Enfance aimante sans plus aucun sens,

Brisée au plus frêle des regards du temps.

Bordée de satin et cousue d'insouciance,

Enrobée de velours et souillée par mon sang.

Rêves idylliques à la vieille aquarelle,

Rangée dans un tiroir avec pinceaux et torchons

Remontant au temps où on se marrait à la marelle,

Et jouait aux parents avec nos poupées de chiffons.

Jardin de brume et d'ébène se réveillant,

Sous l'herbe de rosée arrosée du soleil levant.

Tableau enchanteur de mes premières années,

Vite effacé de mes journées encore lactées.

Anciens sourires, jadis déjà vieux,

Contractés sur le visage de mes aieux.

Qui de leurs mimiques innocentes renfermaient des plaies.

Que mes yeux d'enfant n'avaient su refermer.

Place aux marchands, marchant main dans la main,

De celle que j'appelais "mère" comme un refrain.

Celle qui de sa douceur m'ouvrait à mes rêves fous,

Qui avec l'âge ne pouvaient que devenir plus flous.

Quincailleries, bijouteries, orfèvreries.

Emplettes de luxe pour ma belle Tatie.

Que je suivais, animal, pour lécher les vitres,

Temps insouciant, avant qu'elle nous quitte.

Enfance douce-amère,

D'ombre et de lumière.

Maintenant peinte dans les étoiles,

Trop loin de mon voile,

Qui recouvre mes yeux devenus ternes.

Car les châtiments du monde les ont tellement touchés,

Que j'y ai perdu mon âme d'enfant aveuglé.