20. « T'es la copine de Oli ? »

Qu'est-ce qui t'attire chez ces bêtes ? me demande Olivio tandis que je fais le tour de chaque box.

Je sens de l'incompréhension dans sa question, et je le comprends parfaitement. Je me pose la même question quand je vois des gens faire de l'accrobranche. Qui y'a t'il d'amusant à jouer avec le vide ?

C'est pas vraiment l'animal en lui-même que j'aime. Si ils étaient des autruches, ça aurait été pareil. Ça a toujours été une échappatoire de monter à cheval, je me confie en passant ma main sur l'encolure d'une jument alezane.

Tu pouvais pas trouver moins effrayant comme échappatoire ?

Je me tourne vers Oli. Il est raide comme un piquet, à au moins un mètre de moi. Il garde ses distances avec les chevaux et sursaute chaque fois qu'un équidé passe près de nous. N'importe qui pourrait trouver ça amusant, mais ce n'est pas mon cas. Je suis ennuyée de savoir qu'il est comme ça pour me faire plaisir.

C'est un moyen de me faire comprendre que tu veux partir ?

Il n'ose pas parler, mais sa réponse est gravée sur les moindres recoins de son visage. Il meurt d'envie de prendre ses jambes à son cou, mais je sais d'avance qu'il ne le fera pas, car il est Olivio. Un garçon qui pense d'abord aux autres avant de songer à lui. Je me souviens de toutes ces vidéos dans lesquelles on le voyait épuisé, mais où il préférait continuer à faire des photos avec ses fans au lieu d'aller dormir.

Qu-Quoi ? Non, t'as l'air heureuse, souffle-t-il en esquissant son sourire le plus faux.

J'ai l'air heureuse ? Donc il avoue lui-même qu'on est là pour moi. Je souffle et laisse la jument pour m'avancer vers lui.

J'aime pas ça, je lui glisse entre deux hennissements.

C'était une mauvaise idée de t'amener ici ?

Le timbre de sa voix chute, et il baisse les yeux avant de me tourner le dos. Mais qu'est ce qui lui prend ?

J'avance doucement pour venir me coller à son dos et pose mon front juste en dessous de sa nuque, puis souris. J'espère lui faire comprendre que j'ai adoré venir ici. Je recule un peu, n'ayant pas de réponse de sa part, et soudainement il fait volte face.

Tu me fais quoi, Charline ?

C'est l'incompréhension dans ma tête. Mes paupières se ferment et s'ouvrent de manière très rapide, et mon cœur me signale un soucis dans cette question. Peut-être que mon geste était déplacé ou qu'il a juste mal interprété. Il est vrai que je ne suis pas tactile en temps normal, mais comment pourrait-il le savoir ?

Je suis censée dire quelque chose ? je finis par dire sans pour autant lui faire face.

Il laisse s'échapper un premier éclat de rire depuis qu'on est là et je dois avouer qu'il me fait un bien fou. Pourtant je suis toujours perturbée. Impossible de savoir si il est sérieux ou si sa question était juste un moyen de me mettre mal à l'aise.

Je suis en bonne voie pour te décoder ? me questionne-t-il en s'approchant assez près de moi.

La distance est tellement réduite que je peux sentir son souffle sur mes joues. J'ignore si ce rapprochement est voulu ou si il a juste eu peur du poney qui vient de passer derrière lui. En tout cas, je suis de plus en plus mal à l'aise et sa question ne m'aide pas. Elle m'a plutôt poussé au plus proche de la falaise de la gêne.

Tu ne sais encore rien de moi, je murmure en jouant avec mes doigts.

Son visage animé par la joie se referme subitement. Il est déçu de ma réponse, tout comme je le suis de lui avoir dit ça. Mais est ce qu'un mensonge vaut vraiment le coup si il n'est utile que pour quelques instants de bonheur ?

J'ai envie d'argumenter ma réponse, mais nous sommes interrompus par deux filles qui passent à cheval. Je prie pour qu'elles nous demandent juste de nous pousser.

Oli, qu'est-ce que tu fais là ? T'aimes les chevaux ? demande l'une des deux.

Et merde. Des fans. Voilà le genre de situations que je voulais éviter. J'ai horreur de m'afficher, alors encore plus avec des inconnues. Je connais les dégâts des rumeurs sur les gens, pour en avoir été une cible.

J'essaie doucement de m'éclipser, mais visiblement, ces filles jouent les prolongations avec moi.

T'es la copine de Oli ? me demande la deuxième, qui semble être la plus jeune des deux.

Quelle question intrusive ! Elle connaît l'intimité ? Mon sang ne fait qu'un tour, je serre les poings avant de me tourner vers elle, mon plus faux sourire sur les lèvres.

Moi ? Non. Je suis juste une fan comme vous, je mens en reculant. D'ailleurs, merci pour la photo Oli.

Sur ces mots, je m'éloigne du petit groupe, la tête baissée. J'entends juste les rires de ces filles qui m'agacent un tantinet. Je marche assez rapidement jusqu'à atteindre l'entrée du haras et m'assieds sur une botte de foin. Ce moment est sûrement l'un des plus gênants que j'ai passé de toute ma vie. Est-ce que toutes les fans sont comme ça ? Intrusives et toujours menées par l'excitation de rencontrer leurs idoles ? Je préfère ne plus y songer.

Je porte mon attention sur la beauté de l'endroit. Ce sera mon nouveau lieu de détente quand ça n'ira pas trop. De l'entrée du centre, on a vu sur l'ensemble du domaine. La carrière est immense, de nombreux paddocks l'entourent. D'ici, les équidés me semblent tellement petits. Un brin de nostalgie m'envahit. Quand est-ce que je suis montée en selle pour la dernière fois ? Pourquoi l'argent est-il toujours une barrière à l'accomplissement des rêves ? Je soupire.

C'était quoi ça ?!

Mon moment de calme n'aura duré que quelques minutes. Il revient déjà à la charge et je n'ai aucune envie de me justifier. Est-ce si difficile de voir que je suis mal à l'aise en public et que je n'appartiens pas à son monde ?

Quoi ? je grommelle.

T'es partie en quelques secondes et tu as été froide avec ces filles, râle-t-il en gesticulant.

Il vient vraiment de dire que j'ai été froide ? Je veux bien qu'il affectionne ses fans, qu'elles sont comme une deuxième famille, mais il devrait se rendre compte que parfois elles sont agaçantes et qu'elles interviennent au mauvais moment.

Je me lève de la botte de foin d'un bond et lui lance un regard noir.

Tu veux bien me dire ce qui t'arrive ? T'es jalouse ?

J'éclate de rire. Mais ce n'est pas un de ces rires timides qu'on cherche à tout prix à dissimuler. C'est plutôt un rire franc mêlé à de l'incompréhension. Des larmes menacent même de couler. Oli, lui, me fixe sans comprendre ce qu'il m'arrive.

Qu'est ce que j'ai dit de drôle ?

C'est toi qui est hilarant.

Il me fixe en papillonnant des yeux et je comprends automatiquement qu'il ne saisit pas où je veux en venir. Même moi j'ai la sensation de débloquer. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi en ce moment ?

Je m'assieds sur le sol et commence à jouer avec du gravier. Mon attitude est pitoyable, mais elle l'est sûrement moins que les raisons qui m'ont poussé à partir subitement. Parce qu'au final, une unique solution me saute aux yeux et me fait réaliser que ma plus grosse erreur a été de lui envoyer un message ce soir-là. Mais est-ce que j'étais vraiment censée savoir que d'un petit message j'en arriverais là ? À devoir affronter ses premiers fans. Et ça me terrifie parce que j'ai peur du regard des gens, des questions personnelles, des rumeurs qui circulent...j'ai peur de l'inconnu. Et ça, je ne peux pas lui dire, parce que c'est bien plus qu'une peur des chevaux ou du vide. Parce qu'une fois qu'on est entré dans l'inconnu, on n'en ressort pas.

Tu sais, je voulais vraiment que cette journée te soit inoubliable, souffle-t-il en s'asseyant à côté de moi.

Ça sonne comme une mauvaise nouvelle. Je ne pipe pas mot et continue d'effleurer des cailloux du bout de mes doigts.

Je suppose que tu suis nos stories...poursuit il.

Où veut-il en venir ? Quel est le rapport entre ce qu'il poste sur les réseaux et cet après-midi étrange ?

Ça m'aiderait que tu me répondes.

Je finis par le regarder et suis rapidement surprise de ce que je peux voir dans ses yeux. Un mélange d'excitation et de tristesse.

Je suis censée réagir alors que tu n'es pas encore arrivé à ton but ? je dis calmement en souriant maigrement.

Bon, et tu dois savoir que Toulouse est ma ville seulement quelques mois dans l'année.

Mes neurones se connectent et soudainement je comprends. Son frère et lui reprennent leur tournée.

C'est où la prochaine date ? je demande avec un sourire plus prononcé.

T'as compris...? Hum...New York. Et on part demain.

Contre toute attente, la nouvelle ne me choque pas plus que prévu. Je suis même heureuse pour lui.

T'as déjà fait ta valise ?

Il fronce les sourcils et recule légèrement la tête.

Je vais partir et c'est ta seule réaction ?

Tu voulais que je dise quoi ? Si tu veux, je peux feindre des pleurs.

Les mots à peine sortis de ma bouche, je me rends compte que je me suis mal exprimée. On dirait que je joue les filles détachées, alors qu'il va me manquer un peu. Mais au final, est-ce que je ne souhaite pas ce départ ? Étant donné ce qui s'est passé quelques minutes plus tôt, c'est peut-être une chance pour moi. Je pourrais voir si je souhaite vraiment l'intégrer à ma vie et si je vais devoir m'habituer à la foule. Ou si au contraire, il a été juste de passage le temps de quelques semaines.

C'était maladroit. Enfin, je veux dire que je m'étais habituée à te voir de temps en temps, mais je suis très contente pour toi. C'est New York, quoi ! je m'explique en espérant être plus convaincante.

Je m'attends à une réponse de sa part mais il se contente de me tendre la main. Je glisse mes doigts entre les siens et il m'aide à me relever. Ce geste si délicat et singulier me gêne quelque peu, bien que je l'ai fait deux heures plus tôt. Cependant, il a l'air déterminé à garder ma main, car je n'arrive pas à la dégager. Je me mords même l'intérieur de la bouche en voyant un homme arriver dans notre direction. Je prie pour qu'il ne voit pas nos mains.

Je peux te demander quelque chose ? finit par me demander Oli après quelques minutes de silence.

Il semble gêné par la question qu'il veut me poser, car il lâche ma main et se gratte la nuque. Est-ce que moi aussi je dois être perturbée par ce qu'il va me demander ?

Est-ce que tu m'accompagnerais à l'aéroport de Toulouse pour me dire au revoir, demain ?

Sa question résonne dans tout mon corps, mes jambes deviennent soudainement frêles, et mon cœur accélère ses battements. J'ai envie de dire oui, mais je sais à quel point il y a du monde dans ces endroits et je sais aussi qu'il risque d'y avoir de potentiels fans. Tout ça m'effraie.

Je comptais te demander ça plus tard dans la soirée, mais j'avais envie de te voir sourire, déclare-t-il dans l'attente de ma réponse. Mais t'as plus l'air paniquée qu'autre chose.

Je vois bien dans son regard et son attitude qu'il est déçu.

J'ai juste peur de la foule, et il doit y avoir du monde là-bas non ? je mens

Oui, mais c'est pas aussi grand qu'à Paris, hein.

Sa réponse ne m'aide pas et il a l'air décidé à me convaincre de venir.

Et c'est peut-être trop demandé, mais je suis venu ici et j'ai peur des chevaux, alors peut-être que tu pourrais...

Touchée. J'ai plus vraiment le choix là.

OK, je m'empresse de dire.

C'est vrai ? Tu viens ? répète-t-il avec un grand sourire.

Non, non. C'était la blague du jour.

Bien-sûr, mais tu ne me lâches pas seule dans la foule.

Il ne prend pas la peine de me répondre et se précipite sur moi pour m'embrasser sur le front. Il me tire ensuite par le bras pour m'amener ailleurs.

Tout ce que je sais, c'est que je n'entends pas ce qu'il me dit après, comme figée par la trace de ses lèvres encore présente sur ma peau.

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Et voilà le 20ème chapitre. J'en reviens pas que ce soit déjà le vingtième alors que j'ai beaucoup de mal avec les fanfictions en général.

Merci d'être toujours aussi nombreux et me suivre. Et bienvenue aux nouveaux.

Petite note : En ce qui concerne la suite, je vais essayer de respecter les dates de concerts qui étaient prévues en 2019. Mais en ce qui concerne les émissions télé, les passages à la radio, je vais improviser sans respecter la réalité. Alors merci de ne pas me dire que je me suis trompée sur tel passage. 😄

Voilà voilà. J'espère que vous aimez toujours autant.

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