Chapitre 18
Seth :
Je la vois refermer la portière de la limousine et n'ai qu'une envie, la retenir, partir avec elle. Voir la voiture s'éloigner est un déclic pour moi. Je fais signe au voiturier de me ramener mon véhicule, mais mon père me retient.
— Elle n'en vaut pas la peine, me dit-il froidement.
Je le repousse et le coince contre le mur, fou de rage.
— Comment as-tu pu faire ça ?
— Il fallait bien qu'elle le sache, non ?
Je ne réponds pas et retiens mon poing serré de s'abattre sur lui. Je le déteste tellement. Depuis toujours, mais aujourd'hui encore plus. Il vient de faire du mal à la seule personne importante dans ma vie.
— Je n'ai rien dit quand tu as décidé d'annoncer nos fiançailles, mais ça... Je ne peux pas l'accepter.
Mon cœur se brise devant cette manipulation. Il m'a piégé et m'a annoncé nos fiançailles au dernier moment, je ne savais pas comment refuser. Pas maintenant.
— Et tu comptes faire quoi, fils ?
— J'abandonne, je n'épouserai pas Lucie.
— Vraiment ?
Il rit et se délecte de ma détresse. Son plaisir à lui, c'est de jouer avec ses pions et de faire du mal aux autres. Il n'a aucune empathie, aucun sentiment. Il n'en avait déjà pas pour ma mère, alors pourquoi en aurait-il pour moi ?
— Je te laisse tout, fais-toi plaisir avec tes millions.
Je le repousse et m'éloigne de lui. Je fais signe au voiturier d'aller chercher ma voiture.
— Elle perdra tout si tu la rejoins. Sa place dans sa prestigieuse école, ses perspectives d'avenir, tout. Et je peux me montrer très imaginatif, si ça ne suffit pas.
Je me raidis et me retourne. Je savais que mon père était une raclure, mais plus le temps passe, plus il se surpasse.
— Tu me menaces ?
— Non, je t'avertis. Fais-en ce que tu veux.
Il retourne à l'intérieur. Le voiturier gare la voiture devant moi et en sort. La main sur la poignée, je ne peux pas me résoudre à la rejoindre. J'ai trop peur de ce dont il est capable. Je connais mon père, il est détestable, mais il peut tirer bien trop de ficelles. Préférant ne pas prendre le risque qu'il exécute ses menaces, je le rejoins avec amertume. Pour elle, je décide de jouer la comédie. Je lui parlerai dès que cette putain de soirée sera terminée.
Les jours ont passé et Max n'a pas voulu entendre mes explications. Elle me déteste, j'ai pu le voir dans son regard. Elle pense que je ne faisais que jouer avec elle, qu'elle n'était qu'un loisir. Je voudrais insister, mais la menace de mon père plane toujours au-dessus de nos têtes. Je l'aime, mais je ne veux pas être celui qui détruira son rêve.
Sans trop savoir pourquoi ni comment, je me retrouve devant chez Sylvie.
— Seth, s'exclame-t-elle en m'ouvrant la porte. Comment vas-tu, mon grand ?
— J'ai besoin de parler à quelqu'un.
Je ne cache pas la détresse dans ma voix. Je n'y vais pas par quatre chemins, je n'en ai jamais eu besoin avec Sylvie.
— Ça ne va pas, alors... Entre.
Je la suis et nous nous dirigeons dans sa cuisine. Il est tard, elle nous sert un verre d'alcool fort. J'en ai bien besoin pour me délier la langue.
— Que se passe-t-il ? Ton père ? devine-t-elle.
Je ris et je pense que ce rire suffit comme réponse. Sylvie n'a jamais apprécié mon père. Après tout, c'est lui qui l'avait éloignée de ma mère.
— Qu'a-t-il fait, encore ?
Je me mets alors à lui raconter mon histoire avec Maxime. De la toute première fois que je l'ai vue à notre dernière entrevue en passant par le gala de charité. Elle tique à plusieurs reprises, mais ne dit rien. Quand je finis mon discours, Sylvie garde le silence avant de me lancer un regard noir.
— Comment as-tu pu lui faire ça ? me demande-t-elle calmement.
— Elle ne devait pas être là.
— Parce que ça change quelque chose ?
Honteux, aucune réponse correcte ne vient. Non, ça ne change rien. Je comprends bien que j'ai merdé. Je le sais. Maxime me l'a reproché, elle aussi. J'aurais dû tout lui expliquer, mais je n'ai pas pu, j'ai eu peur qu'elle me quitte et c'est ce qu'elle aurait fait. Quel lâche.
— Il a menacé de lui retirer sa place... À l'école.
— Parce qu'elle lui appartient, peut-être ? me demande-t-elle sarcastique.
Je hausse les épaules. Non, mais ce n'est pas comme si ça pouvait l'arrêter.
— Seth, ton père a peut-être le bras long, mais cette école, je la dirige. Et personne ne s'en est jamais fait virer sans raison. Tu n'as rien à craindre pour Maxime, elle est douée et mérite sa place autant que les autres.
Je la regarde et son air confiant me rassure tout de suite.
— Comment tu comptes te rattraper ?
— Je vais rompre mes fiançailles.
— Ouille... Tu sais dans quoi tu t'engages ?
Dans un bordel monstre ? Mais peu importe, de toute façon avec ou sans Max, je ne serai pas allé jusqu'au bout.
— Non, mais si je dois choisir entre la perdre ou en baver, je la choisis.
— Tu la connais depuis peu... Es-tu sûr de ton choix ?
— Est-ce que le temps veut dire quelque chose ? demandé-je, réellement curieux.
Qu'on me dise que le temps a de l'importance et que Max n'est qu'une illusion, je ne le croirai pas.
— Non, non, c'est vrai... Et tu crois qu'elle va te pardonner ?
— Je ne sais pas... Elle refuse de me parler ou de m'écouter. Je ne sais pas comment faire.
Sylvie me tapote le bras pour m'encourager. Elle n'a jamais été très tactile, mais elle a toujours été à l'écoute et de bons conseils. Je reste encore un peu chez elle, puis décide de prendre mon courage à deux mains. Le plus dur reste à faire.
Ma voiture est arrêtée devant cette grande demeure, ma jambe tressaute nerveusement. Je sors et souffle un bon coup. Je m'approche de l'entrée et toque à la porte avec anxiété. C'est elle qui m'ouvre, elle écarquille les yeux, surprise de me voir chez elle à cette heure-ci.
— Chéri, que fais-tu là ?
Rien que ce surnom me hérisse les poils. Lucie se pend à mon cou, mais je retiens ses poignets et l'éloigne de moi. Cette manie m'a toujours blasé. Depuis toute jeune, elle s'accroche désespérément à moi. Je n'ai jamais rien aimé chez elle, ni son maquillage, ni son parfum trop alcoolisé. Cette fille a toujours été superficielle, hautaine, manipulatrice et tellement d'autres choses.
— Je t'ai déjà demandé de ne pas faire ça ! lui dis-je froidement
— Mais, pourtant...
— Oui, en public, quand il y a du monde, mais quand on est seul c'est inutile.
Elle soupire, agacée, et me laisse entrer.
— Qu'est-ce que tu veux ? me demande-t-elle suspicieuse.
Je me retourne et croise son regard contrarié.
— J'ai décidé de rompre nos fiançailles.
— Quoi ? s'amuse-t-elle.
Elle ne me croit pas. Elle devrait, pourtant.
— Tu as très bien entendu.
— Non, tu ne peux pas faire ça. Je suis amoureuse de toi, Seth, me clame-t-elle faussement.
— Non, Lucie. Ce que tu veux, ce sont tes millions et tu sais que je suis la seule condition pour que ton cher papa te les donne. Je suis désolé, mais je ne peux pas faire ça.
— C'est à cause d'elle ?
— Elle ? demandé-je innocemment.
Il ne manquerait plus que Lucie s'en mêle pour je perde définitivement Maxime.
— Tu crois que je n'ai rien remarqué, samedi ? Tu crois que je ne t'ai pas vu lui courir après ?
— Ça ne te regarde pas.
Elle éclate de rire et ses yeux sont à présent remplis de colère.
— Ça ne me regarde pas ? Tu me lâches pour une fille comme elle et ça ne me regarde pas ? Tu verras Seth, quand tu te rendras compte que c'est moi qu'il te faut, tu reviendras en rampant. Tu me demanderas de te reprendre.
— Ça n'arrivera pas.
— On verra bien.
Je comprends que la discussion est close et me dirige vers la porte.
— Mes parents seront ravis d'apprendre la nouvelle et ton père encore plus, me menace-t-elle.
Je ne réponds rien et ouvre la porte. Quand celle-ci se referme derrière moi, je sens un poids quitter mes épaules. Maintenant, il faut que je trouve un moyen de parler à Maxime.
*
Je l'ai ramenée chez moi. Il fallait que je lui parle, qu'elle m'écoute. Nous sommes dans mon salon et elle ne semble pas croire ce que je lui dis.
— Un jour, je t'épouserai toi et personne d'autre. Pas maintenant. Mais un jour, si je dois épouser quelqu'un, ce sera toi.
Et c'est la vérité. Si un jour je dois épouser une femme, ce sera Maxime et personne d'autre. Je vois que ma déclaration ne la laisse pas indifférente, mais qu'elle mène un combat intérieur. Elle hésite et je l'ai bien mérité.
— On devrait arrêter là, Wes.
Je déteste qu'elle m'appelle ainsi. Mais je déteste encore plus ce qu'elle me demande. J'entends de la résignation dans sa voix sincère. Elle ne semble ni blessée, ni en colère, juste dans l'acceptation. Et ça me fait mal. Putain, ça fait mal. Peut-être a-t-elle raison... Peut-être devrions-nous arrêter les frais avant que ça n'aille trop loin. Pourtant je ne peux pas m'empêcher de penser qu'ensemble, on pourrait être heureux. Alors je lui balance ma dernière carte.
— J'ai rompu mes fiançailles, lui dis-je, désespéré. J'ai rompu mes fiançailles, hier. Je ne supportais plus l'idée de te perdre.
Je continue mon discours, je ne sais même pas ce que je lui dis. J'observe le moindre de ses gestes, son bassin qui se relève rapidement comme si elle était essoufflée, ses mains qui se frottent à son jean. L'une d'elles vient masser nerveusement sa nuque. Alors je lui dis tout ce que j'ai sur le cœur. Je la vois hésiter et ça me déchire. Ça me tue de savoir qu'il y a une chance sur deux pour qu'elle passe cette porte et qu'elle ne revienne jamais. Ça me rend fou de savoir qu'en l'espace d'une seconde, elle pourrait me détruire. Elle seule a le pouvoir de m'anéantir. Elle ne se rend pas compte de ce dont je serais capable pour elle.
— Ne me laisse pas, Max. Je t'aime à en crever.
Et putain, c'est la vérité.
Elle relève son regard et ses yeux croisent les miens. Une palette d'émotions se succède dans ses iris noirs. La peur, la peine... Puis tout à coup, son regard change, elle me regarde, déterminée, et j'ai peur de ce que signifie ce regard. Mais alors que je pense qu'elle va partir, elle s'élance vers moi.
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