Chapitre 31

Je suis devant la porte. Quand il m'a donné sa carte, je l'ai envoyé balader. Mais la vérité, c'est qu'aujourd'hui, j'ai désespérément besoin de lui. Il est déjà tard et je ne sais pas s'il sera encore là. Le courage me manque. Celui de demander de l'aide. Alors j'attends. Les rues commencent à se remplir. Les gens rentrent chez eux. Et moi, je reste là. Face à ce mur décrépi. Le temps est passé par là. Je me dis qu'un jour, cette façade a dû être blanche, propre, neuve et qu'aujourd'hui, la couleur s'est ternie. Les gens défilent et j'ai l'impression d'être invisible. J'ai le sentiment de ne plus faire partie de ce monde.

— Maxime ?

Je ne l'avais pas vu sortir, perdue dans mes pensées. Je relève ma tête et il me regarde avec inquiétude.

— Tout va bien ?

— J'ai besoin de vous, j'ai peur, avoué-je désespérée.

Je ne m'embarrasse pas de politesse ni d'un bonjour. Je lâche mon aveu, avant qu'il ne se fasse la malle.

— Suivez-moi, on va en discuter à l'intérieur.

Après ce qu'il s'est passé avec Seth, je suis obligée d'admettre que j'ai un problème. Je ne peux pas vivre ainsi, c'est impossible. J'ai rencontré le docteur Legrand à deux reprises. Il est psychiatre, mais naïve comme j'étais, je pensais que je pourrais m'en sortir seule, avec une simple psychothérapie. Enfin, je commence à croire qu'en fait, je ne voulais pas m'en sortir. Je voulais me laisser couler, lentement.

Je suis le docteur Legrand et entre dans son bureau.

— Assieds-toi et raconte-moi tout.

Son ton est doux, compatissant. Je prends place sur une chaise et joue avec mes doigts. Tout est confus dans ma tête, tout se mélange. Le bon et le mauvais. Le désir de vivre se bat avec celui de tout arrêter là.

— Je commence à abandonner la partie. Je... J'ai des idées noires. Je commence à me dire que je voudrais plutôt mourir que de laisser la maladie suivre son cours. Si mon petit-ami n'était pas rentré au bon moment, je ne sais pas ce que j'aurais fait, docteur. J'avais ce couteau en main et je me voyais abandonner. Comment on peut faire ça ? Comment on peut s'infliger ça ? Comment on peut imposer ça aux autres ?

Il acquiesce doucement.

— J'ai peur de mourir, mais j'ai encore plus peur de vivre. Cette peur-là ne me quitte pas. C'est un poison, docteur. Un poison qui me tue encore plus vite que la maladie. Je suis en train de devenir folle.

Je finis ma tirade fatiguée, j'ai les nerfs en pelote. Je suis à fleur de peau, nerveuse, irritée et désespérée. J'ai l'impression d'agoniser, de couler et de ne jamais toucher le fond. Chaque journée démarre avec une boule au ventre qui grossit encore plus chaque jour, une oppression qui m'empêche de respirer.

— Maxime... Sache que ta réaction n'est pas anormale. Tu as vingt et un ans et tu viens d'apprendre que ta vie allait considérablement changer... Tu es en droit d'aller mal. Mais on peut t'aider, me rassure-t-il.

— S'il vous plaît.

S'il vous plaît, aidez-moi. Sauvez-moi. Ne me laissez pas comme ça.

Les larmes ont commencé à couler d'elles-mêmes.

— Je n'en peux plus, je passe mon temps à pleurer, dis-je en séchant mes joues d'un geste presque rageur. Je ne mange plus, je ne dors plus. Je fais des cauchemars dès que mes yeux se ferment. Je sais que je vous ai dit que je n'en avais pas besoin, mais je suis prête à tout pour sortir de ce gouffre sans fond. J'ai l'impression de suffoquer, docteur.

— Bien, je vais te prescrire un traitement, puis on va mettre en place une psychothérapie importante. Tu peux oublier le rendez-vous mensuel. Je dirais que deux fois par semaine devraient suffire pour l'instant. On ajustera s'il y a besoin, d'accord ?

— Oui, dis-je la voix enrouée.

— On commence dès demain. On n'attend plus. Maxime, tu as encore de belles années à vivre. Ne laisse pas la maladie tout t'enlever.

— Vous croyez que je peux y arriver ? lui demandé-je soucieuse.

J'ai besoin qu'on me dise que tout n'est pas perdu, j'ai besoin qu'on m'assure que j'arriverai à sortir de cette bulle sans oxygène.

— Tu es là, non ?

— Oui...

— Alors tu as fait le plus dur, m'assure-t-il confiant.

Je reste encore dix minutes dans son bureau, nous fixons le prochain rendez-vous et parlons de l'accompagnement dont j'ai besoin. Une fois dehors, je ne sais pas ce que je ressens, là, maintenant. Je ne sais pas si je suis soulagée ou effrayée.

Comme me l'a demandé le docteur Legrand, je n'attends pas. Je m'arrête à la pharmacie à côté de chez moi et récupère mon traitement. Je baisse les yeux, honteuse. Oui, honteuse, d'avoir besoin de prendre des cachets pour ne pas sombrer, honteuse de me sentir si faible. Je n'ai jamais vraiment fait attention à ce que les gens pouvaient penser de moi mais, pour être honnête, je n'en avais pas besoin, tout allait bien. L'infirmière me presse la main, faisant redresser ma tête. Mon regard tombe sur son sourire réconfortant. Elle me tend le petit sac et c'est avec plus de confiance que je le prends. Mes lèvres s'étirent dans un sourire reconnaissant et je quitte la pharmacie.

Le métro me conduit et j'arrive rapidement chez Seth. Il m'est à présent, impossible de prendre les escaliers à cause de mes béquilles, alors je dois attendre l'ascenseur. C'est une des choses au quotidien qui m'agace le plus. Je voudrais courir le retrouver, mais je suis condamnée à attendre cette cabine. Heureusement, les portes s'ouvrent rapidement et je me retrouve très vite au bon étage.

Un soupir m'échappe et mes doigts insèrent la clé afin d'ouvrir la porte. Seth me l'a donnée la semaine dernière. Quand je l'ouvre, je rentre doucement. Le silence est assourdissant, seulement interrompu par le claquement de mes béquilles. Je referme la porte, enlève mon blouson et le pose sur une chaise. Mon sac, quant à lui, vient s'échouer sur la table. Je relève la tête et mon regard trouve celui de Seth, il est sur le canapé, le visage grave ou inquiet. Je ne sais pas. Mes béquilles me soutiennent tandis que je commence à le rejoindre.

— T'étais où ?

D'accord, donc c'était plutôt grave. Mes pas s'arrêtent tant son ton me surprend, il paraît en colère. Je ne sais pas quoi lui répondre, je suis trop étonnée par sa réaction.

— S'il te plaît, dis-moi que tu n'es pas allée le voir ?

— Voir qui ? demandé-je perdue.

— Mon père putain, Max, s'agace-t-il.

— Comment tu sais ?

— J'ai trouvé la carte, je suis allé le voir. Dis-moi que tu as refusé son aide. Dis-moi que tu n'y penses pas sérieusement, ajoute-t-il avant de se lever.

— Non, bien sûr que non, dis-je, paniquée. Je ne compte pas aller le voir. Il en est hors de question. Je suis allée voir un psy. C'est tout.

Il soupire, soulagé, et en deux enjambées se retrouve devant moi. Il attrape mes béquilles et les jette au sol. Ses mains agrippent mes fesses pour me soulever.

— Seth ?

— Je t'aime, Max.

Je souris face à sa démonstration. Je souris devant cet homme arrogant, prétentieux, enfantin, immature, mais tellement plus aussi. Il est prévenant, rassurant, honnête et je donnerai ma vie pour lui. Je fixe son visage, grain de peau après grain de peau, chaque parcelle y passe. J'observe chacun de ses traits, chacune de ses rides d'expression et, bientôt, mon regard remonte vers le sien. Ses yeux pétillent, ils ne sont pas tristes. Ils sont amoureux. Il me sourit et je me demande si moi aussi j'ai cet air niais sur le visage. Est-ce que lui aussi peut lire dans mon regard à quel point je l'aime ?

— Arrête de me dévisager comme ça.

Sa voix est basse, rauque. Juste ça, juste sa voix suffit à allumer une étincelle. Un petit feu qui pourrait vite se transformer en brasier.

— Je ne te dévisage pas, dis-je la voix peu assurée.

Nos regards voyagent de nos yeux à nos bouches. Aucun ne fait le premier pas. C'est à celui qui résistera le plus longtemps. Ma respiration s'accélère, la sienne aussi. On s'observe, on se jauge. Moi, toujours agrippée à lui et même si nous ne faisons encore rien, je trouve cette situation extrêmement érotique. Je me mords la lèvre, je n'en peux plus d'attendre. Il me torture et se mord la lèvre à son tour, tout en me fixant de ses prunelles sombres. Ses pupilles sont dilatées et je peux lire une palette d'émotion dans celles-ci. L'amour, le désir, l'impatience.

— Putain.

Et alors que je m'apprêtais à foncer sur sa bouche, il me devance. Ses lèvres se retrouvent sur les miennes, elles me mordent, me sucent. Elles sont douces, chaudes, sucrées. Sa main s'aplatit dans mon dos, tandis que l'autre s'agrippe à mes cheveux. Je m'accroche aux siens, savourant, me délectant de chaque caresse de sa langue. Je le laisse entrer et nos langues se battent, se cherchent. Nos bouches ne se séparent que pour nous permettre de respirer. Son parfum m'enivre.

Je me souviens alors de la première fois où je l'ai senti. Dans son bureau, lors de la signature de mon contrat. Ce jour-là, j'étais loin de m'imaginer l'aimer à ce point. Ce jour-là, j'étais loin de me douter que cet homme arrogant serait le point central de ma vie. Notre baiser devient plus passionné encore, si c'est possible. Plus gourmand, plus vorace, plus sauvage. Il s'avance un peu et, d'un revers de bras, balance tout ce qui se trouvait sur la table. Je m'éloigne légèrement et le regarde, choquée.

— Seth, on ne va pas...

— Tais-toi et embrasse-moi, m'ordonne-t-il.

Je m'exécute, tandis qu'il me dépose sur la table sans délicatesse. Il s'éloigne de moi et retire mon pull. Celui-ci est bientôt rejoint par mon débardeur. Je l'aide à retirer les siens et nos peaux se retrouvent bientôt collées l'une à l'autre. Alors que tout part en éclat autour de moi, lui me ramène à la vie. Lui seul a le pouvoir de me ranimer, de m'embraser.

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