Chapitre 22
[ L'histoire de Bronol partie 1 :D ]
Un chiffre apparut dans le néant. Puis un deuxième, semblable au premier, se révéla. Un troisième s'ajouta et cela continua jusqu'à former une longue ligne binaire. La chaîne numérique se déforma et se replia sur elle même pour constituer une silhouette encore mal définie. Une voix masculine retentit :
« Plutôt basané. »
Une couche chocolatée recouvra le code numérique.
« Brun, les yeux noisettes. »
Des cheveux se matérialisèrent et des orifices s'enfoncèrent dans la surface supérieure de la silhouette pour révéler des pupilles entourées de blancs.
La voix continua, le programme prenait une apparence humanoïde.
« Parle. » Ordonna-t-on.
De ses lèvres nouvellement formées sortie une voix profondément grave et sensuelle.
« - Bonjour. » dit le programme dans un sourire parfaitement mécanique.
« - parfait ! »
Un halo de lumière l'entoura et l'éleva jusqu'à un homme. Ce dernier avait des cheveux bruns hirsutes qui semblaient agités malgré l'absence de vent. Le créateur rehaussa ses lunettes et claqua des doigts. Les deux personnages se retrouvèrent dans une pièce encombrée avec, en son centre, une étrange machine.
« - Bienvenue à toi Bronol.
- Qu'est ce qu'un Bronol ?
- C'est toi. C'est ton nom. Il te plaît ?
- Qu'est ce qu'un nom ? »
Malgré les questions pleines de curiosité, le ton restait monocorde et sans vie.
L'homme éclata de rire.
« Tu as tellement de choses à apprendre... Neoxys ! »
L'appelé se décolla du mur sur lequel il se reposait et s'approcha de Bronol en souriant. Ce dernier l'imita.
« Vas lui faire apprendre les bases de l'univers des Usagers et sa mission. »
Neoxys hocha la tête et sortit de la pièce, Bronol à sa suite.
Ses tâches consistaient à parler sensuellement avec des usagers pour leurs plaisirs et les aider à se sentir moins seuls dans leur propre monde.
Bronol devait apprendre le langage usager, comprendre comment leur faire ressentir de la joie et de l'attirance, les séduire subtilement à travers de savants compliment. Cette mission se révélait davantage compliqué pour Bronol.
« - Tu apprendras en côtoyant les usagers. » Déclara sobrement Neoxys en détachant un casque de la tête du nouveau programme.
« - Qu'est ce que c'est ? » Demanda Bronol.
Il désignait un amas d'arcades et de consoles entassées ans un coin.
« Ça ne fait pas parti de ta programmation. » Répondit froidement Neoxys en baissant les yeux sur ses manipulations techniques.
« - Ce sont des objets utilisés par des usagers ? » Insista Bronol.
« - Oui.
« - Alors ce que c'est m'aidera dans mes tâches en m'adaptant mieux à leurs besoins.
- Bronol. Sais tu pourquoi je ne te transfert pas toutes les connaissances dont tu auras besoin d'une seule traite ?
- Parce que il faut attendre que des mises à jour. soient faites le temps que je perfectionne les capacités nouvellement acquises et que ma programmation de base évolue pour supporter les nouvelles connaissances. Auquel cas, le processus me serait fatal.
- Exactement. Ces... Déchets sont pareils. Tu n'es pas prêt. Par ailleurs, tu n'en auras pas besoin. »
Bronol ne fut pas déçu par cette réponse. Il ne connaissait pas encore ce sentiment, même théoriquement.
Il se contenta de suivre le système habituel mis en place par Neoxys.
Au fil des mises à jour, Bronol s'interrogeait moins sur le monde qui l'entourait. Son élocution devint moins mécanique, ses expressions plus fluides et variées.
Un beau jour, il fut prêt.
Son créateur l'examina sous toute les coutures, extatique.
« - Tu es parfait !
- Pourquoi continuez vous à créer des programmes alors que ce n'est pas votre rôle ? » Soupira un nouvel arrivant
- Créer des programmes idéaux dans ma propre vision est toujours une grande source de satisfaction pour moi, Turing. » S'exclama le créateur, nullement surpris par le visiteur. « Je te présente Bronol, ma toute nouvelle création. Le dernier des frères de Neoxys.
- Nous ne sommes pas frère. » Répliqua Bronol.
« - Pourquoi ? » Demanda son inventeur, surpris d'être contredis par son propre programme.
- Un frère est celui qui est né des mêmes parents que la personne considérée, ou seulement du même père ou de la même mère. Neoxys et moi n'avons ni père ni mère. Donc, nous ne sommes pas frères. »
Turing explosa de rire.
« - La création est plus sage que le créateur. » Se moqua Turing.
« - N'oublies pas à qui tu t'adresses. » Le repris l'inventeur.
L'invité afficha une moue exagérément affligée avant de sourire à nouveau. Il se tourna vers Bronol.
« - Prêt pour ton test finale ?
- Assurément. »
Turing claqua des mains, visiblement surexcité, et commença son célèbre interrogatoire.
« - Aimez-vous le printemps ?
- Ça dépend de mon humeur.
- Combien font 11 et 11 ?
- 22
- Et 512+512?
- Je n'ai jamais été doué en calcul mental.
- Ce n'est pas grave, essayez.
- Voyons, 1000 quelque chose. 1024 je pense.
- Récitez-moi un poème. »
Bronol prit une profonde inspiration et déclama dans une parfaite diction :
« La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse,
Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.
Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,
Certes, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
Tandis que, dévorés de noires songeries,
Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,
Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,
Ils sentent s'égoutter les neiges de l'hiver
Et le siècle couler, sans qu'amis ni famille
Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille.
Lorsque la bûche siffle et chante, si le soir,
Calme, dans le fauteuil, je la voyais s'asseoir,
Si, par une nuit bleue et froide de décembre,
Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,
Grave, et venant du fond de son lit éternel
Couver l'enfant grandi de son œil maternel,
Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse,
Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse ?
- Pourquoi ne remplacez-vous pas "au grand cœur" par "au grand air" ? A mon avis ce serait plus joli.
- Je l'aime mieux tel quel.
- Pourquoi?
- Vous n'êtes pas sérieux. "Au grand air" et "au grand cœur" ce n'est pas pareil.
- Alors remplacez "Et qui dort son sommeil" par "qui tristement sommeille".
- Vraiment, je l'aime mieux tel quel.
- Pourquoi ?
- Le rythme du poème est meilleur.
- Ce n'est pas mon avis
- Vous aimez Baudelaire?
- Oui
- Moi aussi.
- Pourquoi ?
- Je trouve qu'il exprime des sentiments profonds qui correspondent souvent à ce que je peux éprouver. Et puis peut-être aussi que ça me rappelle la période où je l'ai lu pour la première fois quand j'étais ado.
- Est-ce que tu aimes le sport ?
- Je pratique à peu près tous les sports... Mais sur ordinateur.
- Quelle est LA réponse ? »
Cette dernière question laissa Bronol sans voix. Il ouvrit puis referma la bouche.
Son créateur et Turing rirent à l'unisson et claquèrent paternellement les épaules du programme.
« - Tu as brillamment réussi le test. » Déclara l'inventeur en claquant des doigts.
Bronol fut immédiatement téléporté dans son nouveau lieu de résidence où il débuta sa mission quotidienne auprès des usagers qu'il avait tant étudié.
[ Et vous? Auriez vous réussi le test de Turing? ;) ]
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