13. « Ma plus grande souffrance. »
Je n'ai pas réussi à lui répondre. Je n'arrive plus à lui parler. Mais qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Je commençais à me sentir à l'aise et une seule remarque de sa part a tout envoyé en l'air. Je suis tellement faible malgré mon sale caractère. Ni lui ni moi n'avons parlé depuis une bonne vingtaine de minutes et ça devient vraiment pesant. Même la vue nocturne de Toulouse ne rend plus le silence aussi facile. Je commence même à vouloir rejoindre Emma. Du moins, pour voir ce qu'elle devient.
— A quoi tu penses ? finit par me demander Oli qui m'a rejoint à la rambarde.
— Je...hum...sûrement...rien.
J'ai l'air tellement débile avec mes réponses claquées au sol. Retenez-moi ou je saute de la terrasse. Heureusement pour moi, Oli semble amusé devant ma difficulté à lui parler. D'ailleurs, je me demande pourquoi il m'a proposé de me voir ce soir. Il y a forcément mieux à faire dans sa vie d'artiste que de passer son vendredi soir avec une fan qu'il a rencontré il y a deux semaines et avec qui il a échangé quelques messages.
— Si, je pense.
C'est vraiment moi qui vient de parler, là ? Mince. Ca m'a échappé, et je me retrouve à devoir lui dire à quoi je pense. Je vais quand même pas lui avouer que je pense à lui alors qu'il est juste à côté de moi. C'est beaucoup trop bizarre.
— Ta fête...elle était...si...bof...ouais ou nulle ? Enfin, comme tu veux.
Ma question a l'air de l'amuser, parce que ses yeux qui ne montraient rien depuis de longues minutes s'animent à nouveau. Ma maladresse me permet au moins d'amener un peu de rire à mes conversations.
— Non. Elle était plutôt sympa en fait, répondit-il très sérieusement.
Pardon ? J'écarquille les yeux. Je ne comprends plus rien. Il a dit qu'il s'ennuyait et qu'il voulait qu'on se voit pour qu'on s'ennuie moins à deux. Je suis totalement paumée. Je n'arrive pas à le regarder dans les yeux.
— Je sais que je t'ai dit que je m'ennuyais, dit-il comme s'il avait lu dans mes pensées. Mais toi tu t'ennuyais, alors c'était l'occasion pour qu'on se voit, finit-il en s'approchant de moi.
Beaucoup trop de proche de moi. Je suis à nouveau pétrifiée. Je ne peux pas l'imaginer mais est-ce qu'il me veut du mal ? Est-ce que sous son visage angélique c'est une pâle copie d'Alec ? C'est impossible. Mais son comportement est tellement étrange. Je doute qu'il agisse ainsi avec toutes ses fans.
— Tu me veux quoi ? Enfin...hum...pourquoi tu...tu fais tout ça ? je me risque à lui demander en évitant son regard.
— C'est un truc d'amis, non ?
Alors il me voit vraiment comme une amie. Sa réponse me réchauffe le cœur et j'esquisse un sourire en réponse. Tout ça me paraît irréel. Je serre mon appareil photo contre ma poitrine. Tout est arrivé grâce à un simple cliché.
— C'est pour moi ce sourire ?
— Seulement pour la vue face à moi.
Je le vois faire la moue ce qui m'amuse. J'ai touché sa personne de plein fouet. Je fais mine de ne pas l'avoir vu et prends une photo de la vue avec mon appareil. Tout en saisissant l'instant, je sens son regard ahuri sur moi. La situation est tellement drôle, et tout doucement je commence à me détendre. La boule qui vit au centre de mon estomac débute petit à petit un long moment de sommeil.
— Un problème ? je demande d'une petite voix tout en continuant de prendre des photos.
— Tu veux viens juste de dire que la vue te fait plus sourire que moi, mais sinon ça va...boude-t-il en s'accoudant à la rambarde.
Je ne peux pas retenir mon rire. Jamais je n'aurais pensé qu'il avait ce côté enfantin. Et en voyant sa tête boudeuse je vois parfaitement sa ressemblance avec Tchoupi se dessiner. Mon rire semble également l'amuser car il se met tout doucement à rire.
— Je viens vraiment de faire une crise d'enfant ?
— Ça m'en avait tout l'air.
Je passe mon appareil autour de mon cou pour lui faire face. Son sourire m'a toujours remonté le moral et aujourd'hui, je sais que ce sourire m'est dédié. J'en passerais presque pour une groupie tellement ça me ravie d'avoir un moment unique comme celui-là.
— N'empêche, je trouve ça étrange...souffle-t-il en glissant ses mains dans la poche de son sweat.
Je fronce les sourcils, perdue par ce qu'il vient de dire. Est-ce qu'il est en train de parler de son comportement ? Du fait qu'il m'ait invité à sortir ce soir ? Du fait que tout doucement je commence à parler sans être bloquée ?
— Tu dois connaître des tas de choses à mon sujet, mais moi je ne sais rien, finit-il par dire en me fixant.
Mon estomac se serre. Je déteste qu'on me fixe comme ça, et ce qu'il y a de pire est qu'il veut que je lui parle de moi. Ma vie est tellement inintéressante et les seuls faits qui sortent de l'ordinaire sont des choses sur lesquelles je refuse de revenir. Je me contente de regarder au loin en esquivant son regard qui me perce avec insistance. Je me sens mise à nue en quelques secondes et j'ai envie de partir tout de suite.
— Donc, je n'ai rien le droit de savoir sur toi.
Bien-sûr que tu as le droit de savoir des choses, mais ça ne va pas t'intéresser. Qui a envie de savoir d'où je viens, pourquoi je suis ici, ce que j'ai fait avant d'arriver ici, comment est-ce que j'ai commencé à aimer ce que toi et ton frère faîtes alors j'ai toujours crié haut et fort détester le rap ? Même toi ça va t'ennuyer et tu n'auras qu'une envie. Retourner à ta petite fête.
Mon téléphone vibre dans la poche de mon sac. Sauvée par mon téléphone. Enfin, je le croyais.
+06........: Ca fait deux jours ! Pourquoi tu réponds à aucun message, merde ?
Il fallait vraiment qu'il débarque dans un moment pareil. Et comment il a eu mon numéro ? Après tout le cirque d'il y a deux ans j'ai changé de numéro et j'ai veillé à ce que personne ne lui donne.
Je m'éloigne d'Oli et entre à nouveau à l'intérieur de la maison, le laissant seul sur la terrasse. Il faut que j'ai une conversation rapide avec Alec et que je lui dise de me foutre la paix. Mon ex décroche à la deuxième sonnerie.
— Tu ne t'es pas dit que si je répondais pas c'est que j'ai pas envie de te voir ? je lâche en parlant le plus bas possible pour ne pas me faire entendre d'Oli.
— Donc tu acceptes de me voir, tu me laisses comprendre que nous deux c'est pas fini et tu me lâches ça ? Vas te faire soigner, Charline ! m'hurle-t-il de l'autre côté du combiné.
— J'ai jamais dit qu'il se passerait un truc, OK ? Tu peux manquer à quelqu'un mais pas forcément d'amour, crétin !
Je me rends compte que j'ai parlé un peu fort. Oli passe devant moi un air déçu affiché sur le visage. Je suis sûre qu'il a tout entendu. Je mets ma main devant mon micro et ouvre la bouche pour parler mais il a déjà descendu les marches du deuxième étage. Je souffle et m'adosse à la rambarde des escaliers et repositionne mon téléphone contre mon oreille droite. Le con que j'ai à l'appareil doit parler dans le vent depuis une bonne trentaine de secondes.
— J'ai absolument pas écouté ce que t'as dit et tu sais quoi ? J'en ai strictement rien à foutre.
— Tu te rebelles ou comment ça se passe ? Je te remets en tête que la dernière fois que tu l'as fait, t'as totalement perdu ? me lance-t-il en plein coeur.
J'ai pas envie de repenser à ça. J'ai envie d'oublier sa voix, d'oublier son visage. Ma main se resserre sur mon téléphone, tandis que mon visage se crispe. Mon dos s'enfonce peu à peu dans la rampe en bois qui grince et je ne sens même pas la douleur du bois qui appuie contre ma colonne vertébrale. Mon coeur souffre trop pour laisser place à d'autres plaies. Même les larmes ne me viennent pas, car je n'ai plus le courage de pleurer pour Alec. Je me contente de lui raccrocher au nez, ayant ignoré tout ce qu'il a bien pu me dire. Je cherche ensuite dans mes contacts le nom d'Emma. J'espère qu'elle n'est pas trop ivre pour me parler. Elle répond après trois sonneries.
— Hey, bébé ! Ca donne quoi avec beau-gosse ? rit-elle au milieu du brouhaha que j'entends.
— Rien...je...Alec...je l'ai eu au téléphone...et Oli...il..., je peine à dire en tentant de calmer mon coeur qui bat trop vite.
— Pourquoi tu me parles d'Alec ? T'es avec...oh putain ! Nathan. J'en ai partout. Ca colle ce truc ! poursuit Emma morte de dire.
— Laisse tomber, Emma. Passe une bonne fin de soirée.
Je raccroche à nouveau et range mon téléphone dans la poche de ma veste. Je descends ensuite les deux étages de la maison en laissant mes yeux parcourir les cadres qui m'entourent. Arrivée au rez-de-chaussée, je me rends dans ce qui semble avoir été une salle à manger. Tout est resté en place. La nappe de la grande table est couverte de poussière et a été abîmée par le temps. Un vase trône au centre, avec des restes de fleur. Juste derrière la table, est accrochée au mur une grande toile représentant la famille qui a vécu ici. Les couleurs ont été mangées par les années mais je semble y voir les traits d'un petit garçon, sûrement celui de la chambre. Il y a également une fillette plus âgée, une femme en tenue chic, un homme au ton sévère et une jeune femme qui semble être distante du reste de la petite famille.
— Tu viens ?
Je me tourne et fais face à Oli. Je pensais qu'il était parti. Mais en le voyant, je ne peux m'empêcher de sourire malgré ma mine triste et fatiguée.
— Tu pensais quand même pas que j'allais te laisser ici ? me demande-t-il tandis que j'avance doucement vers lui.
— Je l'ai cru, je murmure en passant devant lui et en sortant de la maison.
Il me retrouve dehors après avoir fermé la porte. Je me suis assise contre le mur de la maison, et je regarde la route qui borde la maison. La rue est vide et calme. C'est apaisant. J'apprécie même le vent qui me caresse les jambes. Oli vient s'asseoir juste à côté de moi, mais je ne le regarde pas. Je sens juste sa présence à mes côtés.
— T'avais l'air en colère et triste, là-haut, souffle-t-il.
Sa voix s'évapore dans la nuit. Je n'ai pas envie de revenir là-dessus et lui imposer mes problèmes. Il doit sûrement en avoir assez de son côté.
— Qui c'était ? se risque-t-il à me demander.
J'avale ma salive et me tourne vers lui. Je suis terrifiée à l'idée de lui en parler.
— Ma plus grande souffrance, je chuchote.
— Moi aussi j'ai une plus grande souffrance.
Je le regarde curieusement. Il ne sait sûrement pas de quoi il parle. Enfin, je ne sais pas trop mais je doute qu'il ait connu une version féminine d'Alec.
— Tu ne peux pas savoir à quel point c'est douloureux de voir que tu perds la personne que tu aimes le plus au monde.
Les larmes me montent aux yeux. Je ne sais pas si j'ai de la peine pour lui ou si c'est la fatigue qui me rend triste. Mais je suis touchée qu'il se confie à moi alors qu'on ne se connaît pas.
— Et tu sais. Tu avais tord tout à l'heure. Je ne te connais pas. Je connais Oli le rappeur, mais je ne connais pas Olivio en tant qu'homme.
Ma remarque le fait sourire. Il vient coller son épaule gauche à mon épaule droite et me dit tout en regardant devant lui.
— Alors il serait peut-être temps qu'Olivio rencontre Charline.
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Je suis tellement fière de ce chapitre ! Au départ, je le trouvais chiant à mourir, mais en le relisant je me rends compte qu'on n'est pas si mal. Vous en pensez quoi, vous ?
Et sinon, truc de dingue pour moi. On a passé la barre des 500 lectures ! Je suis beaucoup trop contente. Je pensais vraiment pas que ça plairait. J'ai commencé à écrire simplement pour me préparer psychologiquement à leur pause et les faire vivre à travers mes écrits. Alors merci, merci à tous !
(Et pour ceux qui se demandent où est Flo, no panic. Il va bien finir par arriver, sinon ça ne serait pas une fan fiction Bigflo&Oli)
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