Chapitre 17

— Qu'est-ce que tu fais là, Lucie ? Je t'ai dit de rester en dehors de ça.

Elle tente de retirer sa main, mais Seth resserre sa prise. Elle se tourne vers lui et l'assassine du regard. Lui reste froid et stoïque.

— Comment peux-tu m'humilier comme ça devant cette putain ?

Putain ? Carrément. C'est toujours la faute de l'autre femme. Peu importe qu'elle ait été dupée, elle aussi. Voyant que je n'ai rien à faire au milieu de cette dispute conjugale, je me retourne et m'éloigne. Je ne sais pas ce qu'il lui dit, mais j'entends la folle hurler. Cette nana est une grande malade. Ma joue me brûle toujours, mais pour être honnête, je n'en ai vraiment rien à faire. J'ouvre la porte et sors du bâtiment. L'air frais adoucit la douleur de ma joue et je traverse la cour lorsqu'un bras me retient. Mes pas s'arrêtent et je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir que c'est lui.

— Tu as reçu mon message ?

— Tu devrais retourner auprès de ta fiancée.

— Est-ce que tu as reçu mon message ? répète-t-il les dents serrées.

Parce qu'il pense avoir le droit de s'agacer ? Je me retourne vivement.

— Oui, Wes ! Oui, j'ai reçu ton message. Mais je n'avais rien à répondre. Je ne vois pas ce que tu pourrais me dire d'intéressant, lui craché-je, glaciale.

Je retire sèchement mon bras et pars, la tête haute. Mais c'était sans compter sur ma jambe qui me lâche. Pitié, non. J'en ai marre ! Pourquoi toujours dans ces moments-là ? Wes me rejoint rapidement, la mine inquiète.

— Qu'est-ce qu'il t'arrive, Max ?

— Rien, juste de la fatigue.

Il m'aide à me relever et je me détache de lui. Nos regards se croisent, mais le mien ne s'attarde pas, je reprends ma route en claudiquant. Je n'ai pas le temps de comprendre ce qu'il m'arrive que Seth me porte. Un bras sous les genoux, l'autre dans le dos.

— Repose-moi, Wes, m'énervé-je.

— Tu ne peux pas marcher. Laisse-moi te raccompagner. Juste ça..., me supplie-t-il.

Je n'ai pas la force de refuser. Ma jambe me lance et je me sens incapable de marcher pour rentrer. Seth traverse la cour sous le regard des autres élèves et je m'agrippe à ses épaules en gardant la tête baissée.

Il approche de sa voiture et me pose délicatement pour m'ouvrir la portière. Je m'assois tandis qu'il referme la porte avant de faire le tour du véhicule. J'attache difficilement ma ceinture et ai tout de suite l'impression d'avoir du mal à respirer. Cette situation me met en colère, m'angoisse et me blesse. Trop d'émotions se livrent bataille et mon cœur en pâtit.

Seth s'engouffre à son tour et prend place derrière le volant. Du coin de l'œil, je peux voir sa tête pivoter vers moi, mais je détourne le regard. Il ne dit rien et démarre la voiture. Nous roulons en silence. Sans musique, sans un mot. C'est inconfortable et le stresse me démange. Quand je vois qu'il ne prend pas la bonne route, je me retourne vers lui.

— Wes, je n'habite pas là.

— Je sais, se contente-t-il de répondre.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— On va chez moi.

— Hors de question, ris-je faussement.

— Si, on va parler et si après, tu veux toujours partir, je te laisserai faire.

— Je n'ai rien à te dire.

— Toi non, mais moi si. J'ai plein de choses à te dire.

— Parce que maintenant tu veux la jouer honnête ? Sérieusement ? dis-je sarcastique.

Il ne répond rien et se concentre sur la route. J'ai envie de le frapper tant il m'énerve. Mais je ne céderai pas à la violence. Il ne la mérite pas.

Nous arrivons quinze minutes plus tard au pied de son immeuble. Il entre dans le parking et se gare. Il n'a pas le temps de faire le tour que j'ai déjà ouvert ma portière. Son bras s'empare du mien pour m'aider à en sortir, mais je le retire sèchement.

— Je n'ai pas besoin de ton aide.

Je sors seule de la voiture et presse le pas. Je n'ai pas la journée. Qu'il me dise ce qu'il veut tant me dire et je pourrai rentrer chez moi. Le programme est déjà tout prêt dans ma tête. Un pot de glace, une comédie musicale et un bon plaid.

Il insère sa clé et appelle l'ascenseur. L'air est pesant, oppressant. Quand la cabine arrive, nous y montons et arrivons enfin devant chez lui. La clé déverrouille la porte et il pénètre à l'intérieur. Est-ce que c'est son appartement à elle aussi ? Est-ce qu'il m'a fait venir ici alors que c'était chez elle ? Je ne m'avance pas plus dans l'appartement, je reste dans l'entrée, les bras croisés. Je veux qu'il sente que je ne suis pas là de gaieté de cœur.

— Tu veux quelque chose à boire ?

— Du vin.

Je sais, je n'aime pas le vin, mais c'est le seul truc qui me soit venu à l'esprit.

— Tu n'aimes pas le vin, me dit-il amusé.

Parce qu'il croit qu'on en est encore au stade des plaisanteries ?

— Faut croire que j'ai menti, lui asséné-je glaciale.

Il ravale son sourire et me sert un verre de vin. Je n'ai pas le temps de savoir s'il est bon ou mauvais, je le vide d'une traite. Seth me regarde, interloqué.

— Dis-moi ce que tu as à me dire. J'ai des choses à faire, dis-je en retenant la grimace causée par l'âpreté de la boisson.

Il se gratte la tête et se dirige vers le coin salon.

— Assieds-toi.

— Je préfère rester debout.

— Arrête d'être aussi têtue, me gronde-t-il.

— Je resterai debout, répété-je fermement.

Je sais que je suis chiante, mais si je cède la moindre parcelle de terrain, j'ai peur de tout lui céder. Parce que Bon Dieu, il me manque.

— Très bien, soupire-t-il agacé. Tu veux savoir quoi ?

— Je veux savoir quoi ? C'est toi qui as voulu me parler. Jusqu'à présent, je ne voulais rien savoir. Dès le moment où j'ai compris ce que tu m'avais caché, je t'ai supprimé de ma vie.

— Ce n'est pas ce que tu crois, plaide-t-il.

— Ça me semble pourtant clair : « Monsieur Seth Wes et sa fiancée ». Je ne vois pas ce que j'aurais pu mal interpréter.

— C'est plus compliqué que ça.

— Ça m'est égal, le coupé-je.

— Bon, je vais commencer par le début, m'ignore-t-il. Tu connais mon père.

Pour le connaître, ça oui. Un homme détestable.

— Mais ce que tu ne sais pas, c'est que le père de Lucie est encore plus puissant que le mien. On n'avait pas quinze que déjà, on était promis l'un à l'autre.

Je le regarde, et roule des yeux en entendant sa première excuse.

— C'est la vérité, je te jure. On n'a jamais eu notre mot à dire. Elle était ravie, moi pas. Quand je t'ai rencontrée, ce n'était qu'un projet inabouti, rien de sûr. J'espérais que mon père changerait d'avis.

— Pourquoi ne m'avoir rien dit ? demandé-je perplexe.

— Tu aurais continué à me voir ? Me parler ? Est-ce qu'il se serait passé quelque chose entre nous ?

— Certainement pas, non, rétorqué-je.

— Voilà. Au début, j'ai pensé que tu n'avais pas besoin de le savoir. Puis, je n'en ai pas eu le courage. Je suis amoureux de toi, Max, et j'avais bien trop peur de te perdre.

Je m'assois sur le canapé, fatiguée. Je me masse les tempes. C'est trop pour moi. Je redresse ma tête et le regarde dans les yeux.

— Tu m'as menti, Wes. Peux-tu imaginer la peine que j'ai ressentie, la honte qui m'a envahie quand je me suis retrouvée là-bas ? Je pensais que tu m'avais invitée parce que je comptais pour toi. Mais la vérité, c'est que ça n'a jamais été le cas. Tu m'as cachée tes fiançailles et pendant que moi, je me préparais comme une pauvre gamine pour une soirée magique, toi... Toi, tu officialisais tes fiançailles. Je n'étais qu'un jeu ? J'avais si peu d'importance ? Je suis quoi maintenant ? Tu comptes me garder pour tes cinq à sept ? Tu comptes faire de moi ta maîtresse ?

Plus mon discours avance, plus j'ai du mal à retenir mes larmes. Je me redresse et fais les cent pas.

— Non, je ne pourrais jamais te demander ça, Max.

Il s'approche de moi et place sa main dans ma nuque faisant stopper mes pas. Ses yeux cherchent les miens et je les découvre brillants de larmes. Je n'arrive pas à le supporter et repousse sa main, puis m'éloigne de lui.

— Un jour, je t'épouserai toi et personne d'autre. Pas maintenant. Mais un jour, si je dois épouser quelqu'un, ce sera toi.

J'arrête de marcher et relève la tête. Ce qu'il me dit, je voudrais en être persuadée. J'ai envie de croire qu'il m'a réellement aimée. Mais ses mots ne me suffisent pas. Je sèche les quelques larmes qui ont réussi à s'échapper.

— On devrait arrêter là, Wes, déclaré-je résignée.

Je détourne les yeux, ne pouvant supporter son regard suppliant.

— J'ai rompu mes fiançailles.

Mes pas se figent et je me retourne en le dévisageant.

— J'ai rompu mes fiançailles hier. Je ne supportais plus l'idée de te perdre. Et je suis désolé de ne pas avoir réagi plus tôt. Mais je me fous de ce qui va m'arriver. Tu le sais, je n'ai jamais aimé mon boulot. Alors, si je dois passer ma vie à compter mes sous, à accepter de faire des photos pour de simples mariages, si je dois trouver un travail sous-payé, je le ferai. Parce que je n'aimais déjà pas ma vie avant. Mais maintenant que je t'ai perdue, elle m'est devenue insupportable. Je préfère passer une vie entière à trimer que vivre dans le luxe sans toi.

Je souffle, anxieuse. Je suis partagée, tiraillée. Avez-vous déjà vécu ce moment ? Celui où la seule chose que vous désirez se présente à vous, mais où vous pressentez qu'elle ne vous apportera que du malheur ? Ce croisement où vous savez qu'aucun des choix ne sera le bon. C'est ce qui m'arrive à présent.

— Ne me laisse pas, Max. Je t'aime à en crever.

Alors je le regarde dans les yeux et j'y lis quelque chose de différent, de la détresse, de la solitude et la peur. Mais merde, je l'aime, alors je fonce, quitte à y perdre la raison...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top