Chapitre 8 : La mort guette.

SAMEDI, 23:44


Scottie avait grimpé la pente ardue avec difficulté, serrant les dents à chaque fois qu'elle devait prendre appui sur sa jambe. Son pansement provisoire était imbibé de sang. Son corps était en sueur, son souffle devenait irrégulier, brutal. Elle avait de plus en plus de mal à voir clair. 

Néanmoins, Scottie préleva toute sa force dans sa bravoure et se retrouva face au manoir. 

La porte était entrouverte. Sans plus attendre, Scottie se faufila à l'intérieur et se dirigea immédiatement dans la salle à manger pour trouver de quoi faire un meilleur bandage, et de quoi se protéger. 

Cependant, la pièce était entièrement vide. Ses affaires et ceux de ses amis avaient disparu. Les meubles s'étaient volatilisés. La pièce brillait d'abandon. 

Scottie se posa contre l'embrasure de la porte, tentant vainement de comprendre. Que cherchait-il à lui dire ? 

Le jeune fille, reprenant un souffle correct, s'aventura ensuite dans le hall. 

C'est alors qu'elle trouva un sol lisse et parfait, sans aucune crevasse, sans aucun passage. Scottie courut presque à l'endroit où elle était supposée être tombée. Elle s'agenouilla et glissa les mains sur le carrelage. 

Malgré elle, ses doigts tremblaient. 

À ce moment-là, elle se rendit compte qu'elle était seule contre l'adversité. Aucun bruit, aucun battement d'aile, aucun de ses amis. Seulement elle, blessée, et un esprit incompris. Elle hurla en tapant du poing le sol. 

  – Dis-moi ce qu'il se passe, bon sang ! 

La terre trembla. En vitesse, Scottie se releva et observa une fissure se former aux bords du tapis rouge. Cette fissure remonta les escaliers jusqu'à atteindre la grande peinture de la pièce, celle représentant la faucheuse. 

Scottie monta quelques marches et se posta devant elle. 

En ignorant l'impression d'être épiée par cette entité maléfique, Scottie examina le tableau. Soudain, des visages apparurent sur la faux de la messagère de la mort. 

Scottie faillit tomber à la renverse lorsqu'elle découvrit les visages de Jay, Thomas et Olympe. 

L'habituel sourire de Jay disparaissait sous le poids du désespoir, de la torture. Ses yeux noisettes étaient embrasés, et ses larmes se transformaient en fumée. La figure d'Olympe était inexpressive. Un grand vide comblait ses iris émeraudes. Sa chevelure blonde s'élevait dans le tableau, ondulant au gré du feu. Toutes ses mèches violettes, noires et bleues devenaient plus sombres et floues à chaque mouvement. Quant à Thomas, sa peau avait été calcinée. À travers sa joue acidifiée, ses dents étincelaient, ultime lueur du tableau. 

Des flammes entouraient leur expression agonisante. Scottie avait presque l'impression que la peinture était réelle, elle semblait prendre vie, et bouger au rythme du feu. 

La jeune fille fut paralysée lorsque les regards de ses amis se tournèrent vers elle. Tant d'espoir placé en elle, et tant d'impuissance de sa part. Leur expression mutèrent. Une horrible haine remplaça la terreur. Les têtes poussaient la toile, désirant sortir. C'était comme si elles essayaient de s'évader d'un sac en plastique. 

C'est alors que Scottie remarqua que la faucheuse avait une ombre. 

Celle-ci prit la forme d'une femme, cependant il était impossible de distinguer son apparence au travers de cette fumée noire qui l'encadrait. Seul un point rouge brillait autour de son cou. 

Scottie resserra sa prise autour de son couteau suisse, dans sa poche. Si cet esprit causait tous ces tourments, il devait être éliminé. Elle n'était pas venue pour observer le paysage et partir vaincue, mais pour prouver au monde et à elle-même qu'une menace fantomatique existait et qu'elle était vulnérable. C'était là son but. Prouver sa valeur. Retourner à Toulouse démontrer à tous ceux qui insultaient sa famille qu'elle n'était pas dingue. L'Ombre serait bien plus qu'un mirage. Ce serait le symbole de vérité. 

Alors que Scottie chargeait pour abattre l'esprit, sa blessure à la jambe la fit incroyablement souffrir d'un seul coup. Dans son élan, ceci causa sa chute. Scottie dévala les marches et finit sa course au pied des escaliers, une douleur atroce dans la cuisse. 

La jeune fille avait l'impression qu'une torche était enfoncée dans sa blessure, et que des milliers de petites lames se baladaient dans son sang. Cet élancement n'était pas supportable. 

  – ARRÊTE ! 

Juste devant elle, une orbe blanche se matérialisa, tel un bouclier. Le mal partit aussitôt. 

Face à elle, le petit garçon du puits tenait tête à sa mère, positionnée en haut des escaliers. En un éclair, Cécile Ménard se retrouva à quelques centimètres de son fils. 

Scottie crut que le silence avait gagné. Cependant, la bouche du garçon s'ouvrit pour ne laisser place qu'à un gigantesque trou noir. 

  – VA-T-EN !

Une bourrasque souleva le tapis et fit trembler Scottie. Ce coup de vent l'obligea à fermer les yeux. 

Lorsqu'elle les rouvrit, Cécile Ménard n'était plus là. Le hall était à nouveau calme. Même le tableau avait retrouvé son apparence ordinaire. 

La vision de ses amis enfermés avec la faucheuse troublait Scottie. Elle ne voulait pas que ça arrive, c'était certain. Pourtant, pour le moment, elle ne s'en préoccupait pas plus que cela. Cécile Ménard était sa priorité. 

Scottie resta quelques instants à fixer la peinture, avant d'apercevoir une lueur près d'elle. Assis sur le bord des escaliers, à sa gauche, le petit garçon du puits la regardait. La jeune fille ne voyait rien de malsain en lui, alors elle s'assit à ses côtés. Pour avoir plus d'informations sur cette famille, il fallait qu'elle la comprenne. 

  – C'est quoi, ton nom ? demanda-t-elle. 

  – Dylan. 

Ce nom semblait familier, pourtant Scottie ne put savoir où elle l'avait entendu. 

  – Moi c'est Dana, mais tu peux m'appeler Scottie. 

  – Pourquoi pas Dana ? 

Scottie haussa les épaules. 

  – Tu m'as protégé. 

  – Tu me l'avais demandé, dit innocemment Dylan. 

Le petit garçon avait un bout de bois dans les mains et s'amusait à tracer des symboles sur le carrelage, mais Scottie n'arrivait pas à deviner lesquels. 

  – Ta mère n'a pas l'air commode. 

À ces mots, le regard de Dylan fut vide. Impossible de déterminer ses pensées. Son mouvement de bâton fut stoppé. Puis, avec lenteur, il porta son attention sur Scottie, qui le fixait. 

  – Ce n'est pas ma mère, dit-il avant de disparaître en poussière. 

L'histoire de cette famille devenait complexe, et Scottie ne put s'empêcher d'aimer ça. Malgré elle, un sourire vint germer sur ses lèvres. Lorsqu'elle découvrirait la vérité, elle posséderait le pouvoir de faire obéir le fantôme, volontairement ou non. Point essentiel de la chasse. 

Espérant que son sauveur est aussi ramené ses affaires, Scottie se rendit à nouveau dans la salle à manger. 

C'est avec plaisir et excitation qu'elle retrouva son sac, dans lequel elle piocha immédiatement de quoi désinfecter et bander sa jambe. Ensuite, elle attrapa des doses de sel, une corde et un piolet en fer. Attachant son attirail à sa ceinture, Scottie enleva sa veste pour plus de confort. 

Malgré la transpiration, le sang qui collait à la peau, la fatigue ainsi qu'un mélange d'excitation et de peur, Scottie s'aventura à nouveau dans les bois. De retour au puits, elle attacha solidement la corde à un tronc d'arbre. 

Après, Scottie lança le cordage dans la cavité et fit craquer les os de son cou. 

Déterminée à trouver la vérité, persuadée qu'elle était là où personne ne voulait la chercher, Scottie entreprit sa descente dans les enfers de Brocéliande. 

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