Chroniques du symbole
Goupix traînait des pattes. Elle ne savait pas trop quoi ressentir. C'était trop. La mort de tous ses compagnons avaient été difficiles, la difficulté insurmontable. Elle avait failli abandonner mais l'arrivée de Darkrai lui avait fait comprendre qu'elle ne devait pas reculer. Si elle avait su comment l'histoire allait se terminer, elle n'y serait pas retourné. A cause de leur victoire, elle était seule au monde. Elle descendait la Tour du Temps avec une nonchalance intimidante. Autour d'elle, les sbires et les cobayes de Noctunoir la dévisageaient en murmurant des mots, souvent des acclamations, parfois des remerciements. Ils étaient en vie grâce à eux. Le Noctunoir du présent allait bientôt réapparaître. Le Noctunoir scientifique avait été caché par Darkrai dans le futur afin de ne pas interférer avec le Noctunoir guerrier. Mais à cet instant précis, Goupix n'en avait rien à faire. Les sbires de Dialga, la Tour du Temps qui renfermait l'histoire du monde, non, tout ça n'avait pas d'importance. Car Grimpal n'était plus.
Que vais-je faire maintenant ? Grimpal voulait que je raconte son histoire à tout le monde afin que personne ne les oublie jamais. Mais MOI dans tout ça ? Que suis-je sans lui ? J'ai été exploratrice grâce à lui. Je l'ai aimé, je l'ai haï, je l'ai admiré, mais plus que tout, je lui ai donné ma confiance. Et maintenant je suis seule. Je sais très bien qu'il voudrait que je continue mon entraînement pour devenir exploratrice, recruter Marill et Pijako, devenir la plus grande équipe de la planète. Mais sans lui, ça n'a plus aucun sens... Je voulais explorer le monde en compagnie de mon âme sœur. Mais sans lui, qui suis-je ? Que suis-je ? Je ne suis que la fille froussarde d'un oracle qui a fui son passé et détruit son futur. Je suis... seule au monde.
Goupix regarda derrière elle. Elle se trouvait au pied de la Tour du Temps, à l'endroit exact où elle avait aperçu Darkrai se diriger vers le sommet. Le souvenir remonta alors d'un coup, elle se souvenait du carnage, de son échappée discrète qui leur avait valu la victoire, elle se souvenait comment Grimpal avait subtilement indiqué à Ectoplasma de les laisser seuls, elle se souvenait de la discussion déchirante qu'elle avait eue avec son héros qui lui avait caché sa disparition prochaine. Goupix réprima un pleur. Trop de larmes avaient déjà coulées. Elle devait se montrer forte, jusqu'à ce qu'elle ait réussi à accomplir le vœu de son défunt amant.
Goupix venait de sortir la Pierre de Téléportation lorsqu'elle vit Célébi et Ectoplasma discuter ensemble. Goupix se précipita vers eux mais le temps de les rattraper qu'Ectoplasma s'était déjà volatilisé, comme Grimpal avant lui. Célébi avait les larmes aux yeux quand elle se tourna vers l'apprentie exploratrice. Contrairement à elle, Célébi n'était pas surprise de la voir. Elle se détourna de la jeune exploratrice pour s'asseoir au bord du continent flottant, le cœur lourd.
-Qu-Que fais-tu là ? bégaya Goupix en prenant place à ses côtés.
-Je suis revenu auprès de Dialga, là où est ma place. J'ai accompagné Massko lorsqu'il est revenu avec le cadavre de Noctunoir. Et nous avons patienté ensemble jusqu'à ce que le Temps se rétablisse. Nous nous sommes faits nos adieux et je suis revenue. Ectoplasma m'a tout raconté...
-Je vois... murmura Goupix.
Les deux femelles se murèrent dans le silence, portant leur deuil respectif. Chacune d'entre elles avait aimé les icônes qu'étaient Massko et Grimpal et ces deux-là n'étaient plus. Elles étaient dévastées. Goupix pouvait ressentir la peine de Célébi. Sans le remarquer, un lien s'était créé entre les deux pokémons.
-Qu'est-ce que tu comptes faire, maintenant ? fit Célébi en brisant le silence. Je compte reprendre mon rôle et continuer d'anticiper les catastrophes à venir, mais toi Goupix, qu'as-tu prévu ?
-Je vais faire en sorte que personne n'oublie ce qui s'est passé ici. Tout le monde doit savoir.
-Je vois. C'est une bonne idée... murmura-t-elle, appréciant l'idée que l'honneur de son amant soit lavé. Et après ? Comment vois-tu ta vie ?
-M-Ma vie ? bredouilla Goupix, une vague de culpabilité lui brûlant la truffe. Je n'y ai pas vraiment... réfléchi... mentit-elle avant de se raviser.
Goupix avait face à elle un pokémon qui ne comprenait rien à ce qu'était la vie normale, mais elle comprenait sa douleur. Goupix n'avait pas à lui cacher quoi que ce soit. "Après, il n'y aura pas de vie. Le monde des pokémons m'a tout pris. Je vais donc le quitter. Ma vie n'a plus aucune valeur.". Goupix croisa le regard du pokémon fabuleux avec appréhension. Elle avait peur que Célébi tente de la dissuader ou de dire quelque chose d'aussi stupide. Mais elle se contenta de la toiser quelques instants avant de hocher la tête. "Je comprends. Aucun être vivant ne devrait supporter la peine qui est aujourd'hui ton fardeau. Si tu penses que la mort te libérera de ton poids, alors c'est que tu dois avoir raison.". Goupix soupira de soulagement. Elle comprenait. Elle essaya de sourire à Célébi pour la remercier mais elle n'en était pas capable. Goupix regardait ses pattes, aussi honteuse que malheureuse. "Goupix, tu es en danger. Le Darkrai de notre époque est toujours là, lui. Il va venir te chercher pour affaiblir la Guilde Grodoudou. Je t'en prie, fais attention à toi. Si tu dois mourir, je veux que ce soit de ton plein gré, pas entre les griffes de ce monstre."
Goupix faisait face à la foule du Bourg Trésor. Regarde-moi bien, Grimpal ! Je vais exaucer ton dernier souhait. Ensuite... Goupix tut sa pensée par la force. Elle ne voulait pas penser à la suite. Dans le foule, elle retrouva Marill et son petit frère, Grodoudou et Eokko, Vigoroth le maire de la ville et même Sablaireau. Ce dernier était de passage à la Guilde, un vagabond qui prenait une mission de temps à autre. Goupix n'avait compris qu'il s'agissait d'un membre de l'Equipe de secours Bleue qu'après avoir rencontré les secouristes dans le futur. C'était suffisant. Ces personnalités propageraient la parole de Goupix. Elle serait alors l'âme en paix. Non, Grimpal aurait l'âme en paix. Elle prit une grande inspiration et commença à parler.
Pijako arriva alors en boitant. Marill était allé le chercher pour qu'il ne puisse pas rater la discours de Goupix. Elle n'avait pas donné de signe de vie depuis trois jours. Personne ne savait depuis quand elle avait quitté les Terres Illusoires et cette réunion du village était sa première manifestation depuis. Mais l'enthousiasme de Marill quant à l'idée de retrouver son amie s'était envolée en même temps que celui de Pijako. Les deux pokémons dévisagèrent sans grande conviction l'exploratrice qui racontait son récit à tout le village. Tout le monde écoutait Goupix. Mais personne ne voyait ce que ses deux compagnons voyaient. Goupix avait un ton neutre. Elle n'était ni triste, ni mélancolique. Elle n'était ni fière, ni détendue. Elle parlait, simplement. Pijako tressaillit. Ce n'était pas normal. Quelque chose n'allait pas chez elle. L'anxiété de Pijako grimpa en flèche lorsque Mystcliff lui renvoya un regard inquiet. Le chef de la Guilde lui-même sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Mais Goupix racontait son histoire et personne ne devait en manquer une miette.
Pijako ferma la porte de la salle de Commandement. Personne ne devait déranger Mystcliff. Il était parti dans le monde des esprits pour essayer de convaincre l'Assemblée de ramener Grimpal. Personne ne devait savoir que Grodoudou était possédé par un humain, pas même Goupix. Cette dernière déambulait dans le hall, saluant chacun des autres apprentis avant de se mettre dans le rang. Goupix avait repris le travail depuis une semaine. Elle effectuait toute sorte de mission seule, sans broncher. Parfois, Marill venait lui proposer son aide mais elle répondait systématiquement que Marill n'était pas apprenti et qu'elle n'était pas qualifiée pour le prendre en charge. Un voile de tristesse s'abattit sur le cœur du volatile. Ses sentiments pour la femelle n'étaient inconnus de personne. La voir sagement se ranger avec les autres, attendre les ordres et partir en mission pour revenir le soir, manger et dormir aurait dû rassurer Pijako quant à son état mais il n'en était rien. Goupix s'était murée dans un quasi silence. Elle ne parlait presque plus, seulement pour le strict nécessaire. Goupix dont la soif d'aventure était sans égal, Goupix dont la passion était infinie, Goupix, l'apprentie prometteuse qui ne demandait qu'à exploiter son potentiel. Cette Goupix-ci ne semblait plus être. Pijako se contenta de donner les ordres comme à son habitude, priant pour que son partenaire réussisse à ramener Grimpal.
Pijako sursauta lorsque Goupix l'invita à la suivre. Il était tard, Goupix venait de traverser les Terres de l'Eau afin de vérifier l'état des Donjons Mystères les plus à l'est. En plus de sa fatigue, son état psychologique ne devait pas la laisser penser à ce genre de choses. Que se passait-il pour que Goupix choisisse subitement de passer du temps avec lui ? Surtout que Goupix et lui se dirigeaient vers la plage, l'endroit préféré de sa partenaire. Pijako la suivait sans un mot. Goupix avait visiblement quelque chose à lui dire.
Comme pour faire écho à l'importance de la situation, les Kraby étaient de sortie. Les bulles envahissaient la plage, bousculant l'air marin. Goupix clignait des yeux avec insistance pour ne pas verser de larmes sous l'effet du sel amené par le vent. Le crépuscule se reflétait à travers les bulles, transformant les rayons orangés en de multiples arc-en-ciel transparents. Pijako soupira. Il n'avait jamais réellement pris le temps d'observer ce paysage contrairement à Goupix. Le volatile se posa près d'elle mais, lorsqu'il s'approcha pour se coller à sa fourrure, elle eut un mouvement de recul. Ni crainte ni rejet dans son geste, juste un signe que son traumatisme n'était pas passé. C'était un simple réflexe de survie. A son tour, la femelle soupira longuement. "C'est ici que j'ai trouvé Grimpal... Lorsqu'il s'est échoué après avoir été terrassé par Noctunoir. Je l'ai ramené à la Falaise Sharpedo, je l'ai guéri et nous avons ensuite décidé de rejoindre la guilde ensemble. Il avait besoin d'un guide et moi d'un partenaire. Nous avions besoin l'un de l'autre, vraiment.". Pijako aurait aimé répliquer mais ses mots moururent dans son bec. Lui aussi était blessé par la disparition de Grimpal et son inquiétude pour Goupix avait voilé ce sentiment de deuil. Goupix venait de faire remonter en lui toute cette douleur. Le souffle coupé, il observa comment Goupix gérait la situation. Contrairement à ce à quoi il s'attendait, la femelle arborait un sourire triste, mélancolique. Elle se remémorait son aventure. Mais aucune larme à l'horizon, juste la fierté d'avoir réussi. Pijako reprit du poil de la bête. Il avait envie de ressentir la même fierté que sa compagne. Après tout, il avait épaulé Grimpal dans sa quête lui aussi. Il l'avait formé, l'avait accompagné jusqu'aux Terres Illusoires. Quel gâchis... J'espère que Grodoudou arrivera à convaincre le conseil. Mais l'air de Goupix s'assombrit soudainement. Pijako comprit que Goupix n'allait pas bien du tout. Ses pattes flageolaient, supportant difficilement son pelage de feu. Son sourire faux s'était envolé. "J'en ai assez, Pijako. J'en ai assez de devoir me montrer forte." se plaignit-elle. Pijako déploya une de ses ailes pour la poser sur les épaules de la future exploratrice mais celle-ci s'écarta une fois encore, lâchant une douloureuse plainte. Le maître avait senti la difficulté de ce mouvement de recul dans la façon dont s'était réceptionnée la femelle. Le cœur du volatile de serra. Va-t-elle s'en remettre un jour ? Goupix a-t-elle les épaules pour surmonter cette épreuve et devenir l'héroïne que nous avons vu en elle ? "Grimpal nous manque à tous. Il était une lumière au sein de la guilde. Son leadership et sa bienveillance nous ont grandement aidé dans ces temps sombres. Il m'a rappelé l'époque où Grodoudou n'était encore qu'un messager, l'époque où nous voyagions tous les deux pour aider les villages à se développer. Grimpal était un pokémon aussi bon que Grodoudou. Et je sais qu'il était pour toi ce que Grodoudou était pour moi. Ton âme sœur. Mais Goupix, tu dois vivre. Tu es en vie, tu es une survivante et, de ce fait, tu ne dois pas baisser les bras. Tu possèdes un fardeau sur tes épaules, il est vrai. Mais n'abandonne pas. Nous avons besoin de toi. J'ai besoin de toi...". La phrase de Pijako mourut dans son bec. Goupix s'était tournée vers lui, le visage déformé par une multitude d'émotions contradictoires. Le plumage du volatile se hérissa, conscient que ça n'allait pas du tout. La Flammèche de Goupix le toucha sur le flanc droit et l'envoya mordre le sable. Les bulles s'étaient envolées, les Kraby s'étaient enfuis, le soleil s'était caché. Il ne restait plus que Goupix, sa colère et sa dépression. Face à Pijako, terrorisé. Ce dernier s'était recroquevillé dans le sable, prêt à recevoir son châtiment. Des flammes s'échappaient de la fourrure de Goupix. Elle semblait si forte, si imposante. Sa jeunesse semblait avoir disparu. Le regard menaçant et confus trahissait sa douleur. La corruption semblait sur le point de la saisir à nouveau. Pijako frissonnait de peur. Allait-il se faire éliminer par son aimée ? Seul avec elle, sur la plage de son village ? Si c'est ça que le destin me réserve, alors soit. Mourir de la patte de Goupix n'est pas si déplaisant que ça... avoua Pijako pour lui-même.
Goupix cligna des yeux, reprenant ses esprits. Elle avait hurlé si fort contre son ami qu'elle s'était faite peur toute seule. A ses pattes gisait Pijako, résigné. Alors, à son tour, elle abandonner. Elle s'effondra au sol, enfouissant la truffe entre les serres du volatile. "Pijako... Pijako... se lamenta-t-elle. J'en ai assez de toute cette souffrance. Je veux juste que ça cesse. Je ne peux pas vivre dans ces conditions... Comment vais-je devenir forte sans lui ? Comment pourrais-je rendre fier mes amis si lui n'est pas là pour me guider ? Comment suis-je censée devenir une exploratrice si lui n'est plus là pour m'accompagner à la recherche des trésors ? Pijako... Toi qui es si fort, toi qui en possède le pouvoir... Ordonne-moi de ne plus être malheureuse...". La frustration de Goupix avait commencé à durcir le sable sous les deux pokémons. Pijako avaient quelques plumes noircies par les chaleur intense que dégageait Goupix. Mais face à elle, face à tant de douleur, il ne le remarqua pas. "Goupix... répondit-il entre les soubresauts de son interlocutrice. Je ne peux pas faire ça. Cette douleur est un fardeau mais elle est tout ce qui te reste de Grimpal. Sans cette douleur, toute votre aventure n'existera plus à tes yeux, tu n'en tireras aucun enseignement et tu reviendras quelques mois en arrière. Tu as vécu une expérience traumatique que je ne souhaite à personne et nous travaillerons dessus ensemble. Mais je ne te ferai jamais oublier Grimpal. Tes souvenirs et tes sentiments doivent rester intacts.". Pijako éprouvait une grande difficulté à articuler ses mots. Il se rendait enfin compte de l'état de détresse dans laquelle Goupix se trouvait. Elle n'était pas juste blessée, elle n'était pas effrayée par la solitude. Elle souhaitait mourir, sacrifier un pan entier de sa vie pour apaiser sa douleur. Je... Je ne la laisserai pas tomber !
Mais, avant que la discussion reprenne de plus belle dans la noirceur de la nuit sans étoile, Marill dévala la pente sablonneuse qui menait à eux. Dans sa précipitation, il trébucha dans le sables plusieurs fois. Derrière lui, un pokémon bien familier les suivait. Grimpal. Il était de retour. Les larmes de Marill n'étaient rien comparées à celles qui montaient aux yeux de Pijako. Lorsque Grimpal appela ses amis, Goupix leva la tête. Elle mit quelques secondes avant de réaliser ce qui était en train de se passer. Elle se leva brusquement et se jeta sur son partenaire, Pijako à sa suite. La masse de pokémons fondirent en larmes de bonheur et de soulagement. Le quatuor d'explorateurs était enfin reformé. "Il faut croire que tes prières ont été entendues !" expliqua Grimpal. Il raconta rapidement son histoire, comment les souvenirs du Grimpal du futur avaient fusionné avec les siens. Ce jour-là, le Grimpal secouriste et le Grimpal explorateur n'étaient plus qu'une seule et même personne. "Grimpal, je t'en supplie, ne me quitte plus jamais !".
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