10. affronter la réalité
Coucou !
Presque 18K pour Poem en 2 mois et demi ! Merci du fond du coeur <3
Voilà la suite, j'espère que vous aimerez.
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Je sors, et les rayons du soleil me frappent comme une gifle en plein visage. Mon dos s'échoue contre le mur extérieur du salon de thé et je reste là, immobile, l'esprit embrouillé, essayant désespérément de reprendre pied.
Ce baiser, cette provocation calculée au millimètre... tout ça était fait exprès. Je le sais. C'était une mise en scène, une attaque. Une démonstration de pouvoir. Cette façon qu'il a eu de me fixer comme s'il savait exactement quels fils tirer pour me faire craquer me met hors de moi.
C'est ce qu'il voulait, je crois. Me voir craquer.
Et ça marche, bordel.
Ça marche si bien.
Je sens le venin s'insinuer dans mon cœur et distiller son poison. Une émotion étrange me traverse, et ça me ronge si fort que mes phalanges blanchissent tant mes poings sont serrés contre mes cuisses.
Je fais un effort pour détendre mes épaules, mais c'est inutile. Mon corps entier est crispé, électrisé par une rage sourde qui pulse dans mes veines. Je prends une inspiration et cherche à retrouver une contenance, à faire le vide. Mais mes pensées sont comme des bêtes sauvages, incontrôlables et déchaînées.
Pourquoi est-ce que je réagis comme ça pour si peu ?
Pourquoi est-ce que ça me fait aussi mal ?
J'ai envie de vomir.
Est-ce que Kai a remarqué quelque chose ? Est-ce qu'il a senti cette tension, ce jeu malsain qui se jouait sous son nez ? Non, il était trop occupé à parler, à sourire, à essayer de créer un lien. Il n'a rien vu, rien compris.
Mais Jungkook, lui, savait.
Peut-être que Kai lui a parlé du salon de thé, peut-être que c'est leur lieu de rendez-vous à tous les deux.
Ou pire, peut-être qu'il m'a invité là pour me tendre ce piège...
Un rire nerveux m'échappe. Ce serait méchant. Vraiment méchant de m'avoir fait venir pour ça. Une part de moi a envie de croire que Kai n'est pas capable de tant de mesquinerie, et l'autre part... ne le connaît pas. C'est vrai, après tout, je ne sais pas qui il est. Et de ce que j'ai constaté, il fait des échanges un peu bizarres avec Jungkook, alors tout n'est peut-être pas aussi lisse que son masque pourrait le suggérer.
J'ai envie d'envoyer un message à Hoseok, pour avoir son avis, pour chercher du réconfort dans ses mots. Pour retrouver un peu d'air. Mais à l'instant où j'entame un mouvement pour récupérer mon téléphone au fond de ma poche de pantalon, la clochette retentit.
Ce tintement qui marque chaque entrée et chaque sortie.
Mon souffle se suspend et je ferme les yeux une fraction de seconde, parce que j'ai peur que ce soit lui, peur que Jungkook m'ait suivi. Mon cœur s'emballe et cogne dans ma poitrine comme un oiseau affolé.
Je garde les paupières closes, espérant échapper à la réalité, juste un instant. Mais la tentation de savoir est plus forte, alors je les rouvre, lentement. Ce n'est pas lui. Un couple s'en va, main dans la main, et pour un bref moment, la porte reste grande ouverte.
C'est là que je l'entends.
— Quel hasard de te croiser ici aujourd'hui.
C'est Kai. Je le reconnais instantanément. La porte se referme derrière le couple, sa voix s'estompe, et le monde rétrécit à nouveau autour de moi comme une prison aux murs invisibles. Ainsi donc, Kai n'était pas au courant. Quelque part, ça me rassure. Je l'aime bien, et je n'avais pas envie qu'il se soit servi de moi.
Le hasard, a-t-il dit, hein ?
Aujourd'hui, il s'est montré bien cruel...
Je reste un instant le regard perdu sur le trottoir, avant de faire quelque chose qui échappe à mon contrôle.
Je me retourne.
Je me retourne, le cœur battant, pour vérifier ce que je redoutais déjà. Parce qu'à travers la baie vitrée, je les vois. Kai et Jungkook, en train de discuter.
Jungkook s'est levé, et désormais il est planté devant Kai, un sourire accroché aux lèvres. Il se penche vers lui pour lui murmurer quelque chose, et Kai semble légèrement troublé, mais pas suffisamment pour paraître dérangé. Au contraire, il a l'air presque flatté, presque séduit. Comme si tout ça était normal, comme si la situation n'avait rien d'absurde.
Je reste paralysé, et j'ai l'estomac en vrac.
Parce que je comprends tout.
Jungkook est en train de tisser sa toile autour de moi, autour de nous. C'est clair comme de l'eau de roche : il sait exactement ce qu'il fait.
Et je le déteste.
Je le déteste d'une manière viscérale et irrationnelle, de cette haine qui consume tout et qui brûle jusqu'au fond de la gorge. Je le déteste pour le contrôle qu'il a sur moi, sur mes émotions, et pour cette emprise qu'il exerce sans même essayer.
Mais ce que je déteste plus encore, c'est cette part de moi qui ne peut s'empêcher de le regarder, de le scruter, d'essayer de comprendre ce qu'il veut vraiment, et qui il est. De chercher à lire entre les lignes, à déchiffrer les non-dits. Parce que malgré toutes les rumeurs et malgré son attitude qui me hérisse le poil, j'espère encore qu'il y ait quelque chose de plus sous la surface, quelque chose d'autre que cette insolence gratuite.
Je le hais.
Mais je suis aussi fatalement attiré.
Mes ongles s'enfoncent dans ma paume jusqu'à la douleur. Je ne comprends pas ce qui se passe en moi. Chaque fois que je le croise, quelque chose s'éveille, un frisson que je n'arrive pas à maîtriser. J'ai peur que cette attirance me dépasse. Jungkook défie toutes mes attentes, toutes mes frontières.
La vérité, c'est que je suis captivé, et ça m'effraie.
Parce qu'à tout moment, j'aurais dépassé ce point de non-retour où je ne pourrais plus faire marche arrière, plus rien maîtriser...
Je les observe toujours. Ma gorge est sèche. Je devrais partir, aller chercher mon manteau, m'excuser auprès de Kai et simplement m'en aller. Mettre le plus de distance possible entre eux et moi. Mais mes jambes refusent de bouger, comme si elles étaient enracinées. Un masochisme absurde me retient, et m'oblige à continuer de regarder.
Finalement, c'est Kai qui bouge. Il se détourne de Jungkook et se dirige vers la sortie. Mon cœur fait un bond, et je panique. Qu'est-ce que je vais lui dire ? Comment justifier ma fuite ?
Je me replace dos à la vitre et tente d'adopter un air détaché, mais je sais que je ne tromperai personne. La porte du café s'ouvre et Kai apparaît, sa silhouette découpée dans la lumière. Il s'approche.
— Taehyung ? Tout va bien ?
Sa voix est douce, délicate, teintée d'une inquiétude sincère. Je relève la tête vers lui et force un sourire, mais je le sens vaciller au coin de mes lèvres, tremblant comme une flamme prête à s'éteindre.
— Oui, désolé, je... j'avais juste besoin de... prendre l'air.
Mensonge.
Il fait un pas vers moi. Sa main se pose sur mon bras, légère, presque timide, mais le contact me traverse comme un choc électrique. Cette chaleur inattendue, ce geste simple qui devrait me rassurer, me brûle presque.
À travers la baie vitrée derrière lui, je le vois. Jungkook est toujours là, son regard noir planté sur nous. Ses yeux me transpercent.
— C'est la foule ? reprend Kai. J'avoue, c'est un peu bondé ici. Si c'est ça qui te stresse, on peut...
Je secoue la tête avant qu'il n'ait le temps de finir.
— Non, non, c'est...
Les mots se bloquent dans ma gorge et un silence pesant s'installe. Je ne veux pas le dire. Je ne veux pas admettre la vérité.
— C'est parce qu'il est là, c'est ça ?
L'entendre dire ce que je n'ose pas formuler me fait l'effet d'un coup de poing, mais c'est aussi un soulagement de ne pas avoir eu à le prononcer de moi-même. J'inspire, puis j'acquiesce.
Kai ne rétorque rien. Il me fixe, m'évalue en silence, et je sens ses yeux chercher une vérité que je n'ose pas montrer. Mais il ne pose pas de questions. Il n'a pas besoin de les poser. Il a compris. Tout. Ce que je cache. Ce que je redoute. Ce que je refuse d'admettre.
— Je comprends. Reste là, annonce-t-il finalement, un sourire doux accroché à ses lèvres. Je vais chercher nos manteaux et on file ailleurs.
Il sait. Sans que je n'aie besoin de lui expliquer, il sait que la présence de Jungkook me dérange, me trouble et me terrifie d'une manière que je ne saurais expliquer. Peut-être qu'il a l'habitude de ce genre de réaction...
— D'accord, merci, je murmure, la gorge serrée.
Kai disparaît à l'intérieur, et je reste planté là, seul face à mes pensées. À l'intérieur, je vois Jungkook tourner légèrement la tête en suivant le mouvement de Kai, comme s'il sentait que quelque chose lui échappe. Un sourire fugace passe sur ses lèvres alors qu'il me fixe à nouveau, un sourire qui me glace le sang.
Ce sourire, c'est une promesse.
Parce que je le sais, au fond de moi. Loin ou près, ici ou ailleurs, Jungkook me poursuivra. Il me traquera, jusqu'à ce que je cède, que je flanche, que je me brise sous la pression.
Il ne me laissera jamais en paix.
Yoongi avait raison...
Quelques minutes plus tard, nous partons. Kai marche à mes côtés, le pas léger, comme si rien ne pouvait entacher sa bonne humeur. Il a cette capacité étrange à ne pas laisser les choses le marquer, ou du moins, à les cacher derrière des sourires. Moi, je traîne un peu le pas, mes pensées encore encombrées par l'image de Jungkook.
— Allez, viens, propose Kai avec un éclat d'enthousiasme, comme s'il essayait de me tirer d'un mauvais rêve, on va se balader.
J'acquiesce, sans trop réfléchir. Je n'ai pas vraiment envie de rentrer tout de suite. Et rester seul avec mes pensées serait sans doute pire. Alors, on marche côte à côte, les mains enfouies dans nos poches, en silence d'abord, jusqu'à ce que Kai s'arrête soudainement devant la vitrine d'une librairie.
— Oh ! Ça fait longtemps que je voulais venir ici, dit-il, ses yeux pétillant d'excitation. J'ai besoin d'une nouvelle lecture. J'ai l'impression d'avoir fait le tour de tout ce que j'avais chez moi.
Je le suis à l'intérieur. L'odeur familière du papier me frappe aussitôt et me réconforte. J'ai toujours aimé les librairies. J'ai noté sur ma To-do-list de l'année de trouver un job. J'espère secrètement pouvoir décrocher un contrat dans un lieu comme celui-ci.
Kai se met à errer entre les rayons, ses doigts glissant sur les dos des livres avec une curiosité presque religieuse. Je l'observe un moment, puis je me laisse aller à faire de même. Ici, Jungkook n'existe plus. Ici, il n'y a que Kai et moi, deux amis à la recherche d'un trésor caché parmi des centaines de couvertures colorées.
— Tu devrais lire celui-ci, dis-je soudain en attrapant un livre que je connais bien. La métamorphose de Kafka. Un classique.
Kai me regarde, surpris, puis il prend le livre.
— Jamais lu.
— Essaie ?
— Tu penses que ça me plairait ?
— J'espère en tout cas, moi j'ai beaucoup aimé. Et c'est assez court, ça se lit vite.
Il feuillette quelques pages, l'air pensif, avant de relever les yeux vers moi.
— Ok, je le prends. Mais je te préviens, si je n'aime pas, tu devras supporter mes plaintes jusqu'à la fin des temps.
Je ris. Ça fait du bien, ce moment de légèreté après la tension du salon de thé.
— Pour me faire pardonner d'avoir écourté notre moment au Magic Shop, laisse-moi te l'offrir, je propose en tendant la main pour attraper le livre.
— Non, non, proteste Kai, c'est vraiment gentil mais je peux me l'acheter moi-même.
— S'il te plaît, j'insiste. Considère ça comme... comme un merci d'être resté avec moi.
Il me regarde, les yeux hésitants, cherchant une excuse pour refuser encore, mais il finit par soupirer, résigné, et hocher la tête.
— D'accord, mais la prochaine fois, c'est moi qui t'en offre un, ok ?
Je souris et acquiesce. Ce genre de compromis, je l'accepte volontiers. On se dirige vers la caisse, et je sens un poids s'alléger dans ma poitrine. Ce n'est pas grand-chose, juste un petit moment de répit, un instant volé au milieu de la tempête que semble être devenue ma vie ces derniers temps.
Cette vie dans laquelle Jungkook est entré, sans même prendre la peine de s'annoncer.
***
Kai et moi avons été nous poser dans un parc. Nous avons lu et discuté, en évitant de mentionner Jungkook. Il a tenté tout de même de savoir pourquoi ce dernier m'avait mis dans un tel état, mais j'ai coupé court à la conversation en lui disant simplement que j'avais un peu de mal avec lui. La réponse de Kai a laissé une trace dans ma mémoire, et alors que je marche pour rentrer chez moi, je ne fais qu'y penser.
— Laisse-lui une chance. Ce n'est pas quelqu'un de mauvais.
Je n'ai pas su quoi répondre à ça. Lui laisser une chance ? J'ai du mal à voir comment, après tout ce qui s'est passé, il peut y avoir un truc à sauver. Mais, même si je ne veux pas l'admettre, je ne cesse de douter.
Peut-être qu'il a raison.
Que je laisse mes préjugés prendre trop de place.
Mais dans ce cas, pourquoi est-ce que Jungkook me fait autant de mal, juste en étant là, juste en me regardant comme il l'a fait au café ?
Alors que je déambule dans les rues, je sens une tension dans mon corps, une pression qui ne me quitte plus depuis cette conversation. Pourquoi est-ce que tout en moi semble se tendre chaque fois que je pense à Jungkook ? Pourquoi ai-je l'impression qu'une ombre plane sur moi, même quand il est à des kilomètres de distance ?
L'idée de lui laisser une chance est presque impossible. Chaque fois qu'il parle, chaque mot qu'il prononce semble être une arme, un piège soigneusement préparé pour me faire réagir, pour me déstabiliser. Mais est-ce que je ne suis pas simplement trop sensible et trop réactif ? Peut-être qu'il ne fait rien de plus que me montrer qui il est vraiment, sans chercher à me faire du mal. Peut-être que tout ce que je ressens est en grande partie dû à ma propre peur, mes propres doutes, et mes propres projections.
Je secoue la tête en marchant, comme pour chasser toutes ces pensées qui tournent en boucle.
Je suis fatigué.
Fatigué de réfléchir. Fatigué de me perdre dans des suppositions sans fin. À chaque fois que je me rappelle de la façon dont Jungkook m'a regardé, ou à ce qu'il a dit, je sens une rage monter en moi, et je me demande si je suis prêt à affronter ça, à laisser une chance à quelqu'un qui me fait me sentir aussi vulnérable.
Je sais que tout ça n'est pas facile. Les gens ne sont jamais ce qu'ils semblent être à première vue. Mais est-ce que je veux vraiment découvrir ce que Jungkook cache derrière son sourire provocateur et son regard perçant ? Est-ce que je suis prêt à m'aventurer dans un terrain aussi incertain ?
Je ne sais pas.
Je rentre enfin dans l'appartement, le pas trainant. Il doit être 19h. La lumière qui filtre par les fenêtres se teinte déjà d'une nuance dorée, et le soleil est prêt à disparaître derrière l'horizon, ne laissant que l'ombre du soir s'installer.
Hayun est là. Elle prépare sa soirée.
Elle me salue rapidement, me demande une dernière fois si je suis certain de ne pas avoir envie d'y participer, et après lui avoir affirmé que c'était le cas, je file dans ma chambre, refermant doucement la porte derrière moi. Je prends mon pyjama, avant de me rendre jusqu'à la salle de bain en évitant les regards de ma colocataire.
Elle a du remarquer mon air un peu absent, mais honnêtement, je n'ai pas envie de lui expliquer. Sans compter qu'elle connait Jungkook, et pour l'avoir vu se disputer avec Yoongi à son sujet, je ne veux pas qu'elle lui donne raison face à moi.
Ce serait trop dur à encaisser.
C'est plus facile de le détester.
Dans des gestes mécaniques, je retire mes vêtements avant de m'enfermer dans la douche. L'eau chaude me brûle la peau, mais j'ai la sensation qu'elle me débarrasse de ce qui me colle, de cette tension qui est toujours là. Les gouttes frappent la baignoire en rythme, comme un battement de cœur effréné.
J'essaie de ne pas penser à lui.
Je veux m'échapper de son image, de ses yeux me fixant avec cet air qu'il a toujours, comme s'il savait exactement où me toucher pour m'atteindre. J'ai vu ses lèvres s'effleurer celles de cette fille, et pourtant, c'est son regard qui m'a marqué.
Il a fait ça pour me défier.
Ce n'était pas juste un baiser, c'était un message. Il me l'a dit d'une manière que j'ai parfaitement comprise. Il me l'a dit avec cette intensité, avec cette provocation qu'il cache si bien derrière son sourire.
Je veux l'oublier.
Je me frotte le visage sous l'eau, m'efforçant de chasser ces pensées.
En sortant, l'air plus frais de l'appartement me fait du bien. Je porte un t-shirt large et un jogging gris, et toujours en évitant Hayun qui semble attendre ses invités, je file chercher un bol de riz dans la cuisine et retourne m'enfermer dans ma chambre.
La journée a été trop longue, trop étrange. Ce soir, il faut juste que je me concentre, que je m'évade dans mes révisions. J'ai besoin d'une distraction. Un mot après l'autre, une phrase après l'autre, je me replonge dans mes bouquins. J'en ai besoin.
Au fil des minutes, les invités arrivent, je les entends. Mais ce n'est pas ce qui m'angoisse. Non. C'est de savoir si Jungkook sera là qui me déstabilise. Le simple fait de l'imaginer dans cet appartement, dans cette pièce si proche de ma chambre, me serre la gorge.
S'il vient, il sera à quelques mètres de moi, et je n'ai pas envie de l'envisager.
Je me concentre sur mes révisions.
Oui, c'est ça. Je dois réviser.
Je dois arrêter de penser à lui.
Vers 21h30, la sonnette de l'entrée cesse de retentir. Tout le monde doit être arrivé. Je ne prête même plus attention à leur rires étouffés. Tout ce que je sais, c'est que les heures passent sans que je m'en aperçoive. À mesure que je suis perdu dans mes livres, je me sens presque soulagé. C'est comme si le temps ne m'appartenait plus, comme si je pouvais enfin échapper à tout ça. Je me sens bien dans mon cocon, loin des conversations du salon.
Après des heures de révision, je m'étire sur ma chaise puis je me lève pour aller chercher un livre sur l'étagère, histoire de faire une petite pause lecture avant d'aller me coucher.
C'est à l'instant où mes doigts touchent le dos d'un ouvrage que la porte s'ouvre brusquement.
Je me fige. Et là, je le vois.
Lui.
Jungkook.
Le regard qu'il pose sur moi me déstabilise.
— Ah merde, la chambre de Hayun était à côté, c'est ça ? lâche-t-il d'un ton faussement innocent, comme s'il venait d'entrer par erreur.
Mais ce n'est pas une erreur. Je sens bien qu'il n'est pas là par accident.
Est-ce qu'il me cherchait ?
Il avance sans demander la permission, un sourire étendu sur ses lèvres. Il jette un coup d'œil sur ma chambre, prenant note de chaque détail, comme s'il cherchait quelque chose. Puis il referme la porte derrière lui.
— Ah ouais, deuxième porte dans le couloir. Oups, je me suis trompé, murmure-t-il avant de se diriger vers le lit et de s'y installer.
Un frisson désagréable me traverse. Il s'assoit et se laisse tomber sur le matelas, un air de satisfaction sur le visage. Comme si ce lit était aussi le sien, comme si cet endroit m'appartenait à moitié, et qu'il était là pour en revendiquer la dernière parcelle.
— Alors c'est à ça que ressemble la chambre d'un accro aux bouquins ? dit-il, le ton moqueur.
Je serre les poings,. Il m'énerve, il m'agace, mais je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il cherche ici. Je ne veux pas qu'il soit là. Je ne veux pas qu'il détruise encore cette barrière fragile que j'ai construite autour de moi.
— Sors de ma chambre.
Il me fixe, impassible. Je m'approche d'un pas, mais il ne bouge pas. Il reste simplement là, une lueur d'amusement dans les yeux.
— Empêche moi de rester, prononce-t-il en souriant, comme s'il trouvait tout ça drôle.
— Sors.
— Je suis bien ici.
— Tu as bu ?
Il sent un peu l'alcool.
— Pas assez pour ne pas remarquer que tu tries tes bouquins par couleurs.
— Je...
J'ai envie de hurler. Il me pousse à bout. Et il le fait exprès.
— Jungkook. Sors de ma chambre.
— Fais-moi sortir ?
J'inspire, puis m'avance. Il relève le menton et m'observe d'un air que je n'arrive pas à comprendre. C'est de la curiosité ? Il s'amuse ? Se joue de moi ?
— Vas-y Taehyung. Approche.
Je saisis son poignet, et je tire. Mais il est lourd, et il résiste.
— Sors...
Je tire encore.
— ...de ma chambre.
Puis, soudain, il tire d'un coup sec, et je lui tombe dessus, comme un idiot. Je me retrouve allongé sur lui, mon visage à quelques centimètres du sien, et dans cette position, je sens presque son souffle percuter le mien.
Il éclate de rire.
J'aimerais bouger, mais j'en suis incapable. Je suis cloué sur place, mon ventre contre le sien, que je sens vibrer alors qu'il rit encore.
Mes doigts, toujours autour de ses poignets, serrent fort.
— Alors, ça t'a plu, cet après-midi ? demande-t-il.
Je fronce les sourcils. Pourquoi il me pose cette question ? Pourquoi me fait-il repenser à cette scène alors que je me suis démené pour l'oublier ?
— De quoi tu parles ?
— Oh, Taehyung, tu mens très mal.
Le baiser.
Il parle du baiser.
Évidemment.
— C'était pour quoi, te moquer de moi ?
Il secoue lentement la tête.
— Pour me provoquer alors ?
Il me regarde, et un sourire se forme lentement sur ses lèvres. C'est un sourire qui cache mille choses, un sourire qui fait écho à des secrets trop lourds pour être dits à voix haute. Et puis, dans un souffle, presque un murmure, il répond, énigmatique :
— Peut-être que je veux voir jusqu'où tu es prêt à aller pour m'arrêter.
La provocation dans ses yeux est insoutenable. Je suis piégé contre lui quand bien même je n'aurais qu'à reculer pour m'éloigner.
Mais je reste.
Je reste envers et contre tout ce qui me donne envie de fuir.
Le souffle court, la colère bat à mes tempes. Son sourire ne faiblit pas, au contraire, il s'élargit, comme s'il se délectait de mon impuissance et de ma rage contenue.
— Jusqu'où je suis prêt à aller ? je répète, incrédule, ma voix tremblante de frustration.
Il ne répond pas immédiatement. Il prend son temps, observe mes lèvres comme s'il pouvait lire en moi des réponses que je ne lui donnerai jamais. Je sens mon cœur battre si fort qu'il pourrait éclater. Tout est silencieux autour de nous, comme si le monde entier s'était figé dans cet instant précis, suspendu entre provocation et défi.
Puis, doucement, Jungkook se redresse, m'obligeant à reculer. Je me lève, les joues roses de honte.
— Jusqu'où tu iras pour te débarrasser de moi.
Ses mots me brûlent, comme s'il venait d'allumer un feu sous ma peau.
Je le fixe, les yeux écarquillés. Il me déstabilise. Je veux le haïr, je veux le repousser, mais il y a cette part de moi, infime mais bien présente, qui veut comprendre. Qui veut savoir pourquoi il me fait ça, pourquoi il prend un tel plaisir à me faire perdre pied.
Alors je le lui demande.
— Pourquoi ?
Son sourire s'efface légèrement, remplacé par une expression indéchiffrable. Il penche la tête sur le côté, ses yeux plongés dans les miens, cherchant peut-être une réponse que je ne connais pas moi-même.
— Pourquoi pas.
— Tu t'amuses avec moi, pas vrai ? C'est... c'est cruel.
— Cruel ? répète-t-il en haussant un sourcil, comme si le mot ne faisait pas sens pour lui.
— Oui, cruel, je ne t'ai rien fait.
— Tu m'as provoqué.
— Tu l'as cherché.
— Ah vraiment ?
Je sens la colère monter, cette fois sans retenue. Je veux qu'il parte, qu'il sorte de ma chambre, de ma vie. Mais il reste là, imperturbable, comme s'il avait tout le temps du monde.
— C'est toi qui es venu ici, qui t'es imposé dans ma tête... Pourquoi tu fais ça ? Qu'est ce que tu veux ?
On tourne en rond depuis des jours, lui et moi. À se renvoyer la balle. À se demander ce que l'autre cherche. Je lui ai demandé, il me l'a redemandé, et me voilà à recommencer. Parce que la vérité, c'est qu'aucun de nous deux n'a jamais réellement répondu à cette question.
Il se lève, finalement. Lentement, presque paresseusement, comme s'il savourait ma colère et ma confusion. Il se dirige vers la porte, mais avant de l'ouvrir, il se retourne vers moi, son regard à nouveau brûlant.
— Ce que je veux ?
Je cesse de respirer, et hoche simplement la tête.
— Des réponses, annonce-t-il, la voix sombre. Et que tu arrêtes de fuir.
Puis, sans un mot de plus, il ouvre la porte et disparaît dans le couloir, me laissant seul, pantelant, le cœur battant à tout rompre. Je me laisse tomber sur le lit, les yeux fixés au plafond, le souffle encore court.
Que j'arrête de fuir ?
Ses mots résonnent dans ma tête et m'étouffent comme une vague qui refuse de se retirer.
Que j'arrête de fuir...
Je me retrouve cloué au lit, l'esprit en ébullition, comme si une tempête avait éclaté à l'intérieur de moi. Ce n'est pas la première fois que Jungkook me laisse dans cet état, mais ce soir, c'est différent. Ce soir, ses mots ont brisé quelque chose, ont laissé une fissure que je ne sais pas comment refermer.
Des réponses. Que je cesse de fuir.
Mais de quoi ? De lui ? De ce que je ressens ?
Je me redresse lentement, comme si chaque mouvement nécessitait un effort colossal. Mes doigts tremblent, et je sens encore la chaleur de son corps contre le mien, son rire vibrant contre ma poitrine. Il a laissé son empreinte partout en moi, comme une brûlure dont je ne peux me débarrasser.
Pourquoi est-ce que tout est toujours un jeu avec lui ? Pourquoi est-ce que chaque mot, chaque geste est un piège, une provocation ? Et pire encore, pourquoi est-ce que je me laisse prendre à chaque fois ?
Je passe une main dans mes cheveux, essayant de calmer la tempête intérieure. Mais rien n'y fait. Je suis piégé, exactement comme il le veut. Jungkook sait exactement où frapper, où appuyer pour me déstabiliser. Et moi, je me retrouve tout le temps sur le fil du rasoir, oscillant entre colère et fascination.
Je me lève finalement, traînant les pieds jusqu'à la fenêtre. Dehors, les lumières de la ville sont allumées, mais tout semble flou. J'appuie mon front contre la vitre froide, cherchant un semblant de réconfort dans ce contraste glacé.
Qu'est-ce qu'il attend vraiment de moi ?
Il parle de réponses, mais moi aussi j'en veux, des réponses. Je veux comprendre pourquoi il joue à ce jeu cruel. Pourquoi il se plaît à m'attirer pour mieux me repousser. Est-ce qu'il cherche simplement à me briser ? Ou est-ce qu'il y a quelque chose de plus, quelque chose que je ne vois pas ?
Ou que je refuse de voir ?
Je ferme les yeux, me forçant à respirer lentement, profondément. Mais même là, dans ce silence que j'essaie de créer, son image s'impose à moi. Ses yeux sombres, son sourire énigmatique, son regard brûlant qui semble toujours vouloir me défier.
Peut-être qu'il a raison. Peut-être que je fuis.
Mais que suis-je censé affronter ? Mes propres sentiments ? Cette attraction insensée que je refuse d'admettre ?
Je serre les poings, décidé à ne pas me laisser abattre. Il veut des réponses ? Très bien. Mais je ne lui offrirai pas la satisfaction de me voir céder si facilement.
Je me détourne de la fenêtre, l'esprit plus clair, bien que toujours agité. Je ne sais pas encore comment je vais affronter Jungkook, ni ce qu'il cherche réellement, mais une chose est sûre : je ne le laisserai plus me dicter mes réactions.
Ce soir, il a peut-être gagné une bataille, mais la guerre est loin d'être terminée.
Je m'assoie à mon bureau, saisissant un stylo, espérant que le bruit de la pointe sur le papier puisse calmer mon esprit tourmenté. Mais même alors que j'essaie de me concentrer sur mes notes de cours, je sais que la tornade qu'il a provoquée en moi ne s'éteindra pas facilement.
Demain, il sera encore là, avec ses questions, ses sourires en coin, et ses provocations.
Demain, il faudra que je trouve la force de ne pas céder.
Mais ce soir, seul dans ma chambre, je laisse les doutes m'envahir. Parce que la vérité, c'est que malgré tout ce que je dis, malgré tout ce que j'essaie de croire, il me fascine autant qu'il me terrifie.
Peut-être que c'est ça, le problème.
Je ne le déteste pas autant que je voudrais.
Et c'est cette réalité-là, plus que tout le reste, que je me refuse encore à affronter.
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Dites-moi tout ! Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De ce rapprochement, et surtout, de la phrase énigmatique de Jungkook à la fin eheh
Je tenais aussi à vous tenir informer que jusqu'au 9 décembre je vais être un peu plus lent dans les publications de Poem. Tout du moins j'espère ne pas l'être, mais je ne peux rien garantir. Je bosse à fond sur Paper heart, et je suis actuellement en train de faire le plan détaillé du Tome 2 en plus de bosser sur les corrections édito du Tome 1. Je dois le rendre à mon éditrice le 9 décembre, ce qui me laisse peu de temps, alors je vais faire mon possible mais je ne sais pas encore comment ça va se passer.
Promis je ne vais pas non plus trainer, mais il se peut qu'au lieu des samedis, je poste tous les 8-9 jours. Je vais tout donner. Mais forcément puisque PH est éditée, cette histoire reste ma priorité.
Je vous dis à très vite pour le chapitre 11 ! Je vous tiendrai au courant sur insta de quand je le posterai <3 (j'espère parvenir à l'écrire pour samedi)
Plein de bisous !!
Ily <3
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