19. « Avoir envie de voir quelqu'un »

Les premiers rayons du Soleil traversent la chambre. Je cligne des yeux pour m'habituer au début de lumière et déverrouille mon téléphone pour regarder l'heure. 7h12. Qui se lève à cette heure un samedi matin ? J'enfouis ma tête sous l'oreiller et grogne avant de me rendre compte que je ne suis pas dans ma chambre. J'ai dormi dans le lit d'Emma. Je fouille dans mon esprit et me rappelle que j'ai eu beaucoup de mal à dormir et que j'ai fini dans sa chambre en pleurant. Mon estomac se serre. C'est indéniable, elle me manque déjà. Mais comment oublier ce qu'elle a fait avec Alec et lui faire comprendre qu'il ne s'est rien passé avec Nathan ?

Je quitte péniblement le lit de ma meilleure amie et ouvre la fenêtre. L'air matinal envahit la pièce et je laisse un mince sourire s'échapper. La vue est apaisante. Je m'accoude au rebord, puis ferme les yeux pour penser à quelque chose qui me rend heureuse. Le visage d'Oli m'apparaît et aussitôt, je chasse son visage de mon esprit. Sur tout ce qui me rend heureuse, il a fallu que je le choisisse lui. Je trouve ça à la fois déroutant et logique. Il a été une des seules personnes à me soutenir ces derniers temps. Je referme la fenêtre puis quitte la chambre pour m'habiller. Mon lit est encore défait et la photo que nous avons prise hier est posée sur mon oreiller. Je la récupère et relis le mot d'Oli. Mais qui est ma bonne personne pour la vie ?

La sonnette retentit, me tirant de ma rêverie. Je me mets à paniquer. Qui peut bien sonner à une heure pareille et surtout, est-ce que c'est important ? Parce que je suis encore en pyjama. Je fonce jusqu'à la porte, une lueur d'espoir dans les yeux.

Je passe juste prendre quelques affaires, me souffle la fille face à moi.

Ma bonne humeur retombe d'un seul coup et laisse place à une immense déception. Non pas que je n'aime pas Allie, mais j'aurais préféré voir Emma.

Emma n'est pas là ?

Tu vois quelqu'un derrière moi ? râle Allie en me lançant un regard noir.

Mais qu'est-ce qui lui arrive ? Elle a l'air énervée contre moi, alors qu'elle connaît ma meilleure amie depuis seulement une semaine. Je fronce les sourcils et m'écarte pour la laisser passer. Il vaut mieux cesser cette discussion tout de suite.

Pendant qu'elle récupère des affaires dans la chambre de mon ancienne colocataire, je me laisse tomber dans le canapé et allume la télé pour lancer un épisode de Stranger Things, bien que j'aie déjà regardé la série plusieurs fois.

Tu ranges où tes livres à l'eau de rose ?

Je tends l'oreille, et mets sur pause l'épisode qui vient de commencer depuis seulement quelques secondes. Elle est au téléphone avec Emma ? Je me lève discrètement et avance sur la pointe des pieds jusqu'à la porte de ma meilleure amie.

Trouvés. Mais t'as vu combien t'en as ? J'ai que deux bras, ramage Allie en fouillant dans la caisse des livres de Emma.

Elle parle bien à Emma. J'ai un petit pincement au cœur en réalisant que ma meilleure amie est là quelque part et qu'elle refuse de me parler. Elle n'a répondu à aucun message et ça me pèse. Mais là, j'ai une petite chance d'entendre sa voix. Je prends une grande bouffée d'air et me jette sur Allie pour lui arracher le téléphone des mains. Cette dernière me hurle dessus, mais c'est trop tard. Je suis déjà enfermée dans ma chambre.

Allie...c'était quoi ça ? demande Emma.

Mon cœur se réchauffe. Je suis tellement contente d'entendre sa voix. Mais pour combien de temps ? Elle va me raccrocher quand elle va comprendre que c'est moi.

Emma...je...tu me manques, je souffle difficilement.

Charline, lâche Emma en changeant de ton.

Elle n'est visiblement pas heureuse de m'entendre, et même si je sais qu'elle a plus de choses à se reprocher que moi, je ne peux m'empêcher de m'en vouloir. Au final, c'est son problème si elle veut souffrir avec Alec.

Raccroche pas, je la supplie. Je...tu sais que c'est dur pour moi de te dire ça...mais tu vois, je...ça va pas. J'ai très mal dormi, et c'est vide ici sans toi.

Elle ne répond pas. Je perçois juste son souffle, me soulignant qu'elle ne m'en veut pas trop. C'est juste son sale caractère qui l'empêche de m'avouer que cette situation lui pèse.

Tu peux me repasser Allie ? On n'avait pas fini avant que tu arrives, me lance-t-elle en plein cœur.

C'est comme un couteau qu'on m'enfoncerait entre les côtes. Les larmes me montent aux yeux, j'ai envie de lui répondre, mais j'abdique. J'ouvre la porte de ma chambre et tends son téléphone à Allie, puis éclate en sanglots après avoir refermé ma porte. Et je ne sais pas si c'est la fatigue ou les pleurs qui ne veulent plus de moi, mais je m'endors.

**********************

Charline ? Je me suis permis d'entrer. La porte n'était pas fermée à clé. T'es là ?

J'ouvre difficilement les yeux et me frotte le haut du crâne. Qui est entré chez moi ? Quelle heure est-il ? Je déverrouille mon téléphone et m'aperçois qu'il est presque midi. J'ai dormi tout ce temps contre ma porte ?

La voix réitère son appel depuis le salon, mais je suis trop fatiguée pour la reconnaître. Visiblement cette personne sait qui je suis, mais est-ce que moi je la connais ? Je commence à paniquer. Et si c'était quelqu'un de dangereux ? Je regarde autour de moi et débranche ma lampe de chevet, qui est la seule arme convaincante que j'ai sous la main. Je respire un grand coup et pousse la porte de ma chambre d'un grand, puis pousse un cri, ma lampe brandie en l'air. La personne sursaute puis éclate de rire en me voyant. Pyjama, cernes, cheveux en bataille, lampe. Quoi de plus crédible ?

Tu comptais me tuer avec ça ? rit Oli en récupérant la lampe à laquelle je suis agrippée.

Je cligne des yeux trois fois avant de réaliser qu'il est bien dans mon salon, puis vais m'asseoir sur le canapé.

C'est fréquent chez toi de rentrer chez les gens comme ça ?

Seulement si la personne ne répond ni aux messages, ni aux appels, et qu'elle ne m'ouvre pas quand je sonne, dit-il un grand sourire aux lèvres.

Je fronce les sourcils avant de consulter mon téléphone. 10 appels manqués, 6 messages. Et je n'ai rien vu de tout ça en regardant l'heure. Je ris intérieurement pour moi-même avant de l'inviter à s'asseoir.

Je pourrais au moins savoir pourquoi tu me harcèles ?

Harcèles ? répète-t-il offusqué. Non, je...comment tu vas ?

Sa question est tellement simple vue de l'extérieur, mais elle prend tout son sens en ce qui me concerne. Je ne sais pas vraiment comment je vais. Je devrais être heureuse de compter dans ma vie un garçon tel qu'Oli, qui m'a toujours redonné le sourire même lorsqu'on ne se connaissait pas. Mais d'un autre côté, tout est étrange ici. Alec est de retour après deux ans, Emma est fâchée contre moi et je me trouve seule dans un appartement baigné des souvenirs des trois semaines passés. Comment j'étais supposée savoir qu'il se passerait tant de choses en si peu de temps ? A croire que je suis destinée à vivre dans un monde compliqué.

Charline...allô, m'interpelle Oli.

Je secoue nerveusement la tête pour me sortir de mes pensées et lui lance un regard des plus sincères.

Ça pourrait aller tellement mieux, je murmure en me rongeant les ongles.

Elle ne t'a pas reparlé ? me demande-t-il en s'avançant dans le fauteuil pour s'approcher de moi.

Je réponds négativement de la tête et soupire. Je ne demande que ça de parler à Emma, qu'on ait une vraie discussion et pas un flot de paroles jetées en l'air et guidées par la colère. Mais ma meilleure amie est un véritable volcan et elle peut entrer en éruption à tout moment.

D'ailleurs. Pourquoi est-ce que t'es venu ? je demande les bras croisés autour de mes genoux.

Ma question semble le troubler. Il baisse les yeux vers le parquet et se gratte la nuque.

Il faut forcément une raison pour avoir envie de voir quelqu'un ?

Cette fois, c'est moi qui suis complètement troublée. Je ne sais absolument pas quoi répondre et la gêne s'installe. Je cache mon visage derrière mes genoux et essaie de me calmer. Mes joues doivent être affreusement rouges à cet instant et je prie pour qu'il ne le voit pas. Avoir envie de me voir ? Cette idée me paraît farfelue, impossible, surtout venant d'un garçon comme lui. Les filles ne doivent pas manquer dans son entourage, et c'est moi qu'il veut voir. Pendant quelques secondes, je me sens unique puis me souviens à quel point il est gentil. Je suis allée trop loin dans mes pensées, et sa venue ne doit être qu'un contrôle pour voir comment je vais depuis hier soir. Je laisse glisser mes jambes le long du canapé pour lui faire à nouveau face. Ses yeux inquiets scrutent mon visage.

J'ai dit quelque chose de mal ? me questionne-t-il à demi voix.

Non...mon esprit est autre part. Je...j'arrive pas à me sortir Emma de la tête, je mens à moitié.

J'ai une idée, déclare-t-il en se levant d'un bond. T'as cinq minutes pour t'habiller, poursuit-il en regardant mon pyjama.

Qu-quoi ? Je lui jette un regard curieux, mais je n'ai pas le temps de lui répondre. Il me pousse vers ma chambre en me tenant par les hanches. Ce contact si singulier enflamme mes joues, mais je mets ça sur le compte de la gêne. Après tout, on ignore encore beaucoup de choses l'un sur l'autre et je n'ai fréquenté aucun garçon depuis des années.

Je ferme la porte derrière moi et fonce jusqu'à mon armoire pour choisir quelque chose de simple mais de joli. À ce moment-là, j'ai juste envie qu'il efface l'image d'horreur de ma personne en pyjama à pois.

Tu comptes m'amener où ? je crie depuis ma chambre pour qu'il m'entende.

À quelque part sur ailleurs, rit-il.

C'est une question sérieuse, Oli, je ramage. Histoire que je finisse pas en jupe si c'est pour faire du bowling.

Il ne me répond pas, et j'ai le sentiment qu'il réfléchit à ce que je viens de dire. J'aimerais tellement être dans sa tête pour savoir à quoi il pense.

Il vaut mieux que tu enfiles un jean, finit-il par me dire.

OK, donc on va dans un lieu qui demande un équipement particulier. Je réfléchis tout en m'habillant, mais ne vois toujours pas. L'idée du bowling reste dans un coin de ma tête, mais j'espère intérieurement que ce n'est pas ça. Je suis absolument ridicule avec une boule entre les mains. J'ai déjà réussi à tirer sur une piste voisine, c'est pour dire.

Je finis par ouvrir la porte, vêtue d'un simple jean et d'un t-shirt Visionnaire.

Tu fais ma promo ? blague-t-il en regagnant le salon.

Son rire est capable de décrocher le sourire de la personne la plus malheureuse du monde, et c'est pourquoi je commence à sourire bêtement. Je referme rapidement la bouche en voyant mon expression dans l'écran de mon téléphone.

Tu me fais confiance ? me demande-t-il une fois arrivés devant ma porte d'entrée.

Hum...oui, j'hésite en fronçant les sourcils.

Je réalise que j'aurais dû dire non lorsque je le vois attraper un foulard sur le porte-manteaux. Il va vraiment me faire le coup du garçon qui amène une fille dans un endroit fabuleux, si bien qu'il lui bande les yeux ? Je n'ai pas le temps de refuser qu'il place le foulard sur mes yeux et fait un nœud à l'arrière de ma tête. Sa main dans mes cheveux me fait lâcher un immense sourire, et ce, même s'il tire dessus en serrant le nœud.

C'était pas plus logique de me bander les yeux, une fois qu'on est sortis de l'immeuble ?

Non. Et on va même prendre les escaliers.

Il n'est pas sérieux ? Je comprends malheureusement que si lorsque ma main se saisit de la rampe.

Pendant toute la descente des escaliers Oli me tient par la taille. Je suis guidée par ses mains, son souffle dans mon dos et son rire lorsque je loupe une marche. Il a apparement trouvé ça très amusant, mais ce n'est pas mon cas. J'ai été stressée tout du long alors j'espère que sa surprise en voudra le coup.

Durant le trajet en taxi j'ai toujours les yeux bandés, et c'est encore plus gênant que hier soir. En plus de ne pas parler, je ne vois pas. Il a esquivé chacune de mes questions sur l'endroit, mais je sais déjà que c'est un lieu tranquille. Jamais il n'aurait osé s'exposer au public et aux fans. Et je comprends. En le laissant entrer dans ma vie, je me laisse atteindre par son monde, alors si je peux éviter les questions des Visionnaires je ne dis pas non.

La voiture s'arrête, et Oli m'aide à descendre. Je pose les pieds sur le sol, et en quelques secondes je comprends où on est. Les bruits autour de moi, l'odeur qui plane dans l'air. Ça ne peut être que ça.

Comment tu as su que ça me plairait ? je lui demande les yeux toujours bandés.

Les trois quarts de tes posts Instagram en parlent, rit-il nerveusement.

Je sens une pointe de stress dans sa voix. Il a l'air angoissé.

Ça va ? T'as l'air....

Stressé ? C'est le cas de le dire. J'ai peur des chevaux.

Alors pourquoi est-ce qu'il m'a amené ici ? C'était tellement plus simple de faire un bowling. Je déteste l'idée d'être à l'origine de ses peurs.

Je retire doucement le foulard et le fais glisser autour de mon cou, pour le regarder. Il est pâle, et je vois sa jambe tressauter. Ses bras se baladent également dans l'air et il se mord de la lèvre inférieure. Ce n'est même plus de la peur que je lis, c'est de l'effroi. Instinctivement, je glisse ma main dans la sienne et lui souris.

Merci pour tout, Oli.


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Un nouveau chapitre qui s'achève. J'espère qu'il plaît et que vous allez bien de votre côté.

Et merci à tous ceux qui m'ont rejoint sur ma page Instagram. :)

Dernier petit mot. Je risque de poster moins souvent dans les 3 semaines à venir. Je suis en période de révision pour les concours qui ont lieu début juillet. Mais après ça, j'ai deux semaines de pause où je pourrais poster un max.

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