13. vulnérabilité

Hello les amis ! J'espère que vous allez bien !

C'est un long chapitre (+ de 7000 mots) alors prenez vous un truc à manger ou à boire pendant votre lecture ! 

On se retrouve en bas <3


***********༄***********


Jungkook

La prochaine fois qu'on se verra, embrasse-moi.


Ma bouche s'est ouverte en grand. Puis j'ai ri nerveusement, avant de relire pour être sûr de ne pas m'être trompé.

C'est une blague pas vrai ?

Oui, c'est ça. C'est une blague. Une blague absurde.

Je pose le téléphone sur la table de chevet, comme si m'éloigner de cet écran pouvait calmer la tempête qui gronde en moi. Mais à peine ai-je détourné les yeux, que mes doigts, fébriles, s'en emparent à nouveau.

Je relis.

Une fois.

Deux fois.

Trois fois.

« Embrasse-moi. »

Un autre rire m'échappe. Je pose le téléphone, encore, avant de me lever et de commencer à arpenter la pièce, mes pas creusant des sillons invisibles sur le parquet. Mon esprit explose dans tous les sens, et mon pouls s'accélère.

Pourquoi ? Pourquoi Jungkook m'envoie ça ?

Je me passe une main sur le visage, tentant d'y effacer l'expression de surprise qui s'y trouve et de calmer le feu qui consume mes joues, mais rien n'y fait. C'est comme si cette phrase s'était incrustée dans chaque recoin de mon cerveau.

J'essaie de rationaliser.

Il n'est pas sérieux. Je suis sûr qu'il n'est pas sérieux.

Alors pourquoi est-ce que ça me déstabilise autant ?

Mes mains tremblent légèrement quand je me saisis à nouveau de mon téléphone, relisant une dernière fois son message, espérant bêtement qu'il ait disparu. Mais non, il est toujours là. 

Je repose mon portable définitivement, d'un geste assuré, puis me remets en mouvement. J'ai l'impression que marcher me permet de fuir, même s'il n'y a nulle part où aller. Mes pensées s'envolent, se bousculent, se heurtent. Qu'est ce que ça veut dire, ce message ? Est-ce qu'il me teste ?

Cette invitation fait trembler mon monde parfaitement ordonné.

Je revois son visage, son sourire, ces regards volés. La fois, aussi, où il a posé ses lèvres sur celles d'une autre, juste sous mes yeux. Était-ce un message déguisé ? Une provocation ?

Pourquoi ce jour-là j'ai eu si mal ?

Je m'arrête devant le miroir. Mon reflet me fixe.

— Qu'est-ce qu'il peut bien me trouver ?

Ces mots m'échappent, amers. J'analyse les détails de mon visage, mes imperfections. Puis, j'observe mon cou trop fin et mes épaules trop frêles. Il n'y a rien d'exceptionnel à regarder. Juste moi, banal et invisible dans l'ombre de gens comme lui.

Jungkook.

Il est l'opposé de moi : charismatique, assuré, magnétique. Quand il entre dans une pièce, il la remplit de sa présence, attirant les regards comme un aimant. Moi, je suis l'arrière-plan. Il est grand, je suis petit. Il est musclé et séduisant, je ne le suis pas.

Je reprends ma marche, les bras croisés sur mon torse comme pour me protéger de mes propres pensées. Je passe en revue chaque interaction, chaque mot échangé, chaque moment où nos regards se sont croisés un peu trop longtemps.

Est-ce que j'ai raté quelque chose ?

Je me laisse tomber sur le lit, le regard perdu dans le plafond. Mon téléphone est là, à portée de main, mais je ne peux pas lui répondre.

Quoi répondre à ça, de toute manière.

Une idée surgit alors, sournoise, impossible à ignorer.

Et si je disais oui ?

Je sens mon cœur paniquer, comme si cette pensée seule pouvait me faire basculer dans le vide. Dire oui ? Céder à cet appel que je ne comprends pas ? Mon esprit proteste, listant toutes les raisons pour lesquelles c'est insensé.

Je ferme les yeux en soupirant, mais les mots de Jungkook dansent derrière mes paupières.

« La prochaine fois qu'on se verra, embrasse-moi. »

Bordel.

Je reste là, suspendu entre le vertige du désir et l'abîme de mes peurs, incapable de choisir si je dois répondre ou me taire. Finalement, après de longues minutes, je décide de ne rien faire et d'ignorer ce qu'il m'a envoyé. De l'ignorer lui tout entier.

C'est mieux ainsi.

Le pas décidé, je me dirige vers mon bureau, me saisis d'un bloc note sur lequel j'écris « to do list de la semaine » et juste au-dessous, en majuscule :

ÉVITER JUNGKOOK À TOUT PRIX


***


— Attends, attends. Répète-moi tout ça calmement.

Je jette un coup d'œil à mon réveil en soupirant. Il est trop tôt pour dormir, mais trop tard pour réfléchir seul. Alors j'ai appelé Hoseok et j'ai décidé de tout lui dire. Absolument tout.

— Jungkook...

— Ouais, je me souviens, tu m'en avais vaguement parlé. C'est le gars que Yoongi déteste, on est d'accord ?

— Oui.

— Et donc ce mec est venu au tournoi d'échecs amateur, a gagné, et t'a filé un gage.

— C'est ça.

— Et le gage c'est de l'embrasser.

Je ne réponds pas.

— Ok, reprend Hoseok sans se formaliser de mon silence. Alors, soit il te teste, soit il a juste réellement envie de t'embrasser mais ne sait pas comment te le demander autrement.

— Mais c'est ridicule ! On ne se connait pas ! Et puis il n'a pas l'air d'être timide, alors pourquoi passer par un gage idiot pour me demander ça ?

Je m'emporte. Je sais que je m'emporte. Mais je n'arrive pas à rester calme.

— On parle de Jungkook, je poursuis. Jungkook ! Pourquoi il voudrait m'embrasser alors que je suis... que je suis...

— Stop, me coupe Hoseok. Ne dis pas ce que tu t'apprêtes à dire. Tu n'es pas moche, Taehyung.

Il me connaît trop bien.

— Tu n'es ni trop maigre ni trop petit comme tu le penses. Si ce mec te propose ça, c'est que tu as forcément quelque chose qui lui plait.

— Ou alors, il se fout royalement de ma gueule.

— Tu peux essayer de ne pas te rabaisser deux minutes ?

— Je ne me rabaisse pas...

— Si. En disant qu'il se fout de ta gueule, tu renies le fait qu'il puisse être attiré par toi.

— C'est juste que... je sais pas.

Hoseok inspire profondément. Moi, je passe une main dans mes cheveux et me laisse aller contre le dossier de ma chaise de bureau.

— C'est à cause de Soojae que tu penses ça de toi, Tae ?

Soojae.

À chaque fois que son prénom est prononcé, je ne peux empêcher une grimace de déformer mes traits.

— Ce n'est pas parce que tu n'as pas réussi à lui rendre ce qu'il attendait de toi que ça fait de toi une mauvaise personne. Et tout ce qu'il a pu te dire concernant ton physique, laisse-le de côté. Tu es parfait tel que tu es.

Je ferme les yeux, et une nausée étrange monte. Au début de notre relation, Soojae ne faisait que me flatter. Me dire que j'étais beau. Que je lui plaisais beaucoup. Et puis, avec le temps, quand il a compris que je n'arrivais pas à l'aimer de la manière qu'il souhaitait, il a commencé à me comparer à d'autres. À me dire de manger plus, parce que j'étais trop maigre. À me conseiller des couleurs de cheveux originales pour que j'ai l'air moins quelconque. C'était subtil, à peine suggéré, mais ça m'a foutu en l'air. J'ai fini par penser que je n'étais pas assez.

Depuis, j'ai gardé un blond décoloré, comme si ça pouvait me rendre moins laid.

Parce que Soojae me disait que ça m'allait bien...

Son emprise sur moi est encore là. Et je n'arrive pas à m'en débarrasser.

— Taehyung ?

Je papillonne des paupières et reviens à moi.

— Tu m'entends ?

— Oui, oui je t'entends.

— Non je veux dire, tu m'écoutes ? T'as compris ce que j'ai dit ?

— Oui.

À vrai dire, je n'ai pas écouté.

— Bien. Soojae, on l'emmerde. Et d'ailleurs, concernant sa demande d'ami à deux balles, là, j'espère que tu sais quoi faire.

Je sais quoi faire. La refuser. Mais c'est dur. Parce que cette demande d'ami signifie qu'il pense à moi, et quelque part, ça me touche. Peut-être que je lui manque autant qu'il me manque, tout compte fait.

Je sais, c'est étrange de dire qu'il me manque après tout ce qu'il m'a fait...

— Je vais refuser.

— Ça c'est ce que je voulais entendre ! Ne tombe pas à nouveau dans ses filets. Ce mec t'a fait beaucoup trop de mal pour que j'accepte que ça recommence. Avec tout ce que tu m'as raconté, avec tout ce que je sais...

J'inspire.

— Ça va, Hoseok, c'est juste une demande d'ami. Je vais refuser et tout rentrera dans l'ordre.

— Vraiment ?

Non.

— Vraiment.

Il marque un temps puis se racle la gorge. Je sens bien qu'il se retient de dire tout ce qu'il pense pour ne pas me blesser. Sa sollicitude me fait du bien, mais j'avais déjà pris ma décision. Je n'ai pas envie de revivre ce que j'ai vécu.

Hors de question de replonger.

— Bon et sinon, t'as des news de Noctem ?

Noctem. Mon coeur sursaute et je déglutis.

J'espère qu'il va bien...

— Non, aucune.

Je soupire.

— Hoseok ? Comment tu expliques qu'on s'apprécie autant, toi et moi, alors qu'on ne s'est jamais vus en vrai ?

— Pas besoin de voir les gens en vrai pour les comprendre et les aimer. Tu dis ça parce que tu t'es attaché à Noctem ?

Il me connaît vraiment trop bien.

— Hm hm...

Mes doigts glissent jusqu'à mon ordinateur portable qui se trouve là, puis j'ouvre l'écran. Instinctivement, je clique sur l'onglet du forum de littérature. Je manque de lâcher un son étrange en voyant que Noctem y est connecté.

Quel hasard...

— Je sais que tu ne t'attaches pas vite aux gens, alors je suis sûr que ce Noctem doit être spécial. Mais ne te fais pas de mal pour rien OK ?

Je ne l'entends pas. Tout ce que j'arrive à faire, c'est cliquer sur le pseudo de Noctem et de rafraîchir la page pour actualiser sa dernière heure de connexion.

— Allô la Terre ?

— Hein ? Oh, pardon...

— C'est parce qu'il est connecté, c'est ça ? Je viens de le voir en allant checker son compte par curiosité.

— Je...

Il se met à rire. J'ai un peu honte d'avoir été pris sur le fait.

— Je n'ose pas le relancer, j'explique. C'est délicat. Je n'ai pas envie de paraître lourd.

— Franchement, si tu as envie de le contacter, fais-le. Peut-être qu'il n'attend que ça.

— Tu crois ?

— J'en sais rien, mais tu n'auras de ses nouvelles que si tu prends ton courage à deux mains.

J'observe attentivement sa photo de profil. C'est un corbeau...

— OK. Je vais le faire. Je vais le contacter.

Je coince mon téléphone entre mon oreille et mon épaule et clique sur son pseudo.

Envoyer un nouveau message privé .

Je souffle, puis inspire. Quoi dire ?

— T'as qu'à lui demander comment il va, propose Hoseok comme s'il lisait dans mes pensées.

— Je sais pas, je pensais à quelque chose de moins banal.

— Envoie-lui une citation. Je vois sur son profil que son livre préféré, c'est Le portrait de Dorian Gray. Cite Oscar Wilde ?

Je me rends sur google et tape « Le Portrait de Dorian Gray citations ». Mais rien ne me plaît. Alors j'improvise. Le temps d'un instant, j'oublie Hoseok à l'autre bout du fil, et écris mon message.


De T_Darcy :

On raconte que chaque fois qu'un homme agit contre ses instincts, quelque chose en lui meurt. 

Mon instinct m'a conduit jusqu'ici, et je n'avais pas envie que quelque chose en moi meurt, alors je me suis écouté.


C'est court, mais c'est suffisant. J'envoie.

— Bon, je vais te laisser avec ton bel inconnu, lance Hoseok. Je dois aller manger. Mais rappelle-moi après si tu as besoin, d'accord ?

— Merci... Merci d'être toujours là.

— C'est normal. Et puis n'oublie pas de refuser la demande de Soojae. Pas qu'il pense que tu hésites et qu'il a réussi à te perturber.

Il a réussi à me perturber.

— Promis.

Nous nous souhaitons une bonne soirée, puis il raccroche. Immédiatement, je reporte mon attention sur mon ordinateur, et actualise la page. Mon souffle s'accélère.

Noctem a ouvert mon message.

Sa réponse arrive dans la foulée.


De Noctem :

Je t'encourage à suivre plus souvent ton instinct dans ce cas.

C'est drôle, mais je pensais justement à toi.


Un sourire étire mes lèvres.


De T_Darcy :

Pourquoi pensais-tu à moi ?


Dans un élan d'audace, je clique sur envoyer. Quelques secondes passent, peut-être des minutes. Puis, soudain, la notification apparaît.


De Noctem :

Parce que ta phrase a éveillé des souvenirs. Et toi, tu sembles déjà en faire partie.

Comment pourrais-je ne pas penser à toi ?


Il pense à moi...


De T_Darcy :

Quels souvenirs ça a réveillé ?


De Noctem :

Tu as vraiment envie de savoir ?

Parfois, les souvenirs sont des miroirs, et on n'aime pas toujours ce qu'on y voit.


De T_Darcy :

Si ces miroirs te renvoient quelque chose de douloureux, tu n'es pas obligé de me répondre.

Quoi qu'il arrive, je suis là.


J'envoie avant d'avoir le temps de douter, avant que mes peurs de mal faire ou de trop en dire ne m'envahissent.

Le silence s'installe.

Je réfléchis à l'étrange place qu'a pris Noctem dans mes pensées. Ce n'était censé être qu'un forum, un lieu pour échanger sur la littérature. Mais avec lui, tout est devenu différent.

Une nouvelle notification me ramène à l'écran.


De Noctem :

Quand j'ai lu tes mots, ça m'a rappelé un moment où je n'ai pas suivi mon instinct. Où j'ai laissé quelqu'un m'échapper.

Je me demande ce qu'aurait été ma vie si j'avais eu un peu plus de courage.


Je sens mon cœur se serrer. Sa réponse me touche plus que je ne l'aurais cru.


De T_Darcy :

Parfois, ce n'est pas le courage qui manque, mais simplement une main tendue.


De Noctem :

Aujourd'hui, cette main tendue, c'est la tienne ?


Une chaleur envahit ma poitrine. C'est doux. Noctem, qui semblait si distant, si hors de portée, vient de m'ouvrir une porte. Je dois saisir cette occasion pour lui faire comprendre qu'il n'est pas seul, même si je lui ai déjà dit.


De T_Darcy :

Oui. Alors prends-la.

Raconte-moi ton histoire, et peut-être que nous pourrons en écrire une nouvelle ensemble.


De Noctem :

Un jour je le ferai, mais pas tout de suite.

Et toi ? Tu veux me raconter ton histoire ?


Je m'arrête, surpris par sa question. Je ne m'attendais pas à ce que la lumière se tourne vers moi.


De T_Darcy :

Mon histoire n'a rien de grandiose, tu sais.

Je crois que je suis quelqu'un qui essaie de trouver sa place. Quelqu'un qui cherche à être vu, à être compris.


De Noctem :

On est deux.

Et peut-être que c'est ce qui rend cette conversation si précieuse.


De T_Darcy :

Alors continuons.

Dis-moi, si on écrivait une histoire ensemble... Comment commencerait-elle ?


De Noctem :

Si on écrivait une histoire, Darcy, elle commencerait sous un ciel lourd d'étoiles. Pas un ciel ordinaire, mais celui qu'on ne voit qu'en rêve.

Et toi, tu serais là, un livre à la main, le vent jouant dans tes cheveux.


De T_Darcy :

Et toi ? Où serais-tu ?


De Noctem :

Moi ? Je serais l'ombre dans un coin de la scène. Pas assez près pour te distraire, mais toujours là, veillant à ce que le vent ne tourne jamais trop violemment.


De T_Darcy :
Mais si tu restes dans l'ombre, tu manqueras le spectacle.
Viens t'asseoir à côté de moi. Lisons ensemble, sous ce ciel étoilé.


La réponse tarde à venir, et pendant ce laps de temps, je m'imagine tout un tas de scénarios. Des hésitations de son côté, ou une émotion qu'il n'arrive pas à exprimer.

Enfin, son message apparaît.


De Noctem :

Tu sais, Darcy, il y a quelque chose de dangereux à te parler.

Tu donnes envie de croire que les ombres peuvent disparaître.


De T_Darcy :

Peut-être qu'elles le peuvent.

Les ombres ne sont que l'absence de lumière, après tout. 

Il suffit de rallumer les étoiles.


De Noctem :

C'est beau ce que tu dis.

Est-ce que tu crois qu'on peut vraiment sortir des ombres ?

Pas juste pour une conversation, mais pour de vrai.


De T_Darcy :

Je pense qu'il faut commencer par un pas.

Un tout petit pas hors des ombres.

Et ensuite, avancer un pas à la fois.


De Noctem :

Un pas à la fois... OK. Alors, commençons par une vérité chacun pour aller vers la lumière.

Parle-moi de toi, Darcy. Pas ce que tu montres dans tes messages ou tes mots, mais ce qui se cache derrière. Qui es-tu, vraiment ?


De T_Darcy :

C'est difficile à dire.

Parfois, j'ai l'impression de n'être qu'un puzzle dont il manque des pièces.

Et toi ? Qui es-tu ?


Il répond presque immédiatement, comme s'il avait déjà réfléchi à cette question.


De Noctem :

Je suis un fantôme qui essaie de se souvenir ce que c'est d'être vivant.

J'ai oublié comment briller.


De T_Darcy :

Tu brilles. Peut-être que tu ne le vois pas encore, mais moi je le vois.


Cette fois, le silence est plus long.

Quand sa réponse arrive, mon cœur s'accélère.


De Noctem :

J'avais raison, tu es vraiment dangereux...

Tu fais naître en moi une émotion que j'avais oubliée : l'espoir.


De T_Darcy :

Et c'est mal ?


De Noctem :

Je ne sais pas.


De T_Darcy :

L'espoir ce n'est jamais mal, Noctem. Il faut toujours croire en quelque chose. Pas en tout, pas tout de suite, mais commence par croire en toi.

Et si c'est trop difficile, crois en ce que je vois de toi.


Il met beaucoup, beaucoup de temps à répondre. Je doute même qu'il le fasse, quand la notification arrive.


De Noctem :

Et qu'est ce que tu vois de moi ?


De T_Darcy :

Quelqu'un de profondément humain.

Quelqu'un qui lutte contre ses démons, mais qui ne se rend pas.

Quelqu'un qui, malgré tout, cherche encore la lumière.


De Noctem :

Et si je n'arrive jamais à la trouver, cette lumière ?


De T_Darcy :

Je continuerai à te montrer où elle est.


De Noctem :

Pourquoi tu fais ça ?


De T_Darcy :

Parce que personne ne mérite de rester dans l'obscurité.


De Noctem :

Et si un jour tu te rends compte que ça ne vaut pas le coup ?


Son insécurité perce à travers les mots. Je me surprends à m'asseoir plus droit, comme si la gravité de cette question exigeait une posture différente, un respect particulier.


De T_Darcy :

Alors je t'expliquerai pourquoi tu te trompes.


De Noctem :

Prouve-moi que tout ça est réel...


De T_Darcy :

Fais-moi confiance. Ça l'est.


De Noctem :

Je te crois, alors.

Dis, tu veux bien m'éclairer de ta lumière ?


De T_Darcy :

Je vais essayer.

Mais promets-moi quelque chose en échange.


De Noctem :

Quoi donc ?


Je m'arrête, mes doigts hésitant sur le clavier. Ce que je m'apprête à demander me semble risqué, presque trop intime pour la distance qui nous sépare. Mais ce moment ne mérite pas de demi-mesures, alors je me lance :


De T_Darcy :

Promets-moi de ne pas disparaître.


Parce que c'est ça qui me fait peur. Qu'il disparaisse.

Il y a un long silence. Trop long. Mon cœur bat à tout rompre, et chaque seconde qui passe me laisse imaginer le pire. Et puis, enfin...


De Noctem :

Je promets.


***


Il y a deux choses.

La première, c'est que ce matin, en ouvrant les yeux, j'ai su ce que je devais faire. Mon plan est clair : éviter Jungkook.

La seconde, c'est que cette certitude, au lieu de m'apaiser, me fait un peu peur.

Comment évite-t-on quelqu'un comme Jungkook ?

C'est une vraie question. Parce que Jungkook n'est pas le genre de personne qu'on peut ignorer facilement.

Je me lève avec une lenteur exaspérante, comme si retarder le moment de quitter ma chambre pouvait effacer cette journée. Mais la note que j'ai laissée sur mon bureau la veille m'arrête net. Des mots griffonnés à la va-vite, mais d'une clarté implacable : « Éviter Jungkook à tout prix. »

Mon propre rappel m'assomme.

Dans la salle de bain, je m'observe dans le miroir. Mes cernes me trahissent. La nuit a été longue et agitée. Une alternance de rêves étranges et de réveils brusques. Tout convergeait vers lui, inlassablement.

Je secoue la tête, sourcils froncés.

— Je ne le ferai pas. Je n'embrasserai pas ce type.

C'est vrai. Enfin... je crois ? 

Non, c'est vrai. 

Ça doit être vrai. 

Je me détourne du miroir en inspirant profondément. Éviter Jungkook, c'est facile en théorie. Mais en pratique, c'est comme essayer d'éviter du vent en pleine tempête.

Une seconde, je ferme les yeux, espérant chasser les pensées qui embourbent ma tête. Je ne ressens rien pour lui. Pas comme ça. Ce serait plus simple, tellement plus simple, si tout était clair.

Mais ça ne l'est pas...

Je rouvre les yeux, déterminé.

Je vais l'éviter.

C'est la seule solution.


***


Les cours du matin passent au ralenti.

Je suis là physiquement, assis à ma place, mais mentalement, je suis ailleurs. Mes pensées tournent en boucle autour de lui. Autour de ce message. De cette prochaine rencontre que je redoute autant que je l'anticipe.

Chaque pause est une épreuve. Dans les couloirs, je guette son visage parmi la foule, prêt à changer de direction au moindre signe. Mon cœur s'emballe dès qu'une silhouette familière entre dans mon champ de vision. Mais ce n'est jamais lui.

— Taehyung ?

Je sais que je vais finir par le croiser.

C'est une certitude. À l'université, les chemins finissent toujours par se rencontrer, surtout le nôtre. La question n'est donc pas si, mais quand.

— Taehyung ?

— Hm ?

Ara, assise à côté de moi dans l'amphithéâtre, me regarde d'un drôle d'air. Ou peut-être que c'est moi qui suis bizarre depuis le début de la journée. 

— Tout va bien ? Tu n'écris rien.

— Ah... Oui je... désolé, je m'excuse en tournant les yeux vers l'écran de mon ordinateur.

Mon document est vierge.

Un coup d'œil à la pendule accrochée au-dessus de l'énorme tableau m'indique qu'il est presque midi. Ce qui signifie que j'ai passé les deux heures de mon cours de Littérature coréenne perdu dans mes pensées.

— Je te donnerai mes notes, me chuchote-t-elle.

Je lui adresse un sourire sincère, et la remercie.

Lorsque c'est l'heure de partir, je range mes affaires rapidement et nous retrouvons Yoongi devant le self.

— J'ai une de ces dalles ! Vous venez ? lance-t-il joyeusement en nous ouvrant la porte.

J'ai relâché mon attention.

Quelques secondes à peine.

Et il n'aura fallu que ça pour me rappeler que je ne dois pas baisser ma garde.

Jungkook s'approche. D'un pas lent et mesuré. Il est accompagné de Jimin, et ce dernier rit aux éclats. Ils sont à une trentaine de mètres, quarante tout au plus.

Merde.

Merde merde merde.

Ils ne doivent pas me voir.

Il ne doit pas me voir.

— Allez-y sans moi je... j'ai pas très faim, j'annonce, totalement paniqué.

Tout en moi est en alerte. 

— Tae, t'es sûr que ça va ? 

— J'ai juste pas faim, Yoongi, ne t'en fait pas.

Jungkook approche, inexorablement. L'espace entre nous se réduit. Si je ne file pas maintenant, je suis sûr qu'il va remarquer que je suis là. J'essaie de bouger, mais mes jambes refusent de m'écouter. Bordel, il faut que je parte. C'est hors de question de le confronter ici. 

Et encore moins devant Yoongi.

— Tu vas faire quoi pendant une heure ? me demande ce dernier.

— Aller à la bibliothèque pour travailler. Mangez bien !

Et enfin, je m'en vais. Non pas en courant comme je l'aimerais, mais en marchant le plus vite possible dans la direction opposée. Heureusement, la bibliothèque est au bout du chemin. Je dois partir sans éveiller les soupçons de Yoongi. Sinon, je sais qu'il me demandera des explications, et je n'ai pas envie de devoir lui dire pour quelles raisons j'ai fui comme un lâche.

La bibliothèque universitaire devient mon refuge. Ici, je peux me cacher. Ici, je peux être invisible. Je m'installe dans un coin reculé, loin des passages. J'ai pris un livre au hasard mais je ne le lis même pas. Je n'arrive pas à me concentrer. Mon esprit est bien trop agité pour ça.

Je pense à Jungkook. Est-ce qu'il est à la cafétéria en ce moment ? Oui, sûrement. Est-ce qu'il me cherche ? Est-ce qu'il a remarqué que je l'évite ? Une partie de moi veut croire qu'il ne se soucie pas assez de mon existence pour remarquer mon absence. Mais une autre partie... une autre partie n'arrête pas d'espérer qu'il le fasse.

Stop, Taehyung. Arrête de lui donner autant d'importance.

Je secoue la tête et me force à regarder les pages du livre devant moi, à lire les mots que je vois, à les comprendre. Mais tout est vain.

Je pose mes doigts sur mes tempes. 

Il aurait pu choisir quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui joue aux mêmes jeux que lui. Quelqu'un qui ne se poserait pas mille questions, qui aurait simplement ri et répondu oui avec légèreté. Mais il m'a choisi, moi. Et je n'ai aucune idée de pourquoi.

L'après-midi s'étire. Je ne croise pas Jungkook. Une victoire.

En sortant des cours, je me retrouve seul sur le chemin du retour - Yoongi devait passer au garage. Je n'ai pas parlé à grand monde aujourd'hui. C'est mieux ainsi.

Quand je rentre enfin chez moi, le soleil décline déjà. Je suis épuisé, mais pas à cause des cours. C'est ce poids constant, cette peur irrationnelle de tomber sur Jungkook qui m'a vidé.

Je m'écroule sur mon lit. Une vibration dans ma poche me fait sursauter, et un instant, mon cœur s'affole. 

Mais ce n'est rien. Juste une notification sans importance. Je soupire et me rends sur Discord, hésitant à envoyer un message à Hoseok. De peur de le déranger encore avec mes petits problèmes, je m'abstiens. Mes yeux tombent sur la demande d'ami de Soojae qui est toujours là. 

Je ne l'ai pas refusée. 

Pas encore...

J'ai peur de le faire. 

Il faut que tu refuses, Taehyung. Hors de question de replonger, c'est toi-même qui l'a dit.

Mon pouce frôle l'écran et hésite au dessus du bouton "refuser". Mon coeur me fait mal.

Allez... fais-le.

— Pourquoi je n'y arrive pas ? je souffle.

Ce n'est pas juste un clic. C'est une fin. Une décision qui dit : « non, je ne veux plus de toi dans ma vie ». 

C'est ce qu'il faut faire. 

C'est ce que je dois faire.

Je fixe son nom sur l'écran. Soojae. En seulement six lettres, tout remonte. Ce sourire qu'il savait si bien manipuler, ces mots parfaitement choisis pour m'attirer, pour me garder sous son emprise. Des souvenirs flous, entremêlés de promesses brisées et d'attentes déçues.

Je ferme les yeux, le téléphone posé sur ma poitrine. 

Je sais pourquoi c'est si dur. C'est dur parce qu'il a été là, à une époque où j'avais l'impression que personne d'autre ne me voyait. Même si, au fond, je n'étais qu'un passe-temps. 

Je serre les dents, et me redresse brusquement. La lumière de l'écran éclaire mon visage. Soojae n'a pas changé. Il ne changera jamais. Et moi, je ne peux pas rester prisonnier de ce qu'il représente.

Mon pouce descend doucement. Une fraction de seconde, j'hésite encore. Pas parce que je veux qu'il revienne dans ma vie. Non. Mais parce que refuser, c'est tirer un trait sur ce que j'étais à l'époque. Sur cette partie de moi qui voulait désespérément croire en lui, même si ça me détruisait.

Une inspiration profonde. Un battement de cœur.

Et j'appuie.

Le bouton devient gris. La demande disparaît. Aussi simple que ça. Pas de feux d'artifice, pas de soulagement immédiat. Juste un vide, et un silence étrange.

Je repose le téléphone sur ma table de chevet et m'allonge à nouveau. Le creux dans ma poitrine semble moins oppressant, comme si j'avais enfin retiré un poids que je portais depuis trop longtemps.

Ce n'est pas une victoire éclatante, mais c'est une avancée, une petite étape pour me libérer de lui.

Demain sera pareil. Peut-être que je penserai encore à cette demande. Peut-être que des fragments du passé me reviendront. Mais au moins, ce soir, j'ai fait un choix.

Et pour la première fois depuis longtemps, j'ai l'impression que c'était le bon.


***


Mardi.

— Franchement, si on se répartie les paragraphes à rédiger, on pourrait finir ça rapidement, tu ne crois pas ? me demande Ara tandis qu'elle feuillette son carnet.

Je hoche la tête, même si, sincèrement, la moitié de ses mots me passe au-dessus. L'absence du professeur de Littérature et Société aurait dû me réjouir, mais au lieu de ça, elle m'a piégé à la bibliothèque.

— Tu écoutes ? 

— Oui, oui, dis-je en jouant avec le capuchon de mon stylo.

Et puis d'un coup, je me tends. Parce que je les vois. Jungkook et Jimin traversent l'allée centrale entre les étagères, discutant à voix basse.

Mon cœur s'emballe. 

Je ne peux pas rester. Je ne peux pas.

— Ara, je murmure, mal à l'aise et pressé.

— Oui ?

Elle fronce les sourcils et suit mon regard, mais Jungkook et Jimin ont déjà tourné dans une autre rangée. Je me redresse, attrapant mes affaires avec précipitation.

— On... on devrait aller ailleurs. Il y a trop de bruit, je ne peux pas me concentrer.

Elle me regarde, sceptique.

— Trop de bruit ? On est à la bibliothèque.

— Oui, mais... tu sais, l'acoustique, c'est bizarre ici, je trouve. Viens, on va dans une salle d'étude en bas.

— Mais...

Je n'attends pas qu'elle finisse sa phrase. Je me lève et lui fais signe de me suivre. Elle soupire, mais ramasse ses affaires à contrecœur.

Mon esprit tourne à toute vitesse. Il m'a vu ? Non, il ne m'a pas vu. Enfin... peut-être qu'il m'a vu mais qu'il ne m'a pas reconnu ? Ou peut-être qu'il s'en fiche ?

La possibilité qu'il m'ait remarqué fait monter un frisson d'angoisse le long de ma colonne vertébrale. 

Je le déteste de me mettre dans une situation pareille.

Je serre les dents, guidant Ara vers l'étage inférieur. Mes yeux balayent l'espace à chaque pas, scrutant l'ombre d'un mouvement. Quand nous franchissons enfin la porte de la salle d'étude, je relâche un souffle que je ne m'étais pas senti retenir.

— Tu es bizarre en ce moment, lâche Ara en ajustant la lanière de son sac sur son épaule.

Je secoue la tête, un sourire maladroit collé sur les lèvres.

— Je suis juste fatigué. Désolé.

Elle me lance un regard interrogateur mais ne pousse pas plus loin. À l'intérieur de moi, c'est un chaos total. Mais au moins, Jungkook ne m'a pas vu.


***


Les deux heures avec Ara sont passées vite, et nous avons bien avancé sur notre devoir. Désormais je me trouve seul dans le couloir du bâtiment C, attendant 17 h. J'ai fait le choix de venir dix minutes avant le début du club de littérature, afin de ne pas croiser Jungkook. 

La salle est encore fermée. Je m'installe donc contre le mur, mon sac posé à mes pieds.

Lorsque je vérifie l'heure il est dix-sept heures moins cinq. Je sursaute quand des pas dans les escaliers se font entendre. Un moment, j'ai peur que ce soit lui. Mais immédiatement je comprends que c'est simplement Namjoon. Il me remarque, et ses sourcils se haussent de surprise.

— Oh, tiens, Taehyung ? Tu es en avance.

Je me redresse maladroitement.

— Oui, j'ai un cours qui a été annulé, prof absent... 

Il hoche la tête.

— Je comprends. Viens, suis-moi.

Je lui emboîte le pas jusqu'à la porte de la salle, qu'il ouvre rapidement.

— Comment ça va, sinon ? me demande-t-il en me laissant entrer le premier

— Ça va. Et toi ?

— Les cours me tuent un peu, mais rien de nouveau. Tu arrives à jongler avec tout, à te faire au rythme de la fac ?

Je hausse les épaules.

— On fait ce qu'on peut.

— C'est différent du lycée, hein ?

— Très. Mais j'aime bien l'autonomie que ça laisse. Au lycée, c'était un peu trop encadré.

La salle est vide. Je choisis une place au hasard, vers le milieu, et m'installe.

Peu après, les autres membres arrivent. Les rires et les discussions remplissent l'espace. C'est agréable. Quand Jimin débarque seul, mon cœur fait un bond. Peut-être que, cette fois, j'ai de la chance. Peut-être que Jungkook a quelque chose d'autre de prévu, et que je n'aurai pas à le croiser en sortant.

Jimin me repère et agite la main pour me saluer. Rapidement, il prend place à mes côtés.

— J'ai hâte de voir ce que les gens ont écrit ! s'exclame-t-il avec enthousiasme.

Je souris faiblement, et la conversation s'interrompt lorsque Namjoon appelle au calme.

— Bonsoir, tout le monde. J'espère que vous allez bien. Comme vous le savez, nous allons lire les textes que vous avez écrits la semaine dernière. Rappelez-vous : l'exercice portait sur les émotions. Vous aviez chacun tiré un papier avec une émotion, et vous deviez écrire un petit texte pour l'illustrer. Je vais ramasser vos feuilles.

Je m'agite et sors mon papier de mon sac.

Namjoon ramasse tout, mélange, et pose le tas sur son bureau.

— Voilà comment ça va fonctionner : vous venez prendre une feuille, vous la lisez à voix haute, et on commente ensemble. Pas d'inquiétude, personne ne saura qui a écrit quoi.

Tout le monde a l'air d'accord. Ça me va aussi. Je me voyais mal lire mon propre texte devant les autres. Namjoon tend le menton vers Kai, qui se lève en premier. Il approche du bureau, tire une feuille, se racle la gorge, et commence à lire.

Je sens mes épaules se raidir. 

C'est mon texte. 

Mon texte sur la solitude...

Quand Kai termine, il part se rassoir et Namjoon nous invite à discuter. Jimin prend la parole.

— C'est... puissant. 

— Je suis d'accord, répond un garçon avec qui je n'ai jamais parlé. Il y a quelque chose de brut et de vrai dans la façon dont la solitude est décrite.

Je fixe mes mains sur ma table en priant pour qu'on passe rapidement au texte suivant. Chaque mot qu'ils prononcent est comme une lumière braquée sur moi, et je n'aime pas ça. Même si personne ne sait que c'est mon texte mis à part Jimin, je sens le rouge me monter aux joues.

— Oui, acquiesce Namjoon. Ce texte ne se contente pas d'expliquer la solitude. Il la rend palpable, presque vivante. 

Je fouille maladroitement dans ma trousse et attrape un stylo, le faisant tourner entre mes doigts. 

Peut-être que si je me concentre dessus, je pourrai ignorer ce qu'ils disent...

Jimin me glisse un regard. Je le vois tourner la tête vers moi, du coin de l'oeil. 

— Moi, ce qui m'a marqué, commente une fille, c'est cette phrase : « Elle dénude les pensées, dissèque les souvenirs. » C'est exactement ça, non ? La solitude nous force à voir ce qu'on voudrait éviter.

— C'est beau, pas vrai, Taehyung ? me demande Jimin, pour me complimenter.

— Je...

Bordel, c'est gênant.

Pourquoi il fait comme s'il ignorait que c'est mon texte ?

— Cette phrase, poursuit Namjoon, et le texte en général, capturent quelque chose de très universel. C'est rare de pouvoir écrire avec autant de justesse.

Le silence qui suit est insupportable. Je serre un peu plus fort le stylo dans ma main, espérant qu'ils ne me regardent pas. 

J'ai la sensation que tous les yeux sont braqués sur moi.

— Quoi qu'il en soit, c'était excellent. Merci à celui ou celle qui l'a écrit.

Jimin se penche légèrement vers moi.

— Joli travail.

Je n'ai pas le temps de répondre, à peine le temps de hausser une épaule, que la voix de Namjoon me ramène au réel.

— Taehyung, tu veux bien venir lire un texte, toi aussi ?

Je marque un temps, puis me lève. D'un pas un peu trop lourd, j'avance jusqu'à rejoindre Namjoon, et prend le premier papier en haut de la pile.

Je déteste lire devant tout le monde. Mais maintenant mon texte passé, ça va un peu mieux.

Je déglutis, puis commence ma lecture.


La vulnérabilité est un paradoxe humain. 


La vulnérabilité...


Elle nous effraie autant qu'elle nous fascine, nous rend plus faibles en apparence mais aussi infiniment plus puissants. C'est l'émotion que nous dissimulons derrière des masques de courage ou d'indifférence, mais qui nous rapproche de notre essence.


Oh... c'est magnifique.

Je me demande qui l'a écrit.


Être vulnérable, c'est accepter que l'armure que nous portons, aussi épaisse soit-elle, ne peut pas tout contenir. C'est admettre que les murs que nous bâtissons pour nous protéger peuvent aussi devenir nos prisons. La vulnérabilité, c'est ce moment où l'on tend une main sans savoir si elle sera saisie.


C'est étrange, ça me fait penser à ma discussion avec Noctem...

Je relève la tête, brasse la salle du regard, mais personne ne semble réagir.

Je continue.


C'est s'ouvrir à l'autre, au risque d'être rejeté. C'est offrir un morceau de soi-même sans garantie de retour.

Mais dans cette fragilité apparente se trouve une force insoupçonnée. Car la vulnérabilité est un acte de courage. Il faut une bravoure immense pour dire : « J'ai peur », « Je ne sais pas », ou « J'ai besoin de toi. » Elle est une forme de vérité qui transcende les barrières de l'ego.


Noctem s'est montré vulnérable avec moi.

Et moi aussi, je me suis montré vulnérable avec lui. Je lui ai tendu la main sans savoir s'il la prendrait. Et lui m'a avouer naviguer dans les ombres.

Je ne le réalise que maintenant...


Bien sûr, la vulnérabilité comporte des risques. Elle expose nos blessures, nos échecs, nos peurs. Mais en vérité, ce sont ces imperfections qui nous rendent réels. 

Un vase fêlé raconte une histoire, là où un objet parfait reste muet.

Alors, au lieu de la fuir, pourquoi ne pas l'embrasser ? Pourquoi ne pas voir dans la vulnérabilité non pas une faiblesse, mais une preuve de vie ?

Être vulnérable, c'est avoir le courage d'être soi-même dans un monde qui nous pousse sans cesse à prétendre.


Il y a un moment de silence, comme si tout le monde était suspendu à mes lèvres, avant qu'une fille ne s'exprime. 

— C'est... wow. Vraiment fort, ce texte. 

— Grave, ajoute son amie assise juste à côté d'elle. Il nous ramène à ce qu'on cache sous nos masques. 

Les masques. Je connais bien ça...

Là, tout de suite, j'en porte un : 

Le masque social. 

Un frisson me parcourt. Je baisse les yeux, et je vois mes mains se crisper autour du papier. Je repose la feuille et part me rassoir discrètement pendant qu'ils continuent à parler.

Les deux heures s'écoulent sans que je ne les vois passer. Nous avons lu tous les textes, et lorsqu'un garçon a lu celui sur l'appréhension écrit par Jimin, ce dernier s'est recroquevillé sur sa chaise. Peut-être qu'on porte tous un masque, finalement.

— Hey, Taehyung !

Je suis en train de fermer mon sac quand Kai m'interpelle et s'approche à grandes enjambées.

— J'ai commencé le livre que tu m'as offert. Il est vraiment super.

J'esquisse un sourire en enfilant mon manteau, avant de le suivre jusqu'à la porte encore fermée. 

— Tu en es où ? je demande.

— Un peu plus de la moitié. 

Il ouvre la porte et je souris davantage

— Je suis content qu'il te plai...

Mais alors que je franchis la porte, je sursaute.

Jungkook.

Il se tient adossé contre le mur d'en face, dans le couloir, les mains dans les poches. 

Merde. 

Je l'avais oublié...

Je m'arrête net, figé sur place. Et pendant quelques secondes, l'espace autour de nous semble se réduire. Ses yeux sont posés sur moi, et sans un mot, il me salue d'un simple mouvement de tête. 

Pas de salut à Kai, pas même un regard. 

Juste moi.

Je déglutis en laissant passer deux membres du club qui s'en vont, et une bouffée de chaleur me monte à la gorge. 

Qu'est-ce-que je dois faire ?

Jungkook attend. Il attend que je fasse le premier pas. Je prends une grande inspiration, mes doigts serrent la lanière de mon sac, et je tourne mon regard vers Kai. Le sourire que je lui adresse est affreusement faux.

Un masque. Encore. 

— Euh... je vais... je vais te laisser, je lui dis. Je dois... j'ai quelque chose à faire.

J'ai tant bégayé que Kai se rend compte que quelque chose ne va pas. Quand ses yeux suivent la trajectoire des miens et qu'il aperçoit Jungkook dans l'ombre, il hoche la tête lentement.

— Ah, je vois. Bon bah... à plus, Taehyung. Et salut, Jungkook.

Ce dernier lui adresse un signe de main distrait mais ne se détourne pas de moi. Il est toujours là, toujours silencieux. 

Ça me rend nerveux.

Mon coeur pulse sous mes côtes et j'ai bien du mal à me retenir de partir en courant. Mais je ne le fais pas. Au lieu de ça, je m'approche. 

Pourquoi est-ce que je m'approche ?!

Je reste devant lui pendant quelques secondes, et il baisse la tête pour que ses pupilles ne quittent jamais les miennes. Je me mords la lèvre, jette un dernier regard en arrière et lui prends le poignet avant de l'entraîner à l'écart dans le couloir, là où personne ne nous verra. 

Le silence entre nous est lourd quand nous nous arrêtons. Je le vois moins bien à cause de l'obscurité, mais je distingue très clairement un rictus naitre sur ses lèvres. Il joue.

Putain il se joue de moi...

— Je ne peux pas. Je... je ne peux pas t'embrasser.

Voilà. C'est dit. La voix tremblante, mais c'est dit.

Jungkook ne répond pas. Mais il me fixe de ses yeux perçants. Il attend, encore, comme si c'était une question de patience.

Son silence m'agace.

— Pourquoi tu m'as demandé ça ? je lance d'un ton sec. Pourquoi tu veux que je fasse ça ?

Sans hésiter, il répond simplement :

— Parce que j'en ai envie.

Je cligne des yeux, surpris par sa franchise. 

— Mais p- pourquoi ? 

Il hausse les épaules.

— Pourquoi pas ?

Je souffle, déstabilisé. J'ai l'impression de perdre le contrôle.

— De toute façon, on n'a nulle part où faire ça, je marmonne. 

Et là, je comprends. Je viens de passer d'un refus catégorique à... un peut-être.

Taehyung ! Reprends-toi ! 

Jungkook remarque ce changement. 

— On peut aller dans un café, enchaîne-t-il. 

Je secoue la tête, repoussant cette idée.

— Non. J'ai dit non. Je ne... je ne t'embrasserai pas. C'est hors de question...

Vraiment ?

Il ne se laisse pas décourager et poursuit, comme s'il n'avait pas entendu mon refus.

— Ou les salles d'étude à la bibliothèque ? Elles sont presque toujours vides.

— Jungkook, arrête, je...

Et c'est là que j'entends des pas. Jimin arrive, tout sourire, mais apparemment pressé.

— Jungkook, je dois rentrer, annonce-t-il soudain. À la semaine prochaine Taehyung !

Qu'est-ce-que je viens de ressentir à l'instant ?

De la frustration ?

Oui, c'est ça. Je suis frustré d'avoir été interrompu. Frustré que Jimin ait coupé court à notre conversation...

Qu'est-ce que je voulais, au juste ? Je ne sais même pas.

Je regarde Jungkook, espérant lire quelque chose dans ses yeux. Une frustration similaire, une colère, une déception peut-être. Mais non. Il ne laisse rien paraître, comme si tout ça ne l'avait pas affecté.

Mon cœur bat si fort que j'ai l'impression qu'il va éclater. Mes mains tremblent comme si elles cherchaient une prise, quelque chose à quoi se raccrocher. 

Jungkook me fixe quelques secondes, avant de rejoindre Jimin.

Le bruit de leurs pas qui s'éloignent me parvient comme un écho lointain. Je n'entends plus rien. Ni les voix des autres membres du club, ni le bruit affreux de mon propre coeur. 

Tout est vide.

Et je me sens vulnérable comme jamais.

Je m'adosse au mur, laissant ma tête basculer en arrière. Je prends une profonde inspiration et ferme les yeux un instant. 

Ils sont partis. Il est parti...

Je me sens déchiré entre deux mondes. Entre celui où tout est limpide, et celui où je me perds. 

Mes poings se serrent.

Et puis soudain, ma poche vibre. Je sors rapidement mon téléphone. 

C'est un message. 

Un message de... 

Oh mon dieu...


Jungkook

Demain, bibliothèque, 17h.

Viens.


***********༄***********


J'ai adoré écrire les échanges avec Noctem et la scène finale avec Jungkook krkrkr

Je n'ai pas grand chose à dire, si ce n'est que pour le chapitre 14 il faudra attendre un petit peu (je vous tiendrai au courant sur instagram), parce que j'arrive à la fin du processus édito avec PH. C'est le grand rush final et il me faudra beaucoup d'énergie pour tout terminer, alors j'ignore si je serai en mesure d'écrire Poem. Je l'espère, mais je ne peux rien garantir. TT

Dites-moi tout de même : avez-vous aimé ce chapitre ? 

Il fait office de transition entre le 12 et le 14 mais il est très importantOn y apprend beaucoup de chose.

Je travaille très fort sur la psychologie des personnages, mais rassurez-vous on en est encore qu'au début, je vous réserve plein d'action pour la suite eheh

Je vous dis à très vite, portez-vous bien <3

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top