Chapitre 5 : Le début de l'enfer ?
SAMEDI, 18:44
Après la découverte macabre, les chambres des enfants furent passées au peigne fin. Scottie ne voulait laisser aucun détail derrière elle. Mais, mis à part les jouets en sale état et des lits défaits, rien ne l'attirait particulièrement.
Il en allait de même pour leur salle de bain. Les deux chambres étaient reliées à une salle de bain centrale, qui ressemblait fortement à celle des parents. Seul point, il n'y avait pas d'eau et de cadavre de chat dans leur baignoire.
Les trois compères se trouvaient de nouveau dans le couloir, observant une énième fois l'obscurité.
– On fait quoi, maintenant ? On va au grenier ? demanda Thomas.
Scottie hocha la tête.
Elle s'apprêtait à ouvrir la porte mais Olympe la stoppa.
– Ça fait au moins une heure qu'ils patientent en bas, faudrait p't'être aller les chercher.
– Sans doute, oui, dit Scottie, lâchant la poignée.
Le groupe redescendit les marches en silence. En entrant dans la salle à manger, Beth était en train d'examiner la cheminée avec un air de dégoût, tandis que Jay jouait à sa vieille Game Boy.
– Vous avez enfin fini ! s'exclama Beth.
– Pas tout à fait, répondit Scottie.
– Comment ça, pas tout à fait ?
– Il reste le grenier.
Jay a relevé les yeux de son écran et regardé le visage de Beth se décomposer en souriant.
– Je crois que la cuisine l'a trop traumatisé pour qu'elle aille dans un grenier, a-t-il affirmé.
– La ferme, Jay ! Ça ne m'a pas "traumatisé" non plus.
– Que s'est-il passé ? demanda Scottie.
– Rien d'important. Et donc, ce grenier ?
Beth savait que Scottie redemanderait des informations sur la cuisine, pensant tenir une piste. Mais tout ce qu'avait vu la jeune fille étaient des oiseaux un peu trop bêtes et des balais tueurs. Rien de bien méchant. Le manoir lui faisait peur, cependant elle était certaine qu'aucun phénomène paranormal n'avait lieu ici.
Enfin, c'est ce qu'elle espérait.
En voyant Scottie avec autant d'entrain, Beth s'interrogeait sur les capacités mentales de cette jeune fille. Elle ne semblait pas avoir peur de quoi que ce soit, s'en ficher de sa sécurité ou de celle des autres. Elle paraissait croire à un pouvoir divin qu'elle avait acquis en regardant des séries sur des chasseurs de fantômes.
Scottie ne vivait pas dans le même monde que Beth, et cette dernière le savait pertinemment.
– On s'est dit que ça faisait longtemps que vous attendiez, leur dit Thomas.
Jay a posé sa Game Boy et s'est levé.
– En gros, vous vous êtes dit que l'exploration d'un endroit flippant devait se faire entre frères de cœurs, a-t-il souri.
Scottie a étiré un sourire et hoché vivement la tête.
Thomas et lui ont fait un check inventé par leurs soins avant de sortir de la pièce, suivi des trois jeunes filles.
Soudain, une voix sortie des tréfonds sembla appeler à l'aide. Un murmure désespéré. Une voix qui se coupait étrangement, suivie de grandes bouffées d'oxygène.
Scottie tendit l'oreille et suivit cette piste. Au milieu du hall, elle se tenait droite comme un pique. Le murmure en écho se manifestait dans tout le manoir. La résonance rendait la localisation impossible. Pourtant, la voix était bien là.
Scottie tourna sur elle-même. Cette voix prenait toute la place dans son cerveau, si bien qu'elle ne voyait pas ses amis à quelques pas d'elle qui tentaient de réveiller sa conscience.
Thomas l'appela plusieurs fois, mais seul le silence lui répondit.
– Mais qu'est-ce qui lui prend ? questionna Beth, sidérée.
– Je veux pas dire, mais elle fait flipper là, dit Jay.
Olympe la prit en photo avec le flash. Aucune réaction.
– C'est pas elle, chuchota-t-elle à l'attention de Thomas.
Ce dernier hocha la tête, soulagé. Il entreprit d'aller chercher Scottie, mais un tremblement l'arrêta.
Le sol commença à se fissurer. Toutes les crevasses créées se dirigeaient droit sur Scottie, qui ne bougea pas d'un pouce.
Alors, sous les cris et les visages tétanisés de ses amis, Scottie fut aspirée dans le vide. Le sol se déroba sous ses pieds, entraînant le bout de tapis rouge poussiéreux et le corps de la jeune fille. Finalement, cette dernière laissa échapper un cri qui s'enfonça dans les profondeurs.
L'action s'était passée tellement vite que les adolescents spectateurs de la scène furent paralysés, la main suspendue en l'air. Beth avait les paumes contre ses lèvres, la bouche grande ouverte, les yeux écarquillés. Olympe avait lâché son appareil, qui pendait à son cou. Jay serra l'épaule de Thomas, immobile, avec un regard d'incompréhension.
– Il faut aller la chercher ! s'écria Thomas.
Ils se rapprochèrent du trou d'un mètre de large. La plancher s'était brisé. Des planches tentaient encore de tenir, mais le vent les faisait se balancer. De l'eau s'était infiltrée dans le bois.
À l'intérieur, rien n'était visible. C'était une gigantesque caverne. Même lorsque Olympe actionna son flash, rien ne ressortit. Thomas cria le nom de son amie, mais personne ne répondit.
Sous les ordres de Thomas, le groupe courut jusqu'à la porte du sous-sol. Malheureusement, c'était Scottie qui avait toutes les clés, et la serrure de la porte était trop résistante. Thomas essaya de la déboîter, mais ça refusait de s'ouvrir. Rien n'y faisait.
Jay fut obligé d'arrêter son ami avant que celui-ci ne se déboîte l'épaule.
– Il faut aller la chercher, répéta Thomas, essoufflé.
– Je sais, mec, je sais.
Devant cette scène, Beth ne put résister.
– Je savais qu'on aurait jamais dû venir ici ! hurla-t-elle. J'étais seulement emballée par ta promesse Jay, mais tu sais quoi ? J'en ai marre ! Vous et vos plans débiles, vous n'êtes que des moutons suivant les idées idiotes de cette timbrée !
– Qu'est-ce que t'as dit ? grinça Thomas, poings serrés.
– Tu as très bien entendu !
– On t'a jamais forcé la main pour venir, Elizabeth, s'énerva Olympe.
– Sans déconner ? Je ne suis pas venue pour vous.
– Beth, s'il te plaît, c'est pas le moment, soupira Jay.
– Avec toi, c'est jamais le moment !
La jeune fille souffla un grand coup et remonta vite les escaliers. Une fois dans le hall, elle hurla pour tenter de calmer ses nerfs.
Elle examina le trou béant, au centre de la salle. Prenant rapidement son téléphone, elle composa le numéro des secours, seul appel capable de passer sans réseau. Seulement, son portable coupa. Le 112 ne passait pas.
Prise d'un coup de colère, elle jeta son téléphone contre un mur. Il explosa en plusieurs morceaux, tous résonants contre le carrelage. Alors, elle eut une idée.
Afin de voir la profondeur du trou, elle prit un livre qui était posé sur un commode et le lança dans la cavité. Elle attendit, l'oreille tendue, concentrée. Un faible bruit lui parvint au bout de quelques secondes. Vu la durée et la provenance du son, Beth conclut que sauter à l'intérieur serait trop dangereux. Par contre, Scottie aurait dû entendre Thomas l'appeler.
– Elle doit être inconsciente, murmura Beth.
Calmement, elle se frotta les yeux et tenta de réfléchir à une solution.
Les pas de ses amis sur le carrelage la firent sursauter.
Jay était le premier de la file, s'avançant lentement vers sa petite-amie, comme s'il marchait sur des braises. Derrière lui, Olympe tentait de réconforter Thomas, dont l'émotion était aussi visible que la muraille de Chine.
– Tu es toujours énervée ? demanda Jay.
Beth soupira. Elle n'aimait pas passer pour la méchante, cependant elle avait ressenti le besoin de dire ce qu'elle avait sur le cœur.
– Je ne suis pas énervée, Jay ... C'est juste que, quelquefois, j'aimerais bien qu'on écoute quelqu'un qui semble plus raisonnable.
– Je sais que tu ne comprends pas pourquoi on la suit dans ses délires fantomatiques, mais il faut que t'essayes, s'il te plaît.
– Ne prends pas ce ton avec moi, on dirait que je suis la méchante reine.
– Je l'aurais pas dit comme ça, mais ...
Il pointa Thomas, qui avait les larmes aux yeux.
Beth fronça les sourcils.
– Oh non, tu ne m'accuseras pas de son état ! Il est juste sous le choc, c'est pas ma faute !
– Beth ...
– Non ! Si tu cherches un coupable, prend-t-en à la folle qui a eu l'idée de venir ici.
– Arrête de la traiter de folle, dit sèchement Jay.
Le regard qu'il lui lança lui glaça le sang. C'était la première fois en deux ans de relation qu'il la regardait de cette manière.
– Elle doit être inconsciente, affirma-t-elle pour changer de sujet.
– Inconsciente ? s'alarma Thomas en s'approchant à pas rapides.
Olympe le suivait, inquiète.
– Elle aurait répondu sinon. Elle ne devrait pas mourir d'une telle chute, donc j'en ai conclu qu'elle devait être inconsciente.
– C'est mauvais, ça, susurra Olympe.
– De plus, vu la serrure, je pense qu'il s'agit toujours de la même qu'à l'époque. La clé qu'a Scottie, c'est celle que lui ont remis les propriétaires, il y a peut-être une autre paire dans le manoir.
– Il faut chercher, dans ce cas, dit Thomas.
La conversation dévia alors sur la possible existence de cette clé, et Beth en fut soulagée. Elle sentait le regard insistant de Jay sur elle mais, prise de lâcheté, elle n'arrivait pas à le regarder dans les yeux.
Beth suivit le groupe pour commencer à fouiller le salon une nouvelle fois, à la recherche de clés.
La jeune fille rêvait de sa douche et de son lit, de son confort et de son couple uni, de sa famille et de leurs matins pancakes. Elle avait envie de rentrer chez elle. Mais il lui semblait qu'abandonner son groupe d'amis dans ce manoir signifierait qu'elle n'était rien d'autre qu'une égoïste sans cœur, et elle ne pouvait pas le supporter.
Peut-être cette réflexion était-elle égoïste, mais Beth s'en moquait. Elle retrouverait Scottie, elle l'allumerait pour son imprudence, puis tout redeviendrait normal, ordinaire, comme chaque jour de son existence.
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