— T'as pas fini de nier la vérité ? râle Alessa en s'affalant dans mon canapé.

J'ai mis trois jours à me décider à leur parler de ce que je ressens, mais je crois que je n'aurais jamais dû. Je rentre demain chez moi et je me fais engueuler depuis une demi-heure.

— C'est si dur d'avouer qu'il te plaît plus que tu ne veux l'admettre ? Répète après moi. Je...l'aime, se moque Agathe en picorant dans le bol de cookies.

Je ramage pour la énième fois. Je ne suis pas amoureuse et ne compte pas avouer quelque chose qui est faux. D'ailleurs, comment Agathe se permet-elle pareille réflexion ? Elle n'a jamais été amoureuse et Alessa est avec le même garçon depuis des années. Seule Elie reste silencieuse, comme si elle n'avait aucune opinion sur le sujet.

— Je ne suis pas amoureuse, d'accord ? Et ça ne risque plus d'arriver, je m'énerve.

Je reçois un cookie en pleine tête. Qui s'est permis de...?

Elie me sourit d'une manière étrange. Elle ?

— Si je puis me permettre, tu es plus que tête de mule, Charline. Tu as simplement peur d'aimer à nouveau, alors tu rejettes Oli, qui d'après ce dont vous avez parlé, est un garçon formidable.

C'est vraiment Elie, mon Elie, qui vient de parler ? Elle s'est toujours tue au sujet de l'amour, ne laissant que rarement les émotions l'envahir, et elle vient de révéler ce que je n'osais pas m'avouer.

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Mon train entre en gare. Je suis épuisée, et pourtant cette semaine chez moi m'a été plus qu'instructive.

Ce matin, à la gare routière, j'ai fondu en larmes devant mes parents et mes amis. Même Ethan est venu me saluer, bien qu'on se soit peu vu. Il a glissé dans ma poche un petit paquet à ouvrir ce soir, seule dans ma chambre.

Alessa et Agathe m'ont serré très fort dans leurs bras, en me criant de les appeler rapidement par Skype. Elie, comme à son habitude est restée en retrait, mais a promis de plus s'investir sur notre groupe Snapchat.

Je descends de mon wagon, ma valise en main et cherche du regard Emma, qui m'a promis de venir me chercher. Cependant impossible de la trouver. Elle n'a quand même pas oublié.

Une demi-heure plus tard je suis toujours seule, assise sur ma valise et en colère. Je pensais qu'on était à nouveau amies, et elle parvient à oublier quand je rentre.

Soudainement, un visage masculin qui ne m'est pas inconnu apparaît au milieu des gens. Je l'ai déjà vu quelque part, mais j'ai un doute. Un ami de Olivio ? Ilan ou quelque chose du genre.

— Prête à partir ? s'exclame-t-il.

Hum, partir où ?

— Où est Emma ? Et puis, je peux savoir qui t'es ? je grommelle, les bras croisés.

Le garçon se met à rire, avant de me tendre la main. Est-ce qu'il veut qu'on se fasse une poignée de mains ?

— Igor pour vous servir, damoiselle.

Je lui tends également ma main.

— Et pourquoi est-ce que c'est toi qui viens me chercher ? Emma ne va pas bien ? je m'inquiète.

Il se contente de me faire un clin d'œil, et de prendre ma valise.

C'est un plan foireux ou je me trompe ? Je le suis en trottinant tant il va vite. Qui est ce type ? Il se fait passer pour un ami de Oli et me dérobe mes affaires ? J'accélère comme je peux, puis le rattrape devant un taxi. Il ne veut pas non plus m'enlever.

— Oli avait raison, elle est méfiante, dit ce Igor en se penchant dans le véhicule.

Mais à qui il parle ?

Ma réponse ne tarde pas. J'aperçois Florian assis à l'arrière en me penchant. Il me fait signe de monter et je m'exécute.

— Je peux savoir pourquoi ce n'est pas avec Emma que je rentre ? je questionne Florian en le toisant du regard.

Il ne semble pas vouloir me répondre, et se contente d'indiquer au chauffeur de démarrer.

Durant tout le trajet, toutes mes questions sont ignorées les unes après les autres. Ni Flo ni Igor ne daignent répondre.

Le taxi s'arrête. J'ouvre ma portière et reconnais la façade de mon immeuble. Tout ça pour ça ? Il est arrivé quelque chose avec Emma ?

Je me tourne brusquement vers Igor et Florian, légèrement énervée, mais surtout inquiète.

— Bon, vous passez à table ou je dois vous torturer ? C'est quoi ce cirque ? J'espère qu'Emma n'a rien, parce que je pourrais...je commence à m'énerver.

— On se calme, petite. On peut rien te dire, alors ne pose plus de questions, me coupe Florian.

Igor, lui, ne fait aucun commentaire et se contente de descendre du taxi avant de marcher jusqu'à l'entrée de l'immeuble.

Le chemin jusqu'à la porte de mon appartement se fait dans le silence complet, et je suis partagée entre la curiosité et la gêne. Qu'est-ce qu'Emma a manigancé pour engendrer autant de mystère ?

Les deux garçons s'arrêtent devant ma porte, et pendant que Florian pianote sur son téléphone, je me demande pourquoi ils m'ont escorté. Je ne suis pas une petite fille.

La porte s'ouvre, et soudain j'entends des cris qui me souhaitent la bienvenue. Emma a organisé une petite fête de retour, ce qui est sans doute un peu trop, étant donné que je ne suis partie qu'une semaine et que je ne connais que quelques personnes dans mon salon. Emma, assise dans mon fauteuil. Nathan, debout contre le meuble de télé, donnant à la main d'une inconnue. Nora, un verre à la main discutant avec Allie. Étonnant. Et Olivio, un soda entre les doigts, adossé au mur, près de ma chambre, qui me fixe d'une manière que je ne lui ai jamais vu. J'en ai des frissons dans le dos.

Toutes les autres personnes sont sans doute des connaissances et amies de Oli et Flo.

— Tu m'en veux pas d'avoir organisé tout ça ? On avait besoin de voir du monde, alors j'ai autorisé Florian à inviter leurs amis, m'explique ma meilleure amie en me prenant dans ses bras.

— Depuis quand tu parles avec Florian, toi ?

— Depuis que j'ai découvert qu'il organisait de superbes fêtes ! dit Emma, un grand sourire sur les lèvres.

Quelques minutes plus tard, je suis vite rejointe par Nathan et Nora. Tous les deux me serrent dans leurs bras. Nora me parle de sa semaine incroyable de vacances avec sa famille, et Nathan m'explique comment il a rencontré sa nouvelle copine. Apparemment, Constance travaille au restaurant dans lequel il a été manger avec des amis il y a trois semaines.

Je fais ensuite le tour des amis des deux rappeurs. Igor me présente à certains d'entre eux. Je fais la connaissance de Chloé, Léo, Benji, Jeremy et d'autres dont j'ai oublié le prénom. Tous m'ont l'air très sympa, surtout Chloé avec qui j'avais déjà un peu parlé à l'aéroport il y a quelques semaines.

Je finis par m'approcher doucement de Olivio, qui est resté très discret depuis le début de la soirée. Je ne sais pas comment l'aborder, mais je sens que je dois le faire. On ne s'est plus vraiment parlé depuis la scène au café.

— T'étais au courant de cette petite fête ? je lui demande le regard tourné vers le mur.

— Plus ou moins. T'aimes pas, hein ? dit-il timidement.

— Je suis pas trop soirées, mais je suis contente de revoir tout le monde, je déclare en souriant.

— Tout le monde...même moi ?

Comment ça « même lui » ? Est-ce qu'il fait référence à notre appel téléphonique et du fait que je lui ai raccroché au nez ? Je me sens vraiment stupide. Déjà que je vais avoir du mal à lui dire qu'il me plaît, maintenant il pense que je n'ai pas envie de le voir.

— Toi en particulier.

Je vois un éclat passer dans son regard, et mon estomac se resserre. Merde, c'est quoi ça ? Ça ressemble à un signal de danger. C'est vraiment ça l'effet qu'un garçon doit faire à une fille ?

— Je...je crois que Flo a besoin de moi, dit-il soudainement.

Pardon ? Il essaye de se défiler ou je me trompe ? Quel crétin !

— Mais je ne dirais pas non au goût de tes lèvres, poursuit-il en chuchotant à mon oreille.

Je retire ce que j'ai dit. C'est quand tu veux !

Mais est-ce que ça veut dire que je lui plais ou qu'il veut simplement entreprendre une relation sexuelle avec moi ? Je suis complètement paumée. Déjà, qui aurait que Olivio s'exprimerait de la sorte. Est-ce que lui aussi est animé par cette attraction qui lui pousse à oser des choses ?

Je suis tellement perturbée que je ne vois pas Emma venir vers moi. Elle a l'air surexcitée.

— Bordel. Il s'est passé quoi ? crie-t-elle

— De quoi tu...?

— Arrête ! Oli vient de passer, les joues complètement rouges et il savait pas trop comment agir. Il t'a embrassé ?

— Quoi ? Mais non. Mais j'aurais aimé, j'avoue.

Emma se met à me pincer le bras, me poussant pour me taquiner. Voici Emma version excitée par l'amour.

— Tu l'aimes ?

— Non. Je ne dirais pas ça, mais il est adorable, non ?

— Ah ! T'es piquée, ma Charline ! hurle Emma.

Que quelqu'un m'aide et me débarrasse de cette folle furieuse.

Igor semble avoir entendu mes prières, car il vient aussitôt chercher ma meilleure amie.

Je ris en voyant Emma se débattre pour rester et me poser plus de questions. Je m'isole ensuite dans ma chambre, m'asseyant sur mon lit. J'ai des palpitations, mon cœur danse dans ma poitrine, mon sang fuse dans mes veines.

Je m'allonge ensuite sur le dos et regarde mon plafond. Cette fois, pas de fissure au plafond. Tout est en ordre et n'est qu'amour et frissons. Pourtant, il ne fait pas froid dans ma chambre. C'est juste l'effet de Olivio sur mon corps.

La porte de ma chambre s'ouvre soudainement. Olivio entre timidement et ferme la porte derrière lui.

Mon corps s'embrase. Il faut vraiment qu'il reste seul avec moi ici ?

Il s'assied sur le bord de mon lit avant de plonger son regard dans le mien. Mon cœur frappe ma cage thoracique, me suppliant de le laisser sortir. Il s'approche ensuite doucement vers moi, se trouvant à quelques centimètres de mon visage. Je sens son souffle chaud sur mes joues, j'entends parfaitement sa respiration saccadée. Ses yeux fixent les miens.

— Ça te dirait d'aller quelque part ?

— Où tu veux aller ? Emma va me tuer si je m'éclipse.

— S'il te plaît, insiste-t-il en me fixant plus profondément.

Je suis obligée de dire oui. Comment dire non à un regard pareil ? Et même si je voulais dire non, mes jambes sont déjà prêtes à partir.