Il est des présages comme celui du loup qui viennent pour annoncer une tragédie et nous prévenir. On est alors libre de choisir si l'on y croit ou non. Mais il est d'autre présages qui sont plus étranges et plus obscures. Ces présages-là ne touchent qu'une personne à la fois. Je vous laisse découvrir l'histoire de l'un de ses présages. 

Il existait un royaume très lointain. Il n'était ni beau ni moche, il n'était ni parfait, ni plein de défait. Ce royaume était un royaume normal mais avec quelque chose que les autres n'avaient pas. Dans ce royaume, il y avait un roi et une reine qui gouvernaient. Ils avaient un très grand palais et de très nombreuses personnes y venaient chaque jour pour les saluer. Atlanth était de ces personnes. Elle était une très jeune fille d'un riche seigneur et, comme il n'avait pas d'héritier mâle, elle venait porter elle-même le désir de son père de lui léguer son héritage au roi. Atlanth ne connaissait rien aux usages de la cour ni aux gestes qu'il lui fallait adopter. Elle savait simplement qu'il fallait passer devant un miroir avant de voir les souverains. Ce miroir, aucun autre royaume ne l'avait. 

Alors elle attendait, là, dans la fille des visiteurs, son tour pour passer devant le miroir. 

Un bon nombre de personne y était déjà passé mais elle n'avait pas vu le reflet dans le miroir. Elle ignorait pourquoi on devait passer cette sorte d'épreuve. Elle avait peur. Peur de ce qu'elle y verrait. Elle avait toujours tout donné pour que son père soit fière d'elle, tout donné pour être digne de prendre sa succession. Elle avait tout fait. Elle avait tout sacrifié, toutes ses forces, toute son âme, tous ses rêves et tous ses désirs. Elle frémissait et tremblait à l'idée que ce que le miroir allait montrer puisse briser, ruiner, tout cela. Elle avait si peur que cela arrive... 

Atlanth tordait nerveusement ses mains à mesure que la file diminuait. Elle put alors voir le miroir. Elle en resta muette de stupéfaction. Elle avait imaginé un immense miroir entouré de lourdes parures d'or, exposé au milieu de la salle du trône. Ce n'était rien de cela. Le miroir était un éclat brisé mal accroché au mur de pierre en face des trônes royaux. La jeune fille ne sut alors dire si sa peur diminua ou augmenta.

Les visiteurs tremblaient au moment de passer devant l'éclat accroché au mur. 

Elle put alors voir ce qu'il leur renvoyait. 

Un homme s'approcha, tête baissée. Le miroir se troubla, se brouilla, se fit sombre, se fit noir avant de montrer une épée. Le visiteur sourit en redressant la tête. Du sang tomba de la lame et se répandit en un lac pourpre juste en dessous. L'homme gémit. 

"Non! cria-t-il. Non! ce n'est pas vrai, ce n'est pas ça! ce n'est pas ma destinée ! Mes Seigneurs, je jure que je n'ai jamais fait couler de sang avec une épée, je n'en ai même jamais tenue..."

Le roi se redressa, Atlanth frissonna. 

"Ne jamais avoir tenu d'épée ne signifie pas qu'on en tiendrai jamais, répliqua-t-il. 

- Ce sang est toujours celui de la victime, ajouta la reine, mais rien n'indique que ce soit toi qui tiendra cette épée par le manche."

L'homme trembla de tous ses membres. Atlanth se fit violence pour ne pas reculer d'horreur. Elle ne voulait pas savoir ce que montrerait le miroir en la voyant. Elle ne voulait pas savoir... elle ne voulait pas que les autres sachent. Son avenir était à elle, à elle et à personne d'autre. Elle s'était battue si souvent, elle avait tant espéré... Elle refusait de croire qu'un simple éclat brisé puisse réduire tous ses efforts à néant. 

"Veux-tu toujours nous faire ta requête? demanda le roi au pauvre homme."

Il hocha la tête et s'avança en tremblant devant le trône. Ainsi se déroula les passages jusqu'au tour de Atlanth. Quand elle dût faire un pas pour s'avancer vers le miroir, elle se mit à hésiter pour la première fois de sa vie. Elle ne voulait pas se soumettre à cet éclat de verre. Elle avait peur... 

Mais elle repensa à son père. Elle lui ferait honte si elle se défilait maintenant. En fait, elle se ferait honte à elle-même si elle le faisait. 

Alors elle s'avança, fixant ses pieds. 

Elle releva la tête quand elle entendit des murmures derrière elle. Elle tremblait de ce qu'elle allait découvrir quand elle regarderait en face d'elle. Son corps mort... son père, mort... elle ruinée, elle attaquant... elle ne voulait pas savoir. 

Mais elle ouvrit quand même les yeux car elle se devait de le faire. Pour ne pas avoir honte et pour enfin cesser de craindre ce qu'elle ne connaissait pas encore. Alors elle regarda droit devant elle. Elle se figea de stupéfaction devant ce qu'elle voyait. Puis elle eut un sourire. Ce sourire, elle le vit dans le miroir. Elle laissa échapper un petit gémissement de joie incontrôlée. Ce qu'elle voyait dans ce miroir, ce qu'elle avait craint sans chercher à le connaître, ce qui serait son futur -futur qu'elle avait tant craint- tout cela et bien plus ... 

C'était elle.