Petit texte écrit en quelques heures à quatre mains (non, deux mains ne me sont pas apparues par magie, ce sont celles de dragonfreedom)

L'incroyable destinée du petit poisson

Il était une fois un petit poisson nommé Massen. Il avait un copain tortue, qui mangeait des petits poissons. Un jour, Massen s'est réveillé dans une boîte de conserve. Son copain tortue, qui n'avait pas de babines, se les léchait quand même. Étant suicidaire, cela ne le dérangeait pas, mais grâce à son sixième sens de petit poisson, il a senti que cette chambre métallique était maudite. Elle était hantée par un grand esprit maléfique. Ce dernier s'appelait Rodolphe. Comme tout Rodolphe qui se respecte, il avait la flemme d'effrayer son nouveau visiteur. Il avait beau être la réincarnation de Satan, le pouvoir de flemme des Rodolphe était plus grand que sa méchanceté.

« Peu cher dégage de là, ti es fada ou quoi, cria Rodolphe avec son accent marseillais. »

Massen, effrayé, alla se cacher sous le sable. Sa peur était si forte, qu'il traversa le sol de l'Océan Pacifique Nord et se retrouva dans un autre océan. Un nouveau monde s'ouvrit à lui. Tant de choses à découvrir ! Pour un poisson trouillard, cela n'était pas vraiment une bonne nouvelle. Cela signifiait de nouvelles découvertes mais aussi et surtout plein de nouveaux dangers. Malheureusement, Rodolphe avait profité de son réveil impromptu pour faire sa mauvaise action du millénaire - il a vraiment beaucoup la flemme - : il a refermé le sol derrière Massen. Plus de retour en arrière possible, pour notre héros du jour. Mais Massen étant un poisson, il ne pouvait se noyer : ses pulsions suicidaires ne pouvaient être satisfaites. Tant de frayeur pour un si petit être, il mourut dans l'instant.

« Tabernak, encore un ! s'énerva Jechud, l'ange chargé du purgatoire des petits poissons qui ont un ami tortue qui veut les manger. »

L'ange dont il était question avait une tête minuscule ornée d'un pied poilu avec trois doigts, un corps immense, avec des mains sans bras et des ailes à moitié brûlées par un barbecue mal maîtrisé. Le petit poisson couché sur le sol observa son environnement grâce à ses yeux morts. Il se trouvait dans un immense désert de cheveux de sorcière, couvert d'une couche d'eau bénite. Encore un endroit étrange, pour un poisson étrange. L'épreuve déterminant la place de Massen dans le royaume céleste le fut encore plus : les poissons devaient faire un croche-patte à leur voisin. Or, le petit poisson n'avait ni croche, ni patte, ni voisin. Une mission impossible qui le conduisit directement dans le barbecue géant : Okinami. Ce même endroit qui avait gentiment cuit les ailes de l'ange Jechud.

« J'espère que le prochain sera moins bavard... s'est plaint Jechud. »

Ce bûcher ardent commença lentement à frire notre poisson mort. Tellement qu'au bout d'un certain temps, une légère couche de friture se mit à le recouvrir. Massen découvrit avec horreur des dizaines de confrères et de consœurs tout aussi dorés - voire parfois un peu trop cuits - se faire attraper par deux longues baguettes métalliques. Ne pouvant plus mourir de peur, il resta figé dans cet état deux ou trois éternités. Jusqu'à ce qu'enfin, les deux instruments le saisissent à son tour. Il tomba dans un trou et se mit à glisser, comme s'il s'agissait d'un toboggan.

« Oh vindiou, qu'est-ce que c'est que c'te brin ? s'exclama Dieu. »

Il se pencha au-dessus de la lunette des commodités et aperçut dans le fond, Massen le petit poisson-trouillard-mort-et-frit. Il était arrivé là après un long voyage au sein du corps qui l'avait avalé. Il était désormais mélangé à une crotte, mais ce n'était pas ce qui perturbait le vieux croulant drôlement moche. Le moment était venu, il allait devoir céder sa place. Quelqu'un d'autre occupait désormais les chiottes divines. Tout ne pouvait aller que pour le mieux, puisque le prédécesseur de Massen n'avait utilisé le trône que pour faire de la merde.