Chapitre 19 : Un amour de jeunesse.
Avant toute chose, je tenais à vous présenter mes excuses. Le temps est passé à toute vitesse, et je viens de voir mon retard sur cette histoire. Je ne l'abandonne absolument pas, mais il est vrai que ce chapitre m'a donné du fil à retordre. En tout cas, j'espère tout de même que vous l'apprécierez, et laissez-moi vos impressions (si vous en avez !).
Bonne lecture !
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JOUR INCONNU, HEURE INCONNUE
Dana se tenait dans le hall du manoir de Brocéliande qui, dorénavant, n'était plus qu'un lieu illusoire pour elle. Face à elle, elle retrouva la vision de ce tableau vivant. Un tableau qui représentait ses amis, qui essayaient désespérément de sortir de cette peinture, d'échapper à leur mort.
Seulement, certaines choses avaient changé.
Les yeux de Jay se mirent à brûler, les étincelles semblaient sortir de la peinture et illuminer les longs rideaux bordeaux sur les côtés. Puis, son corps cessa de bouger. À ses côtés, Olympe subissait la perte de ses oreilles, qui tombèrent hors du tableau, dans une giclée de sang. Puis, son corps cessa de bouger. Un fil doré apparut alors et s'enfonça dans la peau de Thomas. Sa bouche fut cousue sous la douleur. Puis, son corps cessa de bouger.
Dana était immobile. Elle ne tremblait pas, elle ne pleurait pas. Elle restait immobile face à la tournée mortelle qui jouait son spectacle devant elle.
– Un véritable chef-d'oeuvre, murmura une voix à son oreille.
La jeune fille fit volte-face. Une adolescente dont la chevelure était semblable à la sienne était à ses côtés, les mains dans le dos, un sourire sur le visage. Ses yeux et ses lèvres étaient parfaitement maquillés avec du rose et du rouge, peut-être même une pointe de violet. La fille du miroir. Constance.
– Chacun mérite ce qui lui arrive. Ils m'ont trahie, ils t'ont éloignée de moi. Ils sont en train de payer, continua-t-elle.
Dana ressentit un sentiment étrange. Un petit pic au cœur, comme un souvenir qui fait face, mais un souvenir émotif.
Alors, Constance dénoua ses mains à l'arrière de son dos et les posa délicatement contre les joues de Scottie. Puis, sans crier gare, Constance l'embrassa. Un doux et tendre baiser.
Et tous les souvenirs jaillirent.
Leur première rencontre, leur premier fou rire, leur premier baiser. Ce fut une pluie d'images différentes, toutes plus joyeuses les unes que les autres. Joyeuses, sûrement, mais surtout malsaines. Une aura étrange émanait de tous ces souvenirs, comme une présence malveillante qui ornait le décor.
Scottie comprit alors qu'un pan de sa vie lui avait été arraché. Une personne qui avait eut une importance capitale pour elle. Constance. Sa petite-amie, celle qu'elle considérait comme l'amour de sa vie.
La jeune fille eut mal au crâne. Les images ne cessaient d'arriver. Le câlins sous la couette, les soirées films autour de bols de pop-corn, les caresses délicates, les cadeaux que chacune offrait à l'autre, le sourire aux lèvres. Mais aussi les gestes brutaux de Constance lorsque Scottie se faisait une autre amie, les périodes où sa petite-amie refusait de sourire, voire de parler, contrariée.
Constance avait toujours eut une double personnalité mais, à l'époque, Dana Scott ne voyait rien qu'une femme idéale qui, plus que de la faire rire, la faisait vivre.
Jamais Scottie ne s'était rendue compte de la menace qui pesait sur son entourage.
Elle ne voyait que cette façade, mais en réalité, Constance pensait tout autrement.
Les souvenirs changèrent. Ce ne furent plus ceux de Dana, mais ceux de Constance. Elle les transmettait volontairement, avec un rire strident qui imprégnait chaque souvenir. Les images étaient les mêmes, mais elles dégageaient une autre impression. Celle d'une obsession. Ce n'était plus de l'amour et de la joie, c'était une conquête. Constance prenait Dana pour un objet à obtenir et à conserver comme une oeuvre dans un musée. Son propre musée.
C'est alors que d'autres souvenirs jaillirent. Plus sanglants. Le mal de tête de Scottie s'accentua face à la scène qui s'était jouée dans son dos.
Constance voulait conquérir Jay, Constance subissait son refus, Constance l'étranglait, Constance mourrait. Et Scottie oubliait. Elle avait tout oublié. L'Autre avait tout effacé. Constance n'existait plus que dans son inconscient.
Dana n'arrivait plus à suivre. Ce torrent mémoriel emportait toute rationalité. Ses propres sentiments s'emmêlaient, et la laissaient vide.
De nouveau face à Constance, elle n'arrivait pas à trouver l'expression juste. Que faire ? Que dire ? Comment réagir ? Elle n'en savait strictement rien. Pour la première fois de sa vie, l'aventurière Dana Scott se sentait impuissante, perturbée, incapable de faire le moindre mouvement.
Le visage satisfait de Constance s'effaça petit à petit pour laisser place au visage déformé, détruit par les cicatrices, de l'Autre.
– Maintenant que tu sais, tu devrais comprendre. Tu devrais comprendre que nous n'avons pas le choix. Il faut qu'ils en paient le prix. Le prix de leur insolence.
Sa voix était rauque, comme venue des profondeurs des abysses.
Et, face à elle, Scottie ne pouvait rien dire. Elle était réduite au silence. Faute de pouvoir parler, elle frappa. Elle envoya son poing de toutes ses forces vers l'Autre, mais dans cet univers, dans cet inconscient, son corps n'était plus rien. L'Autre arrêta son attaque avec une seule main.
– Tu ne comprends donc pas ? s'énerva-t-elle.
L'Autre plaqua violemment Scottie au sol. La jeune fille ne pouvait plus se débattre, comme si son impression d'impuissance s'était transformé en impuissance réelle. L'Autre plaça un bras sous la gorge de Scottie, qui sentit dès lors qu'elle étouffait. Elle s'agita, remua son corps pour se dégager, mais c'est à ce moment précis que sa blessure à la jambe refit surface et fit trembler tout son organisme de douleurs, tout en provoquant des sueurs froides.
– Tu n'es pas digne. Tu ne mérites pas de vivre à ma place. Regarde, même ici tu es faible. Tu meurs, Dana. Il est grand temps que quelqu'un d'autre reprenne les rênes, murmura l'Autre, le ton cruel.
Au-dessus d'elle, un autre visage apparut. Celui de Constance. Il était un peu transparent, et rayonnant. Comme un esprit.
Alors elle comprit que l'ombre qu'elle avait vu par la fenêtre en arrivant près du Manoir de Brocéliande était l'ombre de Constance, et qu'elle l'avait attendue. Il y avait bel et bien un esprit dans cette demeure. Mais ce n'était pas un esprit ancien, pas l'esprit de Cécile Menard, pas un démon, mais un esprit récent, vengeur, qui suivait sans doute Dana Scott depuis des années.
Le fait de se dire qu'elle avait vécu avec sa plus grande croyance près d'elle la remplit d'excitation. Même s'il s'agissait de Constance, même si c'était sans doute ce qui causerait sa perte, l'idée d'une approche surnaturelle ne pouvait que la fasciner.
Et c'est avec un sourire aux lèvres qu'elle se vit être plongée dans les ténèbres. Le sol aspira son être, tandis que l'Autre se relevait. Des barreaux se formèrent pour l'empêcher de sortir, des barreaux d'ombres, qui n'avaient pas l'air d'être solides, plutôt gazeux. Pourtant, ils étaient bien réels.
Cette prison était bien réelle.
Et sa prisonnière était destinée à y être pour l'éternité.
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