35. « Je pensais que tu m'avais amené ici pour autre chose »
J'ai eu beaucoup de mal à dormir cette nuit. Mon esprit n'a cessé de faire surgir le visage de Olivio chaque fois que je fermais les yeux. C'était à la fois agréable, mais terrifiant. S'attacher aussi vite a toujours été un gros problème pour moi, surtout si je considère le métier qu'il fait et la ribambelle de fans qu'il a. Sans oublier les quelques adolescentes et jeunes femmes qui sont inscrites dans le panier groupie.
Je suis assise au bar de la cuisine, entourée par mes fiches de maths que je devais finir ces vacances. J'y ai passé une bonne partie de la nuit et je suis heureuse d'enfin boucler mon travail. Maintenant, j'ai intérêt à trouver une idée pour mon projet photo. J'ai encore un peu de temps, mais j'aimerais m'y mettre assez vite.
— Tu viens seulement de rentrer ? me demande une voix endormie.
Emma vient de sortir de sa chambre, les cheveux en bataille, le maquillage dégoulinant et encore vêtue de sa tenue de la veille. Elle s'assied à côté de moi et pousse d'un geste du bras mes fiches cartonnées. Ma meilleure amie a l'air totalement déchirée, mais elle sourit et semble heureuse.
— Où est-ce que vous avez disparu ? En rentrant cette nuit il n'y avait personne, je la questionne tout sourire.
Ma meilleure amie baille grossièrement puis se frotte le front avant de prendre en considération ma question.
— Un des gars, Benji je crois, dit-elle en se creusant la tête, a voulu se promener car il se sentait pas bien. Alors après, un gars musclé a voulu aller au bord de la Garonne. Je connais même pas son nom. Mais cette fille, là, Chloé. Elle, elle voulait se reposer.
Je fixe ma meilleure amie sans vraiment comprendre où va mener son récit. On dirait qu'elle débite un discours préparé, mais qu'elle se perd dans ce qu'elle dit. Un autre effet de l'alcool.
— Et puis, y'a eu un autre garçon. Luc le musicien, rit-elle. Il voulait de la meilleure musique, mais Allie a dit que dans un immeuble c'était chaud. Alors on a fini par suivre Florian et on a atterri en boîte de nuit.
Il faudra m'expliquer comment toute la bande des deux frères fonctionne. En faisant A + B, ils arrivent à X. À moins qu'Emma n'explique très mal.
— Et c'est pas tout. Ce gars, Igor, m'a invité à danser. Sauf que Nathan voulait aussi, alors j'ai dansé avec les deux, s'exclame-t-elle fière.
Je cligne des yeux trois fois. J'ai dû mal entendre. Nathan ?
— Nathan ne dansait pas avec Constance ? je lui demande intriguée.
Emma m'ignore totalement et descend de la chaise de bar avant de s'écrouler dans le canapé. Elle a dû dormir deux heures, à en juger l'état de ses yeux. Ils sont bouffis et cernés. Elle a intérêt à décuver aujourd'hui, étant donné qu'on reprend les cours demain.
Je décide de rassembler mes affaires, remarquant que Emma va dormir le reste de la matinée voire de la journée et me rends dans ma chambre où j'ai laissé mon téléphone. J'ai deux messages.
Oli ❤️ : Toi aussi t'es en présence d'un zombie en manque de sommeil ? On pourrait se soutenir mentalement, et surtout en profiter pour se voir. J'ai l'impression que ça fait une éternité depuis hier soir.
Mon cœur danse dans ma poitrine à la lecture de ces mots. Est-ce qu'un garçon plus adorable existe ? J'en doute fortement.
Le deuxième message, cependant, me refroidit aussitôt.
Daphné ( Cafard ) 😎 : Heureusement que t'es partie ce matin. Y'a pas qui qui vient à la barac' ? L'autre con.
Et en ce qui concerne le langage propre à chaque individu de Daphné, je n'ai aucun doute sur l'identité de l'autre con. Qu'est-ce que Alec est venu faire chez moi ? Pleurer chez mes parents pour qu'ils me convainquent de le reprendre ? Ou pire, balancer que je fréquente Oli alors que je souhaite garder ça pour moi, pour l'instant.
Ce message ne pouvait pas tomber au pire moment. J'étais si heureuse de passer ma journée avec Oli, et voilà que je dois d'abord classer l'affaire Alec.
Moi : Tu sais ce qu'il voulait ?
Je ne m'attends pas à avoir une réponse de suite. Il est bien trop tôt pour que ma petite sœur soit déjà levée. Si seulement j'avais regardé mes messages hier soir...
Je décide ensuite de répondre à Olivio.
Moi : Emma dort alors niveau soutien mental ça devrait aller. Moi j'ai juste envie qu'on se voit. ☺️
Oli ❤️ : T'as une idée de l'endroit où tu veux qu'on se voit ?
Moi : Mouais. Cette fois, je t'envoie un taxi.
Oli ❤️ : C'est quoi ce plan foireux ?
Moi : Qui te parle d'un plan foireux ? Fais-moi confiance, veux-tu ?
Oli ❤️ : C'est bien parce que je te fais confiance que j'aie peur...
Moi : Chut. Tais-toi, tu verras bien.
Je laisse un petit mot à Emma et le pose sur la table basse, pour la prévenir que je suis sortie. Mais ce soir, elle a intérêt à me détailler sa soirée. Mieux qu'elle ne l'a déjà fait jusque là.
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— J'espère pour moi que tu as les clés sur toi, je dis tout en grimaçant, quand Olivio descend du taxi.
Le garçon secoue un trousseau qu'il sort tout droit de la poche de sa sacoche. On dirait qu'il avait devancé mes plans. Il s'avance vers moi, tout en souriant et approche ses lèvres des miennes. Mais à la dernière minute, je m'abaisse et sa bouche rencontre mon front.
— Ca ne va pas ? me demande Olivio en prenant ma tête entre ses mains.
Je roule des yeux, avant de souffler légèrement.
— Si, mais on est en pleine rue, et ça veut dire, possibilité de voir des gens. Je te l'ai dit hier. Aucun risque à prendre.
Je récupère ensuite les clés de la maison et trottine jusqu'à la porte d'entrée. J'ouvre rapidement avant de courir à l'intérieur. J'ai bien vu Olivio me courir après, et je ne vais pas le laisser m'attraper aussi rapidement. Je fonce au premier étage et ouvre la première porte que je vois, puis la referme derrière moi. Je me cale ensuite contre le bois de la porte, essoufflée par ma course. Je ne prête même pas attention au contenu de la pièce.
— Si tu m'avais dit que t'aimais jouer à courir, j'aurais fait plus de sport, se plaint Olivio depuis le couloir.
Je finis par ouvrir les yeux sur la salle dans laquelle je suis entrée. Manifestement, il s'agit d'une pièce de jeu. Elle est emplie de peluches en tout genre, de petites voitures assez anciennes, d'une coiffeuse pour enfants. Mais le tout est couvert par de la poussière qui s'est entassée avec les années. J'ignore depuis combien de temps tout ça est resté en place, sans être utilisé. Et pourquoi quelqu'un a accepté de vendre à Oli une maison aussi chargée de souvenirs ?
Je sens la porte pousser dans mon dos, et j'aperçois la tête de Olivio passer dans l'ouverture.
— C'est donc là que tu te caches ? dit-il en m'enlaçant dans le dos.
Je me tourne doucement vers lui, la tête pleine de questions.
— Qui a bien pu te vendre cet endroit ? je demande en me mordant la lèvre inférieure.
Le rappeur caresse ma joue droite, avant de planter ses lèvres sur les miennes. Je ne suis pas totalement concentrée dans le baiser, mais doucement, mes lèvres mouvent en rythme avec les siennes, sans que je ne me pose de questions. Cette même sensation dans le ventre me prend à nouveau, et je dois dire qu'elle est incroyable, bien que je sache ce qu'elle veut dire. Tes hormones, chérie.
Quelques secondes plus tard, je recule pour reprendre mon souffle. Mes lèvres si fines d'ordinaire sont gonflées et mes pupilles sont totalement dilatées. Je ris même en percevant brièvement mon reflet dans le miroir de la petite coiffeuse.
— Bon. Tu vas me dire comment tu as obtenu cette maison ? je poursuis après avoir retrouvé mon calme.
Le garçon m'explique plus en détails qu'il a fait des recherches sur cette maison et qu'il est parvenu à contacter l'arrière-petite-fille des anciens habitants de la demeure. Ils se sont mis d'accord sur un prix assez rapidement, comme si elle souhaitait s'en débarrasser. Qui voudrait en finir avec une maison pareille ? Elle est tellement chargée d'histoires et de la vie de ces anciens occupants. Mais peut-être qu'un drame s'est abattu sur la petite famille. Sinon comment expliquer qu'ils soient partis en laissant tout ici ?
Puis soudain, une idée émerge dans ma tête. Et si je travaillais là-dessus pour mon projet de photo ? Pas seulement sur cette maison, mais sur tout ce que j'ai vécu avec Olivio. Je garderais bien-sûr son identité secrète en le prenant en photo de dos. En fin de compte, tout ce qui s'est passé ici pour moi est en grande partie dû à lui.
Je sors rapidement mon appareil de mon sac à dos et prends un cliché de la pièce en me focalisant sur les éléments qui m'émeuvent le plus : l'ours en peluche posé à côté de la coiffeuse. Il semble attendre le retour de son propriétaire.
— Tu es quand même spéciale, me dit Olivio tandis que je capture l'instant.
J'arque un sourcil, puis lui lance un sourire amusé, avant de continuer de prendre des photos.
— Je pensais que tu m'avais amené ici pour autre chose, me confit-il en s'approchant de moi.
— Je ne sais pas à quoi tu songeais, mais n'oublie pas que j'ai toujours mon appareil sur moi.
— Je sais pas. Peut-être que tu voulais me voir en tête à tête dans un endroit calme. Et tu prends des photos, se plaint-il.
Je roule des yeux et ris doucement, puis passe mon appareil autour de mon cou.
— On est en tête à tête Oli, je lui réponds en prenant ses mains dans les miennes.
Le regarder dans les yeux comme ça, me donne des fourmis dans l'estomac. C'est vraiment atroce quand quelqu'un te plaît et j'espère ne pas être la seule à ressentir ça.
— Mais il y a cet appareil entre nous, poursuit-il en se collant à mon Polaroid.
— Tu n'es quand même pas jaloux d'un appareil, je plaisante. Et n'oublie pas que c'est grâce à lui qu'on est là.
Il ne répond pas et dépose ses lèvres sur les miennes.
Si je le pouvais, je passerais mon temps à l'embrasser, en espérant que cette sensation dans mon ventre ne s'efface jamais. Mais je sais bien qu'avec le temps s'embrasser ne devient qu'une routine et que tout redevient normal. Ça s'est produit avec Alec.
Ses lèvres me donnent l'impression d'avoir été conçues pour les miennes. Elles s'emboîtent parfaitement, s'écrasant avec passion et d'autres fois, s'effleurant avec tendresse.
Une fois encore, je suis la première à rompre notre baiser, rapidement essoufflée. Mais Olivio semble tellement entraîné qu'il pourrait faire ça des heures. Je recule timidement et lui fais face. Ses pupilles dilatées me fixent d'une manière étrange, et je me sens subitement mal à l'aise. Je sais ce que tout ça veut dire : je l'ai déjà vécu avec Alec, et je ne suis absolument pas prête pour ça. Certes, j'ai vingt ans, mais je ne sors avec lui que depuis hier. Je ne dis pas qu'il va tenter quelque chose et je suis même sûre que non. Cependant, je revois Alec avec ce même feu dans les yeux et je me sens mal.
Je recule brusquement, la nausée montant de mes entrailles et trébuche sur un coffre à jouets. Je m'écroule de tout mon long, tandis que rapidement, deux mains viennent m'aider à me relever.
Les yeux d'Oli ont retrouvé leur forme normale, et j'y lis à présent de l'inquiétude. De mon côté, je me sens mieux, malgré que je sois minable d'avoir laissé un souvenir d'Alec gâcher ce moment.
Je pensais avoir avancé, en acceptant cette nouvelle relation, mais c'est peut-être plus compliqué. Je ne vais pas pouvoir garder indéfiniment mon passé avec Alec, juste pour moi. Il est sans doute temps que je me mette à parler, à en parler à Oli. Et c'est avec lui que ça va être le plus dur.
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Je m'excuse pour ce grand moment d'absence. Pour tout vous dire, le chapitre était prêt, mais je n'arrivais plus à me connecter sur Wattpad. La cata. Mais je suis de retour et j'ai sécurisé le compte.
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