Chap 9 : pdv Aaron (présent)
Chaque jour, après mon entrainement de tennis, je traversais d'un pas décidé le jardin pour retrouver Auréa. Elle patientait près de la clôture avec un grand sourire.
En fait, j'attendais ce moment toute la journée. Chaque minute qui s'écoulait me rapprochait de cet instant. Cela me mettait de bonne humeur. Me retrouver assis face à elle, un grand grillage entre nous deux, me ravissait. Je n'avais jamais ressenti cela auparavant. La clôture, nous ne la voyions plus. Elle devenait transparente, invisible.
Moi, assis sur l'herbe, entre les racines des arbres et elle, installée de l'autre côté de la barrière, un châle bleu posé sur ses genoux.
Souvent, elle apportait des biscuits et des boissons. Parfois des mochis, des cookies maison ou des spéculoos de chez Dandoy. Tout était délicieux. Nous mangions comme deux gloutons, donnant ainsi l'impression que personne ne nous nourrissait depuis des jours.
Souvent, je n'avais même plus faim au souper et cela énervait ma mère. Peu importait que les plats viennent à chaque fois du traiteur, elle tenait à ce que nous mangions de bon cœur. Elle exécrait le gaspillage.
-On vide son assiette ! répétait-elle inlassablement.
Auréa m'expliqua que c'était sa grand-mère, une certaine « madame Edwige » qui avait préparé les cookies.
-Tu appelles ta grand-mère « Madame » ?
Elle rougit, mal à l'aise.
-Madame Edwige n'est pas ma vraie grand-mère. Mais je l'appelle comme cela depuis des années.
-Ta grand-mère n'est pas ta grand-mère ? C'est quoi cette histoire ?
-Edwige était une patiente de ma maman. Ma mère est infirmière dans une maison de retraite.
-Ah bon ?
-C'est une histoire un peu compliquée, mais un jour, je te la raconterai si tu veux ?
-D'accord.
-C'est grâce à madame Edwige que nous avons déménagé dans ce beau quartier. Sans elle, maman et moi serions toujours dans un quartier pourri de Bruxelles.
-Tu ne serais pas l'ancienne voisine de Son Goku ? dit-il en riant tout seul.
-Son Goku ? Tu parles de Dragon Ball Z ?
-Non, c'est le surnom de mon meilleur ami. Je te le présenterai un jour. En tout cas, ça a l'air d'être une sacrée histoire.
-Tu souhaites vraiment que je te la raconte un jour ?
-Bien sûr. Pourquoi ça t'étonne autant ?
Elle sourit, mais ne répondit pas à ma question.
Nous parlions de tout et de rien. C'était comme si nous nous connaissions depuis toujours. Parfois, j'avais l'impression qu'elle était mon double en fille. Je me sentais envoûté par elle tout comme Alexander alias Supertramp m'avait touché.
Notre amitié s'était construite si rapidement, sans le moindre effort. C'était inexplicable et pourtant, cela ne nous choquait pas. Cela nous semblait normal, naturel.
Comment cela se faisait-il qu'une fille soit aussi futée et aussi intéressante qu'elle ? Elle avait vraiment quelque chose en plus qui la rendait fascinante.
Auréa m'annonça que sa maman, Lana, l'avait inscrite dans mon école, mais qu'elle avait très peur de reprendre les cours dans un nouvel établissement. Elle avait eu des expériences douloureuses auparavant. Elle ne rentra pas dans les détails, mais je perçus dans son regard que ce n'était pas de bons souvenirs. Je ne posai pas de question, car je ne voulais pas paraître curieux, mais j'avais envie de savoir, de comprendre pourquoi elle avait peur d'aller à l'école.
Peut-être avait-elle été harcelée ? Rejetée ? En tout cas, elle semblait tétanisée.
L'année passée, nous avions eu un cours qui parlait exclusivement de harcèlement scolaire et cela m'avait franchement perturbé. Les témoignages avaient été choquants. J'avais eu du mal à ne plus y penser. J'avais même fait quelques cauchemars à ce sujet. Beaucoup de jeunes souffraient injustement à cause de ce fléau.
-Je te ferai visiter ! m'exclamai-je aussitôt pour la rassurer.
-Ne sois pas bête. Tu dis n'importe quoi.
-Pourquoi tu dis ça ? Je suis très sérieux.
-Ne promets pas quelque chose que tu ne feras pas.
Je la dévisageai, surpris par sa réaction.
-Pourquoi je ne le ferais pas ?
-Je ne sais pas.
-Mais ?
-Mais tu ne le feras pas, je le sais. Ce n'est pas très grave.
-Auréa, je suis en train de te dire que je le ferai.
-Tu ne seras pas populaire d'être ami avec moi. Je préfère te prévenir tout de suite.
-Et alors ?
-Je t'aurai prévenu.
-Cela m'est complètement égal. Je te ferai visiter l'école, un point c'est tout.
Elle ne put s'empêcher de sourire, attendrie par ma réaction.
-Vraiment ? Tu es sérieux ?
-Bien sûr que je suis sérieux !
Elle se mit à rire.
-Je n'ai jamais été aussi sérieux de toute ma vie.
J'étais franc avec elle, mais elle ne sembla pas me croire.
Je tiendrai ma promesse, Auréa.
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