déréalisation
Il est des nuits où l'on se perd dans ses propres pensées, où l'on se demande si ce que l'on vit est réellement la vie, ou si nous ne sommes que des acteurs d'un rôle qui nous échappe. Ces moments où le monde autour de nous devient flou, où chaque détail semble se dissiper dès qu'on tente de le saisir. Ces instants où l'on ne sait plus si l'on existe, si l'on est autre chose qu'un reflet fugace dans l'immensité d'un univers qui continue de tourner sans nous. Il y a cette peur sourde, une peur qui ne vient pas de l'extérieur, mais de l'intérieur, une peur de ne pas exister, de n'être qu'un mirage, une illusion dans un monde qui n'a ni sens, ni forme, ni explication.
Je regarde mes mains, ces mains qui se meuvent de façon automatique, comme si elles n'étaient pas miennes, comme si je n'étais pas la personne qui les commandais. Je les scrute, je les observe, mais je ne parviens pas à comprendre pourquoi elles agissent ainsi, pourquoi elles existent, pourquoi elles semblent avoir une fonction qui m'échappe. Je les sens, mais c'est comme si je les voyais de l'extérieur, comme si elles n'étaient qu'une projection de mes pensées. Et moi, je me tiens là, silencieux, comme un spectateur qui contemple sa propre image, sans jamais pouvoir la toucher. Je suis un étranger dans mon propre corps.
Le monde autour de moi m'apparaît soudainement comme une vaste scène de théâtre, et je me demande si tout ce que je fais, tout ce que je ressens, n'est pas qu'un rôle que je joue, un rôle que je ne comprends même pas. Chaque geste semble vide de sens, chaque mot, chaque sourire me paraît artificiel. Le temps lui-même semble une construction, un artefact qui ne s'arrête jamais, mais qui n'a pas de véritable profondeur. Tout défile autour de moi, tout s'écoule, mais je suis là, en dehors, immobile, en attente. Pourquoi cette sensation d'être pris dans un tourbillon sans fin ? Pourquoi ce sentiment constant de déconnexion, de ne pas être tout à fait là, de ne pas être tout à fait moi ?
Je me demande souvent si tout ce que je vois et ressens est réel. Est-ce que cette douleur que je ressens dans ma poitrine existe vraiment, ou est-ce simplement le reflet d'une image mentale, une illusion construite par mon esprit pour me convaincre que je suis vivant, que je suis une personne avec des émotions ? Je tente de m'accrocher à des souvenirs, à des moments qui devraient être précieux, mais tout devient flou, comme un rêve dont on oublie les détails au réveil. Ces souvenirs, ces instants, ont-ils seulement eu lieu ? Ou suis-je moi-même en train de les fabriquer, de les inventer dans l'espoir de me sentir connecté à quelque chose, à quelqu'un ? Je regarde le visage des autres, et je me demande s'ils sont réels. Sont-ils des êtres de chair et de sang, ou ne sont-ils que des ombres projetées, des spectres qui m'accompagnent dans ce monde étrange où tout semble irréel ?
Et puis il y a ce miroir, ce miroir qui me renvoie une image de moi que je reconnais à peine. Qui suis-je ? Qu'est-ce qui fait que je suis moi et pas un autre ? Est-ce cette image qui se reflète, ou est-ce quelque chose de plus profond, d'invisible, que je ne parviens pas à toucher ? Il y a un fossé immense entre cette image et ce que je ressens. Il y a un écart incommensurable entre ce que je vois et ce que je perçois. Je suis là, devant ce miroir, et je me demande si je suis moi-même. Ou si cette silhouette qui me fait face n'est qu'un masque, une simple projection qui tente désespérément de me convaincre que je suis réel.
Je n'arrive pas à comprendre ce qui se cache derrière tout cela, ce qui rend tout cela réel. Est-ce que mes pensées m'appartiennent vraiment, ou suis-je juste une marionnette, une entité manipulée par des forces que je ne contrôle pas ? Est-ce que mes décisions sont les miennes, ou ne suis-je qu'une ombre qui suit un chemin tracé par une volonté qui ne m'appartient pas ? Le doute m'étreint, me paralyse. La peur de ne pas être réel, de n'être qu'une image flottante dans un monde sans substance, devient insupportable.
Et si, au fond, je n'étais rien de plus qu'une illusion, une simple projection d'un esprit fatigué qui cherche désespérément à comprendre, à exister, mais qui est condamné à errer dans ce vide sans fin, à vivre dans ce flou permanent ? Et si tout cela n'était qu'une vaste hallucination, un rêve sans fin d'un être perdu dans l'immensité du temps et de l'espace ? Peut-être que ce que je ressens n'a aucune valeur, peut-être que mes pensées sont futiles, qu'elles ne sont que des bruits dans un silence abyssal. Peut-être que tout ce que je vis, tout ce que je suis, ne sera jamais plus qu'une image, un reflet dans l'eau qui disparaît dès que l'on touche la surface.
Je me demande parfois si ce monde n'est pas qu'un immense théâtre, une scène où je suis condamné à jouer un rôle sans fin, un rôle dont je n'ai ni le script ni le sens. Peut-être que ce que je vois n'existe pas, et que je suis simplement un rêve que quelqu'un d'autre fait, un rêve qui se dissipe dès que l'on ouvre les yeux. La douleur de cette pensée est insoutenable, elle me transperce comme une lame froide, coupant chaque filament de ce qui semblait être ma vie.
Et peut-être, au fond, la réponse est là, dans cette certitude étrange : il n'y a rien, rien de réel. Juste des ombres, des échos, des images qui s'effacent dès qu'on tente de les saisir. Et dans ce vide, je m'éteins lentement, silencieusement. Je m'éteins, non pas dans une explosion de lumière, mais dans un abandon absolu, comme un souffle qui se perd dans l'air. Parce qu'au fond, tout cela n'a pas de sens. Parce qu'au fond, il n'y a rien à comprendre. Et je me laisse m'éteindre, petit à petit, jusqu'à ce que je disparaisse, définitivement, dans cette obscurité qui n'a ni fin ni commencement. Le silence m'enveloppe, je ne ressens plus rien, je ne suis plus rien, je ne suis que vide et pourtant, pour la première fois, je me sens vraiment entier.
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