Le Chant des Cigales
S'il n'y avait de chant sans vie, de vie sans chant,
Changerions-nous d'état pour ne pas déchanter ?
Car de tous temps, tous lieux, la musique a été
Cet océan de voix aux accents détonants.
Au détour d'un poème impuissant à montrer
Jusqu'aux âmes enlisées cet émoi qu'elle amène,
Par ces rimes, assonances lettrées que j'emmène,
Ce qu'elle a de touchant, je voudrais l'emporter...
Pour qu'on en crée des vers, des sons qui se démènent,
Comme une racine espère et tend vers le ciel,
Un arbre en construction de consonnes et voyelles,
Une terre dont les champs chanteraient son éden !
Entreprise bien vaine, erreur ô démentielle
De chantonner le verbe sans qu'il ne l'égale,
La vraie musique est celle dont les mots détalent,
Et où le son, le seul en scène, est l'essentiel.
Qu'on gomme les fioritures, abatte l'étal,
Oublie le langage, l'audace dont nous faisons
D'un homme un dieu et d'Alexandre une chanson,
Qu'on avance au couchant jusqu'au chant des cigales !
Quand le sage brandit le bruit d'où nous venons,
L'idiot est celui qui juge le chahut creux,
Nul besoin de noms, nul besoin de textes à ceux
Aimant le brouhaha bien plus que la raison.
Que reste-t-il de ces chansons sans leur sérieux ?
Ce qui demeure encore dépouillé de mots
Ce n'est pas un memento mori mais plutôt
Un vivere memento balancé aux dieux...
Dansons donc jusqu'aux cieux, faisons trembler nos os,
Dans leur clapier qu'ils claquent, clappent ou bien cliquètent,
Ce désenchantement où la langue est désuète
Est le plus vivant de nos vibrants vibratos !
La musique dénudée n'est donc point muette,
Elle naît, vit et meurt à nos battements de cœur,
De nos flammes, elle en est le témoin et l'auteur :
Avant leur chatoiement, se craque une allumette,
Ainsi nous touche-t-il, ce chêne de chaleur
Fait chalouper nos corps et nos enchaînements,
Puisqu'on chasse le chant, qu'il chevauche les champs,
Pourchassons au couchant les cigales et leur chœur !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top