs sons depuis les coulisses si jamais l'ambiance n'y est pas.
Agathe, quant à elle, donne un coup de main à Chloé et Léo qui installent le petit stand sur lequel nous allons vendre des produits de la marque des garçons. D'ailleurs, ici, tout le monde est équipé de quelques articles. Je porte un t-shirt blanc avec le logo, ainsi qu'une casquette. Nous allons être de fervents supporters.
— La première, souffle Olivio tout bas, à mon attention.
Le trac commence à monter de son côté et j'aimerais l'embrasser en signe d'encouragement, mais autour de nous, il y a trop de monde qui ne sait pas et ça serait mettre en lumière notre relation, ce qui est à totalement éviter.
— Et votre première réussite, je réponds.
Il fronce les sourcils et recule d'un pas, pour mieux m'observer.
— Quoi ?
— Tu veux dire qu'avant c'était...?
Je vois où il veut en venir. Le stress lui monte rapidement à la tête.
— Votre première réussite en festival de l'année, je m'explique.
Il soupire, soulagé et se gratte l'arrière de la tête. Doucement, ses yeux s'arrêtent sur mes lèvres et je sais qu'il pense à la même chose. Inconsciemment, mes dents viennent capter mon croissant de chair inférieur et je sens son regard sur moi plus intense. Je lève les yeux vers lui, gênée.
— Plus tard, promis, je susurre à son oreille, en passant juste à côté de lui afin de rejoindre le reste de l'équipe de merchandising.
La joyeuse team finit d'installer les articles, de sorte à ce qu'ils attirent le regard, sous les ordres d'Agathe qui sait parfaitement ce qu'elle fait. Une vraie cheffe d'équipe. Elle a expliqué à tout le monde qu'il fallait mettre en avant les produits les plus chers, car ce sont que les gens vont voir en premier et donc auront le plus envie d'acheter. A croire qu'elle veut faire de Visionnaire, la prochaine marque millionnaire. Mais elle est dure en affaires, alors tout le monde l'a écouté.
— Ca va, pas trop frustrant ? me demande Léo en passant derrière moi avec un carton plein de vêtements.
Je fronce les sourcils automatiquement. De quoi est-ce qu'il parle ?
— C'est vrai qu'il y a du monde ici, remarque Chloé.
Je regarde mes deux amies, cherchant dans leurs yeux le sens de leurs paroles.
— Pourquoi est-ce que vous voulez garder ça pour vous, d'ailleurs ? me questionne Benji en s'accoudant à la table du stand.
— Pourquoi est-ce qu'il faudrait qu'ils en parlent ? lui répond Agathe, les mains sur les hanches.
Elle arbore un ton très sérieux, prête à me défendre face à tant de curiosité à laquelle je ne suis pas prête.
— Je ne lui dis pas de le crier sur tous les toits, mais ça leur faciliterait la vie de se montrer, peut importe l'endroit.
— Ca t'éviterait seulement à toi de ne pas faire de bourdes en public, Benjamin, cingle-t-elle après avoir fait claquer sa langue contre son palais.
Il semble vouloir ajouter quelque chose mais se ravise en sentant le regard menaçant de mon amie sur sa personne.
Je remercie la petite blonde d'un signe de tête et décide de rejoindre les coulisses, afin d'écouter les garçons qui viennent de prendre place sur la scène, Alessa et Agathe sur mes talons.
La main droite de la brune se pose doucement sur mon épaule et elle soupire, sûrement aussi agacée que la blonde par la situation.
J'aime beaucoup Chloé et le reste de l'équipe, mais parfois ils me rendent la vie difficile. Durant tout le trajet jusqu'ici, j'ai déjà eu droit à des questions discrètes, quand Olivio avait le dos tourné. Je ne comprends pas leur obsession pour notre relation. Peut-être se sentent-ils mis à l'écart alors qu'ils sont amis avec le toulousain ? Mais ça me donne un avant goût de ce que serait ma vie si quelqu'un hors de ce cercle fermé savait. Un enfer.
— Tu vas tenir le coup avec eux ? m'interroge la petite-amie de Zac d'une mine inquiète.
Je lui indique que oui, d'un grand sourire, puis je me lance dans un câlin collectif.
— Que lui arrive-t-il ? Elle déteste les câlins d'habitude, remarque la blonde alors que je les serre encore plus fort.
Je ris légèrement à sa remarque et leur adresse un regard plein de reconnaissance.
— Je voulais juste vous remercier de m'accompagner cet été. J'ai bousculé vos plans pour mes affaires personnelles et j'ai sans doute été égoïste sur les bords.
Je me tourne alors plus particulièrement vers la brune.
— Je sais ce que ça te fait d'être loin de Zac aussi longtemps, alors vraiment merci. Je sais que je t'ai un peu forcé la main, alors...
— Alors rien du tout. Zac est mon copain, mais ce n'est pas le centre du monde non plus. Il comprend, enfin il essaye, que j'ai des amies et que parfois elles ont besoin de moi pour un certain temps. Il ferait pareil pour les siens, tu sais, me coupe-t-elle.
Je sens les larmes me monter aux yeux, mais j'essaye tant bien que mal de les contenir. Cependant c'est dur et ma gorge me paraît très serrée. Que ferais-je sans elles, hein ?
— Ah non, tu ne pleures pas ! m'agresse soudainement Agathe, pour se moquer. J'ai pas envie de voir des gens qui reniflent dans leurs manches.
J'éclate de rire et lui donne un petit coup dans le bras. Nous repartons ensuite dans un câlin collectif, comme une promesse de toujours rester amies.
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Je crie depuis le stand, en même temps que la foule. Les garçons sortent de scène, essoufflés et transpirants. Le sourire gravé sur leur visage me rend d'autant plus heureuse. Leur prestation était incroyable et le public a été très réceptif. Presque tout le monde connaissait leurs chansons et l'interprétation de "Demain" a mis la foule en transe.
Même si je n'étais pas dans la foule, j'ai eu l'impression de vivre le concert comme si j'y étais. Plusieurs fois, Alessa a dû me taper sur l'épaule pour me signaler qu'il y avait un nouveau client.
D'ailleurs, j'ai senti que notre présence avait fait parler. Les habitués des frères et qui connaissent leur équipe se sont demandés qui on était mais sans jamais nous le demander en face. Simplement des mots discrets, des chuchotements. Mais pas assez pour qu'on ne se rende compte de rien. Les yeux tournés vers nous ne trompaient pas. Ca m'a d'ailleurs inquiété mais Agathe m'a expliqué que c'était normal qu'on se pose des questions, mais qu'il n'y avait pas de quoi faire un drame et qu'on pouvait juste être des personnes engagées pour aider à la vente. Je l'ai remerciée d'essayer de me rassurer, pourtant pas très convaincue. J'espérais que ça n'allait pas être comme ça durant toute la tournée.
— Voilà nos bêtes de scène ! crie Chloé alors que nous arrivons tous dans les coulisses.
Les garçons font des accolades à tout le monde. Florian hésite avant de prendre Agathe dans ses bras, puis finalement se ravise avant de poursuivre avec Clément, leur arrangeur son.
Alessa me jette d'ailleurs un regard surpris mais je hausse les épaules, lui faisant comprendre que je suis aussi étonnée qu'elle par leur comportement. Agathe devra parler tôt ou tard.
C'est au tour d'Olivio d'avancer vers moi. Il me fixe sans trop savoir comment il doit agir avec moi. Je suis la première à initier un geste et je le prends dans mes bras, comme il l'a fait avec le reste de l'équipe.
— Tu es sûre que ça ne te dérange pas que je te prenne dans mes bras comme tout le monde ? me demande-t-il d'une voix basse.
— Pas de traitement de faveur avec moi.
— Comment ça ?
— En tout cas, en public, j'ajoute d'une voix mielleuse.
Il m'adresse un sourire amusé et poursuit son tour des accolades.
Sur scène, Kendji vient de prendre place et la foule a recommencé à crier. Mais je suis trop fatiguée pour aller l'écouter, même si honnêtement, je ne suis pas très fan de son style de musique, mis à part Tiago que je trouve magnifique.
Nous rejoignons petit à petit le tour-bus, car demain nous mettons le cap sur Dijon et son festival Les Solidarités. Nous aurons à peine le temps de nous reposer.
Je monte dans le bus et me dirige vers le dortoir, espérant trouver Agathe qui est partie rapidement avant nous, comme si elle était pressée de faire quelque chose. Elle n'y est pas, mais je trouve juste un petit mot de sa part sur ma couchette, m'indiquant qu'elle est partie marcher un peu.
Marcher à cette heure ? Et ce n'était pas plus simple de m'envoyer un message ?
Tandis que je me pose mille questions, deux mains se posent sur mes épaules. Et pas n'importe lesquelles.
— Pas trop fatiguée ? me questionne-t-il en me forçant à pivoter vers lui. Je sais que vendre la merch peut être épuisant.
— C'est toi qui me parles de fatigue. J'ai vendu des t-shirts et des casquettes, toi tu donnais presque ta vie sur scène, je lui fais remarquer avec un petit sourire en coin.
Il m'offre en seule réponse un baiser léger et doux. Le genre de baiser qui peuvent apaiser n'importe qui mais tout en te faisant perdre la tête. C'est toujours ça avec lui et ce, depuis le début. Chaque fois qu'il pose ses lèvres sur les miennes, je me sens complètement ailleurs et tout ce qui se passe autour semble subitement ne plus compter.
— C'est frustrant, non ? finit-il par dire après s'être reculé.
J'incline la tête vers la droite, lui signifiant mon incompréhension. Pourquoi est-ce que ces baisers seraient frustrants ?
— Nous sommes ensemble, mais tellement entourés.
Oh ?
Oh !
Je tilte enfin et lui offre une petite tape sur le bras.
— On trouvera forcément un moment. Bien que ton frère m'ait fait comprendre que le maître mot ici n'était pas l'intimité, je déclare en essayant d'avoir une mine rassurante.
— Je ne suis même pas sûr qu'ils sachent ici ce que ça veut dire. Tout le monde finit par connaître tout de le monde. Tu savais que Benji avait un grain de beauté sur la fesse droite ? précise Olivio.
Aussitôt l'image d'un fesse avec un naevus me vient à l'esprit, mais je la chasse rapidement.
Je me serais bien passée de ce détail. Je risque d'y penser chaque fois que je croiserais Benjamin.
— Ca va plaire à Agathe tout ça...
— D'ailleurs, elle est passé où ? Je pensais la voir ici, car elle n'est pas avec les autres dans le séjour, remarque mon petit-ami.
— Sortie.
— Maintenant ? Là, toute seule ? relève-t-il.
— Oui, elle voulait marcher. Ou peut-être fuir quelqu'un, je lui explique.
— Qui ça ? me demande-t-il en fronçant les sourcils.
— Ton frère. Ils sont trop bizarres depuis que nous sommes partis de Toulouse.
— J'en parlerais à Flo, si tu veux.
Je le remercie avant de planter un baiser sur ses lèvres.
J'ose espérer être rassurée par ce que j'apprendrais. Car si je ne supporte pas quelque chose c'est d'être totalement dépourvue face au malheur des autres. Surtout quand il s'agit de celui de mes amis.
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Voilà le chapitre promis hier pour mon absence de trois semaines.
D'ailleurs je ne le fais pas souvent mais en ce moment j'écoute une chanson qui me fait penser à Charline, suite à sa relation avec Alec. Je vous laisse aller l'écouter.
https://youtu.be/7Xe9mGcZpTY
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