48. « Voyons Christian »

Il doit être aux alentours de deux heures du matin. Agathe est endormie sur l'épaule droite de Alessa qui lit un Yaoi sur son téléphone.

La soirée a été longue pour tout le monde. Les filles ont beaucoup discuté avec le staff et Agathe a fait rire tout le monde avec son analyse plus que détaillée des paroles des deux frères toulousains. Florian a même proposé, en plaisantant, de l'engager pour travailler sur leur prochain album et corriger les phrases qui ne sont pas à son goût. Du moins, je crois que c'était une blague.

Je suis assise juste en face des deux filles, à moitié endormie. Je lutte contre le sommeil, attendant que Oli ne revienne de son petit tour en extérieur pour saluer les quelques fans qui ont eu le courage de rester dehors, tout ce temps.

J'ai passé une bonne partie de l'after concert en compagnie de Chloé, qui s'est avérée très curieuse concernant ma vie personnelle, et surtout les détails à propos de Olivio, qui apparemment est très discret me concernant. J'en ai fait de même, au plus grand désarroi de la jeune femme.

Olivio s'est montré assez timide devant ses amis et son équipe et je m'en suis presque sentie mise de côté. Mais je ne peux pas lui en vouloir d'être réservé sur sa vie amoureuse, et ce même avec son grand-frère.


La porte du catering s'ouvre quelques minutes plus tard sur deux têtes que je connais bien à présent. Florian s'affale sur un canapé, épuisé par la soirée et pousse un soupir de soulagement. On sent qu'ils aiment leur travail, mais que parfois ils aimeraient avoir plus de temps pour eux et revenir aux sources. Ils n'arrêtent pas, d'ailleurs, d'évoquer un break mais sans pour autant s'arrêter sur une date précise. C'est là toute la difficulté. Savoir que le besoin de se reposer est présent, mais tout en étant pris par la peur d'arrêter de faire ce qu'on aime par dessus tout.

Olivio avance doucement vers moi, les mains dans les poches arrières de son jean, et un sourire gêné tracé sur le visage. Je suis à peu près sûre qu'on peut voir le même sur mes lèvres. Il se poste devant moi, se mordant la lèvre inférieure.

C'est la première fois que vous vous voyez ? pouffe Florian depuis sa place.

Son petit frère ne prend pas la peine de répondre à sa petite pique et me tend une main, après s'être suffisamment approché de moi. Il me tire alors par la main et nous quittons la grande salle, pour nous engouffrer dans le couloir.

Tout le long, il reste très silencieux et j'en fais de même. Je me contente de le suivre sans trop savoir ce qui m'attend. Chloé disait que ma présence ici lui avait fait plaisir, mais je n'ai cessé d'en douter toute la soirée.

Nous marchons jusqu'à une petite porte, portant une plaque "local ménage". Il va me faire nettoyer la salle de concert ?

Désolé pour l'endroit, mais j'ai pas trouvé mieux.

Effectivement. Le local de rangement des balais et serpillère.

Oh non, c'est pas grave.

Et dans ta tête ça sonnait plutôt "oui, un local à balai quoi", dit-il en esquissant un petit sourire malicieux.

Qu-quoi ? Co-Comment tu...?

Je commence à te cerner, tu sais, ajoute-t-il en me regardant droit dans les yeux.

Mon dos est parcouru d'un frisson, tant son regard sur moi m'a manqué. Mes joues commencent même à se teinter d'une couleur chaude et j'en baisse les yeux.

Hum. Tu...t'avais quelque chose à me dire qui nécessitait qu'on...qu'on soit ailleurs ? Enfin, je veux dire qu'on soit que tous les deux, je bafouille tout en fixant le carrelage au sol.

Un léger rire s'échappe d'entre ses lèvres et quelques secondes après, son index droit vient se placer sous mon menton afin de forcer ma tête à remonter, et mes yeux à affronter les siens. Mon estomac se tortille à ce geste et je tente de reculer, mais je me trouve rapidement plaquée au mur du placard, coincée entre un balai et un charriot de ménage.

Qu'est-ce que tu me fais hein ? murmure-t-il le visage tout près du mien.

Son souffle s'échoue sur mon nez et la sensation de papillons dans mon ventre s'intensifie.

J'ai l'impression de te retrouver quelques mois plus tôt. Tu sais, quand tu mangeais ce fameux sandwich au thon, poursuit-il jouant avec ma gêne.

Je ne saurais même pas comment expliquer le fait que je sois aussi gênée. Comme si le mois que j'ai passé loin de lui avait tout effacé dans mon esprit, me changeant radicalement et recommençant tout à zéro. Comme si je redécouvrais sa présence.

Ah parce que tu te souviens de ce détail toi ? je remarque. Attends. Mais comment tu le sais au fait ? Ce jour-là, on a juste pris une photo et...

Je t'ai entendu le dire à Emma.

Quoi ? Mais je ne parlais même pas fort.

Faut croire que mon oreille avait déjà compris qu'elle serait amenée à t'entendre à nouveau.

Je suis abasourdie de l'entendre dire ça. Il est évident que de mon côté j'ai mémorisé en détails cette rencontre. N'importe qui qui rencontre son idole garde en mémoire chaque détail, chaque sensation ressentie. Mais du côté de l'idole tout est différent. Chaque fan est une personne comme une autre, perdue dans la foule. Elle oublie nos visages, car elle en a vu mille autres depuis.

D'ailleurs, je devrais remercier Emma.

J'arque un sourcil.

C'est elle qui t'a jetée sur ma route, poursuit-il devant mon incompréhension. Alors oui, merci Emma. Sans toi, elle n'aurait pas haussé le ton et je ne lui aurais pas demandé de prendre cette photo.

Tu lui en es si reconnaissant que ça ? je lui demande en jouant avec mes doigts.

Absolument.

Pourtant je...

Attends. Avant que tu ne cherches à te dévaloriser, je vais t'expliquer la raison de ta venue dans ce placard.

Non, ça je le sais. Tu n'avais pas d'ascenseur sous la main.

Il fronce les sourcils et me questionne du regard.

Voyons Christian, je plaisante retrouvant peu à peu mon courage.

Il ancre ses yeux dans mes prunelles et avance vers moi, pour se trouver à quelques centimètres de mon visage.

J'oserais pas, dit-il avec un clin d'oeil.

Il rentre dans mon jeu ou je rêve ? Je n'aurais pas dû jouer avec les allumettes. J'ai ravivé quelques braises et il est maintenant maître du départ du feu.

Non, en fait je voulais savoir...pourquoi est-ce que t'étais là ce soir ?

Son ton résonne comme un reproche à mon oreille. Je le savais. Il n'a pas apprécié que je sois là. Cela explique son regard me fuyant. Et moi qui aie fini par boire les paroles de Chloé.

Ecoute, ce n'était pas prévu. Je suis montée en voiture avec les filles et sans trop savoir ce qui m'arrivait, j'ai atterri ici, je cherche à me justifier.

Quelle superbe amie je fais. Incapable d'assumer que finalement j'étais ravie d'être là et je leur mets tout sur le dos.

Il se met doucement à rire et le timbre de sa voix parvient jusqu'à mes oreilles dans une douce mélodie.

On se calme, lance-t-il. Je les remercierai aussi.

Les remercier à quel sujet ?

De m'avoir offert ce sublime cadeau. Si tu savais comme j'étais heureux de croiser ton regard dans la foule.

Aussitôt mon cœur se réchauffe et ma fréquence cardiaque augmente. Inconsciemment j'avais rêvé l'entendre dire quelque chose comme ça, j'avais besoin d'être rassurée sur le fait que même à distance ça peut fonctionner et qu'il ne s'était pas lassé de moi.

Tu sais, j'ai cru un moment que tu n'avais pas eu envie que je sois là, je me confie en baissant les yeux.

Oui, je sais.

Attends...Comment tu...?

Chloé.

Pardon ? Elle a été tout lui raconter. Mais quel cafard !

Avant que tu ne te rebelles du haut de ton mètre soixante-cinq, je tiens à préciser que JE lui ai tiré les vers du nez après vous avoir vu discuter.

Je lui administre une petite tape sur l'épaule pour s'être moqué de ma taille.

C'est tellement agréable que l'atmosphère ne soit pas pesante, que tout coule facilement sans obstacle. A m'être prise la tête seule derrière l'écran de mon téléphone, je crois que j'avais arrêté de vivre. Je suis devenue si rapidement dépendante de ma relation avec Olivio alors que je m'étais promise que ça n'arriverait plus. Alec s'est servi de cette dépendance contre moi. Et bien que je doute qu'Olivio soit du même genre, je n'aimais pas le fait de le sentir glisser doucement sous ma peau. Mais peut-être que cette fois-ci, cette dépendance m'aidera à sortir la tête de l'eau.

Excuse-moi d'en avoir douté, j'annonce honteuse.

A ce propos. Pourquoi ? Je veux dire, j'ai fait quelque chose qui te laissait penser que je ne voulais pas que tu sois là ?

Je fuis son regard.

Tu as fait ça.

Fais quoi ? Attends, tu peux me regarder ?

Tu m'as à peine regardé en début de concert, puis plus rien. Pourtant j'étais juste devant toi, je lui explique en tortillant une mèche de cheveux autour de mon index.

Il soupire puis me force à nouveau à le regarder.

Tu sais pourquoi les gens fuient ? me questionne-t-il.

Parce qu'ils ont peur.

Exactement. Parce que j'avais peur.

Je suis si terrifiante que ça ? je lance d'un ton sarcastique.

Il me pince la main, me forçant à laisser un petit cri de plainte sortir d'entre les lèvres.

Je t'ai regardé une fois. Une fois et je me suis déjà trompé dans les paroles. Tu voulais que je rate un concert entier ?

Donc, tu n'avais pas tellement envie que je sois là.

T'as fini de dire des bêtises pareilles ? J'ai eu encore plus envie de raper, mais je ne pouvais juste pas te regarder.

Je fronce les sourcils en croisant mes bras sur ma poitrine.

Je pouvais pas. On a tous des fantasmes Charline, souffle-t-il dans le creux de mon oreille.

Quoi ? Des fantasmes. Mais de quoi est-ce qu'il me parle là ?

Aussitôt il ouvre la petite porte du cagibi. J'en avais presque oublié que nous étions encore dans ce placard à balais. Il marche rapidement vers le catering, me laissant lui courir après dans une confusion totale.

Tu m'expliques de quoi tu parles, Olivio ? je lui crie après.

Evite de rester seule dans une salle de concert avec moi, me glisse-t-il avant de s'engouffrer dans la pièce.

Je le suis mais je n'ai pas le temps d'en dire plus. Trois paires d'yeux sont braquées sur moi. Agathe assise sur l'accoudoir du fauteuil de Florian me regarde d'un air curieux. Alessa a juste levé la tête de son téléphone et Florian me fixe d'un air amusé.

Qu'est-ce qui se passe encore ?

Un placard, t'as pas trouvé mieux ici Olivio ? juge Agathe en le toisant du regard.

Et par contre, on ne se serait douté de rien si Charline n'était pas aussi rouge et n'avait pas de toiles d'araignée sur l'épaule droite, ajoute Florian.

Merci Charline, me lance Agathe. Flo' ça fera vingt balles pour moi.

Pendant que les deux font leur petite transaction sous mon nez, je fixe mon petit-ami d'un air confus et à en juger l'expression sur son visage, il l'est tout autant que moi. Ils ont parié sur je ne sais quoi. En tout cas, je reste ravie que mon amie ait gagné dans l'histoire.

Quelle soirée étrange.


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Je suis tellement contente de tous vous retrouver. Je sais, ça fait plus de deux mois que je n'ai rien posté et je m'en excuse. Je suis la première déçue quand je vois que les auteurs ne publient pas depuis aussi longtemps. Mais derrière chaque absence il y a une explication. Et j'ai envie d'être transparente avec vous. Je ne m'expose pas trop en vous en parlant et j'espère peut-être en aider certains si vous êtes concernés.

En tout début d'année, on m'a diagnostiqué comme souffrant de TCA (troubles du comportement alimentaire). Par conséquent, je suis suivie par une psychologue et un diététicien afin d'aller mieux. Sachez juste que ce n'est pas à prendre à la légère. Quelque soit la forme (anorexie, boulimie, hyperphagie...) c'est grave. Je ne vais pas trop m'étendre sur le sujet, mais si vous pensez être concernés et que vous ne savez pas à qui en parler, mes messages privés vous sont ouverts. Ou même si vous avez juste des questions.

Pour en revenir à nos moutons, entre les partiels et mon suivi qui parfois était compliqué, la flemme s'est installée. Cet été je suis en stage, mais il me reste le week-end pour écrire. C'est pourquoi je m'engage jusqu'à la fin de l'été à poster un chapitre par week-end. Probablement le samedi soir. Je verrais comment je rythmerais les publications à partir de septembre. Mais on a encore le temps d'y venir.

Sur ce, on se retrouve au prochain chapitre samedi.

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