Chap 44 : pdv Aaron (présent)

   Souvent, j'avais peur. C'était un sentiment d'insécurité qui me poursuivait depuis des années et que je n'arrivais pas à déchiffrer.

Quelque chose n'allait pas chez moi, j'en avais la certitude.

Je ressentais une tempête dans ma tête, j'entendais une petite voix dans mon cerveau qui me rendait fébrile, qui me faisait croire que le monde entier se moquait de moi, que je n'avais pas d'importance, que tout le monde me laisserait tomber un jour ou l'autre. Ce n'était qu'une question de temps.

Parfois, je me sentais surpuissant puis le lendemain, j'avais l'impression d'être inutile et misérable.

Je n'arrivais pas à me sentir apaisé et heureux. Pourtant, j'essayais.

J'avais un souci, mais lequel exactement ? Mes parents n'avaient jamais été francs avec moi. J'avais alors éludé la question, tout comme eux et cela ne m'avait pas aidé à m'épanouir.

Au fond, peut-être que je n'avais pas envie de connaître la vérité ? Serait-elle trop difficile à accepter ?

Avant, lorsque j'étais plus jeune, j'allais voir un médecin régulièrement.

Je me souvenais vaguement de lui : un vieux monsieur avec des cheveux gris et une barbe mal entretenue, qui sentait le fenouil à plein nez.

J'étais impressionné par sa blouse blanche. Il me posait des tas de questions qui me stressaient et qui me perturbaient. Lorsque j'allais le voir, j'étais craintif pour mon avenir, je m'en sentais envahi par des idées noires. J'avais peur d'aller encore plus mal et de ne jamais guérir. Cela ne me donnait pas envie de grandir et pourtant, je n'avais pas le choix.

Je ne comprenais pas pourquoi je devais aller le visiter si souvent. Personne ne m'expliquait jamais rien. L'ignorance me pesait. Je me mettais parfois à pleurer dans les bras de ma mère. Maman, inquiète, me questionnait pour comprendre mes larmes. Je n'arrivais jamais à donner un sens à celles-ci. J'étais juste apeuré de ne pas comprendre pourquoi j'allais voir ce monsieur. J'avais besoin qu'on me fournisse des explications, que mes parents m'apaisent, mais ils ne le faisaient pas.

Un jour, le médecin avait parlé de trouble de la personnalité. C'étaient ces mots qui avaient tout bouleversé. Mes parents n'avaient pas supporté de les entendre.

Ils s'étaient disputés avec le thérapeute et m'avaient expliqué que les psychiatres étaient des charlatans, qu'ils essayaient de ruiner la réputation de notre famille, de me faire avaler des pilules alors que ce n'était pas nécessaire. Ils s'étaient mis à en vouloir à la terre entière. Je n'avais pas vraiment compris leur colère démesurée.

Je me rappelais de leurs cris et de leurs discussions animées.

Maman n'arrêtait de dire que j'étais parfait, que j'étais en bonne santé et qu'ils se trompaient sur mon compte.

J'avais alors tout mis en œuvre pour essayer de rendre cela réel : ne pas être bizarre, ne pas dénoter, rester discret. Je m'épuisais à jouer un rôle partout où je me rendais. Il n'y avait qu'avec Son Goku que j'osais être moi-même.

Brusquement, je n'avais plus dû me rendre chez le fameux médecin.

Ma mère avait une amie dans le quartier avec qui elle déjeunait tous les mardis. Suzanne était médecin généraliste et maman s'était mise à lui demander des prescriptions pour moi. Les rendez-vous chez le docteur « Fenouil » avaient été annulés et abandonnés pour une durée indéterminée.

Suzanne remettait des ordonnances à ma mère sans jamais discuter avec moi, sans me poser une seule question. Tant mieux, je n'aimais pas me retrouver face à un médecin. Elle obéissait à ma mère même si ce n'était pas normal. Les médicaments que je prenais n'étaient pas anodins. Je devais normalement être suivi par un psychiatre, mais cette option n'était plus envisageable pour mes parents.

Ma mère s'était mise à se rendre à la pharmacie dans une ville à plusieurs kilomètres de notre domicile. Elle se cachait de nos voisins, de nos amis, de la famille. Personne ne pouvait savoir que j'étais sous médication. Je ne le réalisais pas vraiment à cette époque, mais ma santé mentale était soignée avec négligence et avec honte.

J'étais devenu spécialiste pour faire croire au monde entier que j'étais un enfant parfait. Je le faisais surtout pour rendre le sourire à ma mère et pour satisfaire mon père.

Ils souhaitaient un enfant parfait, j'allais tout faire pour réaliser ce rêve, même si cela me rendait malheureux.

Pourtant, j'avais un problème. Son Goku le savait aussi. Je lui avais parlé du docteur « Fenouil », de la colère de mes parents, des ordonnances achetées dans une autre ville. Il savait tout.

La plupart du temps, mon pote faisait comme si tout allait bien. Je n'avais pas envie d'en parler de toute façon et il le comprenait parfaitement. Il respectait que cette facette de ma vie fut compliquée et taboue. Pourtant, il avait fini par aborder le fameux sujet récemment.

Mon ami s'était interrogé sur mon comportement instable et sur ma colère indomptable. J'avais changé depuis quelque temps.

Il m'avait demandé s'il y avait « autre chose ».

C'était la bonne question à poser, celle qui était vraiment importante.

Je l'avais traité de débile juste pour garder de la contenance, mais au fond, il avait raison. Son Goku avait un flair surprenant. Je n'arriverais pas à le duper longtemps.

Il y avait une ombre qui se libérait en moi et qui devenait incontrôlable.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top