Chapitre 4
Je souffle un bon coup et passe les portes-tambour. Mon regard est partout à la fois. Le hall est immense et sa décoration exclusivement blanche le rend encore plus impressionnant. Je me faufile parmi les gens qui défilent puis me dirige vers l'accueil. Mince, il ne m'a même pas donné son nom. Je m'approche de l'hôtesse, une jeune femme blonde d'à peu près vingt-cinq ans. Son accueil est chaleureux.
— Bonjour, puis-je vous aider ?
— Bonjour, oui... J'ai rendez-vous avec Seth..., expliqué-je hésitante. Je suis désolée, il ne m'a pas donné son nom de famille.
Son sourire se fige et elle change totalement de comportement.
— Je vais le prévenir, me dit-elle sèchement. Qui dois-je annoncer ?
— Vous n'avez qu'à lui dire que c'est Maxime.
— Maxime ? me demande-t-elle en haussant un sourcil.
Oui, Maxime. Qu'est-ce qu'elle a, Blondie ?
Je ne réponds pas et la regarde composer le numéro en appuyant violemment sur les touches. Ma bouche se pince pour retenir un rire. D'accord, je ne suis pas du genre moqueuse, mais il faut dire que là, il y a de la matière. Je m'éloigne un peu afin de la laisser faire son travail. Au bout de quelques secondes, elle se racle la gorge et je me retourne.
— Monsieur Wes va vous recevoir, me dit-elle froidement.
Mon sourire disparaît et mes yeux s'écarquillent. Wes ? Comme dans « Wes Industrie » ? Je baisse le regard sur ma tenue et là, tout de suite, j'ai envie de creuser un trou et de m'y enfoncer.
Je lui souris aimablement et elle contourne le comptoir avant de m'accompagner jusqu'à l'ascenseur.
— Quand vous arriverez au bon étage, présentez-vous à sa secrétaire.
Je hoche la tête et entre dans la cabine. Mes yeux analysent mon reflet dans le miroir et je ne peux que constater que ma tenue laisse à désirer. Moi qui pensais que c'était une petite entreprise... Si j'avais su, j'aurais mis un truc un peu plus classe.
Non, si j'avais su, je ne lui aurais même pas envoyé un message.
Je soupire et essaie de me donner meilleure allure. Je recoiffe mes cheveux et tente de défroisser au maximum ma tenue, composée d'un simple pantalon noir, d'une chemise blanche et d'une petite veste cintrée. Rien de bien anormal pour un entretien, mais la couleur noire s'est délavée avec le temps et je me sens honteuse de venir ainsi pour un entretien à la Wes Industries. L'une des plus grosses sociétés françaises. Ils exportent à travers le monde des composants électroniques dernier cri, destinés aux domaines de l'automobile, de l'aéronautique et de la téléphonie. L'une des sociétés les plus rentables du pays et moi je me ramène comme si j'allais passer un entretien dans un vulgaire fast-food.
Les étages défilent vite. Bien trop vite. Le "ding" m'avertit que je suis arrivée et mon souffle s'arrête. Le dernier étage, le quarantième, rien que ça. Je sors, mal à l'aise, et m'approche de la secrétaire.
— Bonjour, je suis attendue par Monsieur Wes.
Celle-ci me regarde, souriante. Elle m'a l'air bien plus sympathique que Blondie.
— Très bien, installez-vous. Monsieur Wes est en rendez-vous, mais il vous recevra ensuite.
Je remercie Marie, comme l'indique son badge, et prends place sur un fauteuil. Mes yeux analysent cet environnement et observent attentivement le mobilier. Tout a l'air fait de matériaux nobles : du marbre et du bois de qualité, aux finitions précises. Que ce soient les meubles, les murs ou le sol, tout respire le luxe.
Plus j'observe autour de moi, moins je me sens à ma place. Seth sort de son bureau avec un homme et se dirige vers une porte de l'autre côté du couloir. Un soupir m'échappe. Je n'ai vraiment rien à faire ici. Je me dirige vers la secrétaire sans faire de bruit.
— Excusez-moi, pouvez-vous dire à Monsieur Wes que j'ai eu un empêchement ?
Elle me sourit aimablement, tout en confirmant d'un signe de tête et je me retire.
Je me retrouve dans l'ascenseur et celui-ci redescend. Je sors et traverse le hall sans un regard pour la demoiselle à l'accueil. Une fois dehors, l'air que je retenais sort de mes poumons dans une longue expiration. Mon cœur bat la chamade et je mets quelques minutes à retrouver mon calme. Mes pas me guident jusqu'au métro et je retourne à l'école, afin de m'entraîner un peu.
Quand j'arrive sur place, mon téléphone me signale l'arrivée d'un nouveau message de Julia.
[Ju : T'étais où à midi ?]
[Partie pour un entretien.]
[Ju : Alors ?]
[Pas concluant.]
[Ju : Tu finiras par trouver!]
Je me dirige vers le gardien, afin de récupérer les clés d'une salle de danse libre. Je trouve rapidement la salle et me dirige vers les vestiaires où je me change et range mon sac. Je vais danser un peu, ça me fera du bien. Malheureusement, aujourd'hui, mes pas sont lourds. Mes muscles sont courbaturés et n'arrivent à rien. Le stress s'empare de mes forces, c'est toujours la même chose. Ma danse devient médiocre. Voyant que je n'arrive à rien, je décide d'arrêter là, après quelques enchaînements seulement.
Je fonce sous la douche et me détends sous le jet brûlant. Mon téléphone sonne à plusieurs reprises, mais je préfère profiter de mon instant de détente. L'eau froide me contraint finalement à sortir plus tôt qu'espéré. Je me sèche et attrape mon téléphone.
Il y a plusieurs appels manqués de Seth. Mes doigts parcourent l'écran pour lui écrire un message.
[Je suis désolée, j'ai eu un empêchement.]
Je repose mon téléphone, m'habille et me sèche les cheveux.
Quinze minutes plus tard, je traverse la cour. L'école est quasiment déserte, les cours ont généralement lieu le matin, et l'après-midi, les élèves profitent de leur temps libre pour s'entraîner. Le semestre venant tout juste de commencer, il n'y a pas foule. Je regarde l'heure sur mon téléphone et me dis que j'ai le temps de faire quelques courses avant de rentrer. Au moment où je relève la tête, mon corps percute quelqu'un.
— Toujours au milieu à ce que je vois.
Je me fige en reconnaissant ce timbre de voix.
— Monsieur Wes ? Qu'est-ce que...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il m'attrape le bras et me traîne derrière lui.
— Qu'est-ce que vous faites ? m'affolé-je.
Depuis que je sais qu'il est l'héritier d'un tel empire, j'ai du mal à le tutoyer. Sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit, je me retrouve dans sa voiture. Avec chauffeur, excusez du peu. Il referme la portière derrière moi et fait le tour de la voiture. Il entre à son tour. Je m'assois correctement et croise son regard.
Seth n'a vraiment pas l'air content et je sais que c'est de ma faute.
— Je suis désolée, j'avais un empêchement, m'empressé-je d'expliquer.
— Ma secrétaire m'a notifié que tu t'es présentée. Mais bizarrement, quand j'avais fini mon rendez-vous, plus personne !
— C'est courant de courir après les candidats ? lui demandé-je dubitative.
— Réponds-moi.
Son ton est calme, mais il n'appelle pas à la rébellion.
— Je me suis sentie à l'étroit. Votre entreprise, ce n'est pas un monde pour moi.
— C'est à dire ?
— Je suis quelqu'un de simple, tous ces gens guindés, leurs sourires pincés, même les secrétaires sont désagréables. Sauf Marie.
— Marie ? me demande-t-il perdu.
Je lève les yeux au ciel.
— Voilà, c'est de ça que je veux parler. Vous ne connaissez même pas le nom de votre propre secrétaire, lui dis-je, effarée.
Il se passe la main dans les cheveux.
— Elle vient d'arriver.
Je n'en crois pas un mot.
— Quand ?
Mon regard suspicieux doit l'inciter à me dire la vérité.
— Il y a tout juste deux mois.
— C'est affligeant. Je n'ai vraiment pas envie de travailler dans une entreprise où les autres me toiseront. Comme vous, lorsque tu vous m'avez traitée de débile.
— Je n'ai pas dit ça !
Je le regarde de travers, lui intimant de ne pas se moquer de moi.
— D'accord, mais pas dans ces termes-là, ajoute-t-il amusé.
Je me détends et me mets à sourire aussi.
— Je vais te trouver un poste, tu seras tranquille et personne ne t'embêtera.
— Je n'ai pas dit ça non plus.
— T'as vraiment besoin de travailler ?
— Plus que jamais, soupiré-je.
Je lui raconte la mésaventure de mon dossier boursier et il semble concerné par mon problème. Il me demande de le retrouver dès le lendemain et m'indique qu'il me fera signer un contrat. Je le remercie et redescends de sa voiture.
— Maxime ?
Je me retourne dans sa direction, il est sorti de sa voiture et s'est accoudé à la portière.
— Ne m'appelle plus Monsieur Wes. Et arrête avec "vous". Je pense qu'on a dépassé ce stade.
La porte se ferme et la voiture démarre, me laissant pensive.
Le lendemain matin, le cours se passe bien et j'ai retrouvé mon énergie. Je danse avec plus de passion que jamais et je finis le cours, fière de moi.
Je retourne aux vestiaires et prends une douche en même temps que mes camarades. Quand j'en sors, il n'y a plus personne. En arrivant à mon casier, je réalise que celui-ci a été vidé. J'ai beau chercher, impossible de mettre la main dessus. Mon casier ouvert est vide. Pauline... Je suis sûre que c'est elle. Je récupère mon téléphone que j'avais laissé sous ma serviette, heureusement, et essaie de joindre Julia. Elle ne me répond pas, alors je la harcèle de messages.
Dix minutes passent, puis vingt, puis une heure s'est écoulée. Une heure que je suis là, en serviette au milieu des vestiaires. Personne ne revient et de toute manière, je n'oserais pas leur demander de l'aide. Quand mon téléphone sonne enfin, je me précipite pour le récupérer. Seth.. Mince, je refuse l'appel et tente à nouveau de joindre Julia.
Au bout de trois tonalités, elle répond enfin.
— Salut, toi !
— Ju', tu n'as pas eu mes messages ?
— Quoi ? Quand ?
— Ça fait une heure que je te harcèle. Je suis en serviette dans les vestiaires ! On m'a volé mes fringues. J'étais censée avoir un entretien, expliqué-je mortifiée.
— Quoi ? Qui est la p..., commence-t-elle à s'énerver.
Je mets ma main sur le combiné pour ne pas l'entendre hurler toutes sortes de noms d'oiseaux.
— Julia ! la coupé-je.
— Pardon. J'arrive.
Nous raccrochons et j'en profite pour envoyer un message à Wes.
[Je suis vraiment désolée, j'ai vraiment eu un empêchement cette fois. Je me dépêche.]
Sa réponse ne se fait pas attendre. Un simple "D'accord".
Julia arrive vingt minutes plus tard et me passe un sac. Je rentre dans une cabine et me change, mais quand j'en sors, je la fusille du regard.
La tenue qu'elle m'a passée ne me convient pas du tout. Un chemisier blanc à la limite du transparent, une jupe crayon taille haute et une paire d'escarpins.
— Quoi ? T'avais pas un entretien ? se défend-elle sous mon regard hargneux.
— Si Julia, si... mais pas comme ça, lui dis-je en me désignant.
— Tu feras bonne impression, tu es trop sexy !
— Justement, il ne va rien comprendre. À chaque fois qu'il m'a vue j'avais un style beaucoup plus classique. Il va croire que je le fais exprès.
— Mais non, mais non. Allez, file, tu es déjà en retard.
Elle me tape les fesses et je m'échappe rapidement pour prendre le métro.
Arrivée devant la tour, je m'engouffre dans les portes-tambour. Je m'annonce à l'accueil et blondie, toujours aussi désagréable, m'invite à monter.
En sortant de l'ascenseur au quarantième étage, je prends la direction du bureau de Marie. C'est vrai qu'habillée ainsi, j'ai l'impression de moins détonner.
Il n'y a personne à l'accueil, alors je décide de patienter sur les chaises. L'attente est longue et mes pieds commencent à agoniser. Je suis en train de retirer mes chaussures pour les masser quand la porte du bureau de Wes s'ouvre. Je remets mes chaussures et me relève gauchement.
— Wes, je suis désolée, j'ai...
Je stoppe ma phrase quand je le vois m'observer avec attention. Il ne se gêne pas et m'analyse de la tête aux pieds. Je le vois se pincer les lèvres. Pourquoi ? Retenir un rire ? Mais oui, il se moque de moi.
— Ne plaisantez pas, je n'ai pas eu le choix. J'ai eu un accident avec mes vêtements, ne puis-je m'empêcher de me justifier.
— Ça ne te ressemble tellement pas, se moque-t-il.
Puis il éclate de rire. J'attends patiemment qu'il ait terminé et que monsieur se reprenne. Mais visiblement, ce n'est pas le cas. Dès qu'il s'arrête, ça recommence.
— Vous devenez vexant, Wes...
Il se racle la gorge et tente de retrouver son calme. Son visage reprend une expression sérieuse, mais, très vite, un sourire vient étirer ses lèvres et il repart dans un fou rire. Voyant qu'il ne parvient pas à garder son calme, il me fait signe d'attendre et retourne dans son bureau. Je veux bien être patiente, mais cette journée est déjà assez merdique comme ça. Il n'a vraiment pas besoin d'en rajouter.
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