• Poison •
Poison était un nouveau-né tout à fait adorable. Plutôt couleur sable tacheté de noir-brun, le museau rosé et les moustaches vibrantes, il s'était réfugié sur le ventre de sa maman, qui s'élevait et s'abaissait lentement, entouré de ses frères et sœurs.
Vous vous demandez sûrement pourquoi "Poison"?
Je vais vous expliquer son histoire...
Alors qu'il venait à peine d'ouvrir les yeux, les petits chatons, au milieu des poils rassurants de leur mère, furent soulevés doucement pour ensuite être déplacés sur un support en plastique.
La lumière éclairait déjà faiblement, mais alors que poison levait la tête, le noir se fit complet...
La meute de chatons fut balancée dans tout les sens, tous se percutaient violemment et se marchaient les uns sur les autres.
Soudain l'atmosphère se détendit et les petits chats furent un instant en suspension, mais ce ne fut que de courte durée... Un énorme choc s'en suivit, écrasant tous les chats en un tas.
Des miaulements apeurés appelèrent à l'aide leur mère, mais aucune réponse ne leur vint. Toujours dans le noir le plus ténébreux, les chatons poussaient des plaintes sans arrêt...
Mais plus les jours passaient, plus l'oxygène se faisait rare ainsi que la nourriture et l'eau...
Plus de la moitié de la fratrie était morte ou mourante, une odeur pestilentielle stagnait dans le peu d'air qui restait dans le sac plastique...
Poison, encore vivant mais dans un sale état, préféra garder son énergie pour essayer de survivre.
Des jours passèrent encore, Poison était à présent le seul chaton encore vivant mais très affaibli... Tous les autres étaient morts et gisaient sur le fond de sac.
Poison, sur le point s'effondrer, poussa un dernier miaulement, puis ses yeux se fermèrent... Soudain de l'air frais arriva de plein fouet dans ses poumons, le vent souffla à travers ses poils pouilleux. Il ouvrit faiblement les yeux et vit un humain qui le tenait dans sa main.
Le pauvre petit sursauta et souffla sur la personne qui le tenait, celle-ci se mit en colère et lâcha le chaton qui chuta violemment sur le sol en se brisant une patte. Le petit fut à nouveau abandonné dans cette grande forêt, avec ses frères morts et sa patte cassée.
Sa mère n'était plus là pour le protéger, on l'avait abandonné dans le bois et de toute sa fratrie, il était le seul à avoir survécu... Le seul...
Malgré sa patte blessée, le chaton décida de se débrouiller et quelques heures plus tard il se retrouva dans un village qui paraissait abandonné à cause de sa faible concentration de population. Le petit boitait en plein milieu de la rue principale, regardait de gauche à droite ces drôles de bâtiments qui devaient dater de la 1er guerre mondiale.
Soudain une voiture passa brusquement au-dessus du chaton. Poison fut effrayé et s'enfuit vers les poubelles d'une maison.
Dégoûté par l'odeur, il essaya de trouver un autre abris mais la douleur dans sa patte l'empêcha de bouger, et il fut obligé de dormir là, à même le sol.
Le lendemain matin, Poison se réveilla dans une petit boîte en carton dans la cuisine d'une des maisonnettes.
La vieille femme qui y vivaient l'avait recueilli par pitié et l'avait placé dans la caisse pour ne pas le blesser encore plus, pourtant elle n'avait pas soigné sa patte.
Poison, ne sachant pas sortir, griffa la boîte pour demander de s'en aller et visiter la demeure, ce qui énerva la dame. Pourtant elle lui offrit la liberté de sortir de la boîte.
Poison visita vaguement la maisonnette, puis resta aux alentours de sa caisse.
Il se dit que, malgré son aventure traumatisante, tous les humains n'étaient pas si méchants.
Bien des mois plus tard, poison avait grandi et sa patte, mal réparée, était tordue et le faisait boitiller.
Le chaton était à présent un chat, et celui-ci adorait attraper les oiseaux. Souvent il les rapportait à sa pseudo-maîtresse qui le logeait et le nourrissait.
Malheureusement, elle n'appréciait pas ces cadeaux de valeurs et punissait toujours Poison pour ça.
Pourtant, Poison continuait de lui en apporter pour lui montrer sa gratitude, mais le jour où il rapporta le rouge-gorge qui piaillait tous les matins sur le bord de la fenêtre de la dame, le vieille femme s'énerva si fort qu'elle jeta Poison hors de chez elle et le tapa avec son balais.
Poison miaulait tandis que les coups de balais pleuvaient sur sa tête.
Lorsqu'il fut hors de porté du manche, la vieille femme, qui maugréait, claqua la porte de sa maison et laissa Poison seul dans le froid d'automne.
C'est ce jour là que Poison compris que tout les humains étaient mauvais et que tous pouvaient se retourner contre lui...
Depuis ce jour, Poison devint le pire chat du village, il avait décidé que ça serait da nouvelle réputation...
Le félin avait réussi à se créer une vie de rebelle. Chaque jour, il faisait des sales coups aux habitants du village.
Lorsqu'il voyait une fenêtre ouverte et sans surveillance, le chat entrait silencieusement dans la maison et cassait quelques vase et cadre, puis il s'en allait n'y vu, ni connu.
Lorsqu'il le pouvait, il s'introduisait dans les jardins et y mettait le désordre le plus complet... La terre retournée pour y chercher à manger, la remise du jardin ouverte avec les outils dehors, les fleurs piétinées...
Certaines fois, il rentrait chez les gens pour y cacher, comme le ferait un chat sauvage dans la nature, son dîner ou le reste.
Ce qui traumatisa à vie la jeune femme de la première maison, qui retrouva la moitié d'un écureuil sous son oreiller..
Tous les habitants du village en avaient marre de Poison, ils le détestaient et pourtant ils en avaient peur..
Mais une nuit, alors que Poison s'égosillait pour former quelques fausses notes afin faire enrager le village endormi, Poison reçu une balle de plomb dans l'œil... Le félin se tut immédiatement alors qu'il tombait à la reverse de l'autre côté de la palissade sur laquelle il était assis.
Poison fit des petits cris plaintifs à cause de son œil à présent inutile et mutilé... Et son seul œil valable voyait flou à cause de la douleur accablante et insupportable.
Poison, tanguant et boitillant, essayait tant bien que mal de trouver un abris.
Il arriva au niveau d'une vieille demeure où une ouverture assez large pour le félin se trouvait.
Poison décida d'y entrer pour se laisser mourir une fois pour toute... Après tout ce qu'il avait vécu, ce serait une balle de plomb, tirée par un tireur inconnu, qui le tuerait. Ce qui, d'ailleurs, en était égal aux habitants car même s'ils ne le laissaient pas savoir, tous voulaient la mort du félin.
Poison s'allongea sur le béton poisseux de la cave et ferma son œil.
Alors qu'il pensait sa vie terminée, Poison se réveilla, le lendemain matin, sur un gros tas de couverture près d'un feu de cheminée.
Énervé, il se leva et se dirigea d'un pas rapide vers une porte ou une fenêtre ouverte mais, malheureusement pour lui, aucune sortie n'était possible...
Et puis... Comment était-ce possible qu'il soit toujours vivant et que quelqu'un l'accepte de son plein gré chez lui...c'était impensable...!
Le chat, après avoir fait un dernier tour de repérage revint se coucher près du feu, mais pas sur les couvertures, il avait sa réputation de dur à cuire à garder.
En se couchant, il se rendit compte que sa patte était bandée, ainsi que son œil.
Quelqu'un avait voulu le soigner...
Encore plus furieux, Poison se jeta sur ses pansements et commença à les déchiqueter, quand soudain, un vieil homme, qui avait perdu sa femme durant la 1er guerre mondiale, s'approcha lentement du félin et lui dit:
« Si tu continues, ça ne guérira pas..»
Poison, furieux, se retourna et souffla sur l'homme.
Celui-ci s'approcha de Poison et tenta de lui défaire son bandage, mais le félin se défendit en le griffant au visage.
Pensant qu'il allait mal réagir, le chat se renfrogna sur lui-même, le poil hérissé.
Mais contrairement à ce qu'il pouvait penser, le vieil homme se redressa, alla dans la cuisine, se rinça la joue, puis revint avec un bol de petits morceaux de viande.
Poison fut grandement étonné par l'attitude du vieil homme en son égard et se méfia de la nourriture. Malgré son appréhension, le chat fut attiré par l'odeur et après un combat mental, il céda et s'approcha du bol pour y manger des lambeaux de viande.
Cela faisait un éternité qu'il n'avait plus manger aussi soigneusement un plat aussi bon...
Le vieil homme, maintenant assis dans son fauteuil près du feu, laissa échapper un petit sourire, plissant encore plus son visage ridé, ce qui n'était pas arriver depuis longtemps.
Lorsque Poison fut rassasié, le vieillard se mit à côté du félin et commença à défaire le bandage, déjà en lambeaux, du chat.
Poison voulut se défendre mais s'en empêcha au dernier moment, il se laissa faire.
« Tes plaies se sont bien cicatrisées, si tu ne les touches pas, tu pourras avoir une vie normale dans quelques jours»
dit le vieil homme, heureux de voir que ses talents d'infirmier de guerre étaient toujours encrés dans sa mémoire.
Poison regarda, d'un œil provocateur, le vieillard se rasseoir tandis qu'il s'allongeait sur le carrelage.
Et tous deux s'endormir.
Lorsque le vieil homme eu fini sa sieste, il contempla son salon déserté par le félin s'étant enfui par la porte de derrière, qu'il avait dû oublier de fermer.
Le vieillard s'attrista de se savoir à nouveau seul, mais il fut heureux d'avoir pu sourire grâce au félin.
Quelques semaines passèrent et les habitants du village étaient plus énervé que jamais. Savoir le retour de Poison les avait enragé. Le félin, lui, continuait ses péripéties mais avec plus de prudence..
La nuit, souvent, le félin pensait au vieil homme qui l'avait accueilli... Cela lui avait ouvert quelque chose dans son esprit... Il pensait au vieil homme et le trouvait sympathique pour un humain.
Alors une nuit, même si cela était contre ses lois, Poison retourna dans la maisonnette du vieillard, ce qui le rendit heureux.
Les jours passaient et Poison continuait de revenir chaque nuit chez le vieil homme, qui continuait d'être si gentil avec un chat si mesquin, pour y dormir paisiblement.
D'abord, Poison dormait sur le carrelage, puis finalement il se décida de se placer sur les couvertures.
Puis un soir, alors que le vieil homme lisait son journal, un poids se fit sentir sur ses genoux, puis il sentit quelque chose s'affaler sur ses cuisses frêles.
Le vieillard baissa discrètement son journal et pu voir Poison, qui pour la première fois depuis sa naissance, ronronnait.
Un lien précieux s'était formé entre ces deux caractères si différents.
Poison était toujours horrible avec le village, mais pas avec l'ancien soldat de guerre, et lui seul connaissait le vrai Poison...
Cette année là, le soir de Noël, le vieillard, peu actif dans ses déplacements, décida de faire une surprise pour son chat préféré. Il se couvrit d'un gros manteau de laine et alla jusqu'au petit marchand du village.
Il acheta une dinde et, comme c'était le premier noël qu'il fêtait avec Poison, il prit un assortiment de poissons.
Le vieil homme acheta une petite bouteille de vin et rentra rapidement chez lui, pour se réchauffer.
Lorsqu'il arriva, il déposa ses achats dans la cuisine délabrée et prépara l'entrée de cuisse de poulet.
Il mit le tout dans un bol et se dirigea vers la salon.
Mais très vite, le bol tomba de ses mains et se brisa.
Poison était allongé sur le sol, à côté du sapin...
Une fin filet de sang coulait de sa bouche...
Son seul œil était fermé et restera fermé à jamais...
Poison était mort...
Le seul ami du vieil homme était mort...
Celui-ci se précipita sur le chat et commença à caresser les poils soyeux du félin.
Le coeur de Poison ne battait plus...
Le petit corps musclé de Poison ne se dandinera plus jamais dans la maison...
Les petites pattes ne viendront plus jamais se poser sur les genoux du vieil homme...
La queue ne frôlera plus jamais son visage...
Et son ronronnement se résonnera plus jamais dans cette maison vide...
Une âme s'en était allée pour toujours...
Poison était mort, on l'avait empoisonné!!!
Des larmes perlèrent dans les yeux du vieil homme à nouveau seul...
Sa femme s'en était allée et maintenant le chat qui lui avait redonné l'envie de vivre.
La tristesse du vieillard se transforma vite en colère. De la colère contre lui-même pour ne pas avoir été là pour soigner Poison, mais surtout de la colère contre le village tout entier.
Sans prendre la peine de s'habiller chaudement, le vieil homme sortit dans le froid et commença à crier traîtrise et meurtriers aux habitants du village. Jamais personne ne l'avait vu dans une situation pareil... Mais, alors qu'il faisait résonner sa voix dans toutes les rues du petit village, personne ne fit attention à lui, il était comme inexistant.
Le vieil homme, toujours furieux, criait et pleurait jusqu'au moment où il s'effondra dans la neige de son jardin...
Le silence régna à nouveau dans le village, la veille de Noël.
Personne ne remarqua ce qu'il s'était passé... Le vieil homme s'était effondré de tristesse et de colère, et Poison...
À jamais il restera dans son coeur à présent immobile.
Poison... À jamais il restera le chat le plus courageux...
Poison... Malgré le poison, restera à jamais vivant dans nos cœurs.
Maliki © Voldycookie
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top