Chap 49 : pdv Edwige (passé)

    Madame « chambre 49 » avait toujours un sourire sur les lèvres, sourire qui peu à peu perdait tout son sens, car personne ne savait s'il avait sa raison d'exister.

Peut-être était-ce une apparence, une façon maladroite de cacher sa peine ?

Madame « chambre 49 » avait beau avoir deux fils et une fille, seule celle-ci daignait lui rendre visite une fois par mois, sa montre sous les yeux, un portable à la main et le regard désabusé. Sans surprise, ces visites n'attiraient aucune jalousie parmi les pensionnaires de la maison de retraite.

Madame « chambre 49 » avait appris à cacher ses émotions, à garder la face, à sourire même si celui-ci n'était pas sincère. Elle avait été éduquée comme cela, faire bonne figure, donner l'apparence d'un bien-être parfois illusoire.

Récemment, madame Edwige s'était amusée à surprendre certaines de leurs conversations, à force de rester seule de longues heures dans la chambre d'à côté. Elle avait constaté que ce n'était pas la joie dans la vie de sa voisine de couloir. Cette constatation l'aurait auparavant indifférée, mais maintenant, tout était différent.

Il y avait Auréa.

Rien n'était plus pareil depuis que la petite fille lui rendait visite et appréciait sa compagnie.

Ce matin-là, Edwige décida qu'il n'y avait pas d'âge pour évoluer, pour changer d'attitude. Il ne suffisait pas d'avoir de belles idées. Il fallait aussi mettre tout en œuvre pour les réaliser.

Hésitante, Edwige se déplaça jusqu'à la porte d'à côté. Celle-ci était restée ouverte comme souvent.

-Bonjour voisine, je m'appelle Edwige.

Madame « chambre 49 » leva la tête avec surprise, installée dans son fauteuil, un album photo posé sur les genoux.

-Je sais parfaitement comment vous vous appelez, répondit-elle en retirant ses lunettes pour mieux l'observer.

-En fait, je me suis présentée parce que j'espérais que vous vous présentiez aussi.

-Nous sommes voisines depuis plusieurs années. Vous devriez connaître mon prénom tout comme moi, je connais le vôtre.

Silence.

-Je m'appelle Lys. Que me vaut votre visite ? D'habitude, vous m'ignorez.

Edwige la contempla un peu mal à l'aise puis lâcha la bombe.

-Ne pensez-vous pas qu'il serait temps de demander à Nell de venir vous rendre visite ?

-De quoi parlez-vous ?

-Je vous parle de Nell, votre petite fille.

-Qui vous a parlé d'elle ?

-Vous, indirectement.

-Vous osez écouter aux portes !?

-On s'occupe comme on peut dans une maison de retraite.

-Je n'arrive pas à y croire ! s'exclama madame Lys, indignée.

-Pourquoi ne demandez-vous pas à Nell de venir vous visiter ?

-Nell ne quitte que très rarement sa chambre. Elle ne veut pas venir ici.

-Sa maman vient pourtant vous visiter. Cela lui ferait du bien de l'accompagner.

-Nell est déprimée. Elle ne va pas bien. Venir ici ne l'aiderait pas à aller mieux.

-Je suis persuadée du contraire.

-Mais de quoi vous mêlez-vous ? Vous êtes encore plus impolie que je ne le pensais.

-Lui avez-vous demandé de venir ? Peut-être croit-elle que vous ne voulez plus la voir ?

-Bien sûr que je veux la voir. Ma petite fille me manque énormément.

-Nell a besoin de sa grand-mère. Venir ici lui ferait beaucoup de bien, j'en suis convaincue.

-Depuis ce qu'elle a subi à l'école, elle reste cloitrée chez elle. 

-Mais elle n'a que dix ans. Ce n'est pas une vie pour une fillette de cet âge.

-Je le sais.

-Quel est son numéro ? Lui avez-vous téléphoné récemment pour lui dire que vous l'aimez et que sa présence vous manque ?

-Non, je ne peux pas l'appeler. Elle ne veut parler à personne. Je ne veux pas lui forcer la main ... elle est si fragile ...

-Où se trouve son numéro de portable?

-Quoi ? Vous allez l'appeler ?

-Bien sûr que je vais l'appeler.

Edwige repéra un petit carnet brun posé sur la table de chevet. Elle s'en empara aussitôt.

-Vous êtes insupportable ! Pour qui vous prenez vous ? s'écria Lys.

Edwige pianota le numéro sur le téléphone de la chambre 49, ignorant les cris de sa voisine totalement décontenancée par le grotesque de la situation.

Le silence retomba enfin dans la pièce lorsque la tonalité retentit, irrattrapable.

Edwige lui tendit le combiné tout en souriant.

-C'est maintenant ou jamais ! lança Edwige.

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