Chap 63: pdv Auréa (présent)
Un jour, j'avais demandé à maman d'écrire à mon père. Je désirais prendre contact avec celui qui m'avait abandonnée et qui ne demandait jamais de mes nouvelles, celui qui m'avait tourné le dos sans aucun scrupule. Je souhaitais comprendre son rejet.
Brusquement, j'avais besoin de lui écrire. Je souhaitais le rencontrer aussi. Pas forcément dans le but de renouer avec lui, je savais que je ne devais pas me faire d'illusion, mais uniquement dans le but de lui poser quelques questions indispensables à mon évolution.
Je voulais lui demander certaines choses que maman n'était pas capable d'éclaircir à sa place. C'était lui qui devait me répondre et m'expliquer pourquoi il était parti. C'était lui qui devait m'avouer pourquoi il n'avait jamais demandé de mes nouvelles. Pourquoi mon handicap l'avait-il fait fuir comme un lâche ? Personne ne pouvait répondre à sa place.
Je voulais savoir. Je voulais comprendre.
Maman avait très mal réagi et m'avait dit non catégoriquement sans même y réfléchir, sans même me laisser lui expliquer pourquoi j'en avais soudain besoin.
Ensuite, elle avait beaucoup pleuré discrètement dans sa chambre puis elle s'était mise en colère sans raison apparente. Je savais pourquoi elle réagissait si vivement. Je l'avais blessée. J'avais remué de vieux souvenirs douloureux et déclenché un tourbillon émotionnel en elle.
Maman ne comprenait pas pourquoi je réclamais soudainement mon père. Ce sale type nous avait abandonnées. Elle était toujours furieuse contre lui. Blessée, elle n'arrivait pas à prendre du recul.
En réalité, je ne le réclamais pas. C'était plus compliqué que ça. Je voulais juste savoir s'il m'aimait un tout petit peu. Je m'en voulais de la rendre si triste, mais j'avais besoin de savoir. Peu importait que maman ne s'en était jamais remise, qu'elle n'avait plus confiance en la race humaine à cause de lui, j'avais besoin d'avoir certaines réponses par moi-même.
Quelques semaines plus tard, elle était revenue vers moi pour me dire que je pouvais lui envoyer un mail si je le souhaitais. Elle ne m'empêcherait pas de le faire si c'était vraiment mon souhait.
Je savais secrètement que c'était Edwige qui avait discuté avec elle. Je les avais entendues murmurer dans mon dos. Cela m'avait touchée qu'Edwige parle à maman et que celle-ci écoute son point de vue.
Maman me mit une dernière fois en garde contre mon père puis me laissa libre d'agir à ma guise. Je compris qu'elle avait peur de me perdre, mais elle n'avait rien à craindre. Jamais elle n'allait me perdre. Elle était tout pour moi. C'était elle qui m'avait sauvée et protégée. Je n'oublierais jamais tous ses sacrifices.
Une fois le mail envoyé, je me mis à attendre, des jours et des jours.
Ce fut un vrai supplice.
Tous les matins, je demandais à maman si mon père m'avait répondu. Sans relâche, je posais la même question. Je lui demandais le matin puis le soir quand maman revenait de la maison de retraite.
Comment pouvait-il ne pas répondre ? Comment pouvait-il me nier à ce point-là ? Cela me blessa énormément, mais je ne le montrai pas à maman. Je n'avais pas envie d'avouer qu'elle avait raison. Que c'était une erreur d'avoir espéré quelque chose de positif de sa part.
Un soir, quand je posai pour la énième fois la question à maman et qu'elle me répondit par la négative, je sus qu'elle m'avait menti. Il avait répondu, mais elle n'avait pas pu me le révéler. C'était au-dessus de ses forces.
Je vis de la tristesse dans son regard. Je ne dis rien, car je savais que si maman mentait, c'était qu'elle avait une bonne raison de le faire.
Le lendemain, au petit déjeuner, maman m'avoua son mensonge. Mon père m'avait répondu. Elle avait imprimé sa réponse et le mail m'attendait sur la table, juste à côté de mon croissant et de mon chocolat chaud.
Le boule au ventre, je fixai le papier longuement sans oser le saisir. Si maman m'avait menti hier, sa réponse n'allait certainement pas me plaire.
Lorsque je rassemblai mon courage pour finalement lire la réponse de mon père, je ne retins que quelques phrases en vrac :
« ...nouvelle vie... ma famille...ailleurs... très loin... mes deux enfants... impossible de te revoir ...cela fait plus de seize ans... si longtemps... chacun sa vie...c'est du passé... nous devons passer à autre chose ... bonne continuation dans ta vie»
Ce ne furent que quelques phrases, juste des mots et pourtant ils me brisèrent avec violence, ce n'était qu'une courte réponse sans aucune compassion. Une douleur gigantesque s'empara de moi pour m'englober et m'étouffer.
Il m'avait brisée une fois de plus.
Je conservai le mail dans mon bureau juste pour me rappeler qu'il n'y avait rien à espérer de lui. Il avait tourné la page et je n'étais plus rien à ses yeux, juste un lointain mauvais souvenir.
Comment pouvait-on tourner la page sur son enfant ? Comment pouvait-il me faire ça ?
Le soir, je pleurai abondamment puis la douleur s'apaisa. Elle disparut petit à petit grâce à mon nouveau voisin, Aaron. Cette histoire de mail se déroula alors que je venais de débarquer dans notre nouveau quartier.
Aaron sut me faire oublier ma déception sans même déceler ma souffrance.
Il s'intéressa à moi alors que j'étais au plus mal. Je me sentais tellement déprimée et rejetée par tout le monde que ma rencontre avec lui me fit tout oublier.
Je n'étais pas repoussée par lui. Il recherchait même ma compagnie.
Un soir, je lui avais raconté l'histoire du mail de mon père. Il avait écouté en silence, sans me couper ni me juger. Il avait compris ma déception si facilement. Il m'avait alors dit avec sincérité:
-Tu sais, tous les mecs ne sont pas comme lui.
Aaron était arrivé dans ma vie comme un chevalier servant au moment où j'étais au plus mal, au moment où j'étais vulnérable, à l'instant où je détestais tous les garçons de la terre entière.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top