27. « Qui t'a fait ça ? »
Je déballe une énième barre chocolatée issue d'une corbeille posée sur la table. Je ne prends plus aucun plaisir tant je mange par ennui. Mon estomac va bientôt exploser, mais c'est la seule chose que j'ai trouvé à faire.
Les deux frères sont dans le studio depuis déjà trois heures, et je ne sais pas comment ils font pour rester concentrés aussi longtemps, sans venir manger un petit bout. Il est déjà presque quinze heures et ils ont apparement décidé de sauter le repas.
Je repose le Snickers à peine entamé sur la petite table et enfonce mon dos dans le canapé. Je commence à surfer sur les réseaux pour faire passer le temps. Ils viennent de poster une story depuis le studio, un grand sourire sur les lèvres. Au moins, ils s'amusent tous les deux, et ça ravira les fans de voir qu'ils bossent sur un nouveau projet. Je devrais également être ravie, si j'oubliais que je suis dans cette pièce depuis des heures, et qu'Oli m'a complètement oublié. Ça valait vraiment la peine qu'il m'invite au studio. J'ai pu faire connaissance avec le ravitaillement et un canapé en cuir. Je soupire, puis continue à faire défiler les stories.
Soudainement, un message s'affiche sur mon écran. Je me redresse dans le canapé, un sourire se dessinant sur mon visage.
Oli 💙 : Toujours vivante, crevette ?
Moi : Mon ventre est au bord de la rupture...
Oli 💙 : Fallait pas bouffer toutes les sucreries de la corbeille.
Moi : 🖕🏻
Oli 💙 : 😘 Tu peux venir au studio ? J'ai besoin de l'avis d'une personne partiale.
Moi : Je dois jouer les arbitres entre deux frères ?
Olivio 💙 : Pose pas de questions et viens.
Moi ? Un juge partial ? Il rêve. Bien évidement que je vais être du côté de Florian pour me venger de m'avoir laissé seule dans cette pièce.
Je quitte le canapé lentement, le ventre lourd puis me traîne jusqu'à la porte. Overdose de chocolat. Je marche doucement jusqu'à la porte du studio et entre sans frapper. Les deux toulousains sont installés à l'intérieur de la cabine d'enregistrement. Florian est assis devant son piano, des feuilles éparpillées sur les touches. Il a l'air pensif et n'arrête pas de relire ses notes. Olivio, lui, est debout face à son frère, le bout d'un crayon en bouche. Il tourne la tête vers moi, et m'observe à travers la vitre, puis me fait signe de rentrer.
Je pousse la porte qui sépare les deux salles, puis la referme derrière moi.
— C'est quoi le problème ? Vous vous battez pour savoir ce que vous mangez ce soir ? je plaisante.
— Non. Flo ne me croit pas quand je lui dis que sa punchline est géniale, s'explique Olivio en arrachant une feuille des mains de son frère.
Je ferme brusquement les yeux. Je ne veux pas voir ce qu'il y a sur cette feuille. Ce sont leurs paroles et je veux attendre comme n'importe quel Visionnaire. Aucun traitement de faveur.
— Qu'est-ce que tu fais ? rit le rappeur en me voyant fermer les yeux.
— Je ne veux pas voir vos paroles. C'est contraire à la communauté.
Olivio se met à rire de plus belle. Je continue de fermer les yeux, sans comprendre ce qui l'amuse. Je ne l'entends même pas se déplacer, ses déplacements dissimulés par son rire. Seul son souffle dans mon cou me laisse deviner qu'il s'est avancé vers moi.
— Je ne vais rien te montrer. Je veux juste que tu sois de mon parti, me chuchote-t-il à l'oreille.
Je souris tout doucement et ouvre lentement les yeux. Il est très proche de moi, et je ne me focalise que sur ses iris qui me supplient de dire oui. Il me toise du regard, ses yeux plongeant dans les miens. Il recule quelques secondes plus tard, me laissant un peu d'espace et l'esprit dans le brouillard. Cette proximité m'a chamboulé.
Je papillonne des yeux, et me tourne vers Florian qui a observé la scène depuis son piano. Il n'a pas bronché, mais lance tout de même un regard curieux vers son petit frère.
— Peut importe ce que tu as écrit Flo. Si tu n'es pas satisfait, recommence jusqu'à ce que tu aimes ce que tu fais.
Olivio me regarde ahuri. Il s'attendait sûrement à ce que je sois de son côté. Initialement, je voulais pencher du côté de son frère pour l'embêter, mais je pense tout ce que j'ai dit. J'esquisse un léger sourire à l'intention de Oli.
— Merci du soutien, râle Olivio dans sa barbe.
Je lui adresse un sourire moqueur, avant d'attacher grossièrement mes cheveux en une queue de cheval, puis m'assieds sur un tabouret du studio. Mon ventre est tellement lourd que j'ai soudainement sommeil, et ne peux plus rester debout.
— On s'accorde une pause bouffe et on voit pour l'instru' après ? finit par dire Flo en quittant son piano.
Ne me parlez pas de nourriture...Mon estomac pleure en entendant ces mots, et est sur le point de m'insulter pour m'être goinfrée. Je passe mon tour pour un repas.
Son petit frère acquiesce d'un signe de tête et repose la feuille qu'il a toujours en main sur le piano. Il s'apprête à suivre Florian, qui quitte le studio mais fait marche arrière quand il voit que je ne les suis pas.
— Tu viens pas ? me demande-t-il en posant une main sur mon épaule droite.
Je réponds que non de la tête et pose une main sur mon ventre rebondi. Plus rien ne peut rentrer là-dedans avant demain.
Olivio fronce les sourcils et fixe soudainement mon ventre, ce qui me gêne quelque peu. J'essaie de dissimuler mes rondeurs sous mon t-shirt en le tirant du mieux que je peux.
— Toujours mal au ventre ?
— C'est ça de se gaver, je réponds en essayant de sourire.
— Tu peux quand même venir, hein.
Il affiche une mine inquiète et je n'ai aucune idée de ce qui le pousse à être soudainement nerveux. Mais je ne préfère pas poser la question, et finis par accepter de les suivre. Je tâcherais seulement de ne pas trop m'approcher de la nourriture, ou je risque de rendre.
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Je suis à nouveau assise sur le canapé de la petite salle de ravitaillement, mon ordinateur et du travail sur les genoux. Florian a caché les sucreries, histoire que je ne me goinfre plus et Olivio m'a réprimandé comme une petite fille quand j'ai quitté précipitamment la salle du fast-food où ils ont mangé, pour aller vider mon estomac. Depuis, le plus jeune des deux frères n'a pas arrêté de m'avoir à l'œil, comme si j'étais une poupée de porcelaine prête à se casser. Il a même été jusqu'à insister pour que je vienne travailler au studio plutôt que chez moi. Et j'ai fini par accepter devant son air inquiet.
Il est plus de vingt-deux heures quand Olivio vient frapper à la porte de la petite salle. Il entre en silence, un sourire discret sur le visage. Je suis à moitié endormie sur le canapé, ayant préféré attendre pour rentrer chez moi. Le rappeur s'assied à côté de moi, et les premières minutes, il ne pipe pas mots, fixant un point sur le mur d'en face.
— Journée de travail finie ? je demande en m'installant en tailleur.
Il acquiesce de la tête, ce que je trouve étrange. D'ordinaire c'est moi qui répond d'un signe de tête. Il semble perturbé par quelque chose, perdu dans ses pensées.
— Vous le sortez quand ce freestyle ? je poursuis, afin de le faire parler un peu.
— Pas tout de suite. L'instru' initiale ne colle plus au texte, on doit en trouver une autre, m'explique-t-il sans me regarder.
Malgré que nous parlons de son travail, je sens qu'il est avec moi sans y être. J'espère qu'il n'est pas mal à l'aise à cause de la discussion de ce midi.
Je m'approche tout doucement de lui, collant mon épaule à la sienne. Je veux lui faire comprendre qu'il peut me parler. Sa peau contre la mienne, il se retourne subitement vers moi, son regard plongé dans le mien et je me sens étrangement gênée. Pourtant, je ne détourne pas les yeux et continue de le fixer.
— J'avais jamais vu ces éclats de bleu dans tes yeux, dit-il très sérieusement.
Je ne sais pas ce qui m'arrive, mais j'éclate de rire. Pourtant, son ton était très sincère, mais je ne m'attendais absolument pas à une telle déclaration.
Oli détourne le regard et fait la moue, apparement déçu que je me moque de lui. Pourtant, ça n'a rien à voir avec le fait de rire de lui. Je suis surtout nerveuse, sûrement parce que personne ne m'a jamais dit une chose pareille. Alec n'était pas du genre à faire attention à ce type de détails.
Je pose ma main sur son bras.
— Je ne voulais pas me moquer, je souffle pour m'excuser. Mais je ne sais pas quoi répondre. Tu t'attendais à ce que je dise que j'aime tes yeux ou un truc du genre ?
Cette fois c'est lui qui rit très bas.
— Je n'attendais pas de réponse, Charline.
Je souffle, rassurée. Pourtant, je sens qu'il y a toujours une atmosphère étrange entre nous deux. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose qu'il n'ose pas aborder, et qui expliquerait pourquoi il n'a pas voulu que je reste seule aujourd'hui.
— Est-ce que tu me fais confiance ? je lui demande.
— Je pense, oui.
— Alors pourquoi tu ne me dis pas ce qui ne va pas ?
Il arque les sourcils et recule légèrement sa tête.
— Ne fais pas celui qui est surpris. Tu as refusé que je reste seule aujourd'hui.
— Je voulais juste passer du temps avec toi, ment-il.
— Je suis restée dans cette pièce toute la journée, alors je ne crois pas ce que tu me dis, je déclare plus que dubitative.
Il avale sa salive, se rendant sans doute compte qu'il ne pourra pas échapper à cette discussion. Il pivote légèrement sur le canapé pour me faire pleinement face et plonge à nouveau son regard dans le mien.
J'ai peur. Je suis stressée. Je suis figée.
— J'ai vu ton coude cette nuit. Qui t'a fait ça ? me questionne-t-il en passant son pouce sur la cicatrice.
Je me mords la lèvre inférieure. Si j'avais su qu'il s'inquiétait pour ça, je ne l'aurais jamais forcé à parler.
— Je suis juste tombée dimanche dernier, je mens à moitié.
Alec m'a poussé mais je suis tout de même tombée contre la table basse.
Il pousse un souffle de soulagement, et passe ses bras autour de moi.
— J'ai eu tellement peur que ce soit lié à Alec.
Une boule dans mon ventre se forme. Je me sens horriblement mal de mentir, mais je n'ai pas envie de l'entraîner dans cette histoire. C'est à moi de bannir Alec de ma vie, et je sais à quel point il peut être violent. J'ai beaucoup trop peur qu'il s'en prenne à quiconque s'interposera entre lui et moi ou Emma.
Olivio finit par me relâcher, et un sourire s'est formé sur ses lèvres. Je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour, même si ma joie sera de courte durée.
— Mais crois pas que je vais te laisser tranquille, rit-il en se levant pour quitter la pièce. D'ailleurs, toi et moi on va aller se promener.
Une nouvelle promenade de nuit dans Toulouse ? Mon sourire s'agrandit.
Je fais signe à Olivio de m'attendre dehors, le temps de rassembler mes affaires. J'éteins mon ordinateur, regroupe toutes mes feuilles et récupère mon téléphone.
Deux notifications. Une sur la conversation Snapchat, et une pour une nouvelle story de Emma. Je me rends sur Instagram et ouvre la story de Emma. Elle est à une soirée avec Allie et d'autres personnes de l'école. La musique est très forte, mais pourtant un rire m'interpelle. Je suis persuadée que c'est celui de Alec, que je connais trop bien. Emma tourne la caméra de son téléphone et j'aperçois le garçon danser, un verre à la main. L'instant d'après, il embrasse ma meilleure amie.
Mon estomac se retourne et me supplie de quitter l'application, ce que je fais rapidement.
Quand est-ce que Alec arrêtera avec Emma ? Qu'est-ce qu'il veut au juste ? Est-ce qu'il l'aime vraiment ou est-ce qu'il la voit comme une nouvelle proie pour son jeu de manipulation ?
Peut importe la réponse, Emma va souffrir, et moi également, par la même occasion.
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Ça fait tellement longtemps que je n'ai pas posté. J'ai eu quelques petits soucis « familiaux » mais surtout et c'est le pire. J'étais en panne d'inspiration.
J'espère alors que le chapitre vous plaira. J'ai beau avoir eu beaucoup de mal pour écrire, ça n'empêche pas que je l'adore. Voilà voilà. Prenez soin de vous. ❤️
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