39. « Je t'aime »
Je suis amoureuse, je suis amoureuse, je suis amoureuse.
Je ne cesse de le répéter tantôt à voix haute tantôt dans ma tête et ça, depuis une semaine. Ça me semble encore irréel, bien que j'ai eu une semaine pour y réfléchir. Les coups de téléphone de Oli ne m'ont pas non plus aidé. Il voulait se montrer gentil en prenant de mes nouvelles, même le soir avant le concert de Nouméa et je suis restée comme une cruche, à acquiescer à tous ses mots. Je voulais éviter que ça sorte de ma bouche tout seul, mais au final je n'ai fait que l'inquiéter. Si bien qu'il veut me voir dès qu'il arrive à Toulouse ce soir, alors qu'il n'était même pas censé rentrer à cause du concert de Papeete la semaine suivante.
Je tourne en rond depuis une petite demi-heure, faisant grincer le parquet du salon. Au plus grand désespoir de Emma, qui tente de réviser pour nos partiels.
— Tu comptes t'acharner comme ça jusqu'à ce qu'il vienne te chercher ? s'impatiente-t-elle en jetant violemment son stylo sur la table basse.
Il faut ajouter à son énervement que Nathan l'a repoussé en début de semaine. Alors entre ça, les partiels et moi, elle n'est pas de très bonne humeur.
— Mais je sais pas quoi faire. Je préférerais devoir dormir dehors plutôt que de lui dire, je ramage en me balançant comme un culbuto.
Emma se lève subitement du canapé et pose ses mains sur mes épaules avant d'essayer de me regarder dans les yeux. Elle est plus petite que moi.
— Il n'est pas question de lui dire. Tout du moins pas comme ça. Ça doit venir quand ce sera le moment.
Le moment ? Mais qu'est-ce que ça veut dire, ça le moment ? C'est supposé me tomber dessus d'un coup ? Je ne vais jamais savoir quand est-ce que le moment est arrivé. Je suis trop scientifique, j'ai besoin de savoir. Ça ne peut pas tomber du ciel comme ça.
Emma voit bien qu'elle ne m'a pas convaincu, mais c'est déjà trop tard. On vient de sonner à la porte et je sais que c'est lui.
J'avale difficilement ma salive en regardant ma tenue. J'ai tellement été préoccupée que je n'en ai pas vu l'heure passer et que j'ai oublié de me changer.
Oh merde. Le retour du jogging de notre rencontre.
Je me mets à sautiller sur mes deux pieds et vue de loin, on dirait que j'ai envie d'aller aux toilettes.
C'est avec cette démarche que j'arrive jusqu'à la porte. Olivio est debout de l'autre côté, avec une mine fatiguée. Il aurait dû rester chez lui pour se reposer du voyage. Je l'aperçois à travers le judas et il semble aussi nerveux que moi. Mais au moins il porte une tenue descente.
J'ouvre la porte et hésite avant de le regarder. Rien ne se passe. Aucun n'avance vers l'autre, comme si rien ne s'était jamais passé entre nous.
— Salut, je finis par dire en levant une main.
Il me répond timidement avant de prêter attention à mes vêtements. Il fronce les sourcils et se mord la lèvre inférieure.
Non, ne fais pas ça s'il te plaît. Ça me rend encore plus nerveuse.
— Tu ne comptais pas venir ?
J'admets que je n'ai pas la tenue la plus chic, mais je lui rappelle que je portais ce même jogging quand on s'est vu en août ?
— Non, elle a oublié de se changer, tant elle était stressée, lance Emma depuis le salon.
Enfonce moi, vas-y.
— Alors j'avais raison. Il se passe bien quelque chose, dit Oli en me fixant, les yeux pleins d'inquiétude.
Il finit par effleurer ma joue droite et je vois doucement une larme perler sur sa joue. Rapidement je viens la saisir du bout de mes lèvres, puis je recule précipitamment, gênée. Olivio me prend alors la main et me conduit à l'extérieur. Une chance que j'ai déjà des chaussures aux pieds.
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Nous y revoilà. La maison abandonnée, qui n'est plus si abandonnée depuis que Oli l'a acheté. Le lieu de mes plus belles photos. Dommage que j'ai pas eu le temps de prendre mon Polaroïd.
Je suis Olivio jusqu'à l'étage, mais mon regard se porte sur chaque recoin, sans prêter attention à mon petit ami. Il y a des bâches partout, les meubles ont été débarrassés. Arrivés au deuxième étage, nous passons devant la chambre du petit garçon. Enfin, son ancienne chambre. La porte est close et je me demande si elle aussi a été vidée comme le reste de la maison. Je savais que Oli avait commencé les travaux ici, mais je ne pensais pas que cette maison sans ses meubles perdrait autant de son intérêt. Elle en devient une demeure commune.
Nous arrivons sur la terrasse, qui elle n'a pas changé. Et bien qu'il ne fasse pas si frais dehors, l'atmosphère est glaciale. Alors il m'a amené ici pour ne rien dire. Il a fait tout ce chemin, au lieu de rester avec son équipe pour me faire culpabiliser de ne rien dire.
— Quel est ton but, Oli ? Explique-moi. On aurait tout aussi bien ne rien se dire à distance, je souffle en croisant les bras sur ma poitrine.
Il ne dit rien, et se tourne vers moi avec une expression dans le regard que je ne lui ai jamais vu. Il a peur, c'est clairement ça. Mais pourquoi ? Je veux dire, c'est nul de dramatiser autant une situation que j'ai créé à cause de mes sentiments. Dont il ignore l'existence.
— Je sais bien que j'ai dit que je voulais pas savoir, mais tu n'as toujours rien dit et...
— Et il n'a rien d'autre à ajouter, je le coupe en baissant les yeux.
Je fais bien sûr référence à mes sentiments que je souhaite encore garder pour moi. Se précipiter serait stupide étant donné que nous ne sommes ensemble que depuis un mois et demi. Mais est-ce que lui ne doit pas s'imaginer le pire des scénarios ?
— Je veux juste savoir si c'est grave, ajoute-t-il en avançant vers moi.
— Non, pas de quoi en faire un drame.
Là, il se tait et je vois à son regard qu'il est en pleine réflexion. Il analyse la situation de son point de départ à son arrivée. Il m'analyse.
— Ça a un rapport avec la photo qui a disparu chez moi ?
Aussitôt je sens tous mes muscles se crisper. Mon cœur accélère son rythme de battements et j'ai la sensation que je suis paralysée. Prise sur le fait.
— Comment tu...?
— Parce que je l'y ai laissé depuis que je l'ai, et qu'elle n'y est plus depuis que tu es partie,
dit-il sèchement.
Je baisse les yeux, j'ai envie de pleurer mais je m'en empêche. Cependant il n'a jamais été aussi froid avec moi. Pourquoi est-ce que ressentir quelque chose pour quelqu'un est aussi compliqué ? On ne peut pas juste l'exprimer d'une manière ou d'une autre sans devoir en venir au drame ? Je me sens stupide, ridicule, mais déterminée. Il ne doit pas l'apprendre comme ça, juste après une micro-dispute.
Ce n'est pas MON moment.
— Je suis désolée, d'accord. Il se passe un tas de choses dans ma tête, et je..., j'essaie de dire.
Je vais simplement lui parler de Lise et de ce que j'ai ressenti quand j'ai lu ce mot.
— Tu quoi ? demande-t-il d'une voix plus douce en s'approchant si près de moi que je sens sa respiration sur mon visage.
— Je me suis sentie horriblement jalouse en lisant le mot au dos de la photo, je murmure.
Oli me regarde avec de gros yeux, comme s'il ne s'attendait pas du tout à ce que je viens de lâcher. J'ai même l'impression qu'il a envie de rire. Et il peut. Je me comporte comme une petite fille.
— Qu-Quoi ? Mais pourquoi ? Je veux dire, ça n'a pas de sens, dit-il en se retenant de rire.
Je lui explique alors que ce qu'il a écrit m'a fait penser automatiquement à Estelle et que je n'ai pu m'empêcher de penser à elle, à leur relation dont je ne sais rien et que j'ai imaginé sous toutes les coutures.
Une fois mon monologue fini, les larmes me montent aux yeux et ma gorge se resserre. Je me sens libérée d'un poids, qui s'est évaporé dans les airs. Je relève la tête pour regarder Oli, qui n'a pas bronché. Il se contente de me regarder droit dans les yeux.
Soudain, deux bras m'entourent et me serrent assez fort. Olivio recule ensuite et vient embrasser chaque recoin de mon visage, en commençant par mes pommettes où sont venues se loger des larmes et en terminant par mes lèvres.
Sous son contact, je me sens minuscule, fragile, innocente. Il fait de moi une petite chose que tout pourrait briser. Et j'en ai peur. Mais il est déjà trop tard pour moi. Comme à l'époque d'Alec, je vais m'offrir corps et âme à Oli.
Après m'avoir embrassé tendrement, il reste contre mes lèvres et je sens un sourire s'étirer sur son visage. On dirait qu'il a envie de rire. À nouveau.
Qu'est-ce que j'ai encore fait ?
— Ce côté jaloux te rend adorable et même sexy, dit-il très calmement comme s'il avait l'habitude de le dire.
Mon cerveau se met à bégayer. Quoi ? Je réfléchis, je cherche quoi répondre mais rien. C'est le néant dans ma tête. Mon estomac quant à lui semble trouver fun de se tordre dans tous les sens. Merde, mes hormones. Ces idiotes font leur come-back. Vous seriez sympas de débarrasser le plancher. C'est pas le moment.
— Mais ne soit pas aussi blessante qu'elle s'il te plaît, murmure-t-il tout contre mes lèvres.
En temps normal, j'aurais relevé mais là, j'ai perdu le contrôle de la pensée et suis dirigée par les douces lèvres de mon petit ami, maîtresses de mon corps.
C'est moi ou les pulsions nous empêchent d'être rationnelle ? Oli n'a visiblement pas envie de me parler de son ex, et moi qui mourrais d'envie de savoir ce qui lui a causé tant de peine, je suis soudainement attirée par autre chose.
Pourtant je dois garder le cap. Tout du moins, tant que je n'aurais pas décidé que je suis prête. Je le serais quand ma pensée sera en harmonie avec mon désir et ce n'est aujourd'hui pas le cas. Seul mon désir brûle, alors que mon esprit est encore froid.
Mais que c'est dur de résister, surtout quand les lèvres d'Oli viennent s'attarder timidement dans mon cou, parsemant mon cou de baisers papillon tantôt légers et parfois plus marquants.
À quoi est-ce qu'il joue ? J'espère qu'il n'utilise pas son effet sur moi comme un moyen d'échapper à son passé, un passé qui commence à me tracasser. Non pas que je veuille me comparer à Lise, mais parce que je veux éviter de reproduire ses erreurs et de faire du mal au rappeur.
Soudainement, il cesse de m'embrasser bien que je vois à son regard qu'il aurait pu continuer. Qu'est-ce qui se passe bon sang ? Pourquoi est-ce qu'il n'a pas semblé en colère quand je lui ai parlé de mes sentiments vis à vis de la photo ? À sa place j'aurais été énervée de savoir qu'il a fouiné et de ne pas m'en avoir parlé de suite au lieu de rendre la situation pesante.
Je l'entends se racler la gorge et tout le désir dans son regard s'estompe pour laisser place à de l'hésitation et quelque chose que je ne saurais décrire.
Et là il lâche une bombe.
— Je t'aime.
J'ai l'impression qu'à tout moment je peux tomber en arrière, perdre connaissance et sombrer dans un coma profond. Je ne suis pas prête, pas maintenant. Je voudrais répondre de même mais ça ne sort pas. J'ai la sensation d'être bloquée comme à mes débuts avec lui. Pourquoi est-ce que c'est si dur quand c'était si facile avec Alec ?
Ne pas comparer mes relations. Merci Alessa.
— Je..., je me force à essayer de dire.
— Tu n'es pas obligée de répondre maintenant.
— Non ? Je veux dire...
— Car je le sais déjà. Tu l'évoqueras à voix haute, quand tu seras prête.
Bordel. Peut-on imaginer meilleur petit ami ? Je ne pense pas. Plus d'un se serait vexé mais pas lui. J'ai envie de lui sauter au cou pour lui montrer que je ressens la même chose, sans poser un mot dessus.
Ce soir-là, en me couchant, je peux enfin rêver de mon conte de fée. Celui où le prince avoue à la princesse qu'il l'aime, pas celui où ils font pleins d'enfants. J'ai encore du temps pour ça.
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Je voulais vous souhaiter à tous de bonnes vacances et de bonnes fêtes. J'espère que ça va aller dans vos familles et que vous profiterez tout de même de vos proches, malgré les restrictions. Chez moi ça sera en tout petit comité avec seulement ma famille directe et une mamie.
J'espère aussi que tout le monde va bien côté santé. J'ai eu le covid il y a peu de temps et je garantis que ce n'est pas drôle. Je n'avais pas une forme grave mais tout le monde peut être touché, alors pensez aussi à vos proches. Une copine a atterri aux urgences alors qu'elle n'a que 22 ans, sans problèmes de santé. (Je précise aussi que je l'ai eu par mon père qui travaille en milieu hospitalier et non à une soirée)
Sur ce, prenez soin de vous et s'il y a des Armys dans le coin, comptez moi enfin parmi vous. Merci la pub Samsung avec Dynamite qui me prenait la tête.
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