«Méfie-toi de lui » 

Voilà ce que m'avait dit Sibylle.

Cette phrase tournait sans cesse dans ma tête. Je n'arrivais pas à être indifférente, à l'effacer de mon esprit. Sibylle avait su me déstabiliser. Je me répétais que je devais me méfier de lui, mais je n'avais pas envie d'y croire. Je détestais les préjugés. Avec Aaron, je voulais des certitudes, pas des suppositions.

Méfie-toi de lui.

Tout le monde n'arrêtait pas de le répéter autour de moi, mais plus on me le disait, plus j'avais envie de ne pas y prêter attention.

Et puis, pouvais-je faire confiance en Sybille ?

Et si tout le monde se trompait ?

Et si tout le monde le jugeait trop durement ?

Je haïssais les idées préconçues, car j'en avais souvent été victime durant toute ma vie. Je ne voulais pas tomber dans ce travers. Ça aurait été injuste. Je ne pouvais pas lui faire ça, pas à lui.

Soudain, je décidai qu'il était temps de lui parler, juste lui et moi, comme avant. Je voulais éclaircir certains points, lui laisser une chance de s'expliquer.

À force de retourner le problème dans tous les sens, j'avais fini par en discuter avec Capucine.

-Tu sais ce que Sibylle m'a dit l'autre jour ?

Capucine fronça les sourcils. Elle ne l'appréciait pas beaucoup.

-Non. Elle t'a dit quoi ?

-Que je devais me méfier d'Aaron.

-N'importe quoi, n'écoute pas ce qu'elle raconte.

-Pourquoi m'a-t-elle dit ça ? Elle avait l'air de vouloir me mettre en garde.

-Elle est jalouse de toi.

-Je ne crois pas que ce soit aussi simple que ça.

-Elle veut t'éloigner d'Aaron. N'écoute pas ses délires. Elle n'a pas envie que tu te fasses des amis et que tu piques les siens.

-Tu crois ?

-J'en suis sûre. Sibylle a toujours été une mytho.

Je restai silencieuse, aux côtés de mon amie qui semblait persuadée d'avoir raison. J'avais envie de la croire. J'avais vraiment envie de me dire qu'Aaron était tout à fait normal et qu'il ne m'arriverait jamais rien en sa compagnie.

Il était mon ami et je devais lui faire confiance.

Mais je n'arrivais pas à chasser quelques doutes de mon esprit. Je ne parvenais pas à m'endormir le soir sans me dire que je faisais une erreur.

Je devais absolument lui parler et être honnête avec lui, mais jamais je n'osais l'aborder. J'étais trop intimidée pour lui confier mes craintes.

Chaque jour, je repoussais l'échéance.