Chapitre 4
Cela faisait deux ans que Sara et Kiara étaient à la colonie. Sara s'y sentait comme chez elle. Elle était épanouie et heureuse, auprès de gens qui lui voulaient du bien. Dès son arrivée, Sara était devenue très proche de Michael, un des ses jeunes frères. Il était arrivé un an auparavant et n'avait, à l'époque, que 9 ans. C'était l'un des plus jeunes des demi-dieux. Michael était très intelligent pour son âge. Mais, malgré le fait qu'elle s'imaginait qu'ils étaient les meilleurs amis du monde, Michael ne lui parlait que lorsqu'il était obligé. Froid, solitaire et renfermé, il n'interagissait avec elle que lorsqu'elle venait vers lui.
Ainsi, elle passa deux ans à le côtoyer régulièrement avant de laisser tomber. Heureusement, elle avait d'autres amis. Parmi ses frères, il y avait Anton. Anton avait un an de moins qu'elle et était arrivé quelques mois avant. Anton était toujours souriant. Lorsqu'Alyssa arriva à la colonie, les trois ne se séparèrent plus. Kiara, elle, avait quelques amis. Sara ne s'en rappelle pas, à vrai dire. Elle ne faisait pas beaucoup attention à sa sœur. Elle le regrette d'ailleurs énormément...
Je rouvre les yeux. Je suis dans mon lit. Julia est assise à mon chevet, le regard noir. Les autres filles de la chambre ne sont pas là. Je suppose qu'elle a trouvé un prétexte pour les faire partir. Je me relève maladroitement et lui adresse un sourire désolée. Je vais sortir du lit quand elle me bloque de son bras, ferme.
"Sara Jane Drachous. Tu n'iras nulle part tant que tu ne m'auras pas expliqué pourquoi tu es dans cet état.
- Arrête Julia, c'est bon... Fred as bien dû te dire, non ?
- Fred ? Qu'est-ce qu'il vient faire dans cette histoire ? C'est Quentin qui t'as ramenée ici."
Je plisse les yeux, surprise. Je suis pourtant sûre que c'est Fred qui m'a rattrapée quand je me suis évanouie. Bizarre... Je hausse les épaules et demande :
"Quelle heure est-il ?
- 21h47. Je t'ai récupérée il y a même pas une heure. Mais ne change pas de sujet. Pourquoi tu as mentionné mon frère ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Oh euh... je crois que j'ai trop mangé alors je suis allée aux toilettes et j'ai croisé Fred. C'est tout.
- Sara... tu m'as vraiment pris pour une idiote, hein ? Je vais pas chercher plus loin ce soir mais j'en resterai pas là... va te doucher."
Je hoche la tête, mal à l'aise. Je prends rapidement mes affaires de douche. Alors que j'entre dans la salle de bain, je tombe nez à nez avec les filles qui papotent en se lavant les dents. Halley me fait un signe de la main :
"Hey ! Comment ça va ? On te croyait morte !"
Clara sourit derrière sa brosse à dents et Lili, qui racontait quelque chose, me lance un rapide signe de la tête avant de continuer son récit. J'entre dans une des cabines que je referme derrière moi. Les douches sont plutôt grandes. Je pose mes affaires et me déshabille. J'allume l'eau. Après ce qu'il s'est passé, je me méfierais presque de l'eau. Néanmoins, je suis vite ravivée par cette chaleur. Je me reperds dans mes pensées.
Lorsque Fred arriva, il tapa dans l'œil d'Anton. Il passa aussitôt tout son temps avec lui. Sara était un peu jalouse alors elle abandonna Alyssa pour rester avec eux. Quelques jours après son frère, Julia débarqua. Aucun d'entre eux ne fit attention à elle au départ. Sauf Fred, évidemment. Elle était à l'époque son unique camarade de bungalow. S'ils ne se savaient pas jumeaux, ils étaient quand même frère et sœur. Julia fit la connaissance d'Alyssa, qui se sentait délaissée. Ainsi devinrent-elles meilleures amies. Et puis arriva Tom. Tom était plus jeune que Sara de deux ans. Il était aussi un fils de Poséidon mais se sentit très vite rejeté par Fred et Julia. Comme Anton collait Fred, Sara et lui devinrent amis.
Hélas, quelques jours après, Chiron appela Sara et Kiara. L'hydre était revenue. Sara tremblait de tout son corps. Si ses cauchemars s'étaient apaisés depuis quelques temps, cette nouvelle les ranima. Le monstre qui la traumatisait depuis cette nuit sanglante revint hanter ses rêves. Elle finit par demander une faveur à Chiron : elle veut organiser une quête pour tuer la bête. Sara comptait partir avec Kiara et Tom. Il fallait être trois. Mais, à sa grande surprise, l'idée ne plût pas du tout à son aînée. Elle entra dans une immense colère et ne parla plus à sa cadette. Tom n'était pas vraiment partant. Il n'avait que dix ans et était encore un jeune enfant craintif. Sara proposa à Anton. Anton, lui, adorait l'idée. Il fut donc décidé que les trois à partir seraient Anton, Fred et Sara. Hélas, Lucas, le père d'Anton, mourut quelques jours avant le départ. Leur ami dût donc retourner chez lui d'urgence.
Même si elle s'inquiétait pour lui, Sara n'aurait jamais pu se douter à l'époque qu'elle ne reverrait jamais son ami. En revenant de leur quête, sa vie était brisée. Elle ne chercha pas à savoir où il était parti. Cette amitié s'était envolée pour toujours...
Je sors de la douche et me brosse rapidement les dents. Je suis trop fatiguée pour faire quelque chose alors je vais me coucher tout de suite. Les filles discutent un peu. Je ne prends pas part à la conversation. Je m'endors très vite.
D'ailleurs, en revenant de la quête, Sara ne parla plus ni à Tom ni à Alyssa. Ces deux-là ne comprirent pas parce qu'ils n'étaient pas là. Julia, qui savait sa douleur, s'éloigna d'elle, furieuse de la voir faire souffrir son frère. Car Fred et Sara sortirent ensemble encore presque un an après la mort de Kiara. En fait, jusqu'à l'arrivée de Quentin.
La quête fut donc entreprise par Fred, Sara et Julia. Quelques jours après leur départ, ils tombèrent pas hasard sur Kiara. Enfin, pas vraiment par hasard. Inquiète, la jeune fille avait demandé l'autorisation à Chiron de partir pour les rattraper. Ce qui se passa durant ces longs mois de quête reste flou dans la mémoire de Sara. Elle sait juste qu'elle tomba amoureuse de Fred au bout de très peu de temps. Ils ne faisaient pas grand chose, cherchant juste à localiser l'hydre. En vain.
Un soir, Sara s'était assise dehors, à quelques mètres de leur abri. Elle regardait les étoiles, désespérée. Elle pensait que l'une d'entre elles était peut-être son père. Elle pensait qu'elle n'honorerait pas sa promesse. Elle s'en voulait de ne pas réussir à trouver le monstre. Fred n'arrivait pas à dormir. Il était sorti et était venu s'asseoir à côté d'elle. Ils étaient resté là longtemps. Et puis, subitement, elle lui avait dit, sans réfléchir :
"Je crois que je suis amoureuse de toi."
Il n'avait pas répondu. Il lui avait juste pris la main. Et, dès le jour suivant, ils sortaient ensemble. C'étaient encore des enfants. Sara venait d'avoir 13 ans et il allait en avoir 12. Mais, pour eux, c'était leur premier amour.
Et d'ailleurs, c'est mon dernier en ce moment, je songe en ouvrant les yeux.
Julia et Halley sont déjà parties. Lili dort encore et Clara et Jess s'habillent. Je les imite. Puis, nous descendons l'escalier tout en discutant :
"Bien dormi ? fait Jess pour entamer la conversation.
- Oui et vous ? réponds-je.
- Très bien !
- Super bien aussi ! ajoute Clara. Tu vas voir, le breakfast est delicious !"
Je croise Quentin qui se lève tout juste et je salue mes amies avant de courir vers lui. Il me lance un regard suspicieux et pose la question que je comptais lui poser :
"Qu'est-ce qui s'est passé hier ?
- J'allais demander la même chose... Je me suis... disputée avec Fred parce qu'il utilisait son don dans les toilettes."
Je préfère ne pas aller plus dans les détails. C'est mieux.
"Je me souviens m'être évanouie mais je sais plus ce qui s'est passé après.
- Moi je sais... Fred t'a ramenée dans la chambre. Il m'a dit qu'il t'avait trouvée comme ça dans les couloirs. Il m'a demandé de te monter dans ta chambre sous prétexte que Julia piquerait une crise si c'était lui... J'ai trouvé ça un peu bizarre, surtout qu'il m'a demandé de ne pas dire que c'était lui qui t'avait trouvé..."
Puis, sans un mot de plus, nous rejoignons la table de nos amis. Jack semble mal réveillé car il boit beaucoup de café ; Bilal, lui, est en pleine forme et raconte des potins à tout le monde ; Tim mange beaucoup et fait des blagues douteuses ; Julia, Halley et Clara mangent avec nous, mais la première refuse de me parler tandis que les deux autres discutent surtout entre elles ; et Fred essaie d'éviter à tout prix mon regard, sûrement mal à l'aise par rapport à hier...
Tandis que Quentin raconte à quel point les garçons ronflent fort, je fixe Fred. En voyant son visage comme ça, de si près, mon cœur s'emballe. Je repense à tous ces moments qui me manquent affreusement. Et à notre rupture... Je me dis que c'est mieux, que nous n'étions pas dans une relation saine. Et, en même temps, je songe que c'est stupide de s'éviter quand nos sentiments sont réciproques...
Très vite, Bilal et Tim se taisent pour manger. L'ambiance devient plombante. Tim tente de nous réveiller avec une blague mal assurée :
"Allez les gars, bougez vous un peu ! Même mes pancakes sont plus mobiles que vous !"
Gros blanc. Il soupire, baille, et s'endort à moitié à son tour. Le silence est d'or. Je mange toujours lentement et, à nouveau, mes pensées divaguent.
Sara s'effondra. Elle serrait entre ses mains Pollá Prósopa. "Plusieurs visages". C'est sa sœur qui la lui avait donné trois ans auparavant. Cette dent là appartenait à l'une des têtes de l'hydre. Celle de Kiara se trouvait juste à côté dans la bouche du monstre. Lorsque Sara avait décidé d'appeler la sienne Pollá Prósopa, son aînée avait demandé pourquoi.
"Pour toujours me rappeler que ce monde a plusieurs visages, avait répondu l'enfant, tout comme ce monstre. Lorsqu'un problème disparaît, deux ressurgissent. Plusieurs visages, plusieurs aspects. Un visage souriant peut cacher une visage empli de haine. Et puis, comme Janus, un visage peut être rivé sur le futur tandis que l'autre garde ses remords du passé.
- Oui, avait rétorqué Kiara, mais on peut avoir plusieurs facettes et ne rester qu'un. Les gens ne sont pas parfaits Sara, chacun à ses défauts. Il faut vivre en harmonie avec soi-même."
Kiara avait donc appelé son arme Enoména Prósopa, "Visages unis".
Fred s'approcha lentement d'elle et lui caressa l'épaule. Enoména Prósopa était fermement plantée dans la cuirasse de l'hydre. Plus jamais le regard fou de la bête ni son souffle saccadé ne poursuivraient Sara du regard. Mais plus jamais non plus Kiara ne lui sourirait, brandissant "Visages unis". Car cette harmonie qu'elle prônait tant s'était dissoute. L'hydre, tout comme elle, avait été trahie par les siens. Tuée par ses propres crocs ou sacrifiée par sa propre sœur. Il n'y avait pas tant de différence.
Sara s'approcha lentement du corps qui gisait. Tout comme celui de son père des années auparavant, il était recouvert de sang, lacéré, déchiqueté, mâchouillé. Tout s'était passé dans le feu de l'action. Sara poignardait l'hydre à coup de "Plusieurs visages". Fred et Julia s'étaient effondrés. Ils avaient fusionné leurs pouvoirs afin de jeter une immense vague sur le monstre. En vain. L'eau ne lui faisait rien. Après plusieurs essais infructueux, ils s'étaient évanouis. Sara avait de l'ambroisie dans son sac mais elle ne pouvait pas les atteindre. Alors elle donnait juste des coups désespérés sur la peau de l'ennemi.
C'était Kiara qui avait eu l'idée.
"On n'est jamais mieux trahi que par les siens. Le seul moyen de vaincre ce monstre-là est métaphorique, avait-elle expliqué, pour régler ses problèmes, il faut les attaquer à leur source... rentrer dans leur jeu et utiliser leurs propres armes. Il faut la poignarder avec ses propres dents !"
Sara avait soudain compris que quelque chose clochait. Le soleil avait disparu. Ou plutôt, une immense ombre était en train de la recouvrir. Toutes les têtes du monstres étaient tournées vers elle, prêtes à la lacérer. Sa gueule était entrouverte, laissant voir ses dents pointues, et un long filet de bave qui coulait. Ses yeux rouges la suivait des yeux. Dans le passé, Héraclès la vainquit en brûlant à vif presque toutes ses têtes pour qu'elles ne repoussent plus. Sacha avait fait de même. Mais deux enfants, l'une d'Athéna et l'autre d'Hécate, qui pouvaient plus compter sur leur ruse que leur force ou leur habileté, en était incapables. Et la gueule immense fondit vers elle. Cette vision cauchemardesque hantera souvent la petite fille. Comme les évènement qui suivirent...
"Sara ? Tu dors sur place !" me fait remarquer Bilal, me tirant de ma torpeur.
Il donne des coups sur la table en regardant tout le monde à tour de rôle, comme pour nous réveiller. En faisant ça, il donne un violent coup dans le plateau de Jack, qui est aussitôt trempé de son café.
"Oups ! C'est trop drôle, on dirait des morts vivants tous là !"
Il ne reçoit que des œillades noires. Personne n'est d'humeur à plaisanter. L'ambiance est maussade et nous tous mal réveillés. Jack se lève en donnant un coup de chaise à Bilal. Sous le choc, il renverse sa tasse de thé sur son sweat. Son ami lui fait un grand sourire avant de dire :
"Oh mince ! J'ai pas fait exprès... On va devoir aller se changer tous les deux !"
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