15. « Tu peux me faire confiance. »
Je pousse la porte de l'immeuble puis m'assieds par terre, sans tenir compte des passants qui circulent. Je ne sens que mes larmes couler et un couteau s'enfoncer dans mon coeur. Je ne sais pas vraiment à qui j'en veux. Emma parce qu'elle a couché avec mon ex ou Alec, parce qu'il s'est sûrement servi de sa vulnérabilité pour profiter d'elle ? Tout ce que je sais c'est que ça ne va pas, et que mes relations avec ma meilleure amie vont être tendues tant que je n'aurais pas une discussion avec elle.
Une masse s'assied à côté de moi. Je n'ai pas besoin de le regarder pour savoir que c'est lui. Je fais comme si je ne l'avais pas vu et me contente d'essayer de calmer mes pleurs.
— Je n'ai jamais vu une rue aussi calme, murmure-t-il.
J'esquisse un sourire. J'apprécie qu'il ne me demande pas pourquoi je pleure. Lui et moi, on ne se connaît absolument pas mais il me connaît sûrement plus que la majorité des gens. Pourtant, même s'il a déclaré que nous étions amis, je n'en pense pas un mot. Le statut fan-star est toujours présent pour moi, et j'ai peur de le laisser filer, car ça voudrait dire m'exposer à un nouveau danger. Un danger plus conséquent que le venin d'Alec. Des millions de visionnaires.
— Trois mots qui n'ont rien à voir ensemble, lance-t-il soudainement.
Quoi ? Je me tourne vers lui en fronçant les sourcils. C'était tellement inattendu que je me mets à éclater de rire.
— Voyage, usine et brique.
Il tape dans ses mains pour approuver ma réponse et je lui souris en retour. Sa compagnie est agréable, et même si j'ai peur de découvrir Olivio, je refuse de me mentir à moi-même. J'ai envie de savoir qui il est quand il ne chante pas, n'écrit pas. Quand il n'est plus Oli. Mais peut-être que les deux sont identiques au final. En tout cas, j'espère qu'il est aussi gentil qu'il le laisse voir.
J'examine mon visage dans l'écran de mon téléphone. J'ai les yeux rouges et fatigués, mais rien de bien alarmant. Heureusement pour moi, je n'étais pas maquillée aujourd'hui. Je tapote le dessous de mes yeux pour retirer les quelques larmes persistantes, puis me lève et me frotte le jean pour retirer les saletés du sol.
Je vais devoir remonter. Certes, je n'ai pas envie de faire face à Emma, mais je ne me vois pas la laisser seule avec Florian. Non pas que je ne lui fasse pas confiance, mais je ne sais rien sur lui et je n'ai pas envie d'être assommée par un flot de questions de mon amie. Et j'espère surtout qu'elle me parle de tout ça d'elle-même.
Oli me suit du regard et je plisse la commissure de mes lèvres pour lui montrer que je vais bien. Il me suit en silence dans les couloirs de l'immeuble. J'entends juste son souffle dans mon dos et quelques grognements sortir de sa bouche lorsqu'il s'aperçoit que je ne prends pas l'ascenseur. Arrivés à mon étage, je ralentis le pas et il en profite pour passer devant moi. Il se fige alors devant ma porte d'entrée et me bloque l'accès à l'appartement. Mais qu'est-ce qu'il fait ? J'essaie de passer mon bras derrière lui pour atteindre la poignée, mais il ne cesse de bouger pour m'en empêcher. Je finis par me résigner en grommelant.
— Je me doute que tu n'as pas envie d'en parler, mais qu'est-ce qui s'est passé dans la chambre ?
Nous y voilà. Moi qui avais espéré échapper à cette discussion, je m'y trouve confrontée. Qui plus est, sur mon paillasson, à la possible vue de chacun de mes voisins.
Je tourne mes yeux vers le sol et astique nerveusement le carrelage du couloir du bout de mon pied droit. Je n'ai aucune envie de répondre à sa question.
— Tu peux me faire confiance, hein, souffle-t-il en tentant d'attraper ma main gauche.
Je recule brusquement, furieuse parce qu'il vient de dire.
— Ça n'a rien à voir avec le fait de te faire confiance ou pas. C'est personnel, d'accord ? je lâche en le fixant.
Mais qu'est-il arrivé à la fille stressée que j'étais encore vendredi ? Je veux bien admettre que je lui fais confiance mais je trouve totalement étrange de parvenir à lui parler de la sorte en si peu de temps.
Il semble perturbé par ma réaction. Il devait sûrement espérer que je lui dise que j'ai totalement confiance en lui et que je lui déballe ma vie sur le pas de ma porte. Malheureusement pour lui, j'ai toujours été discrète et je ne partage jamais mes problèmes. Cette histoire ne le concerne pas alors je ne vois pas en quoi lui en parler va m'aider. La seule personne qui peut m'aider est la principale concernée dans l'affaire. Emma.
— Tu pouvais juste me dire que tu ne veux pas en parler. Pas la peine d'être froide, râle-t-il en se plaquant à ma porte.
— Mais je ne suis pas froide, je commence en cherchant quoi répondre. Je...je veux juste...que chaque chose soit à sa place. Et...hum...tu n'as pas ta place dans cette affaire, j'hésite en agitant mes bras comme un pantin.
Il roule des yeux. Je ne l'ai visiblement pas convaincu. Moi-même j'ai du mal à saisir ce que je viens de dire. Mais ce qui est dit est dit.
— Tu m'as inclus dans cette histoire en m'appelant à l'aide.
— Mais qui te dit que ça un rapport avec Emma ? Je n'ai pas qu'elle dans ma vie, je me plains.
— J'en sais rien...j'ai juste...
La porte de l'appart s'ouvre. Florian nous fixe tous les deux puis finit par s'agiter en nous faisant signe d'entrer.
— On n'entend que vous, bordel, râle-t-il en marchant vers la salle de bain. C'est pas le moment pour nous pondre une scène de ménage.
J'entre sans jeter un coup d'œil à Oli et suit Florian dans la salle d'eau. Emma est assise sur le tapis de douche, enveloppée dans une serviette et les lèvres bleues. L'eau devait être sacrément froide. La voir dans cet état me brise le cœur et j'en oublie presque la douleur qu'elle m'a fait ressentir quelques minutes plus tôt. J'espère vraiment qu'Alec ne lui a pas fait de mal.
Je m'agenouille devant elle et la prends dans mes bras puis lui frotte le dos pour la réchauffer. Je la sens trembler sous mon corps.
— Il faudra que tu m'expliques ce qui s'est passé.
Elle ne répond pas, mais je peux sentir la honte l'envahir. Au moins, elle regrette ce qu'elle a fait et j'espère même qu'elle n'était pas totalement consciente de ce qu'elle a fait. Que c'est simplement l'alcool qui a agi pour elle.
Florian sort discrètement de la salle de bain, nous laissant seules. Je tourne ma tête vers la porte et lâche un faible sourire tandis qu'il rejoint son frère qui attend dans le salon.
Emma se dégage de mes bras et s'adosse au lavabo. Je la vois fermer les yeux et tourner la tête vers le plafond. J'espère sincèrement qu'elle est en train de repenser à ce qu'elle a fait avec Alec et comment elle va me le dire.
— Je t'avais bien dit que c'était une mauvaise idée de faire copain-copain avec une fan.
Je m'approche de la porte fermée de la salle de bain et tend l'oreille pour mieux percevoir ce qui se dit dans le salon.
— Mais elle avait l'air de s'intéresser à moi, et pas à Oli.
Je prends un coup dans l'estomac. C'est vraiment ce qu'il pense de moi ? Que je ne lui ai parlé que parce qu'il est connu ? Est-ce qu'il pense ça parce que j'ai réagi froidement dans le couloir ? Je me sens subitement conne. Mais comment j'étais censée lui annoncer que mon ex, qui est un énorme crétin, a couché avec ma meilleure amie ?
— Dans ce monde on doit se méfier, p'tit frère. Et encore plus des filles.
— Tu fais trop de généralités, Flo. Ça t'es arrivé une fois, mais ça ne veut pas dire qu'elle est pareille.
— Aurore, Charline. Elles sont toutes pareilles, lâche Florian avant de claquer ma porte d'entrée.
Je reste figée derrière la porte. Je viens sûrement d'entendre une conversation que j'aurais préféré ignorer. Je ne sais pas qui est la fille dont ils viennent de parler, mais visiblement, Florian est marqué par ce qui s'est passé avec elle.
La porte d'entrée se ferme à nouveau. Olivio est sûrement parti à la suite de son frère.
— Je me sens pas trop bien, sanglote Emma derrière moi.
J'oublie ce qui vient de se passer dans mon salon et me concentre sur ma meilleure amie. Elle est en boule sur le sol de la salle de bain, ses cheveux dégoulinent sur sa peau nue et elle tremble sous la serviette de bain.
Je me penche sur elle et pose ma main sur son front. Elle est brûlante. Merde...c'est un nouveau signe de la cuite ? Et il n'y a plus personne chez moi. Je ne sais absolument pas comment réagir.
Je me relève brusquement et fouille dans la trousse de secours. Des comprimés contre les maux de ventre, du sirop pour la toux...des médicaments contre la fièvre. J'en sors un de la boîte et attrape le verre pour se rincer la bouche qui est sur l'étagère. Je le remplis d'eau et y glisse le comprimé qui se dissout, puis le donne à Emma. Elle grimace en buvant, puis se remet à sangloter. Est ce qu'elle pleure à cause de ce qui s'est passé à cette soirée ou est-ce qu'elle pleure parce qu'elle a mal ? Tout ce que je parviens à faire est de la prendre dans mes bras puis l'aider à se relever pour qu'elle s'habille. C'est la matinée la plus étrange que j'ai passé de toute ma vie.
**************
Emma est endormie sur le canapé. Elle n'a absolument pas parlé de la soirée, et je ne lui en veux pas. Elle doit sûrement se remettre de ses émotions avant de parvenir à se confier.
J'ai attendu toute la journée des nouvelles d'Oli, mais rien. Il doit m'en vouloir pour mon comportement de ce matin, et étrangement, je m'en fiche un peu. Peut-être qu'il comprendra enfin qu'être amis comme il le voudrait ne peut pas marcher. Certes, j'apprécie sa compagnie, mais on vient de mondes trop différents. Il ne trouverait pas sa place dans ma vie et moi, je me sentirai gênée s'il venait à m'intégrer à son quotidien. Il vaut mieux qu'on reste de simples connaissances. Des personnes qui prennent des nouvelles de temps en temps, mais rien de plus.
Je suis avachie sur mon fauteuil, mon cahier de souvenirs sur les genoux. J'y colle les récentes photos que j'ai prises. Je souris en voyant celle d'Oli. Au moins, cette soirée restera gravée dans ma mémoire et je pourrais me vanter d'avoir côtoyé un des deux frères le temps d'une nuit.
Mon téléphone vibre sur la table basse. Je pris pour que ce soit Oli, mais je n'ai jamais de chance.
— Comment t'as eu mon numéro ?
— Peut importe. Elle va comment ?
— Mal, mais tu ne veux sûrement pas de ses nouvelles. Ne fais pas semblant. On se voit plus tard. Si Emma a le courage de te voir.
Je raccroche, puis éteints mon téléphone. Je veux la paix pour le reste de la soirée. Sans homme. Seulement Emma qui dort et moi.
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Désolée du retard sur l'écriture. J'ai eu beaucoup de mal à démarrer le chapitre et j'espère qu'il vous plaire.
Je tiens aussi à dire que l'histoire avec Aurore est inventée de toutes pièces. Merci de ne pas m'incendier en commentaire.
Et on vient de passer la barre des 700 vues. Je suis beaucoup trop contente. :)
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