Jennie se réveilla puis se leva discrètement pour partir chercher de quoi se nourrir dans la ville. Elle avait quatorze ans et elle était belle, rousse, les yeux vert émeraude et scintillants. Elle était très maigre car elle mangeait peu mais elle était quand même sublime, magnifique malgré ses vêtements en haillons. Jennie ne portait qu'une robe noire de crasse et grignotée de toute part par des rats qui trainaient dans la rue où elle vivait. La nuit, elle partait toujours en quête de nourriture dans la ville la plus proche : Paris. C'était une voleuse, une mendiante recherchée partout car, pour se nourrir, elle devait voler les marchands. Elle était très agile, sautait de toits en toits, passait partout, connaissait parfaitement la ville.
Puis un jour, arrivant soudain devant un grand bâtiment, elle s'arrêta, chercha une entrée, puis se résolut à passer par la cheminée. L'endroit était sombre et inhabité. Jennie décida que ce serait là sa nouvelle demeure. Elle repartit ensuite en direction du bourg où se trouvaient les marchands et leurs magasins.
Soudain elle n'en crut pas ses yeux : devant elle se tenait plein de petites caisses en bois remplis de fruits, de viandes, de poissons. Elle se croyait dans un rêve tellement cela lui semblait inimaginable ; mais son rêve prit fin lorsqu'elle vit un camion arriver et une autre machine bizarre qu'elle ne connaissait pas prendre toutes les caisses. Effarée de voir son précieux butin s'envoler, elle prit son courage à deux main et courut en direction du camion ; elle s'accrocha à une poignée et réussit à rentrer dans le fourgon.
Jennie avait l'eau à la bouche et son ventre criait famine. Elle entama les fruits, puis la viande mais avant qu'elle eut terminé un steak saignant, elle reçut un coup violent sur la tête et sombra dans un sommeil profond. Lorsqu'elle se réveilla elle était dans une pièce sombre, sans fenêtre. Jennie avait peur : jamais auparavant elle ne s'était fait emmener par des inconnus dans un endroit qu'elle ne connaissait pas. Puis après ce qui lui parut des heures, un homme en costume entra. Elle comprit que c'était un officier de police et qu'elle était en prison. L'homme n'avait pas fermé la porte. Jennie en profita, le frappa avec ses chaînes, s'empara des clés puis s'enfuit. Elle courut aussi vite que possible vers sa cachette : elle avait semé ces policiers de malheur. Enfin cachée elle s'affala sur un fauteuil tout miteux mais très confortable et s'endormit. Lorsqu'elle se réveilla, le soleil venait tout juste de se lever. Elle se lava la figure avec l'eau de la gouttière puis sortit dehors. Elle devait retrouver ce camion plein de nourriture coûte que coûte !
Jennie arriva dans la ruelle qu'elle avait empruntée la veille. Elle zigzagua entre les sacs poubelles qui jonchaient le sol et les rats qui grignotaient les détritus. La jeune fille se rendait sur la place lorsqu'un serpent surgit de nulle part devant elle. Jennie voulut passer mais il ne la laissa pas le contourner. Elle sentit qu'il s'enroulait autour d'elle mais elle ne réagissait pas. Paralysée par la peur puis par une douleur, la jeune fille tomba de sommeil et de douleur.
Quand elle se réveilla, elle était à quelques centimètres du sol. Jennie regarda ses mains et poussa un cri d'horreur : elle avait des pattes avec des coussinets et des poils roux. Elle alla se regarder dans une flaque d'eau et au lieu de voir un visage plein de tâches de rousseur avec des yeux vert émeraude, elle vit un adorable chiot, roux, golden retriever avec une oreille déchiquetée, ce qui lui rappela le jour où des rats lui avaient mangé une partie de l'oreille droite. Un frisson la parcourut. Le serpent était là devant elle, le chiot lui demanda comment il allait retrouver une apparence humaine. La seule réponse qu'il reçut fut : par l'Amour d'un humain. Elle devait trouver un garçon humain qui voudrais bien l'embrasser ou qui tomberais amoureux d'elle.
La petite chienne se mit en quête de ce garçon. Elle échappa plusieurs fois à la fourrière qui la suivait car elle n'avait pas de collier. Après un mois d'errance, elle arriva au centre de la ville car, faute de carte, elle devait se débrouiller seule. Jennie se déplaçait de maison en maison mais toujours rien. Elle commença à s'inquiéter : et si l'amour ne se trouvait pas, et s'il était impossible qu'un humain porte de l'amour à une chienne. Un garçon ne serait pas stupide au point de l'embrasser ou de l'aimer. Maintenant un an s'était écoulé et toujours rien. Jennie voulu abandonner mais une petite voix lui disait sans cesse qu'il fallait persévérer. Deux ans passèrent et toujours rien. Le vide complet. La jeune fille était triste, coincée à jamais dans ce corps qui ne lui appartenait pas. Elle était peinée et en colère à la fois car si elle n'avait pas rencontré ce serpent, rien de tout cela ne serait arrivé. Et puis l'amour, elle n'avait jamais connu car elle vivait souvent de nuit et très peu de jour donc croiser des garçons était rare. Jennie allait vraiment se décourager lorsqu'elle vit un garçon à sa fenêtre : il rêvassait. Elle courut vers la maison mais se prit les pattes dans les ronces, fit un roulé-boulé qui se stoppa devant la maison. Surpris et heureux de voir ce chien, le jeune humain descendit dehors et alla récupérer précautionneusement ce petit paquet arrivé de nulle part. Le jeune garçon était brun, les mêmes yeux vert émeraude que Jennie. Ce fut la première fois que la jeune fille tomba amoureuse. Cette sensation qui chamboule ton coeur qui le fait accélérer et se serrer... Il était attentionné et soigna ses blessures.
Dès qu'elle put se remettre debout, elle essaya de lui expliquer la situation en mimant ses mésaventures mais, malheureusement, il ne comprenait pas. La jeune chienne était déçue ; elle l'avait attendu si longtemps et maintenant elle ne pouvait pas lui expliquer les raisons. Soudain elle eut une idée : elle allait lui écrire ! Elle trouva justement un pot de peinture au fond de la chambre du garçon, trempa sa griffe dedans et commença à écrire. Le garçon, étonné qu'un chien puisse écrire, attendit patiemment qu'elle eut terminé puis regarda le texte perplexe. Jennie se dessinait maintenant lorsqu'elle était une jeune fille, puis la morsure du serpent, elle en petite chienne et le garçon qui l'embrasse ainsi que la transformation en humaine. Il posa la chienne sur son bureau s'approcha puis l'embrassa. Une puissante lumière jaillit dans la chambre : tout devint blanc puis la chienne retrouva son aspect de jeune fille. Le garçon ébahit par sa beauté la rattrapa car elle faillit tomber par terre. Elle était sublime, malgré la pauvreté de ses habits ; il en tomba tout de suite amoureux.
Tous deux restèrent ensemble car une famille les avait recueillis et on n'entendit plus jamais parler de ces deux-là. Avaient-ils disparu ? Personne ne le sût...