CHAPITRE 4


Lundi, 07:00, Ma flemme légendaire n'avait pas eu raison de moi, le réveil avait été compliqué, mais me voilà là, dans ma chambre, habillée de ma plus belle jupe. J'essaie de persuader que cette journée ne sera pas chaotique, mais j'ai plus confiance en Isaak qu'en ce mensonge...

D'ailleurs, je ne l'ai pas croisé de la journée hier; en même temps, c'était un mal pour un bien... après ce qu'il s'est passé samedi, je ne risque pas de vouloir revoir ses beaux yeux de si tôt.

Je descends les marches de l'escalier, la boule au ventre. Je n'ai jamais aimé les rentrées; soit je finissais en bête noire, soit personne n'osait me parler. Ils m'appelaient tous la sorcière... Ce qui est absurde, la seule source de magie que j'ai en moi se limite à la couleur de mes yeux. Mais je ne peux en vouloir à personne, moi aussi, autrefois j'avais peur de moi.

Je tapote mes pieds contre le sol de la cuisine, me dirigeant vers le pain qui trône sur la table de la cuisine, je prie pour qu'Isaak ne débarque pas me contaminer avec sa mauvaise humeur.

Le pain en bouche, je déguste comme si c'était mon premier morceau. Les yeux fermés pour apprécier ce genre de matin, un sourire fait surface sur mes lèvres. C'est si agréable, un environnement sain.

- "Qu'est-ce que tu fais exactement ? Tu n'as jamais mangé de pain auparavant ?"

Mes espoirs de finir de bonne humeur se brisèrent. Super.

- "Je suis encore à moitié endormie, c'est rien."

Je sors de la cuisine sur ces mots pour aller récupérer mon sac afin de pouvoir me rendre en cours. Mon sac se balance jusqu'à atterrir lourdement sur mon dos.

- "J'ai une voiture, tu sais. Soupire à contre-cœur Isaak."

Je déteste me retrouver aussi près de lui après ce qu'il s'est passé hier. Je décide de décliner son offre. Et son offre me paraissait si forcée que même un brin de gentillesse de sa part ne me ferait pas changer d'avis.

- "Je préfère marcher." Dis-je d'une voix sèche.

Dans un énorme élan de courage, mes jambes s'élancent vers mon nouveau lycée. La descente jusqu'à la ville ça va, mais j'appréhende déjà la montée ce soir. Quelle idée d'habiter tout en haut de sa ville. À croire qu'ils ont cherché à se retrouver plus haut que tout le monde...

La musique dans mes oreilles, le trajet passe plus rapidement que prévu. Je me retrouve en ville. Pour un lundi à huit heures, il y a déjà beaucoup de monde sur la place.

Les panneaux qui s'offraient à moi indiquent qu'il faut que je continue un peu plus loin, dans une allée un peu plus verte que celle de la ville. J'espère que c'est Poudlard parce que je ne ferai pas tous les matins 20 minutes de trajet à pieds pour une simple école qui tombe en ruine...

Il faudrait peut-être passer le permis ? Mais après trouver une voiture, ce n'est pas une mince affaire...

Je rêve comme ça jusqu'à arriver devant le portail de l'école. Il me reste encore dix minutes pour trouver mes cours. L'école paraît si grande que j'en ai le vertige. Bon sang, mais où est-ce que j'ai atterri ?

L'école aux allures baroques se fond parfaitement sous les grands arbres. Ce n'était pas un établissement scolaire, mais un énorme château. Moi qui rêvais de rentrer à Poudlard... Mes jambes ne cessent d'avancer vers l'entrée. Si je suis dans un rêve, pitié, ne me réveillez pas.

Bon, j'en fais peut-être un peu beaucoup... Mais toutes les écoles que j'ai fréquentées ressemblaient à un taudis. Les murs étaient tous graffés, les murs sentaient les moisissures, et les profs faisaient partie du décor...

De loin, mes yeux se portent sur une tête rousse ainsi qu'une blonde, Lira et Delia ! Elles m'ont donc attendue ! Un sourire se dessine gentiment sur mes lèvres. Elles étaient toutes les deux très élégantes. Une jupe à carreaux avec un col roulé pour Lira, une petite robe à fleurs aux bretelles fines pour Delia. Bien sûr, par ce temps gris, tout le monde a sorti la veste d'hiver...

- "Vee ! Comment sens-tu ton premier jour ?" Demande Delia d'une voix enjouée.

Je fais une grimace et hausse les épaules. Pour moi, ce n'est que la routine. Recommencer une école à zéro, ça me connaît, en espérant que je garderai Lira et Delia à mes côtés. Mon dernier lycée me laisse un goût amer. Une fille m'avait prise en grippe, et on faisait que de se chamailler entre les cours.

On entre dans le bâtiment. Il y avait réellement une inspiration de Poudlard... Suis-je une vraie sorcière pour finir ? Je rigole intérieurement à cette pensée. Les gens me fuient parce que mes yeux leur font peur, et maintenant, c'est plus facile d'être dans l'autodérision.

Les filles me présentent toutes les salles ainsi que les points de rencontre entre lycéens : la cour, la cantine, la bibliothèque et les salles d'études. J'ai lu que ce lycée avait un taux de réussite spectaculaire. J'espère pouvoir enfin étudier comme je le voudrais. Mais les yeux meurtris d'Isaak traversent les miens. Si les environs me permettaient d'être plus sereine, lui non.

Il me regarde avec insistance et en se doutant bien que cela me mettrait mal à l'aise. Je détourne le regard et intime à mes amies que le moment était venu pour moi de visiter les toilettes. Nous passons à côté du groupe d'amis de mon super coloc. Une fille, qui tient le bras d'Isaac, lui demande pourquoi il regarde l'air comme ça. L'air ? Ai-je donc l'air invisible aux yeux de ce genre de filles ?

Je vois Isaak se défaire de l'étreinte de son ami d'un geste brusque, et du coin de l'œil, je le vois l'abandonner pour ses amis. Il n'a pas l'air facile tous les jours, cet ado.

Je me rue sur la porte des toilettes sans attendre mes deux amies. Comment peut-il me faire ressentir aussi petite ? Il me met en colère sans faire le moindre effort. Dans quelle maison ai-je atterri ?

Je me regarde dans le grand miroir de la salle d'eau du lycée. Mes yeux rouges trahissent mon état. J'ai beau apprécier cette nouvelle vie, le changement ne me va pas au teint. J'espère m'y faire vite. En m'éclaboussant le visage d'eau, mon cerveau fulmine. Je dois à tout prix l'éviter si je ne veux pas finir par devenir la paria de ce lycée. Il peut me faire la misère à la maison, mais ici, je tiens à avoir une bonne réputation.

Mes mains glissent sur ma jupe afin de la remettre droite. Après une grande aspiration, je me dirige vers la porte des toilettes.

- "Bah alors, ça ne va pas ? Tu es déjà malade ?" Me demande Lira.

Je balaie d'un revers de main sa question.

- "Je vais bien, j'avais juste besoin de respirer un peu." Soufflai-je.

Quelques minutes passent alors après cette discussion, et l'heure de retrouver nos classes sonne. Lira et Delia me disent au revoir, et je m'élance dans le premier étage afin de trouver ma salle. Sur le bout de papier qu'on m'a donné, c'était marqué salle 10.

1, 2, 5, 9... Ah, 10 ! Je suis les personnes qui entrent dans la pièce. La salle ressemble à s'y méprendre à un atelier d'art. Pas étonnant pour une section d'art. Mon esprit me guide vers la place de la dernière rangée près de la fenêtre, étonnant quand on sait que je préfère ne pas me faire remarquer. Je dispose mes affaires sur la table et sors un cahier aux pages vierges, que j'ai acheté avant de débarquer dans la ville. Le professeur, aux allures de savant-fou, entre dans la salle. En faisant virevolter sa longue tunique au tissu brodé, il pose sa main sur son torse.

- "Mes chers, à partir de maintenant, les personnes arrivant en retard ne seront pas admises lors de mon cours ! Je suis Monsieur Venim, votre professeur d'histoire de l'art."

Sa voix est d'un timbre si burlesque que je ne peux m'empêcher de ricaner seule dans mon coin. Ça a l'air d'être un sacré personnage. Durant le cours, il gigote dans tous les sens en parlant de monuments historiques et artistiques ainsi que des sculptures de l'art contemporain. Il a l'air si passionné qu'il a réussi à m'avoir. Je n'ai pas décroché l'œil de son cours. Il a certes des manières un peu farfelues de présenter ses documents, mais il a l'art et la manière de vous transporter dans son univers. Je ne crois pas que ce fut le cas de tout le monde. Les discussions en chuchotements devant moi ne font que me déranger dans mon écoute. Un garçon, aux allures un peu grunge, est presque tombé de sa chaise tellement il rigolait avec son ami. Monsieur Venim ne semble pas arrêté par ses chahutements. Il hausse même le ton afin de surplomber les petites voix des adolescents. Mais d'un coup, il s'arrête afin de faire une petite remarque à ce garçon.

- "River, je pense que tu rendrais service à tout le monde si tu tombais une bonne fois pour toutes de ta chaise et que tu te taisais."

Le dit River le regarde avec étonnement et arrête de se balancer sur sa chaise.

- "Mais..."

- "Pas de "mais", River, je te prie de parler moins fort que moi alors."

Le professeur lui sourit et reprend avec son timbre si dramatique. Moi, je rigole face au visage déconcerté du jeune homme. Je n'aurais jamais imaginé un prof parler ainsi. River se retourne et me voit ricaner, je m'arrête direct et replonge mon nez dans mes notes. Il n'avait pas spécialement l'air d'être méchant, juste un peu distrait.

Après trois heures d'écoute intense, la sonnerie retentit et je me surprends à être déçue de devoir aller manger. Mon sac fait, je me lève et sors de la salle pour m'engager dans le couloir.

- "Eh toi !"

J'entends quelqu'un courir derrière moi, je me retourne et lève un sourcil.

- "Bah dis donc, t'es une rapide toi !" Souffle River à bout de souffle.

- "Je dirais que c'est plutôt toi qui n'est pas très cardio." Dis-je en retroussant mes lèvres afin de sourire à ce spectacle.

Il rit et se redresse.

- "Effectivement, mais en fait, je suis parti dans l'autre couloir avant de voir que tu n'étais pas dans celui-ci."

Je m'appuie sur ma jambe gauche et mets ma main sur ma hanche.

- "Pourquoi tu me cherches, on ne se connaît même pas." Demandai-je.

- "Ça peut toujours s'arranger ! Bref, je voulais juste connaître la nouvelle du fond qui rit de mes bêtises."

- "Désolée de te décevoir, mais je riais parce que le prof t'avait bien mouché." Grimacé-je.

Il fait mine de bouder mais sourit, dévoilant de belles dents parfaitement alignées. Les miennes paraissent tout de suite moins belles à côté des siennes. Je le détaille un peu plus, ses cheveux bruns en bataille recouvrent ses yeux de petites mèches en proc-epic. Ses yeux bruns reflètent la malice dont il peut faire preuve. Quand il sourit, ses traits remontent, ce qui fait rire encore plus ses yeux. Il était mignon et il le savait aussi. Sa tête de plus que moi me fait sentir un peu petite en face de lui, mais moins que quand je me retrouve en face d'Isaak.

- "Pas grave, j'avoue que je racontais mes vacances un peu fort."

Je commence à marcher et il me suit.

- "Tu n'avais pas d'autres moments pour lui en parler?" Je m'exaspère.

- "Je suis arrivé en retard, j'ai atterri il y a même pas quatre heures, alors pas vraiment le temps."

Je ne réponds pas à sa phrase afin que peut-être il décide de lui-même de me laisser tranquille.

- "Et... comment s'appelle ma nouvelle amie ?" Demande-t-il en avançant plus vite pour se mettre en face de moi en marche arrière.

Je pousse de rire, il va un peu vite en besogne lui.

- "J'ai l'air de vouloir de nouveaux amis ?"

- "Bah, tu as l'air de débarquer d'ailleurs, je ne t'ai jamais vue ici, donc oui, moi c'est River." Finit-il en me tendant sa main.

Mes yeux regardent sa main, qui en passant ne semble pas être celle d'un ado tellement elle est grande, je refuse de lui serrer la main.

- "Je sais déjà ton nom, le prof l'a dit, mais je préfère garder l'avantage donc je ne te dirai pas mon nom." Riais-je.

- "Vee !"

Roh... je ne peux même pas rester mystérieuse, Delia me rattrape. Du coin de l'œil, je vois River sourire, satisfait d'enfin connaître mon prénom. En quoi cela changerait-il sa vie de me connaître ?

- "Tu viens manger avec nous ?!" Demande-t-elle.

River se penche vers Delia et sourit.

- "Salut Delia, alors ces vacances ?"

- "Tiens, River, toujours pas mort au fond d'un caniveau ?" Rigole Delia un peu sur ses gardes.

J'écarquille les yeux, en deux jours de connaissances, je ne m'attendais pas à entendre ce genre de phrases venant d'elle.

- "Tu sais bien qu'il m'en faut plus pour finir six pieds sous terre, bon bah à la prochaine Vee."

River me fait un signe de la main et disparaît dans la foule de gens allant à la cantine.

- "Tu le connais ?" Soufflai-je.

Elle hoche la tête et fronce les sourcils.

- "Il n'est pas très ami avec ton nouveau frère d'ailleurs."

Mes yeux roulent d'eux-mêmes.

- "Arrête de dire ça, s'il te plaît, c'est juste le fils du gars qui m'accueille, c'est tout, basta !"

- "Ouais, ouais, bref, il traîne un peu dans les affaires louches de la vieille ville."

J'incite mon amie à continuer.

- "Il se drogue et en vend dans le campus, c'est pas très ouf. Mais il n'est pas méchant, juste il aime bien jouer avec le feu." Dit-elle en haussant les épaules.

Un frisson me parcourt le long de ma colonne, le mot drogue ne m'enchante pas vraiment. Il est clair que je vais devoir me tenir éloignée de lui aussi. Peut-être même de tous les garçons...


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