Chapitre 10

Les trois semaines suivantes se poursuivent de la même manière. Cours divers le matin, et job l'après-midi.

Les matinées se passent relativement bien. Pauline m'a plutôt laissée tranquille, même si bien sûr, elle n'a pas pu s'empêcher de me faire quelques remarques. Mais ce n'est que ça, alors je m'estime plutôt chanceuse. J'ai réussi à tenir le rythme et, malgré quelques douleurs, je n'ai plus eu de crampes. Je suis soulagée, mais j'ai quand même maintenu mon rendez-vous avec mon kiné.

Au travail, je tente de maintenir Wes, enfin Seth, à distance. Mais ce n'est pas facile quand on est têtu comme une mule. Quelques baisers volés par-ci par-là, mais heureusement, on a réussi à être assez discrets. Cependant, je dois le rappeler à l'ordre par message quand il me fixe un peu trop longtemps. Sinon, une réelle complicité est en train de naître entre Marie et moi. On est parfaitement complémentaires et nous avons beaucoup d'atomes crochus.

Nous sommes déjà vendredi et, demain, je sors avec Julia et nos amis. Depuis la rentrée, on a eu du mal à tous se mettre d'accord sur une date. Je suis donc impatiente de retrouver tous nos amis.

Je suis en train de ranger le bureau quand mon téléphone bipe.

[ Wes : Dîner chez moi. Ce soir. 20 h. Sois à l'heure.]

Je ris en lisant ce message. Il a l'art et la manière de me proposer des choses. Même si l'idée est attrayante, je me mets à anticiper de me retrouver seule avec lui. Depuis Aaron, je n'ai jamais été avec un homme, de manière réellement intime. Je ne lui réponds pas de suite et pèse le pour et le contre. Je me fatigue de vouloir des choses, mais d'en avoir peur en même temps.

[Dis comme ça, ça donne envie, c'est sûr !]

C'est la seule réponse que j'arrive à taper. Déjà, s'il y mettait les formes, ce serait un plus.

[Wes : Tu veux dîner chez moi ce soir à 20 h ? Sois en retard si tu veux.]

[ Wes : Mais viens !]

Je ricane comme une idiote en voyant les deux messages qu'il m'a envoyés successivement. Je me mordille le pouce et prends mon courage à deux mains.

[Passe me prendre. Je serai à l'heure, comme ça ;)]

J'ose regarder dans sa direction, la porte de son bureau est entrouverte et je le vois sourire bêtement en regardant son téléphone. Il est vraiment craquant. Comment un mec comme lui arrive à me faire fondre aussi facilement ? Je replace mon téléphone dans ma poche et continue de ranger mon bureau. Une fois la lumière du bureau éteinte, je vois que Marie est partie aux toilettes, tant pis pour les au revoir.

Les portes de l'ascenseur sont en train de se refermer quand j'entends Marie me héler.

— Max ! Attends, bloque l'ascenseur, j'arrive !

J'empêche les portes de se refermer et ris en la voyant débouler. Elle tient dans les mains deux sacs et une valise.

— Tu pars en voyage ?

Je l'aide à entrer dans la cabine.

— Je passe le week-end avec mon mec, me dit-elle, honteuse. On part je ne sais où. Je ne savais pas quoi porter ni ce qu'il a prévu pour nous, alors j'ai préféré jouer l'assurance.

Je ris en regardant la quantité d'affaires qu'elle a emportée.

— T'es sûre que tu ne t'installes pas chez lui, plutôt ?

J'appuie sur le bouton du rez-de-chaussée et Marie se tourne vers moi, inquiète.

— Tu trouves ?

— Non, non, je plaisantais, tenté-je de la rassurer.

Un silence se fait et je peux entendre son cerveau mouliner.

— Non, tu as raison. Je vais rentrer chez moi, je vais poser quelques affaires là-bas. Je ne voudrais pas qu'il prenne peur dès qu'il me verra débarquer.

Elle se regarde dans le miroir de la cabine et émet un rire sonore.

— Mon Dieu ! On dirait que je pars vivre chez lui. La honte, tu t'imagines ?

— C'est vrai qu'un sac serait suffisant, confirmé-je en souriant.

Je détourne la tête et regarde les étages défiler, impatiente.

— Et sinon ? me demande Marie.

— Sinon ? demandé-je dans l'attente de la suite.

— Vous n'êtes pas vraiment discrets avec le fils Wes...

La panique me surprend et mes yeux la dévisagent.

— Je ne dirai rien, ne t'inquiète pas, me rassure-t-elle. Mais je vous ai cramé direct... Et si le bruit court que vous deux vous... Je ne donne pas cher de votre romance.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Le père Wes... Il dirige la moindre parcelle de la vie de son fils et je suis sûre que sa vie amoureuse en fait partie. Pour être honnête, je trouve ça bien, vous deux. Il est encore plus bizarre que d'habitude, mais en plus drôle. Je ne vais pas m'en plaindre. Mais fais attention, Max. Je t'aime bien.

— On dirait que je vais passer à la potence, dis-je, amusée.

— Non, mais tu préférerais.

Je déglutis devant son regard sérieux. Comment me faire peur en quelques secondes.

L'ascenseur arrive au rez-de-chaussée et nous saluons les vigiles, en quittant la Tour. Nous nous séparons sur le parvis et je me dirige vers le métro.

La semaine a été longue et je pense faire l'impasse sur la salle de danse, ce soir pour rentrer directement chez moi. Je me hâte de prendre mon bus et trente minutes plus tard, j'arrive enfin à la maison. Maman n'est pas encore partie.

— Coucou ma p'tite maman.

Je rentre dans la cuisine. Maman est à table en train de manger.

— Salut mon cœur. Tu rentres tôt, s'étonne-t-elle.

Je l'embrasse sur la joue avant de me diriger vers les placards.

— Oui, la semaine a été longue. Je préfère me reposer, avant de sortir.

J'ouvre un des tiroirs pour récupérer une fourchette, puis prends place face à elle.

— Tu vas faire quoi ?

— Un dîner, dis-je évasive.

— Le garçon à la voiture horrible ?

— Merci ! Tu trouves aussi ? Non, parce que j'ai l'impression que tout le monde bave en la voyant !

Ma mère rit en voyant mon air désespéré.

— Donc c'est lui ?

— Oui, c'est lui, confirmé-je. Tu penses que je ne devrais pas ?

Je lui pique une pâte et ma mère me tape la main.

— Pourquoi me poses-tu la question ? Il est marié ? me demande-t-elle curieuse.

— Non.

— C'est un professeur ?

— Non, mais c'est mon employeur.

Elle balaie ma réponse de la main.

— Il tue des gens ? Il deale ? Il fait des choses illégales ? énumère-t-elle.

— Non, non et encore non.

— Alors je ne vois pas pourquoi tu ne devrais pas.

Elle me sourit tendrement. Ce que j'aime ma mère.

— Il vient à quelle heure ? m'interroge-t-elle.

— Dix-neuf heures trente ou vingt heures, je ne sais pas encore.

— Mince..., dit-elle, dépitée, en reposant sa fourchette.

— Mince ? lui demandé-je perdue.

— Je voulais lui faire le coup de la mère ultra protectrice.

Je rigole et vois qu'en effet, elle est vraiment déçue.

— Ne t'en fais pas, j'organiserai mon prochain rendez-vous en fonction de tes disponibilités.

Ma mère rit et nous finissons ensemble son plat de pâtes. Une demi-heure plus tard elle quitte la maison dans sa blouse d'infirmière.

Je monte enfin dans ma chambre et fais couler un bain pour m'y détendre. Des bulles à la vanille sont en train de se dissoudre quand je m'y plonge.

La musique me fait tout oublier et je chante en cœur avec Jagwar Twin : « Ya ya ya ! Just like you Just like you ». Après mon petit concert privé, je me lève pour sortir de l'eau et retombe lourdement dans la baignoire. Un juron m'échappe quand l'eau éclabousse le sol en vagues successives. Je masse ma cheville engourdie, puis tente de la remuer, mais elle refuse de bouger. Une bouffée de chaleur s'empare de moi et la nausée me gagne lorsque, même en la pinçant, je ne ressens rien. J'approfondis ma respiration pour tenter de calmer ma panique, puis peu à peu, les fourmis disparaissent. Patiemment, la tête reposée sur mon genou, j'attends que la sensation ne soit plus du tout présente. Je sèche les larmes dues à mon coup de panique, puis lorsque je récupère une entière mobilité, je sors de l'eau.

Quand je peux enfin me redresser, je fouille dans l'armoire à pharmacie à la recherche de ma crème. Mes pas lents me portent jusqu'à ma chambre où je me pose sur mon lit. Mes doigts effectuent des mouvements circulaires en appliquant le gel froid sur ma jambe.

Mon cerveau se concentre sur ce geste pour essayer d'empêcher les pensées pessimistes de le noyer. Mon téléphone me distrait lorsqu'il me signale l'arrivée d'un nouveau message. Mon corps se penche en travers du lit et ma main l'attrape. Je me rassois et déverrouille l'écran. J'ai reçu deux messages de Seth. L'un il y a dix minutes et l'autre à l'instant. Mes doigts pianotent sur le téléphone pour ouvrir le premier.

[ Wes : Dans une heure.]

Concis. J'ouvre le deuxième.

[Wes : S'il te plaît.]

Il fait des progrès.

[Oui, chef !]

[ Wes : Je fais des efforts...]

[J'ai vu ça ;)]

Je retourne à la salle de bain et entreprends de me sécher les cheveux. Mes boucles brunes sont difficiles à discipliner. J'y parviens avec du temps et beaucoup de patience, ce qui me fait défaut à l'instant présent. Je décide alors de les lisser et de relever quelques mèches à l'aide d'une barrette. Un léger maquillage illumine mon visage et agrandit mon regard.

Une fois devant ma penderie, je me questionne. Je ne sais pas si je suis prête à quoi que ce soit. Mais... Dans le cas où... Si je me laissais porter, je préférerais éviter qu'il ne me voie avec des sous-vêtements peu attractifs. J'enfile donc un ensemble en dentelle bordeaux. Je me regarde dans le miroir et souffle pour me donner le courage de ne pas le retirer pour mettre autre chose, des dessous plus simples.

Je fouille mon armoire et trouve enfin la jupe que je voulais mettre. C'est une jupe trapèze bleue marine boutonnée sur le devant. Je l'accorde avec un petit pull moulant jaune moutarde. Un dernier coup d'œil dans le miroir et je me demande alors si ma tenue ne fait pas trop gamine. Je soupire, exaspérée, et contemple mon armoire avec dépit.

En même temps, si j'en fais trop, il risque de se moquer de moi une nouvelle fois. Cette tenue fera très bien l'affaire. Je ne tergiverse pas plus longtemps et attrape mes petites chaussures noires ainsi que ma petite veste assortie.

Agrippée à la rambarde, je descends une à une les marches. La nervosité rend mes jambes cotonneuses et mes mains moites. Je profite d'un passage dans la cuisine pour me servir un verre d'eau. Mes doigts pianotent sur le comptoir de la cuisine, signe de mon impatience.

Je regarde nerveusement l'heure sur mon téléphone quand j'entends le vrombissement de la voiture de Seth. Respire, Max.

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